Histoire des Météores/Chapitre 6

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chapitre vi.
le magnétisme.

Le berger du mont Ida. — La ville de Magnésie. — Pierre d’aimant. — Passage de Lucrèce. — Anneaux de fer de Platon. — Tombeau de Mahomet. — Aimantation naturelle et artificielle. — Pôles, axe et ligne moyenne des aimants. — Lois régissant les attractions et les répulsions magnétiques. — Influence magnétique de la terre. — Fantôme magnétique. — Boussole. — Origine de l’aiguille aimantée. — Esprit qui indiquait le sud aux Chinois. — Grenouille ou calamité. — Révolution produite par la boussole dans la navigation. — Déclinaison et inclinaison de l’aiguille aimantée. — Influence des aurores polaires, des éruptions volcaniques, des tremblements de terre et de la foudre sur les mouvements de l’aiguille aimantée. — Faits curieux.

I.

Selon Pline, c’est le hasard qui fit reconnaître dans l’aimant la propriété d’attirer le fer. Un berger du mont Ida, nommé Magnès, ayant enfoncé dans la terre son bâton armé d’une pointe de fer, ne put l’en retirer. Étonné, il creuse la terre autour du bâton et le trouve retenu par un excellent aimant.

On croit cependant plus généralement que le nom latin de l’aimant, magnes, est dérivé du nom de Magnésie, ville de Lydie, située au pied du mont Sipyle, où l’aimant se rencontre en abondance.

« Examinons maintenant, dit Lucrèce, en vertu de quelle loi naturelle le fer peut être attiré par cette pierre que les Grecs ont nommée, dans leur langue, magnétique, du nom des Magnésiens, dans le pays desquels on la trouve :

Fig. 20. — Aimantation par influence.

« Cette pierre est une merveille pour les hommes ; elle a la propriété de former une chaîne d’anneaux suspendus les uns aux autres sans aucun lien. On voit quelquefois jusqu’à cinq chaînons et même plus s’abaisser en ligne droite, flotter au gré de l’air, attachés l’un sous l’autre et se communiquant mutuellement la vertu attractive de la pierre, tant la sphère de son activité est étendue. » (Liv. VI.)

L’aimant a été regardé pendant longtemps comme une pierre qui avait la propriété d’attirer le fer, et la trace de cette opinion s’est conservée dans le langage vulgaire, qui le désigne encore par le nom de pierre d’aimant. On aura jugé de cette substance par les particules pierreuses dont elle est souvent mélangée, et qui y sont purement accidentelles.

Fig. 21. — Faisceau aimanté en fer à cheval.

On vient de le voir par le passage de Lucrèce, la vertu attractive que l’aimant exerce sur le fer était connue des anciens ; ils avaient même remarqué qu’il communique au fer la propriété d’attirer un autre fer. Dans l’Ion, Platon décrit cette fameuse chaîne d’anneaux de fer suspendus les uns aux autres, et dont le premier tient à l’aimant ; Lucrèce fait de plus mention de la propagation de la vertu magnétique au travers des corps les plus durs.

M. Jamin, de l’Institut a mis sous les yeux de l’Académie[1], deux puissants aimants : l’un, de dimension moyenne, pèse 6 kilogrammes et en porte 80 ; l’autre, qui est sans contredit le plus puissant qu’on ait jamais construit, porte environ 500 kilogrammes, avec un poids dix fois moindre. Voici comment il est construit : Deux armatures, pesant chacune 16 kilogrammes, placées vis-à-vis l’une de l’autre, sont fixées solidement par des brides de cuivre très résistantes ; leur largeur est de 11 centimètres ; leurs surfaces polaires horizontales, et dirigées vers le bas, sont à 12 centimètres de distance ; leur épaisseur transversale est de 20 millimètres ; elles sont bien dressées, et reçoivent un contact cubique de fer doux qui pèse 13 kilogrammes. À partir de ces surfaces, les armatures s’élèvent, en s’écartant l’une de l’autre et en s’amincissant, et se terminent par un bord tranchant. Elles sont réunies vers le haut par une lame d’acier de 1m,20, fixée par des vis sur leur surface extérieure, et qui se recourbe librement suivant la forme déterminée par son élasticité. Toutes les autres lames, préalablement aimantées, sont mises à l’intérieur de celle-ci, l’une après l’autre ; abandonnées à elles-mêmes, elles se collent l’une à l’autre pendant que leurs extrémités appuient sur les armatures. La force portative croît à mesure que leur nombre augmente.

