Histoire des doctrines économiques/1-5-2

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l’emprunteur, fût nul et dépourvu d’action, si les parties n’avaient pas exprimé dans le contrat lui-même la destination que les fonds devaient recevoir.


II

COLBERT

Colbert, « le seul ministre, a dit Blanqui, qui ait eu un système arrêté, complet et conséquent dans toutes ses parties[1] », appartient de plus près à l’économie politique[2]. Né à Reims en 1619, il avait débuté dans les bureaux du secrétaire d’État, Michel Le Tellier, et avait été intendant de Mazarin. En 1662, à la chute de Fouquet, avec lequel le titre de surintendant des finances disparaissait, Colbert fut nommé contrôleur général des finances[3]. Le département de la marine lui fut aussi confié en 1669, et il demeura ainsi aux affaires jusqu’à sa mort, en 1683.

La politique économique de Colbert a été appréciée très diversement, et elle l’a été généralement avec beaucoup de défaveur depuis les physiocrates. Il faut bien dire aussi que les défauts de cette politique ont été notablement exagérés après Colbert et que le souvenir de ces abus postumes n’en a pas moins pesé sur lui.

Cherchons donc à dégager, le plus brièvement possible, les pensées maîtresses auxquelles lui-même obéissait et qu’il a eu la puissance d’imposer à la France, sinon jusqu’à la fin de l’ancien régime, au moins jusqu’au règne passager des « économistes ».

Il est difficile de contester le déclin dans lequel l’industrie française était tombée depuis les guerres de religion. La relever et par elle fournir des ressources au royaume, pour le succès de la politique extérieure de Louis XIV : tel était le but à atteindre ; mais quels moyens fallait-il employer ?

En fait, l’esprit public demandait avant tout des mesures prohibitives contre l’importation des tissus étrangers. On trouve déjà l’écho de ce sentiment dans les vœux des États Généraux de Blois en 1576, dans ceux de l’Assemblée du Châtelet en 1590, et dans ceux de la réunion des Notables à Rouen, en 1596, aussi bien que dans les vœux des Cours souveraines assemblées à Paris en 1648. Partout les importations de l’étranger sont dénoncées comme la cause du mal. Telle était aussi l’ignorance des conditions du commerce international, que Laffémas de Humont, en 1589, s’indignait à la pensée que les produits manufacturés introduits en France représentaient plus que la dépense de l’entretien des armées du roi d’Espagne[4] et que Richelieu lui-même, en 1626, proposait aux Notables de « bannir les changes supposés, dont le gain est si grand », en ajoutant que « en Espagne, Angleterre et Hollande, où le commerce est florissant, les changes sont défendus sous peine de confiscation et de grosses amendes[5] ».

D’autre part, la décadence avait coïncidé avec un relâchement dans l’application des règlements de métiers : de là à penser que ces règlements importaient à la prospérité de l’industrie, il n’y avait qu’un pas, et Colbert, comme ses contemporains, n’eut pas de peine à le franchir[6].

Son idéal fut donc une industrie nationale protégée et réglementée, pour que le peuple fût actif, pour que l’agriculture bénéficiât du voisinage de cette industrie florissante, et que l’une et l’autre, enrichies et prospères, pussent mieux payer les impôts dans une France où l’étranger aurait envoyé son or. Le mercantilisme dont Colbert fat la plus brillante expression et qui allait trouver un partisan convaincu dans le maréchal de Vauban, impliquait ainsi la défense d’exporter des métaux précieux, le développement de l’exploitation des mines d’or et d’argent, les obstacles à l’importation des produits étrangers, la protection du commerce d’exportation au moyen de Compagnies ; de traités et même de guerres de commerce, le devoir de l’État de susciter, de guider et de soutenir les industries qui pouvaient, en exportant leurs produits, attire, dans le pays l’or et l’argent des autres peuples : en un mot, l’émancipation économique de la nation et l’écrasement systématique des États concurrents.

De là les faveurs accordées aux ouvriers étrangers qui seraient venus apporter leur art en France, et de là les sévérités outrées contre les Français qui auraient porté le leur à l’étranger[7].

