Histoire des doctrines économiques/2-5

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CHAPITRE V

STUART MILL

John-Stuart Mill, esprit doué d’une remarquable puissance de raisonnement, marque la transition entre l’école de Ricardo, dont il est le plus brillant interprète, et le socialisme dit scientifique, sous lequel il est bien près de s’enrôler dans les derniers temps de sa vie. Nous lui devons une attention : toute spéciale, sauf à remettre à un peu plus tard l’étude — très sommaire du reste — de ses idées socialistes.

Né à Londres en 1806, fils de James Mill que nous connaissons déjà, il dut son prénom de Stuart à la reconnaissance que son père avait vouée à son protecteur sir John Stuart. James Mill, père d’une nombreuse famille, fit seul l’éducation de cet enfant, qui montra autant de précocité que d’intelligence. À huit ans, Stuart Mill avait lu en grec Hérodote, la Cyropédie et six dialogues de Platon : il commençait alors l’étude du latin, en l’enseignant à une sœur plus jeune que lui. À douze ans, il avait lu les classiques grecs. Il se mettait alors aux mathématiques, y compris l’analyse, puis à la philosophie, qu’il étudia sans maître ; et il rédigeait un résumé de Smith et de Ricardo assez bien fait pour que son père le mît à profit. Mais ce surmenage le rendit morose et sceptique. Aucune idée religieuse n’avait pénétré en lui : car Stuart Mill aima plus tard à se vanter d’être du petit nombre de ceux qui n’avaient jamais quitté leur religion, parce qu’il était du petit nombre de ceux qui pouvaient se vanter de n’en avoir eu jamais aucune. Bentham, chez qui Stuart Mill avait été dans son enfance, lui inspirait un véritable culte. À dix-sept ans, il se déclarait résolument-pour la morale utilitaire de Bentham et fondait, avec une dizaine d’amis, une « société utilitaire » ou « utilitarienne », qui grossit le nombre des sectes mort-nées.

En 1831, quand il avait vingt-cinq ans, la rencontre de Mme Taylor, alors âgée de vingt-trois ans, lui révéla dans son cœur une faculté d’affection qu’il ne se connaissait point. Mme Taylor devint son amie ; c’est elle qui lui inspira dans son Autobiographie le chapitre intitulé « de l’amitié la plus précieuse de ma vie ». Il était admis en tiers dans le ménage Taylor, en attendant que la mort du mari, survenue seulement en 1851, lui permît d’épouser celle qu’il aimait depuis vingt ans. Ce qui fut le plus étrange, c’est que Mme Taylor et plus tard sa fille furent les Égéries de ce philosophe si sec et si profondément abstrait. Longtemps employé de la Compagnie des Indes, avec un traitement qui valait celui d’un ministre, Stuart Mill fut élu, en 1865, à la Chambre des communes, où il ne donna que des déceptions à ses amis. Non réélu en 1868, il se retira en 1869 dans les environs d’Avignon, auprès du tombeau de Mme Taylor, et il y mourut en 1873.

Tel fut l’écrivain qu’on a rangé « parmi les hommes qui ont le plus grandement accru le capital Intellectuel et moral de l’humanité[1] ». En morale, son œuvre n’a été que négative : qu’a-t-il donc apporté de nouveau dans l’ordre des connaissances intellectuelles ?

C’est son Système de logique (1843) qui a fait sa réputation comme philosophe. Nous pouvons, quant à nous, en retenir le livre VI sur la méthode dans les sciences, lequel n’est pas sans intéresser de près l’économie politique[2]. L’année suivante (1844) il donne les Essays on some unsettled questions of political economy[3], écrits dès 1829 et 1830 ; enfin, en 1848, ses Principles of political economy, with some of their applications to social philosophy ou Principes d’économie politique, dont nous aurons à faire une étude détaillée.

D’autres publications achèvent ensuite de jeter un jour utile sur ses dispositions et ses sentiments : citons à ce titre la Liberté (1859), les Considérations sur le gouvernement représentatif (1861)[4], l’Utilitarianisme (1863), Auguste Comte et le positivisme (1865), : enfin l’Assujettissement des femmes (1869).

Une grande parenté d’esprit unissait Stuart Mill et Auguste Comte. Ils correspondirent longtemps ensemble. C’est au fondateur du positivisme que Mill doit l’Idée de la sociologie comme science distincte et indépendante, en même temps que le concept d’une statique sociale et d’une dynamique sociale[5].

Stuart Mill doit être considéré aussi comme un des principaux promoteurs des théories féministes devenues maintenant en faveur. Sur la question des femmes, toutefois, une grave divergence séparait Mill et Comte. Suivant Comte, c’est une vérité naturelle, connue par l’observation expérimentale, que la femme est plus impropre que l’homme à la continuité et à l’intensité du travail mental ; qu’elle est antipathique aux abstractions scientifiques, inhabile aux vues d’ensemble du gouvernement, et vivement impressionnable par susceptibilité affective. Stuart Mill expliquait ces différences par le lent effet des éducations différentes, tandis que Comte jugeait ces inégalités, soit morales, soit physiques, trop profondes pour que des moyens extérieurs eussent pu les faire naître ou pussent les effacer[6].

Stuart Mill glissa peu à peu vers un socialisme toujours plus accentué, il en a fait l’aveu dans son Autobiographie. Nous y reviendrons : mais c’est maintenant l’économiste seul que nous voulons étudier en lui, dans le dernier prolongement des théories ricardiennes, dussions-nous conclure, avec M. Block, que « sa réputation a dépassé son mérite comme économiste[7] ».