Cet aimant si extraordinaire est propre à rendre vraisemblables bien des fables basées sur la puissance des substances possédant cet agent physique. D’après une erreur populaire qui persiste encore, le tombeau de Mahomet serait un coffre de fer suspendu à la voûte de la grande mosquée de Médine par un puissant aimant.

On a attribué à l’aimant des propriétés médicales merveilleuses ; on a surtout signalé ses bons effets pour les maux de dents, la goutte, les maladies convulsives, etc.

II.

Jusqu’à Coulomb on avait cru que le fer seul était attirable à l’aimant. Ce physicien admit que tous les corps terrestres sont doués de la même propriété, mais à des degrés inégaux. Il perfectionna la méthode d’aimantation, et professa que les phénomènes magnétiques sont dus à un agent analogue à celui de l’électricité.

On appelle aimants naturels les aimants que l’on rencontre dans la nature, et aimants artificiels ceux auxquels on communique leur propriété.

Pendant longtemps on ne connut pas d’autres substances magnétiques que le fer et le fer oxydé, dont nous avons parlé ; on sait maintenant que le nickel et le cobalt sont dans le même cas, et que l’état de mouvement peut développer du magnétisme dans la plupart des autres substances.

Fig. 22. — Limaille de fer portée par un aimant.

L’acier, jouissant de la propriété de recevoir facilement et de bien conserver la puissance magnétique, est la substance que l’on emploie ordinairement pour se procurer des aimants artificiels.

Si l’on approche un aimant de la limaille de fer, on remarque certains centres d’action vers lesquels la limaille se dirige de préférence. Ces points prennent le nom de pôles. Chaque aimant en possède au moins deux, mais en manifeste souvent un plus grand nombre.

La ligne droite qui passe par les deux pôles d’un aimant s’appelle son axe ; on nomme ligne moyenne celle qui est entre les deux pôles, et sur laquelle la puissance magnétique paraît nulle. Dans un aimant régulier, la ligne moyenne partage la longueur de cet aimant en deux parties égales.

Il est facile de constater l’existence de cette ligne ; il suffit pour cela de rouler un aimant dans de la limaille de fer : on apercevra alors un espace, situé entre les deux pôles et faisant le tour de l’aimant, sur lequel la limaille n’a pu se fixer, tandis que de part et d’autre de cet espace les quantités de limaille attirées vont en augmentant jusqu’aux extrémités. On voit aussi par cette expérience que la puissance magnétique croît de la ligne moyenne aux extrémités de l’aimant.

III.

Lorsqu’on suspend horizontalement deux aiguilles aimantées dans un même lieu, à une distance suffisamment grande, elles prennent des directions sensiblement parallèles.

Mais si l’on présente les extrémités de l’une d’elles successivement aux deux extrémités de l’autre, on reconnaîtra que les extrémités des aiguilles qui se dirigent vers le même point de l’horizon se repoussent, et que celles qui se dirigent vers le point opposé s’attirent.

On peut donc formuler la loi suivante : Dans les aimants, les mêmes extrémités ou les mêmes pôles se repoussent, et les extrémités ou les pôles contraires s’attirent.

Ces attractions et ces répulsions magnétiques s’affaiblissent en raison directe du carré des distances ; si les distances sont 1, 2, 3, 4, etc., les attractions et les répulsions seront 4 fois, 9 fois, 16 fois, etc. moindres.

On a donné le nom d’agent magnétique à la cause de ces attractions et de ces répulsions, et l’on a admis l’existence de deux agents magnétiques, de même que l’on a admis l’existence de deux agents électriques, et comme la terre se comporte dans les phénomènes magnétiques, ainsi qu’un puissant aimant ayant des centres d’action situés vers le pôle boréal et vers le pôle austral, on a appelé l’un de ces agents magnétisme boréal et l’autre magnétisme austral, et les centres d’action des mêmes agents dans un aimant ont reçu les noms de pôle boréal et de pôle austral.

Les mêmes pôles se repoussant, il s’ensuit que le pôle boréal d’un aimant est celui qui se tourne vers le sud, et le pôle austral celui qui se tourne vers le nord.

