Histoire des races maudites de la France et de l’Espagne/Chapitre 06

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CHAPITRE VI.

Colliberts du Bas-Poitou ; signification exacte de leur nom ;
leur descendance des réfugiés espagnols du IXe siècle.

Si les documents relatifs aux Cagots du midi de la France et aux Caqueux de la Bretagne sont rares, ceux qui concernent les Cagots ou Colliberts de l’Aunis et du Bas-Poitou le sont encore davantage. En effet, à l’exception des deux précieux, mais trop courts passages de Pierre de Maillezais, qui écrivait au XIe siècle, il n’existe, à notre connaissance, avant M. Dufour, aucun auteur qui ait parlé avec quelques détails de cette misérable population. Le P. Arcère, il est vrai, lui a consacré un petit nombre de lignes[1], que Court de Gebelin s’est borné à répéter[2], et l’ancien évêque de Blois, Grégoire, en avait fait l’objet d’une partie du mémoire dont Ginguené nous a donné l’analyse ; mais aucun de ces auteurs n’aborde le sujet d’une manière aussi franche et aussi complète que le savant auquel nous empruntons le passage suivant :

« Il existe encore dans cette… partie du territoire, connu sous le nom de Marais, une certaine classe d’individus très-peu nombreuse, appelée Collibert, Cagot, etc., dont le domicile habituel, ainsi que celui de toute leur famille, est dans des bateaux. D’où provient cette population exiguë, presque sauvage ? Elle descend évidemment de ces anciens et mêmes Colliberts, assez nombreux autrefois dans le Bas-Poitou. Il en est fréquemment fait mention dans les anciennes chartes ; et dans les onzième et douzième siècles, on gratifiait les abbayes et autres établissements religieux, de ces Colliberts et même de leur famille. Ils n’étaient chargés que du soin de la pêche, et de fournir le poisson nécessaire pour la table des monastères auxquels ils appartenaient. Mais quelle fut la souche primitive de ces Colliberts, trop peu connus ?… Pierre de Maillezais, qui passa une partie de sa vie dans le voisinage des Colliberts du Bas-Poitou qui survécurent la destruction de leur peuplade, nous apprend qu’ils cherchaient également leur nourriture dans les produits de la pêche, à laquelle ils se livraient sur la rivière de la Sèvre-Niortaise, à l’extrémité de l’île de Maillezais, où ils avaient élevé quelques huttes grossières. Les uns prétendent, continue Pierre de Maillezais, que leur nom dérive de la coutume qu’avaient ces pêcheurs de rendre un culte à la pluie ; d’autres, de ce que, lors des débordements de la Sèvre, ils abandonnaient leurs cabanes et allaient se livrer dans différents lieux, souvent assez éloignés, à l’exercice de la pêche. Que ce soit là, ou non, la véritable origine du nom de Collibert, on s’accordait à les peindre comme des gens très-irascibles, presqu’implacables, méchants, cruels, incrédules, indociles, et à qui tout sentiment d’humanité était en quelque sorte étranger. Les Normands, dans leurs fréquentes incursions vers l’embouchure de la Sèvre-Nortaise, dépouillaient et mettaient à mort tous les Colliberts qu’ils rencontraient, et l’on rapporte qu’ils en exterminèrent un grand nombre[3]. Le portrait que fait de ces pêcheurs habituels Pierre de Maillezais, convient fort bien à une ancienne peuplade barbare, et est encore applicable à leurs descendants actuels. Il faut seulement rejeter l’opinion particulière des contemporains de l’auteur cité, qui croyaient que les Colliberts rendaient un culte à la pluie. Ceux existants de nos jours sont chrétiens-catholigues, mais d’une ignorance crasse. J’ignore sur quels documents se sont appuyés certains auteurs modernes, pour prononcer que nos Colliberts étaient des espèces de crétins ; c’est, à parler franchement, porter un jugement sans connaissance de cause. On peut être sale, dégoûtant même dans ses vêtements ; paraître idiot, hébété dans toutes ses actions ; avoir le regard effaré, sans être un crétin. J’ai eu occasion d’en voir quelques-uns : je suis intimement persuadé que leur maladie principale tient essentiellement et particulièrement au défaut absolu d’éducation, à leur genre de vie, et à la privation de communications avec les autres hommes, dont ils restent constamment séquestrés. Rendez ces malheureux à la société, faites-leur en apprécier les avantages, et vous aurez bientôt perfectionné leur moral, et changé leur physique.

« Je demeure encore convaincu que, d’après la situation des parages où ils se tiennent, et qui sont encore les mêmes que ceux fréquentés par leurs pères dans le onzième siècle, sauf les changements survenus dans quelques localités, par suite du retrait des eaux de l’Océan, nos Colliberts actuels ne sont autres que les malheureux descendants des Agesinates Cambolectri, dont la postérité aura continué d’habiter cette portion du territoire possédée par leurs aïeux, dont ils ont également conservé les mœurs et les habitudes[4]. »

Cette opinion, au sujet de la descendance des Colliberts, est celle qui a généralement prévalu ; elle a été adoptée par M. Abel Hugo, qui considère « comme appartenant à la famille celtique, les Colliberts ou Cagots de la Vendée, qui paraissent être les descendants des anciens Agesinates Cambolectri, premiers habitants du territoire où les Pictes et les Scythes theiphaliens se sont établis par la conquête[5]. »

Cependant M. Massion[6] voit tout autre chose dans cette peuplade ; après avoir rapporté, comme un on dit, l’établissement d’une colonie de Colliberts à la Rochelle pour y vivre de la pêche et de la navigation, et leur arrivée, au VIIIe siècle, dans les marais du Bas-Poitou, pour les défricher, il s’exprime ainsi : « Les Colliberts du Bas-Poitou étaient vraisemblablement venus se fixer dans cette contrée marécageuse et encore inhabitée, pour se soustraire à la domination franke, aux rigueurs de la servitude de corps qui pesait sur les races galliques au nord de la Loire et n’existait pas au midi du fleuve sous l’administration nationale des ducs d’Aquitaine et des comtes de Poitou. Ces émigrations du nord au midi de la Gaule étaient encore fréquentes au XIIe siècle : un écrivain monastique de cette époque reproche à Loys le Jeune, époux d’Aliénor d’Aquitaine, d’avoir fondé plusieurs villes nouvelles dans lesquelles il recevait les hommes de corps échappés à la glèbe, et leur faisait des concessions de terre, ce qui était très-préjudiciable aux églises et aux barons[7]. »

D’un autre côté, M. de la Fontenelle de Vaudoré, en interprétant d’une façon toute nouvelle une phrase de Pierre de Maillezais, sur le sens de laquelle il s’est complètement fourvoyé, donne à pense qu’il considère les Colliberts comme venus du nord et descendant des Normands ; il ajoute qu’à son avis les Huttiers actuels de la Sèvre du midi ne sont autre chose que des rejetons de cette race, et il étaie cette dernière opinion de l’autorité de M. Augustin Thierry, avec lequel il aurait eu une conversation sur ce sujet[8].