À cet égard, Stuart Mill, avec plus d’ordre et de méthode dans l’exposition et avec un cadre d’études qui prétend embrasser la science économique et même la science sociale dans toutes leurs parties, garde les défauts de Ricardo : la sécheresse et l’obscurité du raisonnement, une métaphysique abstraite, dans laquelle tout se déduit de quelques prémisses démontrées ou tenues pour telles, enfin une abstention systématique à l’égard de tous les faits statistiques concrets dont les exemples pourraient éclairer ou confirmer ses thèses, trop souvent aussi les déranger.

Ses Principes d’économie politique sont divisés en cinq livres, dont voici l’enchaînement logique.

Le premier est consacré à la « production ». Stuart Mill oppose ce livre aux suivants, en ce que « les lois et les conditions de la production des richesses partagent le caractère des vérités physiques. Ces lois n’ont elles-mêmes rien de facultatif et d’arbitraire », puisqu’il ne dépend pas de l’homme de faire ou d’empêcher que le travail soit rendu plus productif par le concours du capital, par l’habileté de l’ouvrier et par la division des fonctions. « Il n’en est pas de même, dit-il, à l’égard de la distribution des richesses ; c’est là une institution exclusivement humaine. Les choses une fois créées, l’espèce humaine peut, individuellement ou collectivement, en agir avec ces choses comme elle l’entend[8]. »

Il s’ensuivrait, à première vue, que s’il existe des lois économiques naturelles relatives à la production, il ne saurait en exister, dans les autres parties de l’économie politique[9]. Telle n’est point cependant la pensée de Stuart Mill, qui se hâte d’atténuer sa première proposition au point de l’effacer. Non seulement, en effet, il déclare que « les opinions et les sentiments des hommes », au lieu d’être « une chose soumise au hasard… », « résultent des lois fondamentales de la nature humaine, combinée avec l’état actuel des connaissances et de l’expérience, avec l’état des institutions sociales et de la culture, intellectuelle et morale » ; mais encore il affirme que « les règles en vertu desquelles la richesse, peut se distribuer, sont au moins aussi peu arbitraires et possèdent autant le caractère de lois physiques que les lois de la production ». Seulement je me demande alors ce qui reste de la distinction essentielle que Mill avait faite plus haut. Je me le demande bien davantage, quand j’apprends, comme Mill le dit ailleurs, que « des êtres humains, qui peuvent gouverner leurs propres actes, ne peuvent pas gouverner les conséquences de ces mêmes actes pour eux ou leurs semblables ». N’en était-il pas de même pour la production, où les hommes, libres d’employer ou non des instruments, ne sont pas libres de faire que leur production soit aussi abondante s’ils n’en emploient pas que s’ils en emploient ? La vraie et la seule différence, ce serait que les lois économiques sur la production découlent en même temps de la nature physique du monde et de la nature morale de l’homme, tandis que les lois économiques sur les autres parties de cette science ne découleraient que de la seule nature morale de l’homme. Et cependant, dans les lois du salaire et de la rente, n’y a-t-il pas une large part à réserver à la nature physique des végétaux et à la nature physique de l’homme lui-même ?

Le livre I contient équité une longue étude philosophique et descriptive de la propriété foncière rurale et particulièrement de son régime en France, tel que Stuart Mill le trouvait, décrit pour la fin du siècle précédent par Arthur Young, dans le récit que celui-ci avait fait de ses voyages de 1787, 1788 et 1789[10]. Mais entre les voyages d’Arthur Young et la fin du règne de Louis-Philippe il avait passé bien près de soixante ans, et ces soixante ans, qui avaient vu la Révolutioh, les guerres de l’Empire, les machines à vapeur et le commencement des chemins de fer, devaient bien avoir changé quelque chose en France. Stuart Mill s’en doutait-il ?

Les livres II et III sont consacrés, l’un à la « distribution des richesses », l’autre à « l’échange ». Avec le livre I, ils représentent la a statique de l’économie politique », par opposition à sa « dynamique ». La statique, c’est « l’idée d’ensemble des phénomènes économiques de la société, considérés comme existant simultanément » ; la dynamique — que nous devrions appeler la cinématique, dirons-nous nous-même — c’est « l’étude de la condition économique dans les changements qu’elle peut subir » ; elle est la « théorie du mouvement », comme la statique est la « théorie de l’équilibre[11] ».

Le livre IV, « Influence des progrès de la société sur la production et la distribution », est certainement le plus original. Nous en ferons dans un instant une étude détaillée.

Enfin le livre V est consacré à « l’influence du gouvernement », ce qui amène une théorie et une description économique des impôts.

Passons aux principales idées adoptées ou émises par Stuart Mill. Nous examinerons les suivantes : 1° le travail improductif ; 2° la loi du rendement non proportionnel en agriculture, diminishing returns, qui conduit à la théorie ricardienne de la rente et au malthusianisme ; 3° la théorie du fonds des salaires ; 4° la valeur internationale ; 5° les théories et hypothèses de l’évolution économique.

