Histoire des Vampires/I/Chapitre II

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CHAPITRE II.

Des Apparitions chez les peuples anciens.

Un Vampire est un mort qui sort du tombeau, un revenant matériel qui apparaît, qui tourmente, qui annonce la mort, qui la donne, et contre qui il faut procéder.

Il n’est pas besoin de dire que les apparitions ont été des objets sacrés de croyance chez toutes les nations anciennes. Dans l’enfance des peuples, c’est à dire à toutes les époques d’ignorance et de barbarie, les hommes vivant isolés ont eu des terreurs et aussitôt des superstitions.

Ils trouvaient dans leurs cœurs la certitude de l’existence d’un Dieu ; mais le sentiment du libre arbitre (qui ne peut exister si le monde n’est mêlé de biens et de maux, de vices et de vertus) était d’une métaphysique trop profonde pour frapper des âmes grossières. Ils imaginèrent un génie méchant qui présidait à tous les maux de la terre, et qui était en continuelle opposition avec Dieu, auteur du bien, créateur et conservateur de la nature ; ils donnèrent à ce mauvais génie des esprits subalternes, exécuteurs de ses ordres. Ces esprits envoyaient les tempêtes, les météores, les orages ; mais ils ne se montraient que la nuit, parce qu’ils redoutaient Dieu, beaucoup plus puissant qu’eux. Les habitans des côtes de la Bretagne, qui peuvent encore nous donner une idée des peuples enfans, conservent toutes ces opinions. Chez eux l’homme rouge parcourt la nuit les bords de la mer, et y précipite l’imprudent qui ose affronter son approche ; le fantôme volant déracine les arbres, renverse les chaumières. Mille spectres semblables sèment l’effroi autour des cabanes. Au murmure des vents, au bruit lointain des vagues agitées, le paysan breton mêle, dans son esprit troublé, les cris d’un malheureux que les démons étouffent ou qu’ils entraînent au sein des flots. Il est probable que tous les peuples anciens eurent des idées pareilles.

Or lorsqu’un individu égaré périssait sous la main des brigands, ou sous les coups de la tempête, ou par tout autre accident, on publiait qu’un mauvais génie l’avait tué. On inventa même des anges de la mort, des démons, qui venaient prendre et emporter l’être qui partait de ce monde. On ne croyait donc pas que la mort fût un anéantissement total : on savait déjà que l’âme survit à sa dépouille ; de là au système des revenans il n’y eut qu’un pas. L’âme qui avait été arrachée à de tendres affections venait gémir autour des lieux qu’elle avait chéris. L’ombre du méchant venait effrayer ses ennemis, les tourmenter, leur annoncer la mort.

Lorsque la sorcière d’Endor fait paraître Samuël devant Saül le fantôme dit au roi : Demain toi et tes fils vous viendrez me rejoindre. Il est certain qu’alors la foi aux apparitions était répandue chez les Juifs, puisque Saül demande une femme qui sache évoquer les esprits ou revenans.

Anchise se montre à son fils dans l’Enéide ; Romulus apparaît après sa mort ; il y a des apparitions dans Homère et dans tous les monumens anciens ; et sans doute parmi les spectres d’alors il y avait déjà des Vampires, puisqu’on leur offrait du sang. Lorsqu’Ulysse évoque l’ombre de sa mère, il lui fait boire du sang de bélier noir ; et toutes les autres ombres sont si avides de ce régal qu’il est obligé de les éloigner avec violence pour laisser à Anticlée tous les plaisirs du festin.