Essayons maintenant de déterminer la valeur exacte du mot collibert, ou plutôt la condition primitive de la race d’hommes qu’il désignait. Dans le latin ancien, où l’on en trouve plusieurs exemples[9], il signifiait un compagnon de liberté, un esclave qui a été affranchi avec un autre par le même maître ; et dans la loi des Bavarois il est encore employé dans le premier de ces deux sens[10]. Ce mot, qu’on le prenne dans un monument de l’antiquité ou dans une charte du moyen âge, vient évidemment de cum et de libertus, et non de ce dernier et de collum, comme le croient plusieurs auteurs, entre autres D. Muley[11] et M. Charles Arnault[12], qui n’ont pas fait attention que les formes comlibertus et conlibertus sont là pour démontrer la fausseté de leur étymologie. On voit par là combien nous sommes éloigné de partager l’opinion de Court de Gebelin, qui tire collibertus du celtique col, servir, et de ber, homme, homme qui sert, domestique[13].

Mais si, dans l’antiquité, les colliberti étaient des affranchis, au moyen âge leur état était loin d’être aussi heureux : un grand nombre de monuments authentiques prouvent que, chez nos ancêtres, ils étaient vendus, donnés, affranchis et assimilés en tout aux serfs.

C’est ainsi qu’en 973, le roi Lothaire donne à Arbert, vicomte de Thouars, un fief appelé la Faye, avec une chapelle dédiée à saint Hilaire, cum silvis, aquis, aquarumve decursibus, simulque et collibertis utriusque sexus[14], et que, vers la même époque une chronique range les colliberts avec les serfs et les esclaves[15]. En 1031, un concile de Bourges défend d’admettre à la cléricature les serfs et les colliberts avant qu’ils aient été affranchis en présence de témoins[16]. J. B. Souchet, dans ses observations sur les lettres d’Yves de Chartres, rapporte un acte capitulaire d’après lequel celui qui était admis à quelque dignité dans l’église de Chartres devait jurer qu’il n’était ni collibert ni fils de collibert[17]. En 1035, l’évêque Drogon, dotant l’abbaye de Saint-Symphorien, récemment fondée dans un faubourg de Beauvais, lui donne, entre autres choses, in Buriaco unum mansum cum collibertis ibidem manentibus[18]. Des serfs de Thibaut, comte de Chartres, nés de ses serfs et des serves de Saint-Père, sont, entre les années 1037 et 1049, appelés colliberti dans la charte par laquelle il en fit don à cette abbaye, sous la condition que les moines chanteraient un psaume pour lui tous les jours de l’année, excepté les jours de fêtes[19]. De même, Ebrard, vicomte de Chartres, cède à la même abbaye, pour le prix de cent sous d’argent et d’une once d’or, les fils de Gilbert, son serf, et d’une serve de Saint-Père, plus leur cousin, avec sa femme, ses fils et ses filles, ainsi que toute la descendance de Gilbert, qui habite sur le territoire d’Ymonville-la-Grande. Toutes ces personnes sont pareillement comprises sous le nom de colliberti dans le titre de l’acte, qui doit avoir été dressé entre les années 1033 et 1069[20]. En 1050 ou 1051, l’abbé de Saint-Maixent demande, après la mort d’un noble, qu’il lui soit donné, de sa succession, deux colliberts avec leurs enfants[21]. Vers 1053, un sous-chantre de l’église de Sainte-Radégonde de Poitiers et son frère donnent la liberté à un collibert, avec l’agrément de ceux dont ils le tenaient[22]. Entre 1035 et 1063, Hugues, surnommé Broute-Saule, fait donation aux moines de Saint-Père d’une colliberta, en même temps qu’il leur donne un quart de l’église et du village de Guiri, avec un quart du bois, du moulin et des prés[23]. Vers 1080, Gausbert et Hélie son frère confirment et ratifient le don fait à l’abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers par Isembert l’Asne, de la sixième partie des moulins, écluse et pêcherie situés dans le château d’Angle, et d’un homme serf ou collibert, avec toute sa postérité[24]. Vers la même époque, un certain Arnaud, surnommé Villanus, fait don au monastère de Saint-Nicolas de Poitiers d’un collibert et de tous ses enfants[25]. On trouve dans l’Histoire de Tulle, de Baluze, un titre de 1100, par lequel un seigneur donne une ferme avec les serfs, les servantes et les colliberts qui en dépendent[26]. Vers la même époque, un nommé Frédéric donne aux moines de Saint-Père de Chartres deux colliberts, savoir : Robert et sa sœur Eremburge, avec leurs enfants, s’il leur en naît, pour être tous colliberts de l’abbaye[27]. D. Carpentier, dans son supplément au Glossaire de du Cange, cite une charte dans laquelle un maître irrité déclare qu’il peut prendre la terre de son collibert et même le brûler[28]. Enfin, dans le Grécisme du grammairien Ebrard de Béthune, qui vivait à la fin du XIIe siècle, on lit ces vers :

Libertate carens colibertus dicitur esse ;
De servo factus liber, libertus : at ille
Libertinus erit, quem libertus generavit
[29].

et du Cange a inséré dans son Glossaire des extraits de trois chartes d’affranchissement de colliberts, conservées dans les cartulaires de Vendôme, de Marmoutier et de Saint-Étienne de Limoges[30].

Mais si, comme dit M. Massiou, les colliberts étaient, sous beaucoup de rapports, assimilés aux serfs, la différence des noms semble au moins indiquer une différence de conditions, et plusieurs écrivains voient dans les premiers des affranchis[31], tandis que d’autres en font une classe de colons qui ne jouissaient pas d’une liberté entière, mais seulement restreinte et conditionnelle[32]. Entre les années 1023 et 1035, un collibert de l’abbaye de Saint-Père de Chartres, nommé Vivien, et sa femme, ayant assassiné un serf, l’abbé les donne en servitude, avec leur pécule, à Guillaume, chevalier, maître du serf, à condition qu’ils auront la vie sauve ; mais il retient au service de l’abbaye les enfants nés de leur ma- riage. Quant à ceux qui viendraient à naître, ils devront être serfs et appartenir audit Guillaume. On voit par là que passer de la condition de collibert dans celle de serf constituait une véritable dégradation[33].

À une époque antérieure à 1061, Hugue Broute-Saule, dont il a été question plus haut, donne aux moines de Saint-Père un collibert, nommé Letaldus, avec son frère, sa femme et leurs enfants, à condition qu’ils resteront libres, liberi, au service du monastère. Il s’agit donc ici d’un serf qu’il affranchit, en le faisant collibert de Saint-Père, comme le démontre également le commencement de l’acte[34].

En 1070, un certain Guillaume ayant réclamé la moitié des fils issus du mariage d’un serf de l’abbaye de Vendôme avec une colliberte de son père, les moines s’y refusèrent, et il s’en suivit un procès qui se termina par un arrêt d’où il résulte évidemment que la condition du collibert était supérieure à celle du serf. Ce jugement porte que les enfants d’un homme de cette classe et d’une colliberte ne doivent point se partager, mais que tous les fils suivent le père[35]. Or il ne faut pas oublier que, dans le moyen âge, les enfants provenant de parents de conditions ainsi différentes, avaient pour lot, à peu d’exceptions près, la moins relevée[36].