I. Travail improductif. — Au lieu de s’éclairer des judicieuses observations de J-B. Say et des considérations nouvelles de List, Stuart Mill tient encore à la formulé de l’improductivité de certains travaux. « Le travail productif, dit-il en sommaire de chapitres, est celui qui produit des utilités fixes et incorporées à des objets matériels. Tout autre travail, quelque utile qu’il soit, est classé parmi les travaux improductifs[12]. » C’est une idée fausse, croyons-nous, du travail. Plus de vingt ans auparavant, Mac-Culloch avait dit déjà avec beaucoup plus de justesse : « La plupart des auteurs qui ont écrit sur l’économie politique se sont livrés à de longues discussions sur la différence qui existe entre ce qu’ils ont appelé le travail productif et le travail improductif. Mais on ne découvre pas facilement une base réelle à ces discussions ou à ces distinctions établies entre ces deux sortes de travaux… Ce n’est pas le genre de travail que nous devons considérer, mais les résultats qu’il donne….. On peut même mettre en doute que le travail manuel soit plus productif que le travail intellectuel. Il y a d’autres instruments que la charrue, la bêche et la navette : le bras n’est pas plus nécessaire pour exécuter que la tête pour inventer ; et quiconque est un peu familiarise avec l’histoire de l’humanité, n’ignore pas que c’est au travail intellectuel, à des études patientes et à des recherches longtemps poursuivies, que nous devons des découvertes innombrables, dont plusieurs ont augmenté nos moyens d’action d’une manière incalculable et ont changé complètement l’aspect et la condition de la société[13]. »

Nous ne considérons pas davantage comme exacte la classification que Mill avait faite en rayant l’a consommation du nombre des parties de l’économie politique, sous prétexte qu’il n’existe « aucune loi de la consommation[14] ». Ce n’est pas, en effet, que des lois économiques manquent à propos du luxe, de l’épargne, de l’assistance des pauvres, des dépenses publiques.et de bien d’autres sujets. Mill matérialisait vraiment outre mesure la production et l’économie tout entière.

II. Loi du rendement non proportionnel en agriculture (diminishing returns). — Avouons cependant que cette loi n’est pas une idée neuve et originale : elle était déjà à la racine de la théorie de la rente de Ricardo, puisqu’elle était le principe sur lequel reposait son troisième cas de rente différentielle, basé sur le rendement inégal et décroissant, des capitaux additionnels ; enfin, même avant Ricardo, elle avait, été acceptée d’intuition par nombre d’économistes et notamment par Turgot[15].

Mais Stuart Mill y donne une importance inattendue.

Après avoir formulé que « tout accroissement de produit de la terre exige une somme de travail plus que proportionnelle[16] », il ajoute que « cette loi générale de l’industrie agricole est la proposition la plus importante de l’économie politique ».

Or, nous tenons cette loi pour heureusement inexacte dans le sens absolu et mathématique que lui donnait Stuart Mill : nous pensons que, d’une part, les progrès dans les procédés de la culture des terrains anciennement cultivés, d’autre part, les progrès dans la conquête agricole des terres nouvelles peuvent déranger la formule de Mill de la même manière que ces mêmes causes avaient démenti les prophéties de Ricardo. Ce n’est pas tout et il nous a toujours semblé que la question était mal présentée. Pour l’industrie, manufacturière on suppose un accroissement de tous les facteurs de la production, sans exception aucune : pour l’agriculture, au contraire, on en excepte un — la terre, en tant qu’elle soit le fondement nécessaire de toute amélioration — qui ne recevrait aucun accroissement. La parité n’existe pas, ou bien elle n’existerait que si le manufacturier prétendait plus que doubler sa production en doublant son personnel, ses machines et son fonds de roulement sans doubler la superficie de son usine[17].

La loi du rendement non proportionnel conduisait logiquement à la théorie de la rente et au malthusianisme : aussi Carey, qui n’a voulu d’aucune de ces deux conséquences, rejette-t-il énergiquement la prémisse. Stuart Mill, au contraire, qui avait posé cette prémisse, embrassait volontiers l’une et l’autre conséquences. Cependant il se demande « si le revenu du capital incorporé au sol est rente ou profit » (profits du capital, cela va sans dire, suivant la vieille confusion que lui-même n’a pas répudiée)[18] ; et nous trouvons qu’ici la discussion est assez faiblement conduite et qu’elle reste fort peu démonstrative.

Mais venons au malthusianisme.

Ce n’est pas en théorie seulement, c’est en pratique que Stuart Mill est un malthusien et un néo-malthusien. Il lui semble essentiel de restreindre la natalité et d’agir en ce sens tout à la fois par les mœurs et par les lois. Rien ne soustrait les peuples à cette inéluctable nécessité : ils n’y peuvent échapper ni par l’égalité de la propriété[19], ni par la liberté du commerce des subsistances[20], ni par les encouragements et les facilités donnés à l’émigration[21].

Bien plus, un des motifs de la haine de Mill contre l’Église, le catholicisme et le clergé, c’est de voir que « la religion n’a pas encore cessé ses encouragements » à la fécondité des unions et que « le clergé catholique estime partout que son devoir est de conseiller le mariage pour prévenir la fornication[22] ». Mill en vient jusqu’à s’insurger contre les lois fondamentales de la société domestique, en déclarant que, « entre tous les usages barbares que la loi et la morale n’ont pas encore cessé de sanctionner, il n’en est point de plus dégoûtant que celui qui permet à un être humain de penser qu’il a des droits sur la personne d’un autre[23] ». Est-ce là un vœu en faveur de l’union libre, vœu arraché à Stuart Mill par la pénible pensée de la réserve que lui imposaient, à Mme Taylor et à lui-même, la présence et la trop longue vie d’un époux cependant bien complaisant ?

Pour la réforme en ce point, Mill compte sur la puissance de l’opinion, qui doit arriver à réprouver une paternité nombreuse comme elle réprouve l’alcoolisme[24] ; sur l’influence des femmes, qui doivent s’émanciper du mariage et de ses servitudes et s’élever au dessus des fonctions matérielles et dégradantes de la maternité[25] ; et enfin sur l’action plus ou moins directe de la loi, qui précisément trouverait dans le communisme une heureuse force de contrainte pour « réprimer par des peines cette satisfaction coupable de l’individu aux dépens de la communauté[26] ». Mais comment cette répression légale serait-elle pratiquée dans le régime communiste ? C’est là un point — capital cependant — que Stuart Mill a omis de développer. Je le regrette.