De là surtout l’élévation des tarifs contre les importations étrangères. Sur ce point cependant, il semble que Colbert n’ait pas été toujours le prohibitionniste étroit que nous voyons en lui à dater des premières difficultés soulevées avec la Hollande. Sans lui attribuer précisément un mémoire de 1651, dont l’origine est douteuse et qui rappellerait à s’y méprendre certaines idées de Bodin[8], il est certain que le tarif de douanes de 1664 est construit dans un esprit beaucoup plus large que celui de 1667.

Colbert ajoute tout un système d’encouragements en faveur de la grande industrie. En dehors des petits fabricants, disséminés un peu partout, organisés en communautés et en corporations dans les Villes, mais jouissant d’une entière liberté dans les campagnes[9], on voit surgir en assez grand nombre des manufactures, soit royales, soit simplement privilégiées. Les manufactures royales (si l’on excepte les Gobelins et la Savonnerie, vraies manufactures d’État ; qui correspondent à nos manufactures nationales de maintenant) étaient des entreprises privées qui avaient obtenu des lettres patentes du roi, dont le personnel, soit ouvrier, soit patron, jouissait de certaines exemptions et qui, en certains cas, obtenaient des dons ou des prêts, soit de la cassette du roi, soit des États de la province[10]. Les manufactures simplement privilégiées jouissaient de monopoles exclusifs : mais Colbert, convaincu que « les nouveaux établissements sont toujours avantageux aux peuples », aimait peu ces privilèges, qui, selon lui, « contraignent toujours le commerce et la liberté publique[11] ». Sa réserve, malheureusement, ne fut pas imitée par ses successeurs.

De plus certaines affirmations de sa correspondance, favorables à la liberté, paraissent se concilier difficilement avec beaucoup de ses actes, lui qui, en 1674, à propos des plaintes des fabricants d’Auxerre, se félicitait de l’émulation et de la concurrence parce qu’il y voyait le bien des ouvriers et du public[12], et qui auparavant déjà avait proclamé que « tout ce qui tend à restreindre la liberté et le nombre des marchands ne peut rien valoir[13] ». S’il en est ainsi, pourquoi donc fit-il remettre en vigueur les anciens règlements de fabrication ? et comment par exemple fit-il rédiger les édits de 1666 et de 1669 sur la fabrication des tissus, ainsi que l’instruction de 1671, en 317 articles, sur la teinture des laines[14] ? Il reste là pour nous comme des énigmes insolubles. Y avait-il donc en Colbert un si grand contraste entre le penseur et le législateur ?

Mais toutes ces mesures n’ont pas peu contribué au mouvement de réaction qui se dessina ensuite contre l’œuvre de Colbert, dans une période où, quoi qu’on fît, l’esprit réglementaire et corporatif ne pouvait aller qu’en s’éteignant[15].

Colbert était-il soutenu au moins par la pensée ; que le travail — le travail de manufacture ou d’atelier, faut-il dire, à la différence du travail agricole — fût un droit domanial et régalien, qu’il appartenait au roi de concéder d’après son bon plaisir[16] ? On l’a dit, on le répète encore, et nous pensons qu’il convient ici de discuter cette tradition[17].

Le Trosne, semble-t-il, contribua plus que personne à l’accréditer, par son livre de l'Administration provinciale et de la réforme de l’impôt, qui, publié en 1779, sortait probablement d’un mémoire antérieurement présenté à un concours de l’Académie de Toulouse[18]. Mais ce qui est plus grave, c’est que Turgot venait de consacrer lui-même cette fausse interprétation par le préambule de l’édit du 6 février 1776, lorsqu’il y avait parlé du temps où quelques personnes… annonçaient que le droit de travailler était un droit royal, que le prince pouvait vendre et que les sujets devaient acheter ». Or, quelles preuves pouvait-on donner ? À en croire Le Trosne (qui fut, du reste, secrétaire de Turgot), « ce fut Henri III qui déclara, en 1583, que le droit de travailler est un droit royal et domanial ». Toutefois un édit semblable de 1583 est inconnu : il est vrai seulement qu’Henri III, en décembre 1581, réunit au domaine, d’une manière définitive, des droits fiscaux qui avaient été perçus jadis par le roi des merciers pour l’exercice de certains commerces. Ainsi « la prétention que Le Trosne réprouve sans l’avoir comprise, se serait réduite à percevoir comme domaniale une redevance dont antérieurement profitait un officier[19] ». Mais cette redevance ne peut pas plus que notre patente moderne prouver le monopole régalien du droit de travailler. À l’encontre encore de Le Trosne[20], on doit donner une explication analogue de l’édit de Charles IX de 1571 (et non de 1577), par lequel le roi, en enlevant aux baillis et sénéchaux le pouvoir d’autoriser la traite des blés, avait revendiqué ce pouvoir comme « royal et domanial », ne pouvant être « communiqué à personne[21] ».