Enfin, Bernard Sacci, dans son Histoire de Pavie, donne aux colliberts une charge qui n’était pas celle des serfs. Il s’agit d’un duel en champ-clos où chaque combattant avait son parrain et un collibert pour écuyer[37]. Ajoutons qu’en Espagne on donnait le nom de culbert aux étrangers qui s’établissaient en quelque endroit du royaume sans avoir un cheval et des armes ; ils étaient tenus pour vilains, tandis que ceux qui possédaient ces choses étaient infanzones, ou nobles. Les premiers devaient payer au roi ou au seigneur une contribution annuelle de deux sous, et on leur accordait un an et un jour pour se procurer un cheval et des armes. Dans cet intervalle ils n’avaient rien à payer ; mais ils étaient obligés d’aller à la guerre avec du pain pour trois jours, à leurs frais[38].

Quelle était donc au juste la condition des colliberts ? Comme les colons qu’ils paraissent avoir remplacés[39], comme les métèques de la Grèce antique[40], ils étaient ou étrangers ou descendants d’étrangers, et pour n’être pas servile, leur état n’en valait guère mieux. Ils payaient une capitation annuelle[41], et ne pouvaient se marier à qui que ce fût sans le consentement de leur maître ; encore étaient-ils obligés d’acheter cette permission par une somme d’argent, qui, dans le diocèse de Beauvais, s’élevait à quinze deniers pour une fille et se distribuait entre les assistants. Ce n’est pas tout : à leur mort, ils avaient à acquitter un droit, vulgairement appelé main-morte[42]. Quand une femme libre épousait un collibert, elle descendait de sa condition dans celle de son mari, payait sa capitation personnelle et jurait de ne jamais renier la servitude à laquelle elle se soumettait[43]. On comprend que dans une foule de cas cette servitude ait été exagérée par des maîtres injustes et envahisseurs qui ne se faisaient aucun scrupule de méconnaître la différence existant entre le serf et le collibert. De là les textes nombreux qui pourraient donner à croire que le dernier de ces deux mots n’était qu’une variante du premier.

Ainsi, quoi qu’en dise Pierre de Maillezais, le nom de Colliberti par lequel il désigne les Cagots du Bas-Poitou, leur venait de leur condition actuelle ou passée, ou de tout autre cause en rapport avec cette condition, et non du culte qu’au dire de certains ils rendaient à la pluie. Suivant toute apparence, s’ils fêtaient la pluie, ce n’est que parce qu’elle faisait sortir de leurs retraites les anguilles et autres poissons, dont se composait leur principale nourriture ; d’ailleurs, si nous en croyons une tradition rapportée par le même auteur, ils étaient catholiques, et non-seulement ils avaient élevé une église à saint Pient, mais encore ils y entendaient la messe toutes les fois que la pêche les amenait de ce côté[44]. Que du temps du moine de Maillezais les Cagots des bords de la Sèvre-Niortaise portassent un nom vulgaire qui correspondait au mot latin colliberti, c’est ce qu’on ne saurait révoquer en doute ; mais il est à croire que plus tard ils échangèrent ce nom contre celui de Cagots, par lequel nous les voyons désignés dans l’ouvrage de M. Dufour, et que le peuple leur donnait peut-être dans l’origine concurremment avec l’équivalent de colliberti. En tous les cas, ce mot ne peut avoir formé collibert, qui, à proprement parler, n’est pas français, et qui fait double emploi avec cuvert, en usage chez nos ancêtres dans le sens de collibertus.


Le premier jour de mai, que passez est yvers,
Se partent Herupois do lor païs divers…
Demander vodront Karle s’il les tient à cuvers
A l’issue de Marne lo ra dit .i. cuverz
Que Karles est à Aiz an son maistre palais[45].


« Si gentils homs (dit l’ancienne coutume manuscrite d’Anjou et du Maine, citée par Court de Gebelin[46]) a homs cuvert en sa terre, et il se muert, le gentis homs aura la moitié de ses muebles. » Un ouvrage écrit à la même époque environ, contient ce passage : « Une serve se maria o un serf d’une église, enprès li sires à la serve l’afranchi et le mari remest cuvert. Il orent enfant : or vodrent li clerc à qui li pere estoit serf, que li enfez fust serf pour ce que le peres l’estoit. Le fiz, à soi deffendre, mostra la chartre de franchise de sa mere. Le pape dit que se li clerc ne dient rien contre la chartre, que il ne demandent rien à l’enfant, cum il deent plus deffendre que travailler[47]. » Au folio 18 du même manuscrit, où se trouve le passage précédent, il y a que « qui est nez de franche mere, ne doit pas estre mis en cuvertage. » Enfin, ce dernier mot se retrouve dans la Chronique des ducs de Normandie, de Benoit :

Povroté aim tote ma vie
Mieuz qu’à tolir si Normendie
Cum vos faites à son dreit eir,
Ne rien ne puis-je tant voleir
Cum à eissir del cuvertage
E deu renei e del servage
En que vos me quidez tenir.
(Tome ii, p. 47, v. 16702.)

Le mot acuvertir, devenir esclave, est également un dérivé du mot cuvert ; nous le trouvons dans la Bible Guiot[48] et dans une curieuse chanson du XIIIe siècle, publiée il y a quelques années[49] :

Gent de France, mult estes esbahie.
Je di à touz ceus qui sont nez des fiez :
Si m’aït Dex, franc n’estes-vous més mie,
Mult vvous a l’en de franchise esloigniez ;
Car vous estes par enqueste jugiez.
Quant deffense ne vos puet faire aïe,
Trop iestes cruelment engingniez,
A touz pri,
Douce France n’apiaut l’en plus ensi ;
Ançois ait non le païs aus sougiez,
Une terre acuvertie
Le raigne as desconseillïez,
Qui en maint cas sont forciez.

Aculvertir se trouve aussi, avec son radical, dans la Chanson de Renaud de Montauban, qui appartient à la même époque que la pièce précitée. Roland veut insulter Ogier le Danois, qui n’avait pas livré Renaud à Charlemagne :

« Jamais, par cel apostre que quierent pelerin,
Si mauvais serf coart de mere ne nasqui.
Unques de Danemarce ne vis prodome issir.
Fis à putain, coars, mauvès serf acatis,
Por quatre deniers l’an ies-tu aculvertis… »
Come Ogiers l’entendi, si est en piés salli :
« Rolans, vos i mentez, par Dieu qui toz nos fist !
Sire, vés ci mon gaige por combatte vers li.
Que jo ne sui culvert, acatés ne conquis.
Onques li miens linages à çou ne se tramist[50].

En même temps qu’on employait le mot cuvert pour désigner un homme d’une condition intermédiaire entre celles des serfs et des libres, on s’en servait, bien plus fréquemment encore, pour caractériser un homme digne de mépris, à peu près comme à présent nous donnons dans le sud-ouest de la France le nom de drôle aux jeunes gens de basse condition et aux hommes dont la conduite mérite des reproches. On lit dans le Livre des Rois, qui peut être considéré comme appartenant à la première moitié du XIIe siècle, au plus tard : « E cume Amasa vint vers lui, pur lui saluer cume ami e parent, Joab, par engin e par félenie, se enbrunchad si que la spée vers terre li esculurgad ;

« E li culverz mist sa une main vers terre, pur la spée lever[51], » etc.