III. Théorie du fonds des salaires. — « Les salaires dépendent, disait Mill, des rapports qui existent entre le capital et la population », en entendant par capital seulement « cette portion du capital qui est employée à l’acquisition du travail… » Les salaires, « sous l’empire de la concurrence, dit-il encore, ne peuvent être affectés par aucune autre cause[27] ». Plus tard, cependant, et à la fin de sa vie[28], Stuart Mill abandonna cette théorie, dont la faveur allait toujours en diminuant et qui aujourd’hui n’a plus de défenseurs.

IV. Théorie de la valeur internationale. — Stuart Mill répète ici, en la développant, une théorie qui avait été émise déjà par Ricardo[29] et Robert Torrens et que lui-même avait adoptée dans ses Unsettled questions.

L’importance et la difficulté de cette question, la place considérable qu’elle tient dans les théories économiques anglaises et le peu de place, au contraire, qu’elle a eu dans les auteurs français, nous obligent à détacher ce sujet pour en faire une étude historique isolée[30].

Il serait curieux de rapprocher ce système de celui de List, que Stuart Mill, libre-échangiste, n’a discuté nulle part et auquel il n’a fait aucune allusion, malgré l’antériorité, de l’ouvrage de List. Pour lui, List n’existe pas et Carey est le seul économiste sérieux qui ait soutenu des doctrines protectionnistes.

D’ailleurs, quoiqu’il semble que les formules abstraites de Mill doivent conduire les hommes d’État à une discussion attentive des tarifs internationaux au point de vue de l’égalité de situation et d’avantages qu’il faudrait conserver, Mill ne s’en élève pas moins contre « la doctrine de la protection de l’industrie nationale », sans qu’il paraisse prendre le moindre souci des nationalités[31].

V. Théories et hypothèses de l’évolution économique. — Nous entrons ici dans le livre IV, consacré, comme nous avons vu plus haut, à la « dynamique » de l’économie politique.

Mill y pose tout d’abord en principe que « les progrès de la société tendent à nous rendre maîtres des forces naturelles et à augmenter la sécurité et la coopération[32] ».

Nous souscrivons à ce double jugement. Nous ne contestons point la grande loi de la soumission des forces naturelles, loi historique et impérative tout ensemble, loi qui, du même coup par conséquent, est une loi économique et une loi morale, loi que nous enfin, chrétiens, nous lisons aux premières lignes de la Genèse, dans le verset Replete terrant et subjicite eam. Quant à la loi de la coopération, si nous l’acceptons aussi, nous ne voulons pas cependant qu’on en déduise la nécessité ou le devoir d’une évolution vers le socialisme. On nous dit sans doute que ce socialisme doit sortir d’une notion toujours plus nette de la solidarité sociale ; dans le monde universitaire et dans le monde politique, ce grand mot de solidarité sociale et autres analogues jouissent bien aussi d’une faveur toujours croissante. Mais nous n’en craignons pas moins, quant à nous, que leur abus ne fasse oublier à l’homme son individualité morale, sa conscience d’être libre et responsable et par conséquent aussi ses devoirs et ses vrais droits[33].

Mill se propose ensuite d’étudier séparément : 1° les variations futures des valeurs ; 2° les variations futures des prix ; 3° la répartition future du produit, avec partage du produit industriel entre les ouvriers et les fabricants, et du produit agricole entre les laboureurs salariés, les fermiers et les propriétaires.

En ce qui concerne les valeurs, celles-ci ne changeront pas respectivement entre elles, à mesure que les richesses seront obtenues avec moins d’efforts grâce à la loi des progrès simultanément accomplis dans l’ordre des inventions scientifiques et dans l’ordre de la sécurité et de la coopération. Les situations respectives demeureront donc les mêmes. Toutefois, si la population s’accroît, la loi du rendement moins que proportionnel de l’agriculture devra augmenter la valeur des denrées alimentaires relativement à celle des produits manufacturés. Encore sera-t-il bon d’assimiler aux denrées alimentaires ceux des produits industriels dans lesquels une matière première tirée du sol ou du sous-sol forme un élément capital d’évaluation[34]. Pour ce motif, il y aura des altérations de valeurs dans le sens d’une baisse de la valeur des produits manufacturés, d’une hausse de la valeur des produits agricoles, et d’une situation intermédiaire des produits que l’on pourrait appeler mixtes comme résultant à la fois d’un travail facilité et d’une matière constituante raréfiée. Cependant Stuart Mill émet un doute sur l’absolutisme de sa formule d’une évaluation croissante des denrées alimentaires[35], comme s’il se prenait malgré lui à trouver incertaine et conjecturale : la loi du rendement non proportionnel en agriculture ; loi qu’il avait cependant préconisée comme la proposition la plus importante de toute l’économie politique.

Le problème de la variation des prix est beaucoup plus simple, une fois que l’on suppose résolu celui de la variation des valeurs respectives des richesses. Il s’agit seulement de savoir si les perfectionnements et les découvertes dans les productions industrielles seront ou ne seront pas suivis parallèlement de perfectionnements et de découvertes dans la production des métaux précieux[36]. Mill oublie donc tous les autres procédés de paiement et l’emploi croissant des opérations de crédit.

Beaucoup plus difficile et plus complexe, au contraire, est l’étude des variations dans la distribution du produit.

Le progrès industriel a pour traits caractéristiques : 1° l’accroissement des capitaux ; 2° l’accroissement de la population ; 3° le perfectionnement des moyens de production (et des transports)[37]. Mill se met à imaginer toutes les combinaisons ternaires que ces éléments peuvent présenter. Pour essayer de faire mieux comprendre ses hypothèses, nous allons les diviser en deux groupes, suivant que la population augmente ou reste stationnaire.