La question, pour le XVIIe siècle, doit être envisagée sous un tout autre aspect. Colbert ne la tenait point pour tranchée en principe ; seulement, de même que la loi moderne sur les brevets d’invention dépossède très réellement le public de son droit d’inventer et d’exploiter ses inventions, ainsi Colbert accordait aux créateurs de manufactures des privilèges qui prévenaient et empêchaient la concurrence.

L’idée d’un monopole régalien du travail ne saurait donc être, invoquée pour Colbert. Il se proposait même beaucoup plus d’acclimater l’industrie, que déplacer les industriels sous le pouvoir de l’État[22]. Lui-même, dans un mémoire au roi, résumait comme suit son système : « Réduire les droits à la sortie sur les denrées et les manufactures du royaume ; diminuer aux entrées les droits sur tout ce qui sert aux fabriques ; repousser par l’élévation des droits les produits des manufactures étrangères[23] ». Puis, en parlant aux négociants lyonnais des béquilles qu’il leur avait prêtées et qu’il comptait leur retirer plus tard, il révélait par ce mot que la question des droits éducateurs ne lui était point inconnue.

Mais ce qui le préoccupait avant tout et ce qui le poussait à développer l’industrie et la richesse, c’était-le souci des impositions à faire rentrer. Le ministre du trésor perçait donc sous ce que nous appellerions aujourd’hui le ministre du commerce, et la prospérité du pays, au lieu de lui apparaître comme un but, ne lui était guère qu’un moyen de servir la politique du grand roi[24].

C’est ici surtout que Colbert se révèle mercantiliste étroit et soupçonneux : pour lui, il n’y a que « l’abondance d’argent dans un État qui fasse la différence de sa grandeur et de sa puissance » ; il déplore les « 12 à 18 millions de livres qui sortent tous les ans du royaume, en denrées de son crû nécessaires pour la consommation de l’étranger[25] » ; il veut qu’on l’informe de l’entrée du numéraire lorsque quelque navire en apporte[26] ; et les peines les plus sévères continuent à frapper l’exportation des monnaies, sans que Colbert paraisse suffisamment se souvenir qu’une des plus grandes lois de la circulation internationale de la monnaie, révélée il y avait trois siècles déjà par Oresme, devait se jouer impunément de ses barrières et de ses douaniers.

À cet égard, en effet, on n’était pas sous Louis XIV beaucoup plus avancé qu’aux temps où l’ordonnance d’Orléans de 1561, élaborée par le chancelier de L’Hôpital, avait défendu, sauf pour les annales, de transporter de l’or et de l’argent hors du royaume, sous peine d’une amende quatre fois égale à la somme exportée.

Le plus grand mérite de Colbert ne fut donc pas, ici, d’apporter des idées nouvelles et d’autres principes, mais bien plutôt de savoir réaliser avec beaucoup d’intelligence et d’énergie un programme dont Henri IV déjà avait esquissé les grandes lignes dans son édit de 1603[27].

Comme mesures pratiques au point de vue du commerce, Colbert avait projeté là suppression des traites (ou douanes) intérieures : s’il ne put faire aboutir ce projet, il les simplifia tout au moins par l’abaissement des tarifs et par le groupement des provinces des cinq grosses fermes, non sans accepter toutefois, par une anomalie que nous ne comprenons guère, le système des pays à l’instar de l’étranger effectif et la distinction ; entre les frontières économiques de la France et ses frontières politiques[28]. Le commerce était également ; facilité par l’ouverture des voies de communication. L’entreprise du grand canal de Languedoc, œuvre immortelle de Biquet, la création de la poste aux chevaux, l’amélioration ou la construction d’un certain nombre de routes, la tentative de l’unification des poids et mesures, enfin le projet du canal de Bourgogne attestent l’active sollicitude que Colbert déployait dans cette partie de son programme d’administration. C’est la brillante période du siècle de Louis XIV et elle l’est surtout par Colbert.