« Si huem péched vers sun prusme e trespast sun serrement, e il vienge merci requerre devant cest tuen altel,

» Ai en de lui pitié, e salf e guaris le dreiturier, e culvert e le félun met à mort e à desfaçun[52]. »

Dans la Chronique des ducs de Normandie, de Benoit, trouvère de la fin du XIIe siècle, le mot cuilvert se rencontre à tout moment avec un sens injurieux ; nous nous bornerons à en citer deux exemples :

Dunc regarda li dux ariere,
Veit le cors qui s’en vont lever ;
Senz sei de rien espoenter
Li a dit : « Mar vos movrez,
Cuilvert ; jà le comperez. »
(Tome ii, p. 328, v. 25085.)

« Arde, cuilvert ! ren ne vos vaut, »
Fait sei li dux, etc.
(Ibidem, p. 329, v. 25113.)

Wace, autre trouvère de la même époque, fait un usage aussi fréquent de cuvert dans le sens figuré : ainsi, parlant du stratagème que le pirate normand Hasteng mit en œuvre pour s’emparer de Luna en Toscane, il dit :

Li cuvert malade se faint.
Le Roman de Rou, tom. Ier, pag. 29, v. 574.

et un peu plus, loin :

D’un drap de seie fu covert,
Come se mort fu[st] li cuvert.
(Tome Ier p. 32, v. 645.)

Enfin, dans la Chanson, de Roland, qui est pour le moins aussi ancienne que les poèmes que nous venons de citer, si elle ne l’est pas davantage, on retrouve culvert dans un sens injurieux :

Ahi ! culvert, malvais hom de put aire…
(Pag. 30, coupl. lix, v. 3.)

Ultre, culvert, Carles n’est mie fol !
(Pag. 47, coupl. xci, v. 20.)

De vos manaces, culvert, jo n’ai essoign.
(Pag. 48, coupl. xcii, v. 20[53].)

Ce mot eut également cours, avec le même sens, dans le midi de la France, à une époque aussi reculée : on le lit, en effet, dans le Roman de Gérard de Roussillon, qui n’est pas postérieur au XIIe siècle :

Li culvert e ’lh malvat e ’lh bauzador[54].

On le rencontre aussi dans les œuvres de plusieurs troubadours postérieurs à l’auteur dont nous venons de citer l’ouvrage, entre autres dans l’une des pièces de Tomiers :

L’evesque culvert
Non o preson gaire,
S’el sainz vas se pert[55].

Il est donc bien évident que cuvert n’est rien autre que le mot collibertus transporté dans notre langue ; on ne saurait non plus douter, bien que la chose paraisse étrange au premier aspect, que collazo ou coillazo, mot qui se rencontre fréquemment dans les Fueros de Navarre et ailleurs, avec un sens identique à celui de collibertus[56], et que couillaut, nom

par lequel on désignait à la cathédrale d’Angers les valets de chanoines qui servaient à l’église, n’aient la même ra- cine[57]. À ce propos, le Dachat rapporte, d’après une lettre de la Monnoye, une anecdote assez curieuse pour mériter de prendre place ici. Ménage avait mis à la suite de Colibertus, Colbertus, comme une altération du premier mot. De mauvais plaisants en firent part au célèbre Colbert, alors intendant de la maison du cardinal Mazarin, et qui était déjà regardé comme un personnage. Ce grand homme ne put pardonner à l’étymologiste : il lui fit rayer la pension dont il jouissait. En vain il fit des vers à sa louange ; Colbert fut inexorable et eut toujours pour l’étymologiste une aversion insurmontable[58].

Enfin le mot collibertus est entré dans la composition de plusieurs noms de lieux, sans nul doute à cause des colliberts qui y faisaient leur demeure. On trouve un Malgerius de Culvertville dans le cartulaire de l’abbaye de la Sainte-Trinité-du-Mont de Rouen, publié par M. A. Deville, à la suite du cartulaire de l’abbaye de Saint-Bertin[59], et les dictionnaires géographiques indiquent trois villages de Cuvertville, l’un situé dans le département de l’Eure, et les deux autres dans celui de la Seine-Inférieure. Nous pensons également qu’il ne faut pas chercher ailleurs l’étymologie de Coubert, village du département de Seine-et-Marne, arrondissement de Melun, canton de Brie-Comte-Robert. Il résulterait de là, aussi bien que des passages rapportés ci-dessus, que la classe d’individus nommés colliberts était à peu de chose près répandue par toute la France, où leur condition différait peut-être selon les localités. Nous avons vu plus haut qu’il y avait aussi des colliberts en Angleterre et en Espagne.

De tout ce qui précède il ressort évidemment, ce me semble, que le mot collibert n’a jamais été, n’a jamais pu être, sinon à une époque moderne, le nom vulgaire des Cagots du Bas-Poitou ; comme le mot colliberti, quoi qu’en dise Pierre de Maillezais, n’a dû être dans l’espèce qu’une appellation injurieuse par laquelle on les désignait comme étrangers ; ce qui n’empêche pas de penser en même temps que ce ne fût là le nom de leur condition : je ne dis pas sur les bords de la Sèvre (la recherche à laquelle cet auteur se livre relativement à l’origine de cette désignation défendrait de le croire, s’il n’était évident qu’il ne parle des pêcheurs de la Sèvre que d’après la tradition et sur des ouï-dires), mais en Béarn, où, en l’an 1000, un seigneur pouvait disposer de la maison d’un Chrétien en faveur d’une abbaye, et en Navarre, où, antérieurement à 1270[60], tout étranger qui n’avait ni armes ni cheval recevait le nom de culbert. Nous adoptons donc le nom de Cagots que Guillaume Bouchet applique à certains individus du Poitou, sans indiquer leur résidence, et que M. Dufour donne aux anciens habitants du Marais, tout en exprimant le regret que nous éprouvons de ne pas avoir une meilleure autorité à invoquer ; et nous n’hésitons pas, comme le lecteur a déjà pu en faire la remarque, à les rattacher aux réfugiés espagnols que la guerre jeta sur notre territoire et qu’un évènement maintenant inconnu y dispersa bientôt. Pour nous, la race signalée par le moine de Maillezais est un anneau nécessaire de cette chaîne d’émigrés et de proscrits qui s’étendait autrefois depuis les Pyrénées jusque dans le Maine et en Bretagne. Le portrait que trace des Cagots du Bas-Poitou l’écrivain que nous venons de citer, se rapporte à merveille à l’idée que nous nous faisons de la population qui suivit de près Charlemagne dans sa retraite d’Espagne, et encore plus à l’idée que se font les Béarnais des Cagots de leur pays[61] ; le reproche d’incrédulité que leur adressaient les Poitevins au XIIe siècle (reproche dont la fausseté est démontrée un peu plus loin par l’auteur qui s’en fait l’écho), résume complètement aussi les principales accusations dont ces malheureux ne tardèrent pas à être les victimes, et qui les suivirent partout où ils allèrent se réfugier. Il ne paraît pas, néanmoins, qu’ils aient été traités, dans le Bas-Poitou, avec autant de rigueur qu’en deçà et au-delà ; et cette bienveillance relative qu’on leur témoigna, jointe à cette circonstance qu’ils étaient en petit nombre depuis les invasions des Normands, qui les avaient décimés, dut leur permettre de se fondre rapidement dans la population indigène. Ce qu’il y a de certain, c’est que, si, à une époque plus ou moins ancienne, ils ont été désignés par les appellations de Colliberti et de Cagots, la tradition s’en est perdue dans le pays[62]. La seule chose qui ait persisté, c’est la coutume de vivre sur l’eau. On voit encore de nos jours des familles habiter sur des barques, au milieu des marais formés par la Sèvre, du côté de Marans ; ces gens-là sont désignés par le nom de Huttiers. Il est permis de croire que ce sont des descendants des anciens Colliberti, dont la mémoire serait complètement éteinte, si Pierre de Maillezais ne l’eût préservée de l’oubli.