A. — La population augmente (1er, 3e et 5e cas de Stuart Mill).

1° Si la population augmente pendant que les capitaux et les moyens de produire restent stationnaires, il doit y avoir une baisse de salaires (par l’effet de la loi du wage-fund) avec une hausse des profits et des rentes[38] ;

2° Si la population augmente pendant que les capitaux augmentent aussi, mais sans que les moyens de produire se développent, il doit y avoir un état stationnaire des salaires — puisque le rapport de la population au capital n’est pas altéré ; — mais il doit y avoir une baisse des profits, parce que l’entrepreneur aura plus de salaires totaux à supporter avec des moyens de production demeurés constants. Ici se révèle déjà, dans le système de Stuart Mill, la lacune résultant de ce qu’il n’a pas songé à rattacher le taux des salaires à la productivité du travail. La rente, pendant ce temps là, aura monté[39] ;

3° Si la population augmente, pendant qu’augmentent aussi les capitaux et les moyens de produire, la solution à donner est beaucoup plus incertaine : elle doit varier avec les vitesses relatives et probablement inégales que présenteront les variations des divers éléments du calcul. Ce qui seul paraît certain, c’est la hausse de la rente[40].

B. — La population n’augmente pas : elle reste stationnaire (2e et 4e cas de Stuart Mill).

1° Si la population reste stationnaire, pendant que les capitaux montent, mais sans que les moyens de produire se développent, il doit y avoir une hausse des salaires, par la loi du wage-fund ; il doit même y avoir une hausse de la rente, parce que la population, sans être plus nombreuse, aura plus de moyens d’acheter des denrées alimentaires et par conséquent en demandera davantage ; mais les profits baisseront, par la concurrence des capitaux entre eux, avec maintien du même produit à répartir[41] ;

2° Si la population reste stationnaire, pendant qu’augmentent à la fois les capitaux et les arts de la production, l’hypothèse est aussi complexe dans ses données qu’incertaine dans les solutions des problèmes qu’elle implique : les probabilités ne sont guère faciles à dégager, sinon pour une baisse de la rente[42].

La conclusion d’ensemble de toutes ces recherches conjecturales serait que « le progrès économique d’une nation divisée en propriétaires, capitalistes et travailleurs tend à enrichir toujours la classe des propriétaires, tandis que le coût de la subsistance du travailleur tend à s’élever et les profits à diminuer. Pourtant les progrès de l’agriculture ralentissent ces deux derniers mouvements[43]. »

Tout cela, par malheur, reste absolument hypothétique, parce que les données des problèmes sont infiniment plus complexes que Stuart Mill n’a pu les entrevoir et les distinguer ; et tout cela aussi est gâté par une confusion continuelle entre la classe des capitalistes et celle des entrepreneurs, entre le profit des uns et le loyer ou intérêt des autres.

Ce n’en est pas moins, au point de vue métaphysique, une heureuse correction aux théories trop simplistes de Ricardo, quoique nous nous hâtions de faire remarquer que les prédictions de l’un ont reçu de l’expérience un démenti tout aussi manifeste que les prédictions de l’autre. Ce désaveu résulte, entre autres motifs, de ce qu’ils ont trop négligé l’un et l’autre de tenir compte des variation en pourcentage qui peuvent se produire et qui se produisent très réellement, au cours des temps et suivant les pays, entre les parts faites dans les masses totales à répartir[44]. Il est certain — et aucun observateur sérieux ne le conteste plus — que, dans les soixante ans écoulés depuis l’apparition de l’ouvrage de Stuart Mill, la condition moyenne des salariés de l’industrie est allée en s’améliorant d’une manière très sensible, tandis que la situation relative des capitalistes et propriétaires n’exploitant pas directement leurs capitaux ou leurs terres est devenue de moins en moins privilégiée ou prépondérante. La « dynamique » sociale de Mill est prise en faute[45].

Le chapitre suivant de Stuart Mill, sur la « tendance des profits à descendre à un minimum », est meilleur, malgré la même extension abusive qu’il donne au mot « profits ». Mill y démontre notamment que « dans les pays riches les profits sont ordinairement rapprochés du minimum[46] », mais que cette tendance à descendre au minimum est combattue par les crises commerciales, par les perfectionnements dans la production et par l’émigration des capitaux[47].

L’idéal de Mill, c’est l’état stationnaire, dans des pages qui sont demeurées célèbres[48]. « Je ne puis éprouver pour l’état stationnaire des capitaux et de la richesse, disait-il, cette aversion sincère qui se manifeste dans les écrits des économistes, de la vieille école… Il serait bien préférable à l’état actuel[49]. » Pourquoi donc cet enthousiasme ? Parce que : 1° l’état stationnaire implique le statu quo de la population ; or, « une restriction du principe de la population est une condition indispensable d’une distribution meilleure de la richesse[50] » ; 2° il se prête mieux à la modération des fortunes (lesquelles d’ailleurs, d’après Mill, devraient être viagères et personnelles) ; 3° il sauvegarde le pittoresque et la poésie des régions peu habitées ; enfin, 4° il serait d’autant plus conciliable avec le progrès moral, artistique et philosophique que « les âmes cesseraient d’être remplies du soin d’acquérir des richesses[51] ». Sur ce dernier point je me permets d’émettre un doute. En quoi, demanderai-je, l’état stationnaire changera-t-il la nature morale des hommes ? J’y verrais une révolte de l’humanité contre la loi divine de son progrès ; mais je n’y verrais pas le principe d’une réforme de ses penchants ou d’un abaissement du niveau de ses devoirs[52].