La misère cependant était intense. Si les plaintes les plus retentissantes qui nous sont parvenues, celles de Vauban et de Boisguilbert, sont postérieures d’une quinzaine d’années à la mort du grand ministre[29], il n’en est pas moins vrai que cette misère datait de bien plus loin. Boisguilbert remonte à 1660 lorsqu’il calcule depuis quand les revenus annuels de la France avaient diminué de cinq à six cent millions de livres, et lorsqu’il expose que certains fonds ne sont pas au quart de leur valeur d’autrefois. Le déclin de l’agriculture, dit Boisguilbert, pesait lourdement sur l’industrie, car les personnes « qui avaient mille livres de rentes en fonds, n’en ayant plus que cinq cents, n’emploient plus ; des ouvriers que pour la moitié de ce qu’ils faisaient autrefois, lesquels en usent de même a leur tour à l’égard de ceux desquels ils se procureraient leurs besoins[30] ».

Mais le colbertisme ne songeait guère à l’agriculture. Les injustices du système fiscal, les vexations et l’arbitraire de la taille la ruinaient. C’était une période de concentration de la propriété foncière ; et au fur et à mesure que de petits domaines étaient absorbés par la grande propriété, les nouveaux acquéreurs obtenaient des exemptions ou des allégements de taille, qui alourdissaient encore le fardeau sur les épaules des paysans, bien que la taille dans son ensemble eût subi des réductions entre l’avènement de Louis XIV et la mort de Colbert[31]. Tels sont les faits qui suscitèrent un peu plus tard les travaux de Boisguilbert et de Vauban[32].

Au début cependant le système de Colbert avait contribué sans aucun doute à développer notre industrie : mais il avait été aussi une des causes déterminantes de la guerre de Hollande (1672-1678), qui présageait déjà le déclin du grand règne et dont les malheurs contribuèrent à contrarier sensiblement lès-résultats que Colbert s’était proposés. Colbert aussi avouons-le, versait dans ce que nous appellerions aujourd’hui l’étatisme ; l’intervention trop minutieuse et trop étouffante de l’État menaçait de décourager les initiatives particulières. Ce n’était là, du reste, qu’un des traits du régime, sous un pouvoir de plus en plus absolu et centralisé. Les initiatives charitables elles-mêmes ne trouvaient pas grâce devant ce système, pendant que les vieilles fondations de la naïve générosité des siècles chrétiens étaient absorbées dans les « Hôpitaux généraux ». La théorie que le prince est chargé d’assurer la prospérité économique de son peuple par son active intervention en toutes choses, arrivait au terme de sa carrière, c’est-à-dire de ses abus.

De son côté, le commerce avec les continents éloignés était l’objet de privilèges de plus en plus centralisés.

De bonne heure, en effet, on avait senti la nécessité de grouper les efforts pour le commerce et la découverte économique des pays nouveaux, et de protéger les négociants contre d’inutiles concurrences. Les navigations étaient alors dangereuses et fort longues, et de plus une action commune et suivie n’était pas moins nécessaire que maintenant. De là les concessions de privilèges et l’organisation des Compagnies coloniales, écloses simultanément en France, en Angleterre et en Hollande sous la poussée des mêmes besoins.

En France, les deux plus anciennes avaient été celle du Canada et de l’Acadie, fondée en 1590, puis celle de Sumatra, Java et les Molluques, créée en 1600. Un essai de vaste monopole, tenté en 1604, avec une Compagnie des Indes orientales, n’aboutit pas, faute d’expérience et de ressources. Richelieu revint donc aux privilèges multiples, limités à des régions assez peu étendues. La durée en était comprise entre quinze et vingt ans. Les concessions de ce genre furent particulièrement nombreuses entre 1626 et 1642.

Colbert retourna à la centralisation en créant, en 1664, la Compagnie des Indes Orientales et celle des Indes Occidentales, investies de droits politiques tels que les haute, moyenne et basse justices et le droit de paix ou de guerre avec les tribus indigènes. De nombreux avantages étaient promis aux émigrants et aux participants ; les droits d’entrée et de sortie sur les marchandises étaient abaissés ; des avances de fonds étaient faites, sans intérêts et avec dispense de remboursement en cas de perte. Toutefois la Compagnie des Indes Occidentales, qui avait fait de mauvaises affaires, fut dissoute en 1674, et l’on revint au système de la multiplicité des concessions.