Quant aux Cagots qui se trouvaient entre la Guienne et le Bas-Poitou, c’est-à-dire dans la Saintonge et dans l’Angoumois, ils n’ont pas été aussi heureux : aucun chroniqueur ne s’en est occupé, aucun acte ne constate leur existence d’une manière certaine ; et cependant on ne saurait douter que les deux dernières de ces provinces n’aient eu leurs Cagots comme les premières : quelle cause eût empêché les émigrés espagnols, chassés des terres qu’ils tenaient de la libéralité des princes francs, de s’arrêter sur les bords de la Charente, comme ils l’avaient fait sur ceux de la Garonne et de la Serre ? Nous n’en voyons aucune. D’un autre côté, si nous jetons les yeux sur l’Angoumois, nous trouverons une caste qui rappelle en quelque chose celle des Cagots. Nous voulons parler des ouvriers papetiers, qui vivent à part et ne se marient qu’entre eux : circonstance assez généralement attribuée aujourd’hui au désir qu’ils auraient de conserver leur état exclusivement à leur famille et à leur caste[63], mais qui, suivant nous, n’est qu’un reste d’obéissance à d’anciens règlements, convertie en habitude, ou le résultat de la répugnance dont ils étaient autrefois l’objet de la part des indigènes. On comprend que lorsque les premières manufactures de papier s’établirent dans le pays, leurs entrepreneurs n’aient trouvé, pour y travailler, que des malheureux qui ne tenaient en rien au sol, et qui, comme les Cagots des Pyrénées et les Caqueux de la Bretagne, étaient en possession d’exercer des métiers dangereux et insalubres dont les vilains même ne voulaient pas.

Mais qu’est-il besoin d’aller chercher dans les papeteries de la Charente les descendants des parias qui nous occupent ? De renseignements authentiques qui nous ont été fournis, il résulte qu’il y avait en Augoumois, durant et depuis la domination anglaise, une race ou secte qu’on peut assimiler aux Cagots des Pyrénées ou aux Caqueux de la Bretagne, et qui, suivant les diverses localités angoumoisines où ces hommes vivaient groupés et associés, recevaient de leurs voisins les noms de Creetés ou Crestés, et plus rarement ceux de Roux, Roussels, Cailluauds ou Cailhevots. Une agglomération de ces hommes vivant à part au milieu des autres Angoumoisins, a existé au village du Temple, près de Rouillac, où on leur a aussi donné quelquefois l’épithète de Pierrals, et plus tard le nom de Morins ou Maurins. Tous les documents recueillis à grand’peine sur ce sujet, sont antérieurs à la fin du XVIIe siècle, c’est-à-dire qu’il ne s’en trouve pas de postérieurs à la révocation de l’édit de Nantes ; sans doute parce que depuis cette époque, ces parias ont fait comme les protestants de la contrée, avec lesquels ils fraternisaient volontiers, surtout vers l’époque de la bataille de Jarnac, ainsi que le constate une lettre au capitaine de la Noue, qui existait au presbytère de Courbillac, et qui a été depuis conservée par les héritiers de feu l’abbé Prévost du Las, ancien curé de cette paroisse. Les principaux documents relatifs à ces Cagots de l’Angoumois, sont des actes entre eux et les possesseurs du logis de Boisauroux et des autres fiefs ecclésiastiques et laïques des environs, une vieille chanson et un noël saintongeais recueillis dans l’arrondissement de Saint-Jean-d’Angely, où l’on parle d’eux, et où sont désignées, par les noms qu’elles ont encore de nos jours, les pièces d’héritage qui environnent le village du Temple. Les autres lieux de la contrée où il y a de ces parias réunis, sont Saint-Eutrope (arrondissement de Barbezieux, canton de Montmoreau), Guizengeard (même arrondissement, canton de Brossac), Saint-Même (arrondissement de Cognac, canton de Segonzac), les Tuilleries (commune de Julienne, arrondissement de Cognac, canton de Jarnac), Carrières et le château d’Auqueville, près de Bègue. Mais peut-être reviendrons-nous plus tard sur un sujet que nous ne faisons qu’effleurer ici.



  1. « Il y avoit au onzième siècle, sur la lisiere du Poitou et de l’Aulnis, une branche des Teifaliens, nation Scythe : ces Peuples étoient entrés dans les Gaules, sous la conduite de Goar, Roi des Alains. Ces hommes féroces vivoient au milieu des marais et des halliers impénétrables de l’Isle de Maillezats. Ils n’auroient pas choisi un séjour aussi sauvage, si une loi supérieure ou les malheurs de la guerre, ne les y avoient contrains, comme on l’a dit ci-dessus. » Histoire de la ville de la Rochelle et du pays d’Aulnis… À la Rochelle, chez René-Jacob Desbordes… m. dcc. lvi-lvii. in-4 ; discours préliminaire, tom. Ier, p. 30.
  2. Monde primitif, analysé et comparé avec le monde moderne, considéré dans les origines françoises… p. xv, xvj.
  3. « In extremis quoque insulæ unde agitur (l’île de Maillezais), supra Separis alveum quoddàm genus hominum piscando queritans victum, nonnulla tuguria confecerat, quod a majoribus Collibertorum vocabulum contraxerat. Quod nomen quamquam quædam servorum portio sortita sit, videtur tamen quod in istis conditione aliqua derivatum sit. Unde quoniam adest occasio, ipsius vocabuli perscrutetur interpretatio. Etenim Collibertus a cultu imbrium descendere putatur ab aliquibus. Progenies autem istorum Collibertorum hinc forte istud ore vulgi, multa interdum ei usibus rerum vera dicentis, contraxit vocabulum, quoniam ubi inundantia pluviarum Separis excrescere fecisset fluvium, relictis quibus incolebant locis, hinc enim procul habitabant nonnulli, properabatur illo, causa piscium. Sive ergo sit hoc, aut aliud aliquid, hoc unum de illis fertur, quod sint et ira leves, et pene implacabiles, immites, crudeles, increduli et indociles, et omnis propemodum humanitatis expertes. Aquilonaris certe gens, Normanni videlicet, quæe semper prædis, incendiis et rapinis ultra modum alios vexare parata prædicatur, præfatum flumen quam sæpe solita erat introire, ac quoscumque poterat bonis omnibus nudatos neci dabat. Horum gladio Collibertorum, post non minimam suorum stragem, deleta cantatur maxima multitudo. Pet. mon., de Àntiquit. et commut. in mel. Malleac. ins., apud Besly, Comt. de Poit., p. 206, 287. » Voyez aussi Novæ Bibliothecæ manuscript. librorum Tomus secundus… Operà ac studio Philippi Labbe, p. 223 ; Gloss. ad Script. med. et inf. Lat., t. ii, m. dcc. xxiii., col. 760, sub voce Colliberti ; et Rec. des Hist. des Gaules, tom. x, p. 178, e.
  4. De l’ancien Poitou et de sa capitale… par J.-M. Dufour. Poitiers, Mmes Loriot… 1826, in-8 ; p. 117-122. Ce passage, abrégé, se trouve répété dans les notes de l’Histoire du Poitou par Thibaudeau, nouvelle édition. Niort, Robin et Cie, 1839, in-8 ; tom. 1er , p. 429, 430. Voyez aussi l’introduction, p. xv, en note.
  5. France pittoresque, tom. 1er , p. 15, en note