Plus remarquable et plus connu encore est le chapitre consacré à « l’avenir probable des classes laborieuses[53] ». Stuart Mill lui-même y voyait son plus beau titre de gloire : mais il aimait à en reporter le mérite à Mme Taylor, qui, plus encore que les saint-simoniens, lui en avait inspiré les idées et qui lui en avait presque dicté les termes[54]. L’amélioration de la classe ouvrière se fera par l’indépendance, indépendance à la fois économique et morale, qui affranchira l’ouvrier de toute relation de patronage et de tout devoir d’attachement, et qui, non contente de l’affranchir de toute sujétion à l’égard des autorités sociales, l’affranchira même de ses devoirs domestiques et de la vie de famille. Nous y reviendrons à propos des idées socialistes de Mill.

— L’autorité de Stuart Mill fut longtemps dominante : au témoignage de Bagehot, les étudiants de cette génération ne regardaient les anciens économistes qu’au travers de Mill et n’en voyaient que ce qu’il leur recommandait d’en voir[55]. C’est là un culte que nous avons peine à nous expliquer maintenant.

À coup sûr l’économiste qui en subit le plus vivement l’influence, sans accepter toutefois les idées socialistes de Mill, fut l’Irlandais John Elliot Cairnes (1824-1875), successivement professeur à Oxford, à Galway et à Londres, et auteur, entre autres ouvrages, de Character and logical method of political economy (1857)[56], de The slave power (1862) et de Some leading principles of political economy newly expounded (1874)[57].

La méthode déductive triomphe avec Cairnes. Selon lui, « les phénomènes relatifs à la richesse, tels qu’ils se présentent à notre observation, sont au nombre des plus complexes que les esprits spéculatifs puissent avoir à envisager. Ils sont le résultat d’une grande variété d’influences, qui agissent simultanément en se renforçant, en se contrariant et en se modifiant les unes les autres. Refuser de prendre un autre chemin que celui de l’induction, c’est se condamner à raisonner jusqu’à la fin du monde, sans arriver à une conclusion de quelque valeur[58]. »

C’était avec la méthode déductive que Cairnes prétendait examiner et résoudre la question de l’esclavage, qui venait de faire éclater la guerre de sécession. Il ramenait à trois les désavantages économiques de ce régime : 1° l’esclave travaille malgré lui : par conséquent le travail servile a besoin d’être concentré sur un petit espace, que quelques surveillants puissent bien embrasser du regard ; 2° l’esclave n’est pas un travailleur intelligent et instruit ; bien plus, par crainte de révolte, on le tient dans une ignorance obligatoire : donc son industrie sera toujours de celles qui demanderont peu d’intelligence ; enfin, 3° il manque de souplesse et d’adaptation : donc son œuvre est forcément uniforme. La culture du coton, dans les États du Sud, s’accommode de ces défauts ; mais l’exploitation du sol y reste nécessairement toujours la même, le régime manufacturier ne peut pas s’y implanter, et le pays court à sa ruine, pendant que les planteurs, manquant de capitaux, deviennent forcément les tributaires des régions à travail libre. Il est difficile de contester l’originalité et la profondeur de ces vues, que l’expérience n’a pas contredites.

Les Some leading principles contiennent trois livres : 1° valeur ; 2° travail et capital ; 3° commerce international.

La valeur, pour Cairnes, est essentiellement la valeur d’échange, et elle est déterminée par la loi de l’offre et de la demande dans toute sa rigueur.

Là cependant Cairnes fait intervenir la théorie — ou plutôt la qualification nouvelle — des non-competing groups (ou groupes non concurrents), avec cette remarque fort juste, que travailleurs et capitalistes peuvent gagner plus ou moins en retour d’efforts égaux ou d’emplois égaux de capital, s’il n’y a pas, en effet, un libre déplacement de capitaux et de bras. Ce phénomène des groupes non concurrents sert à expliquer : 1° les inégalités de salaires entre professions, parce que les professionnels d’un métier forment un groupe dans lequel il existe bien une concurrence intérieure, mais qui ne peut subir une concurrence extérieure, ni en faire une ; 2° les inégalités de la concurrence internationale, où les écarts de prix sont souvent beaucoup plus élevés que les simples frais de transport ne le comporteraient[59].

Personne, enfin, n’a poussé plus loin que Cairnes la notion de l’économie, politique considérée comme une science de pure théorie. Pour lui, l’économie politique est une science comme l’astronomie et la chimie. Son objet, comme celui de toutes les sciences naturelles, n’est pas de faire atteindre un résultat pratique, mais seulement de révéler des lois naturelles et de montrer un enchaînement de causes et d’effets entre des phénomènes. Elle se tient donc en dehors de tout système particulier sur l’état social et sur l’industrie : quels qu’ils soient, elle est neutre entre eux tous. Elle nous fournit des données pour que nous nous formions une opinion saine ; mais ces données sont d’autant plus loin de déterminer nos jugements, qu’il y a moins de problèmes pratiques dans lesquels le côté économique soit exclusif et ne soit pas mélangé aux côtés politiques, artistiques et moraux. L’économie politique n’a donc pas plus à voir avec le régime du laissez-faire qu’avec le communisme. Aussi est-ce se méprendre complètement que de s’associer à ces réformateurs sociaux qui se croient appelés à dénoncer et à ridiculiser l’économie politique, parce que leur idéal de régime industriel implique tout d’abord une modification des conditions actuelles du travail et de la société. À cela, d’après Cairnes, la véritable économie politique demeure in différente[60].

Le défaut de Cairnes, c’est d’isoler trop complètement l’économie politique de la vie concrète et réelle, pour l’enfermer dans un monde d’abstractions ; c’est, en autres termes, de la disposer à nous apparaître beaucoup trop comme une science hypothétique — défaut que l’école mathématique accentuera davantage encore.