L’action que la terre exerce sur un aimant n’ajoute rien à son poids ; il suffit pour s’en convaincre de peser une aiguille avant de l’aimanter et après cette opération, les deux pesées donneront le même résultat.

La terre, qui est un grand aimant, présente une ligne moyenne où l’attraction est nulle ; on nomme cette ligne équateur magnétique, parce qu’elle partage la terre en deux hémisphères magnétiques.

Fig. 23. — Fantômes magnétiques.

Cet équateur ne se confond point avec l’équateur terrestre, mais le coupe en plusieurs points ; d’ailleurs il n’est pas constant.

L’influence de la terre sur les faits d’aimantation peut s’exercer dans un grand nombre de circonstances. Si l’on prend, par exemple, une aiguille aimantée, et qu’on l’approche sur son pivot de la pelle ou de la pincette du foyer, ou de l’espagnolette d’une croisée, on verra le même pôle attiré par une extrémité de la barre et repoussé par l’autre.

Il serait même difficile de trouver un seul morceau de fer ou d’acier qui ne donnât des signes semblables de magnétisme.

Cette aimantation par influence est plus frappante encore lorsque, après l’avoir constatée dans une barre de fer tenue dans une position verticale, on retourne celle-ci sens dessus dessous ; car alors ses extrémités changent de pôle en même temps que de position.

On appelle fantôme magnétique, les figures que l’on obtient en projetant sur une lame de verre, sous laquelle on a placé un aimant, une poudre magnétique, telle que de la limaille de fer ou la battiture de ce métal réduite en poudre. On obtient ces figures dans toute leur beauté en employant un verre mince, qui favorise l’action de l’aimant, et en imprimant au verre quelques chocs légers, qui déterminent des vibrations propres à soustraire momentanément la limaille à l’action de la pesanteur.

IV.

Une des applications les plus belles et les plus fécondes en résultats qui aient été faites des propriétés magnétiques, c’est la boussole, guide des navigateurs à travers les écueils et les tempêtes de l’Océan.

Cet instrument se compose de deux parties. La première est une boîte dont le fond est occupé le plus ordinairement par une plaque de cuivre, sur laquelle sont marqués les points cardinaux et les rumbs des vents ; au centre s’élève un pivot d’acier poli.

Fig. 24 — Boussole de déclinaison.

La seconde partie de la boussole, et qui en est la partie essentielle, consiste en une aiguille fine d’acier aimanté, munie dans son milieu d’une chape (on appelle ainsi une petite cavité creusée ordinairement dans une pierre d’agate). La chape reçoit la pointe du pivot sur lequel l’aiguille peut tourner librement dans une position horizontale.

L’aiguille aimantée fut connue en Chine bien avant de l’être en Europe. Il résulte de documents authentiques, que plusieurs siècles avant notre ère les Chinois faisaient déjà usage de cette aiguille pour se diriger sur le continent.

On lit dans un de leurs ouvrages, qu’un souverain de ces pays conduisit son armée à travers les montagnes inexplorées, sans jamais s’écarter de la route, parce qu’il avait sur son char un esprit qui lui indiquait toujours le sud.

Le peuple chinois, d’abord confiné au nord, poussa successivement ses conquêtes dans les contrées du sud. C’est pourquoi le pôle de l’aiguille aimantée qui se dirige vers ce point cardinal dut naturellement et de préférence fixer son attention, puisque indiquait la position des pays vers lesquels ce peuple cherchait à étendre sa domination.

Les premières boussoles ne consistaient qu’en une aiguille aimantée, soutenue par un corps flottant à la surface de l’eau dans un vase. Cette boussole grossière était connue des navigateurs sous le nom de grenouille ou calamite.

Flavio de Gioa eut l’idée, en 1303, de donner plus de précision aux indications de l’aiguille aimantée, en la suspendant sur la pointe d’un pivot fixe. C’est sans doute ce perfectionnement qui porta quelques-uns à regarder Gioa comme l’inventeur de la boussole.

De ce perfectionnement date la hardiesse des navigateurs dans leurs entreprises. C’est alors que Christophe Colomb fait connaître un nouveau monde ; que Vasco de Gama découvre une route nouvelle pour les Indes en doublant le cap des Tempêtes, qui a changé son nom en celui de Bonne-Espérance.

Les Français ajoutèrent plus tard à la boussole la rose des vents, ainsi que le témoigne la fleur de lis qu’on retrouve marquant le nord dans les boussoles les plus anciennes.