    M. Charles Arnauld s’est rangé du même avis. Voyez Histoire de Maillezais… Niort, Robin et Cie, 1840, in-8 : p. 2, 3, 141. À la page 76 du même ouvrage on lit la note suivante, communiquée par M. de la Fontenelle : « Quand Goderanne (abbé de Maillezais) fut ainsi parvenu a l’une des plus hautes dignités de l’église, des Colliberts, soumis ou domptés, furent cédés à la duchesse de Bourgogne. Ces habiles pêcheurs des rives de la Sèvre furent destinés, sans doute, à la terre lointaine pour y fournir à la table des grands le gibier, le poisson qu’ils savaient poursuivre avec tant d’audace et de persévérance. » Comme ce passage est dépourvu de toute indication d’autorité, et qu’il n’a par là aucune valeur en matière d’érudition, j’ai dû me borner à le consigner en note.

  6. Histoire politique, civile et religieuse de la Saintonge et de l’Aunis, etc. Deuxième période. Tom. 1er . Paris, E. Pannier, 1838, in-8 ; p. 407-410.
  7. Quasdam villas novas ædificavit, per quas plures ecclesias et milites de propriis suis hominibus, ad eas confugientibus, exhæredasse non est dubium. (Script. rer. franc tom. xiii. p. 286.) — Aug. Thierry, Lettres sur l’Hist. de France, p. 229.
  8. Statistique ou Description générale de la Vendée par J.-A. Cavoleau, etc. Fontenay-le-Comte, Rohuchon, 1844, in-8 ; pag. 93, 94. Tout ce que dit M. de la Fontenelle des habitants du Marais est emprunté à une notice sur les Huttiers de la Sévre, par M. Savary, chef de bataillon du génie, publiée dans les Mémoires de la Société de statistique du département des Deux-Sèvres, tom. xiii, 1838-39. Niort, impr. de Robin, 1839, in-8 ; pag. 110-131. C’est bien peu de chose que ce mémoire, plus romantique que scientifique. Voici, du reste, la conclusion de l’auteur, qui ne conclut rien, comme on va le voir : « Avant Ramond le père Arcére… avait conclu en faveur des Alains ; je n’entreprendrai point de concilier ces deux auteurs célèbres, c’est assez sans doute pour nous de savoir qu’à peu d’heures de notre ville, nous pouvons visiter des familles, soit de Goths, soit d’Alains, conservés à l’état fossile, pour ainsi dire, depuis quatorze siècles, avec leurs usages, leurs goûts et leur physionomie primitive. Amour et misère, telle est aujourd’hui la devise inscrite au front de cette population réprouvée. Si dans la jeunesse il y a compensation, qu’importe le reste de la vie ? »
  9. Quin, hercle, conlibertus meus, faxo, eris, si di volent.
    (M. Ac. Plauti Pœnulus. act. iv, sc. ii).

    « Et inter collibertos, matrem et filium, pietatis ratio secundum naturam salva esse debet. » Ulpian. in lib. xxxvii d., tit. xv, leg. 1, § 1. De Obsequiis a liberis et libertis parentibus et patronis præstandis.

    « CarisI Damis juvenis innocentissimi CarisI Amphion, Alexander, Heraclas, colliberti. » Voyage dans les départ. du midi de la France, par Millin, t. iii, p. 625.

    « Tunc repente beatus Petrus apostolus in stola candida deorsum in pavimento constitit ; eique dixit : « Colliberte, quare tam citius surrexisti ? » Dialogi B. Gregorii, lib. iii, cap. xxiiii. De Theodoro mansionario ecclesiæ beati Petri apostoli urbis Romæ. À la place de ce mot le pape Zacharie donne σύντροφε, c’est-à-dire sodalis.

    Voyez d’autres exemples de l’emploi des mots collibertus et colliberta, dans le grand lexique latin de Facciolati et de Forcellini.

  10. « Si quis liber liberum hominem furaverit et vendiderit, et exinde probatus fuerit, reducat eum, et libertati restituat, et cum octuaginta solidis componat eum ; in publico vero quadraginta solidos solvat propter præsumptionem quam fecit.

    « Et si eum revocare non potuerit, tunc ipse, fur perdat libertatem suam pro eo quod conlibertum suum servitio tradidit, si solvere non valet weregildum parentibus, et amplius non requiratur. » Dagoberti regis capitulare tertium, sive Lex Bajuvariorum, tit. viii, art. iv (Cap. Reg. Franc., t. 1er , col. 117.) Du Cange n’a pas rapporté ce passage dans son Glossaire.

    La loi des Lombards compte aussi les colliberts parmi les libres. Voyez liv. i, tit. 29, §. 2 ; liv. ii, tit. 21, §. 16 ; tit. 27, §. 1 ; tit. 55, §. 11, 13. À ces indications, du Cange ajoute la remarque suivante : « Verum iis in locis Conliberti accipiuntur pro hominibus ejusdem conditionis, vel ejusdem pagi : quo sensu forte id vocabuli usurpatur apud Gregorium Magnum lib. 3. Dial. cap. 24. » Gloss. tom. ii, col. 760.

  11. Colliberti. « On appelait de ce nom ceux qui n’étaient ni serfs ni affranchis, dont la condition était entre l’homme libre et l’esclave. Je l’ai interprété et rendu par le mot collibert, qui signifie franc du col, du collier. » Collection des cartulaires de France, tome ii. Cartulaire de l’abbaye de Saint-Père de Chartres, publié par M. Guérard… t. ii. À Paris, de l’imprimerie de Crapelet, m dcc xl, in-4 ; p. 846.
  12. Hist. de Maillezais, p. 3.
  13. Monde Primitif… considéré dans les origines françoises, col. 269.
  14. Gallia christiana, ed. prior, tom. iv, p. 179, col. 2, b ; edit. poster., tom. iv, col. 366. — Rec. des Hist. des Gaules, tom. ix, p. 634, a.
  15. « Audiens autem Comes (Herbertus), quod fugisset Antistes (Avesgaudus), invasit vi domos suas… Nec hoc suffecit ei ; sed etiam servos et mancipia Episcopi, et colibertos tamdiu tenuit in carcere, donec cuncta reddiderunt quæ habebant. » Acta Pontificum Cenomannensium, cap. xxx. (Vetera Analecta, ed. D. Mabillon, in-folio, p. 304, col. 1 ; Rec. des Hist. des Gaules, tom. x, p. 385, k, circa an. 996.)