Quant à la formule des non-competing groups, elle n’est pas sans renfermer une sérieuse menace contre la théorie ricardienne de la rente. En effet, bien que j’admette que les détenteurs des blés apportés de divers pays sur un même marché ferment entre eux tous un groupe concurrent, et bien que j’admette que la loi d’indifférence s’applique entre eux pour les obliger à mettre leurs blés en vente à un prix uniforme[61], rien ne me prouve cependant que les divers producteurs de ces blés — par exemple les salariés et les entrepreneurs de culture de la Beauce, des Flandres ou de la Guyenne, à plus forte raison ceux de Russie, d’Australie et d’Amérique — aient formé entre eux tous un competing group unique, avec égalité de salaires, de profits et de loyers de capitaux. Donc, les supériorités de fertilité, ou de proximité de certaines terres peuvent fort bien n’avoir pas tourné au profit des propriétaires et n’avoir engendré de rente d’aucune sorte[62]. Cette hypothèse est même certainement la plus vraisemblable, pour ne pas dire qu’elle est la plus exacte.

Nous allons retrouver Cairnes dans la discussion de la valeur internationale.

  1. Fernand Faure, député, puis directeur général de l’Enregistrement, du Timbre et des Domaines, dans le Dictionnaire économique de Léon Say et Chailley-Bert, ve Stuart Mill, t. II, p. 274.
  2. Voyez Block, Progrès des sciences économiques depuis Adam Smith, 2e édit., t. I, pp. 35 et s., et pp. 74 et s.
  3. Essais sur quelques questions non résolues de l’économie politique. — Ces Essais sont au nombre de cinq : le cinquième avait été déjà publié.
  4. La traduction française de ces deux ouvrages porte le nom de M. Dupont-White ; elle serait en réalité, paraît-il, l’œuvre de sa fille, qui devint Mme Sadi-Carnot (de Laveleye, Revue des Deux-Mondes, n° du 1er décembre 1889).
  5. Scientifiquement, c’est la cinématique, et non la dynamique, qui devrait être opposée à la statique. L’observation est de l’Américain Giddings, dans ses Principes de sociologie (tr. fr., 1897, p. 56, et tout le ch. iii du livre I).
  6. Voyez Ferraz, Études sur la philosophie au XIXe siècle, 2e édit., p. 353.
  7. Block, Progrès des sciences économiques depuis Adam Smith, 2e éd., t. I, p.16.
  8. L. II, ch. l, § 1, t. I de l’édition Guillaumin, p. 233. — Cette distinction ne se trouvait pas dans le plan primitif de l’ouvrage : elle est seulement apparue dans la 2e édition anglaise des Principes, 1849.
  9. L. II, ch. i, § 1, t. I de l’édition Guillaumin, p. 235. — Mill revient sur cette distinction dans son Autobiographie. « J’ai tracé, dit-il, une ligne de démarcation entre les lois de la production de la richesse, qui sont en réalité des lois de la nature et dépendent des propriétés des choses, et les modes de distribution de la richesse, qui, sous certaines conditions, dépendent de la volonté humaine. Quelques économistes confondent ces deux ordres de lois sous le nom de lois économiques, que nul effort humain, suivant eux, n’est capable d’annuler ou de modifier. Ils attribuent la même nécessité aux lois qui dépendent des conditions immuables de notre existence, et à celles qui, n’étant que des conséquences nécessaires de certains arrangements, ne vont, pas au-delà de ces arrangements. »
  10. Voyez Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789 ; par Arthur Young, réédités par Guillaumin, 2 vol. 1860.
  11. L. IV, ch. i, § 1, t. II, p. 241.
  12. L. I, ch. iii, sommaire des §§ 2 et 3.
  13. Mac-Culloch, Principes d’économie politique, Ire partie, ch. ii, trad. franç., t. I, pp. 72-73.
  14. Unsettled questions of political economy, 2e édit., 1874, p. 132.
  15. Turgot, Observations sur le mémoire de M. de Saint-Péravy (voyez Œuvres, édit. Guillaumin, t. I, p. 420).
  16. L. I, ch. xii, § 2.
  17. « La loi (des diminishing returns), dit Schmoller, s’applique surtout à la solubilité des éléments nutritifs dans le sol arable : mais elle ne s’applique pas ou ne s’applique qu’en partie au travail, au capital, aux progrès techniques » (Schmoller, Principes d’économie politique, tr. fr., t. IV, 1907, p. 428).
  18. L. II, ch. xvi.
  19. L. I, ch. xiii, § 2.
  20. L. I, ch. xiii, § 3.
  21. Ibid., § 4.
  22. L. II, ch. xiii, t. I, p. 432. — C’est l’application du texte de saint Paul (1re Epître aux Corinthiens, ch. vii, vv. 2 et 9) ; mais ces passages ne doivent pas être détachés des versets 1, 7 et 8 qui les accompagnent. — Comparez avec Sismondi, cité plus haut, p. 355.
  23. L. II, ch. xiii, t. I, p. 437.
  24. « On ne peut guère espérer que la moralité fasse des progrès tant qu’on ne considérera pas les familles nombreuses avec le même mépris que l’ivresse ou tout autre excès corporel » (L. II, ch. xiii, § 1, t. 1, p. 433, en note).
  25. Ibid., p. 436.
  26. L. II, ch. i, § 3, t. I, p. 242. — Voir encore sur le malthusianisme dans Stuart Mill, 1. II, ch. xi, § 3, t. I, p. 406.