V.

Une aiguille aimantée, suspendue horizontalement, va à peu près du nord au sud ; nous disons à peu près, car à Paris, par exemple, la partie australe de l’aiguille décline vers l’ouest, et si l’on imagine un plan passant par les deux pôles de l’aiguille en repos et par le centre de la terre, ce plan fera avec le méridien terrestre un angle de 22 degrés, qui est ce que l’on appelle la déclinaison de l’aiguille aimantée pour Paris.

Le plan qui contient ainsi la direction de l’aiguille horizontale, abandonné librement à l’action magnétique du globe dans un lieu, se nomme le méridien magnétique de ce lieu.

Voici la déclinaison observée à Paris à diverses époques :

Années 1580 11 degrés 30 secondes Est
1618 8
1663 0
1678 1 degrés 30 secondes Ouest
1700 8 10
1785 22
1821 22 29
1835 22 4
1864 18 57

L’annuaire pour l’an 1868, publié par le bureau des longitudes, fait remarquer qu’au mois de juin 1865, on a posé sous le sol du jardin de la Maternité, des tuyaux de conduite pour le gaz d’éclairage ; que ces tuyaux, qui passent à trois mètres environ du pilier en pierre qui servait de support aux boussoles de déclinaison et d’inclinaison, exercent une influence très sensible sur les aiguilles, et qu’il n’est plus possible de compter désormais sur l’exactitude des résultats qui se déduiraient des observations magnétiques faites dans de telles conditions.

La déclinaison observée à Paris n’est pas la même dans tous les autres lieux de la terre ; elle n’est d’ailleurs point constante dans un même lieu ; occidentale aujourd’hui à Paris, elle y a été autrefois orientale comme on vient de le voir.

Mais ces grandes variations ne s’accomplissent que dans des temps assez longs, comme des années et même des siècles, et semblent tenir à un déplacement progressif des pôles mêmes du globe.

Ce fut Christophe Colomb qui, en 1492, observa pour la première fois la déclinaison de l’aiguille aimantée, lorsque poursuivait, à travers l’Océan, la découverte du nouveau monde. Ce sont les navigateurs hollandais, en 1599, d’après les ordres du prince de Nassau, qui dressèrent les premières tables un peu précises relatives à ce phénomène important.

Un autre phénomène remarquable, c’est l’inclinaison de l’aiguille aimantée. En 1576, Robert Norman, constructeur d’instruments à Londres, avait constaté qu’il lui fallait toujours pour maintenir l’aiguille de la boussole dans une position horizontale, après qu’elle avait reçu la vertu magnétique, ajouter un petit contre-poids à la partie qui se dirigeait vers le sud, ou diminuer la masse de l’autre partie. Cette observation lui inspira l’idée de suspendre une aiguille aimantée par son centre de gravité même, sans rien ajouter et sans rien ôter à sa masse.

L’aiguille abandonnée de cette manière à l’action libre du magnétisme terrestre prit, en se plaçant dans le méridien magnétique, une position fortement inclinée à l’horizon. Cette inclinaison est à Paris de 70 degrés environ.

L’inclinaison est d’autant plus grande, que l’on s’approche davantage des pôles magnétiques du globe. À ces pôles mêmes, si l’on pouvait y parvenir, on verrait l’aiguille prendre une position verticale ; vers l’équateur, l’inclinaison est nulle.

Dans l’hémisphère boréal, c’est le pôle austral de l’aiguille qui s’incline vers la terre ; le contraire a lieu dans l’hémisphère austral. Ces phénomènes sont faciles à prévoir quand on sait quel genre d’action les pôles magnétiques du globe exercent sur les pôles d’une aiguille.

Outre les variations séculaires, la déclinaison et l’inclinaison de l’aiguille aimantée sont soumises, dans chaque lieu, à des variations périodiques, annuelles et diurnes, dont les causes ne sont pas mieux connues que celles des variations séculaires.

VI.

Des causes accidentelles font encore subir à l’aiguille aimantée des variations subites et irrégulières, que l’on nomme des perturbations.

Plusieurs navires, le vaisseau français Henri-Quatre, un vaisseau turc, l’Astrologue, le bateau à vapeur la Trébisonde, étaient venus s’échouer tour à tour dans les environs de Sinope, et chaque fois il fut constaté que l’accident était dû à des erreurs de marche causées par de fausses indications des boussoles, dont les aiguilles avaient subi une déviation anormale.