    Si l’on en croit J. F. Bodin, Foulques Nerra, comte d’Anjou, bâtit des villes, des châteaux, des églises et des monastères en si grand nombre, que pour y attirer des habitants « il concéda plusieurs franchises aux Colliberts ou Serfs de son domaine ; il leur accensa des terres, et leur permit d’en vendre les fruits, à certains jours, dans les marchés qu’il établit en divers endroits. » Recherches historiques sur l’Anjou et ses monument, (Angers et le Bas-Anjou.) Saumur, chez Degouy aîné, 1821-23, deux voIumes in-8 ; tom. Ier, p. 188. Le savant Angevin s’appuie de la charte de fondation de l’abbaye de Beaulieu en Touraine. Nous avons lu cet acte, dont on trouve le texte et la traduction dans le Dictionnaire historique, géographique… du département d’Indre-et-Loire, par Jr. M.tin. Je. M.x. Dufour (de Tours). 2e arrondissement (Loches). Tom. Ier, Tours, Letourmy. 1812, in-8, p. 35-37, et nous pouvons assurer qu’il n’y est nullement question de Colliberts. Bodin y a vu un affranchissement de serfs, et en sa qualité d’Angevin il a appelé ces serfs Colliberts ; mais ici ce mot a été apporté par lui : il n’a pu le trouver dans la charte de Beaulieu, où, nous le répétons, celui-ci n’existe pas.

  16. Sacrosancta Concilia… studio Philip. Labbei, et Gabr. Cossartii, tom. ix, p. 866, c.
  17. D. Ivonis Carnotensis episcopi Opera omnia. Parisiis, apud Laurentium Coltereau, m. dc. xlvii. in-folio, pars altera, p. 231, col. 2. Cet acte a été également rapporté par du Cange, avec un serment des chanoines du Mans, qui se trouve dans le cartulaire de cette église, sous l’année 1408, et qui présente la même particularité. Voyez son Glossaire, tom. ii. col. 761.
  18. Diplomata Henrici I. Francorum regis. (Rec. des Hist. des Gaules, t. xi, p. 572, d.)
  19. Cart. de St.-Père de Chartres, prolég., p. xliij ; et tom. Ier, p. 158.
  20. Ibid., prol., p. xliij ; et tom. Ier, p. 159.
  21. « Anno xx post transitum domni Rotberti regis… quidam vir nobilis nomine Petrus qui dicebatur Fortis, oppressus est infirmitate qua et mortuus est ; qui, quamdiu vixit, tam in servis quam in colibertis possessor extitit. Post obitum autem ejus, accedens memoratus abbas (Sancti Maxentii, Archimbaldus,) ad ejus successorem uxoremque vel filiis, petiit ab eis ut pro illius anima duo coliberti darentur cum infantibus suis, scilicet Rainaldus et Adalfredus cum omnia que illorum erant, excepto quod de unumquemque infantem unum retinuerunt qualiscumque, atque super hec omnia donavit illis abbas jamdictus aliquit ex opibus supradicti sancti, hoc quod ipsi petierunt et societatem in monasterio cum ceteris senioribus. » Mss. de D. Fonteneau, conservés à la bibliothèque de Poitiers, I, xv, p. 289.
  22. « Ego Ademarus, Sancte Radegundis clericus et subcantor, et frater meus Agardus, damus libertatem cuidam coliberto nostro, nomine videlicet Gosberto, cum auctoritate Gisleberti ac Johannis fratris sui, quorum dono cum habemus, et Ademari vicarii Pictavis et uxoris sue Helisabeth et filii sui Ademari qui unam sellam habuit, a cujus patre isti tenebant hunc virum, necnon et auctoritate Archimbaldi Sancti Maxentii abbatis, idem Burdegalensium archiepiscopi, a quo hic Ademarus Pictavis vicarius cum tenebat, et ab eo movebat omne, ut deinde servitutis absolutus vinculis, nullius legibus subjaceat, nisi tantummodo Dei omnipotentis, ac potestatem faciendi quicquic voluerit habeat, et abiat quoquo loco placuerit. Hec scripta si quis infringere voluerit, iram Dei… » Mss. de D. Fonteneau, tom. xv, p. 291.
  23. Cart. de St.-Père, proleg., p. xliv ; tom. Ier, p. 187, c. 61.
  24. « Ego Gausberlus et Helias frater meus concedimus… sancte Marie et sancto Cypriano… sextam partem de molendinis qui sunt in castello Engla… et unum hominem servum vel colibertum, cum omni suo fructu. » Mss. de D. Fonteneau, tom. vii, p. 51.
  25. « Ego Arnaldus cognomento Villanus, desiderans meis peccatis reddere propitium Dominum, Hugone priore vivente, Deo et beato Nicolao et canonicis universis sue ecclesie Guidonem colibertum meum perpetuo in colibertum habendum et fructum suum dedi, et donationem hanc super prefati sancti Nicolai altare posui. » Ibidem, tom xx, p. 95.
  26. « Nolum sit, etc., quod Alaiz de Maignac, uxor Ramnulfi, vicecomitis de Albucio, dedit Deo et sancto Martino et monachis Tutelensibus duos mansos in villa de Castanet, cum servis et ancillis et colibertis et cum omnibus quæ in ipsis vicecomes habebat, vel quicquid monachi de feralibus conquistare potuerint, » etc. Historiæ Tutelensis Libri tres. Parisiis, ex Typographia regia, 1707, in-4 ; appendix actorum veterum, col. 445 et 446.

    Nous joignons ici un autre exemple d’une donation de colliberts faite à une église : « Hæc omnia damus in rebus ecclesiæ et usu eorum, quicumque oportuni ad domum ipsam serviendum fuerint, quos per adsignationem Leuderici defensoris vestræ ecclesiæ possidendos præcipimus, cum mancipiis, his nominibus, Launovethum, Fœdulum cum uxore Taligia, Sesuifum, Cartinum, cum uxore Leudomalla, et filio Leudoghisilo, cum filia Childegunda, Pupa cum filiis, Pupilonio cum porcis quos custodit. Leudomadum. Mundofœdam, et Leudomandam, comlibertos omnis jam dicti presbyteri. » Exemplar testamenti, monasterii sancti Vincentii, et domni Domnoli, etc. (Vetera Analecta, ed. prior, tom. iii, p. 101 ; edit. post., p. 252, col. 2.)

  27. Cart. de St.-Père, prolég., p. xliv ; et tom. ii, p. 295, c. 40. Voyez dans le Glossaire de du Cange, tom. n, col. 700, dernier paragraphe, d’autres exemples de dons et de ventes de colliberts.