L’Angleterre, sous le règne d’Elisabeth, avait vu naître plusieurs Compagnies privilégiées. Celle des Indes, plusieurs fois remaniée et fusionnée avec d’autres, remontait à l’an 1600. L’État mit de plus en plus la main sur elle, à mesure que ses attributions politiques se développaient davantage. Finalement, en 1834, elle céda à la couronne ses pouvoirs et tout son actif, moyennant quarante annuités, égales aux derniers dividendes, que le Trésor devait lui servir, et en conservant l’administration de l’Inde sous la surveillance du bureau de contrôle institué par Pitt en 1798. Elle fut définitivement supprimée en 1858, après la grande révolte des Cipayes.

En Hollande, la Compagnie des Indes Orientales se constitua en 1602, par la fusion de plusieurs sociétés similaires antérieures. Elle fut investie, non seulement de monopoles commerciaux, mais aussi de droits politiques exercés au nom des États Généraux de Hollande, qui, du reste, lui nommaient ses directeurs. L’Europe était en quelque sorte tributaire de cette Compagnie pour le commerce des épices, et l’on sait que pour maintenir le prix élevé des denrées sans se grever de trop de frais de transport, elle détruisait elle-même l’excédent des récoltes trop, abondantes. Bien administrée dans le cours du XVIIe siècle, elle fut assez mal conduite au siècle suivant, et elle liquida en 1795, avec un passif écrasant dont l’État se chargea.

Notons en passant que ces diverses sociétés avaient inauguré et commencé à acclimater quelque peu les valeurs mobilières, grâce aux parts ou actions, par grosses coupures, avec lesquelles elles avaient appelé les capitaux.


III

LES THÉORIES MERCANTILISTES EN ANGLETERRE

Le mercantilisme étroit qui régnait en Europe dominait également en Angleterre. Ce furent les Anglais, notamment, qui inventèrent — et ils le pouvaient mieux que personne, à cause de la configuration géographique de leur pays — le procédé connu sous le nom de « balance des contrats », balance of bargains.

    premiers temps de son ministère, car toutes les ordonnances de cette époque étaient favorables à la liberté dû commerce. C’est seulement quand il voulut donner une impulsion énergique à nos manufactures qu’il réfléchit au parti qu’on pourrait tirer de la prohibition des produits étrangers. Tous les fabricants intéressés à l’élévation du prix des marchandises, devinrent dès ce moment ses auxiliaires, et prirent avec ardeur la défense d’un système qui leur assurait d’immenses bénéfices. En même temps le fisc avait sa part des droits auxquels étaient assujettis les articles importés, et cette alliance contribua encore à fortifier le préjugé public » (Blanqui, Histoire de l’économie politique, t. II, p. 25).