Une exploration récente et de nombreuses expériences ont prouvé que le long d’une zone d’environ 100 kilomètres, ayant pour point central le cap Indje et s’étendant presque jusqu’à Sinope, il existe une mine très riche de fer, constituée par des rognons enfermés dans une gangue calcaire, et que l’attraction exercée par cette masse ferrugineuse, fait réellement subir aux aiguilles des boussoles une déviation notable.

On appréhende assez ces phénomènes pour s’en préoccuper.

Quand l’atmosphère est claire, près du Spitzberg, les contours des montagnes sont si bien définis, les contrastes entre l’ombre et la lumière si frappants, que les navigateurs les plus habitués à juger des distances dans d’autres contrées se trompent grossièrement et croient, par exemple, être seulement à quelques encablures de terre lors même qu’ils en sont encore éloignés de plusieurs lieues.

Scoresby explique par cette illusion ce qu’on raconte de Mogens Herson, qui avait été envoyé par Frédéric II, roi de Danemark, à la recherche du Groënland.

Ce navigateur, qui jouissait dans son temps d’une grande réputation, arriva en vue de la côte, et se croyait près de l’atteindre ; mais, ayant trouvé que plusieurs heures de marche par un bon vent ne lui avaient pas fait franchir un espace qu’il supposait très petit, il crut que des pierres d’aimant situées au fond de la mer retenaient son navire ; pour échapper à ce danger imaginaire, il vira de bord, et retourna en Danemark sans avoir débarqué.

Dans une lettre au bureau du commerce, le président de la Société royale de Londres faisait remarquer que depuis quelques années, le nombre des vaisseaux construits en fer dépassait beaucoup celui des vaisseaux en bois ; l’accroissement a été surtout sensible pour les bâtiments à vapeur qui transportent les voyageurs. Dans ces vaisseaux on emploie maintenant le fer non seulement dans la construction de la coque, mais encore dans celle des ponts, des chambres, des mats, des agrès et de beaucoup d’autres parties pour lesquelles on se servait encore de bois il n’y a que peu de temps ; il en est résulté des déviations très considérables des aiguilles, qui sont probablement la cause de la perte de beaucoup de bâtiments en fer que l’on a eu également à déplorer depuis lors.

VII.

Il est donc important d’avoir recours aux indications de la science pour corriger ces erreurs.

Entre toutes les causes qui paraissent pouvoir troubler les mouvements de la boussole, l’aurore boréale est la plus puissante.

Les éruptions des volcans, les tremblements de terre et surtout la chute de la foudre dans le voisinage d’une aiguille aimantée, exercent aussi sur sa direction une influence plus ou moins sensible.

Quelquefois on a vu la foudre, tombant sur un vaisseau, détruire ou du moins altérer le magnétisme des aiguilles de la boussole, et même renverser les pôles, c’est-à-dire aimanter l’aiguille en sens contraire.

Les indications trompeuses résultant d’un pareil renversement peuvent devenir funestes aux navigateurs. Des marins ainsi trompés par les fausses indications de leurs instruments se sont précipités sur des écueils dont ils croyaient s’éloigner à toutes voiles.

Si quelquefois l’électricité atmosphérique enlève la vertu magnétique aux aiguilles qui la possèdent, elle peut aussi la développer de la manière la plus intense dans des pièces de fer ou d’acier où elle était auparavant insensible.

La foudre étant tombée dans la boutique d’un cordonnier en Souabe, y aimanta tellement tous ses outils, que ce pauvre artisan ne pouvait plus s’en servir. Il était sans cesse occupé à débarrasser son marteau, ses tenailles, ses tranchets des aiguilles, des clous et des alènes qu’ils attiraient à eux.

Lorsque le paquebot le New-York arriva de Liverpool, en mai 1827, après avoir été frappé deux fois de la foudre, on reconnut que les clous des cloisons et des panneaux brisés, que les ferrures des mats tombés sur le pont, que les couteaux et les fourchettes, ainsi que les pointes d’acier des instruments de mathématiques possédaient un magnétisme très prononcé.

Fig. 25. — Construction du navire Argo, d’après un bas-relief antique.
  1. Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1873, 1er semestre.