  27. L. II, ch. xi, § 1, t. I, p. 397-398. — Voir sur le wage-fund nos Éléments d’économie politique, 2e éd., pp. 518 et s. — Sur l’attitude de Stuart Mill dans la question du wage-fund, voyez Ingram, Histoire de l’économie politique, tr. fr., p. 228. Mais il est bien certain que Stuart Mill, dans sa grande œuvre didactique, c’est-à-dire dans les Principes, fut un ardent partisan de cette formule.
  28. Voir l’article publié à ce sujet par Mill dans la Fortnigthly Review de mai 1869.
  29. Ricardo, Principes de l’économie politique et de l’impôt, ch. vii, édit. Guillaumin, pp. 95-96.
  30. Infra, même livre, ch. vi, pp. 397 et s.
  31. Principes, 1. V ; ch. x, § 1, t. II, pp. 485, 493 et s.
  32. L. IV, ch. i, § 2, t. II, p. 242.
  33. Nous nous expliquerons plus loin sur la solidarité, infra, IIIe partie, ch. ii.
  34. L. IV, ch. ii, §§ 1-3.
  35. « Jusqu’ici l’agriculture n’est pas susceptible de perfectionnements aussi grands que certains genres de fabrication industrielle : mais il se peut que l’avenir nous réserve des inventions qui renversent les termes de ce rapport » (Loc. cit., 1. IV, ch. ii, § 2, t. II, p. 250).
  36. L. IV, ch. ii, §1, t.II, p. 248.
  37. L. IV, ch. iii, § 1, t. II, p. 259. — Est-il nécessaire d’examiner séparément l’augmentation des capitaux et le perfectionnement des moyens de produire ? Que je commence à posséder deux machines ou bien que je découvre le moyen de faire produire le double à mon unique machine, n’est-ce pas la même chose ? Oui, à première vue, si l’on ne se préoccupe que de la force de production de la société ; non, si l’on se préoccupe de la répartition (comme fait Mill) et si l’on suppose, au préalable, que le perfectionnement des moyens de produire n’est pas tout entier le fait du capitaliste, tandis que le capital augmenté sera sa propriété pour le tout.
  38. L. IV, ch. iii, § 1, t. II, p. 259.
  39. L. IV, ch. iii, § 3, t. II, p. 264.
  40. L. IV, ch. iii, § 5, t. II, p. 272.
  41. L. IV, ch. iii, § 2, t. II, p. 263.
  42. L. IV, ch. iii, § 4, t. II, p. 265.
  43. L. IV, ch. iii, § 5, t. II, p. 275.
  44. Voyez sur ce point nos Éléments d’économie politique, 2e éd., pp. 500-501.
  45. Nous reviendrons un peu plus loin sur ce point, en discutant les théories de Bastiat sur le progrès économique (Infra, ch. viii).
  46. L. IV, ch. iv, § 4, t. II, p. 283. — Beaucoup des idées exprimées dans ce chapitre se trouvent reproduites dans l’Essai sur la répartition des richesses de M. Paul Leroy-Beaulieu. — Karl Marx a formulé de même dans le livre III de son Capital la loi de la baisse du taux du profit.
  47. Loc. cit., §§ 5, 6 et 8.
  48. L. IV, ch. vi.
  49. Loc. cit., t. II, p. 304.
  50. Ibid., p. 305 in fine.
  51. Loc. cit., t. II, pp. 306-307.
  52. Il est étrange de voir l’immobilité et presque la routine préconisée par un des hommes que les courtisans du progrès célèbrent comme un des esprits les plus hardiment novateurs. Le poète des Harmonies n’avait-il pas une notion plus juste et plus vraie du monde et de l’histoire, lorsqu’il chantait, dans ses Révolutions, la loi du progrès que Dieu nous a donnée après se l’être faite à lui-même pour ses œuvres ? Écoutez-le criant à l’humanité :
    En vain le cœur vous manque et votre pied se lasse :
    Dans l’œuvre du Très-Haut le repos n’a pas place ;
    Son esprit n’est pas votre esprit.
    Ici c’est chez le poète, et non chez le philosophe professionnel, que se trouve la philosophie la plus profonde et la plus vraie.
  53. L. IV, ch. vii.
  54. « Le chapitre, dit-il, qui a exercé sur l’opinion plus d’influence que tout le reste du livre (1. IV, ch. vii), est dû tout entier à Mme Taylor. Dans le premier plan du livre, ce chapitre n’existait pas. La partie la plus générale de ce chapitre est en entier une reproduction de ses idées et souvent dans les termes mêmes que je recueillais de sa bouche… Je tenais ces vues en partie des idées qu’éveillèrent en moi les doctrines des saint-simoniens ; mais c’est sous l’influence de ma femme qu’elles devinrent le souffle vivant qui anime mon livre » (Autobiographie).
  55. Bagehot, Economic studies, p. 215.
  56. Traduit en français sous le titre : le Caractère et la méthode logique de l’économie politique, 1902.
  57. Sur Cairnes, voyez Price, History of political economy in England, 2e édit., ch. v, pp. 115 et s. ; — Ingram, Histoire de l’économie politique pp. 221 et s.
  58. Cairnes, Character and logical method of political economy.
  59. Voir la discussion sur les non-competing groups dans Ingram, op. cit., pp. 226 et s. — Étudiez le chapitre suivant, surtout pp. 400 et 401.
  60. Cairnes, Essays in political economy theoretical and applied, pp. 252 et s. trad. fr., p. 31. — Voyez aussi Price, History of political economy in England, pp. 186 et s.
  61. Voir nos Éléments d’économie politique, 2e édition, p. 493.
  62. Nous avons développé déjà ces considérations dans nos Éléments d’économie politique, 2e édition, pp. 500-501.