  1. Blanqui, Histoire de l’économie politique, t. I, p. 445.
  2. Sur Colbert, outre les ouvrages généraux d’histoire des théories économiques, voir Pierre Clément, Histoire de Colbert et de son administration, 2 vol., Paris, 1874 ; — Histoire et régime de la grande industrie en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, par Alfred des Cilleuls, Paris, 1898, titre I, ch. I, II, III ; — La grande industrie sous le règne de Louis XIV, par Germain Martin, Paris, 1899 ; — Colbert et son temps, par Neymark, Paris, 1877.
  3. Le contrôleur général des finances faisait fonction de notre ministre des finances, avec un rôle assez’souvent prépondérant dans le conseil du roi (comme d’ordinaire aujourd’hui le premier lord de la trésorerie dans le ministère anglais). Il avait sous lui quatre intendants des finances.
  4. Laffémas de Humont, les Monopoles et trafics des étrangers découverts.
  5. Voir les textes plus complets dans des Cilleuls, op. cit., pp. 15-16.
  6. Ibid., pp. 27-28.
  7. Clément, Histoire de Colbert, t. I, p. 308.
  8. « La Providence, y est-il dit, a posé la France en telle situation que sa propre fertilité lui paraît inutile et souvent à charge et incommode, sans le bénéfice du commerce, qui porte d’une province à l’autre et chez les étrangers ce dont les uns et les autres peuvent avoir besoin, pour en attirer à soi toute l’utilité » (Voyez Clément, op. cit., t. I, p. 280). — Comparez Germain Martin, la Grande industrie sous le règne de Louis XIV, p. 229 — « Colbert, a dit Blanqui, n’est pas partisan du système protecteur dans les
  9. G. Martin, op. cit., p. 17. — Voyez du même auteur une monographie très détaillée et très intéressante, l’Industrie et le commerce du Velay aux XVIIe et XVIIIe siècles, le Puy, 1900.
  10. G. Martin, la Grande industrie sous le règne de Louis XIV, pp. 8 et s., — Ibid., pp.97 et s.
  11. G. Martin, op. cit., p. 18 ; — Clément, op. cit., t. I, p. 309 ; — des Cilleuls, op. cit., p. 34.
  12. Lettre à Bouchu, intendant de Bourgogne (voyez des Cilleuls, op. cit., p. 34).
  13. Voyez Clément, op. cit., t. I, p. 367.
  14. Ibid., pp. 321 et s.
  15. Voyez sur ce point, entre autres, des Cilleuls, op. cit., titre II, ch. iv,. §4, « Effacement progressif du rôle des corporations » ; et § 5, « Amoindrissements successifs apportés à la valeur intrinsèque des brevets corporatifs ».
  16. En ce sens, par exemple, non seulement Clément, op. cit. ; t. I, p. 321, mais encore G. Martin, op. cit., p. 227. — « Colbert, dit M. Martin, se soucie d’autant moins des petits fabricants, qu’il est persuadé avec ses contemporains que le droit au travail appartient au roi seul, ayant pouvoir de le concéder, selon son bon plaisir, à ses humbles sujets » (loc. cit.). Et en note : « Henri III regardait le droit au travail comme un droit domanial ».
  17. Ici nous ne faisons que résumer M. des Cilleuls (op. cit., pp. 54 et s.), que M. Germain Martin, écrivant cependant deux ans plus tard, ne paraît pas connaître. — On trouve la même erreur, entre autres, dans Merlin (Contrat de travail, 1907), qui explique l’absence de règles spéciales sur le contrat de travail dans notre Code civil par ce fait que « ce contrat…, pratiqué entre maîtres et compagnons, était matière de droit public, le travail étant considéré comme un droit octroyé par licence royale » (Op. cit., p. 18).
  18. Biographie universelle (de Didot), t. XXX, v° Le Trône ; — Biographie de Le Trosne dans le volume Physiocrates de Daire, 1846, p. 881.
  19. Des Cilleuls, op. cit., p. 56.
  20. « En 1577 — dit Le Trosne — on déclara que la faculté de permettre, la traite était un droit royal et domanial » (Administration provinciale).
  21. Ibid.
  22. G. Martin, op. cit., p. 95.
  23. Cité par Forbonnais, Considérations sur les finances, t. II, p. 434.
  24. G. Martin, op. cit., p. 30.
  25. Mémoire de 1663.
  26. Témoin ce billet qu’il écrit en 1670 à un de ses agents à Rouen, sur la nouvelle que deux bâtiments venus de Cadix au Havre avaient apporté la somme, encore modeste cependant, d’un million de livres : « J’ai été un peu étonné de n’avoir pas reçu cet avis par vous, vu que vous savez qu’il n’y a rien qui puisse être plus agréable au roi que de semblables nouvelles. N’y manquez donc pas à l’avenir. »
  27. « Un des principaux expédients, disait Henri IV, pour tirer les populations des grandes incommodités qu’elles ont souffertes pendant la guerre, est l’établissement des arts et manufactures, tant pour l’espérance qu’elles donnent d’enrichir ce royaume et de ne plus recourir à nos voisins… que pour être… le seul moyen de ne point transporter hors du royaume l’or et l’argent pour enrichir nos voisins » (Préambule de l’Édit de 1603).
  28. Voir nos Éléments d’économie politique, 2e édition, p. 418.
  29. On verra que le Détail de la France de Boisguilbert est de 1697 et que la Dîme royale de Vauban fut composée en 1698, terminée en 1706.
  30. Détail de la France, Ire partie, ch. iii. — La description des paysans dans les Caractères de La Bruyère est trop connue pour que nous la citions ici.
  31. Boisguilbert, Détail de la France, IIe partie, ch. VII.
  32. Sur la détresse générale même sous Colbert, voyez le Vauban économiste de Michel et Liesse, pp. 59 et s. — Pour plus de détails, consulter Horn, l’Économie politique avant les physiocrates, 1867, ch. i-ii, pp. 1-43.