    On trouve dans les Recherches sur les Cartulaires d’Anjou, par M. Paul Marchegay, les indications suivantes relatives à cette classe d’hommes :

    XIe siècle. Charte de Roger de Montreveau, chevalier, contenant donation à Saint-Florent des colliberts de Saint-Sauveur, tous nommés dans la charte, et de leur postérité. (Orig. préfect. d’Angers. Ms. Saint-Germain-français no 1500, à la Biblioth. royale, p. 39.)
    1022-1055. Donation faite par Archambaud, seigneur de Langeac, à Frédéric, abbé, et aux moines de Saint-Florent, de deux colliberts pour en jouir en pleine propriété. (Collection Housseau, à la Biblioth. royale, no 10328.)
    Vers 1050. Donation faite par Raoul, vicomte du Mans, d’une colliberte aux moines de Saint-Florent. (Ms. Saint-Germain no 1500, p. 39.)
    XIe siècle. Donation faite par Jean, châtelain de Chinon… d’un collibert aux moines de Saint-Florent. (Hist. mste. de Saint-Florent, par D. Huynes, no 10329, à la préfecture d’Angers).
    XIe siècle. Donation d’un autre collibert faite par le même. (Ibid., no 10330.)
    XIe siècle. Donation faite par Wandelbert… à Saint-Florent et au prieuré de Saint-Louan, de plusieurs colliberts ; etc. (Collection Housseau, no 10331.)
    1055-1070. Donations de serfs ou colliberts faites à Saint-Florent du temps de l’abbé Sigon (Ms. Saint-Germain no 1500, p. 39.)
    1060-1067. Charte de Geoffroy III, dit le Barbu, comte d’Anjou, relative à la restitution faite par lui à l’abbaye de Saint-Maur, de trois serfs ou colliberts (conlibertos). Analysée p. 331 des Rech. sur les Cart. d’Anjou, cette pièce y est imprimée p. 390, 391.
  28. « Charta Juelli de Meduana ex Tabul. Major, monast. Iratus graviter contra eum (Guarinum Probum) dixi ei, quòd meus Colibertus erat, et poteram eum vendere vel ardere, et terram suam cuicumque vellem dare, tamquam terram Coliberti mei. Vide Hist. Sabol. pag. 51. » Glossarium novum ad Scriptores medii ævi, tom. i, col. 1026, sub voce colliberti.
  29. Gloss. ad Script, med. et inf. Latin., tom. ii, col. 761.
  30. Gloss., tom. ii, col. 762. Voyez aussi Joh. Jacobi Hoffmanni… Lexicon universale, etc. Lugduni Batavorum, apud Jacob Hackium, etc. m dc xcviii, quatre volumes in-folio ; t. Ier, p. 920, art. Colliberti. Voir, pour d’autres exemples d’affranchissements, les cartulaires de Bourgueil et de Saint-Aubin d’Angers ; et deux chartes, l’une de Louis VI, datée de 1103, l’autre de Geoffroy, comte d’Anjou. (Gloss., tom. ii, col. 761.)
  31. Voyez Joachimi Potgiesseri… Commentariorum juris Germanici de Statu Servorum veteri perinde atque novo Libri quinque, etc. Lemgoviæ, ex officina Meieriana. m dcc xxxvi. in-4 ; lib. iv, cap. xiv, §. xii, p. 781. On y lit : « Denique notes velim, libertos aliquando collibertorum nomine signari. Neque tamen idcirco necessum videtur, protinus novam speciem effingere, cum revera nullum discrimen inter utrosque adsit, sed genus sint inter servos et ingenuos fluctuans. Notissimum enim est, tametsi res quæpiam diversas appellationes sortiatur, non tamen novas ideo ejus constitui species. » Au mot signari, l’auteur ajoute en note : « Apud meichelbeck, T. i. P. ii. Histor. Frising. num. MCCXL. traditur prædium, quod Sigawold libertus possidet. Colliberti vero dicuntur, penes Baluzium… Idem fit tom. iv. Galliæ Christ. Sammarthanorum. Eorumque fit mentio in appendice ad Origin. Palat. Freheri, pag. 29. Observante Viro eruditissimo Estore, comm. de Minist. §. 209. » Cette citation se rapporte à la première édition d’Estor ; j’ai eu recours à la seconde, dont voici le titre : Joannis Georgii Estor… Commentarii de Ministerialibus. Argentorati, sumptibus Jo. Reinh. Dulssickeri. 1727. in-4. On y lit, au chap. ii, § lxxvi, p. 109 : « … Utrum vero liberti a collibertis vixerint discreti, illud primo obtutu adparet ambiguum

    « §. lxxvii. Nos ita rationes subducimus, libertorum et collibertorum vel plane nullam, vel saltem exiguam comparere differentiam censentes. Si enim quidquam durioris in libertis observes, id partim loco est tribuendum. Immo reipsa liberiorum ab collibertorum natura non est diversa, erat utrumque genus inter servos ac ingenuos fluctuans. Neque mibi placent, qui ubi in his materiebus diversi quid perspiciunt, continuo ad novam speciem fingendam sunt parati. » Estor ajoute en note : « Lege hac de re Joannem Wilhelmum Goebelium de jure rusticorum, p. 26. »

  32. Après avoir fait connaître la valeur qu’avait le mot collibertus dans le droit civil des Romains, et ses équivalents en grec et en français, du Cange continue ainsi : « Sed Collibertorum, seu Colibertorum conditio alia apud nos fuit ; nam nec inter omnino liberos, nec inter omnino servos accensebantur, sed mediam quamdam inter utrosque conditionem tenebant, ita ut nec liberis, nec servis annumerarentur, licet ad servorum statum propius accederent, cum eorum instar essent in commercio, dominos haberent, quibus censum de more exsolvebant, et ab iis in libertatem non secus ac servi assererentur. »

    « The name of the Coliberti was unquestionably derived from the Roman Civil Law. They are described by Lord Coke as Tenants in free socage by free rent. (Inst. edit. 1628. lib. 1. sect. 1. fol. 56.) Cowel says, they were certainly a middle sort of Tenants, between servile and free, or such as held their freedom of tenure under condition of such works and services ; and were therefore the same landholders whom we meet with (in after times) under the name of Conditionales. (Law Interpr. in voce. See also Kelham, p. 176.) » A general Introduction to Domesday Book… by Sir Henry Ellis, vol. i, p. 85.

    Voyez aussi les prolégomènes du Cartulaire de Saint-Père de Chartres, p. xlij-xlv.

  33. Cart. de St.-Père, prolég., p. xliv ; et tom. ii, p. 297, no xlii.
  34. Ibid., p. xliv ; et tom. Ier, p. 180.
  35. « Notum sit fratribus nostris, scilicet monachis Majoris Monasterii, quod quidam servus sancti Martini et noster, nomine Hildradus, duxit uxorem quandam colibertam Hugonis, filii Teudonis, de qua habuit quatuor liberos. Post mortem Hugonis, filius ejus Guillelmus calumniatus est nobis medietatem filiorum, propter colibertam patris sui. De qua re, domnus Ascelinus, tum præpositus obedientiæ Burziaci, iniit placitum cum eo apud Montorium in feria sancti Laurentii, ibique judicatum est quod nati de servo et coliberta non debent partiri, sed patrem sequuntur omnes filii, ideoque calumniam ejus esse injustam. Et cum ille contenderet illum fuisse colibertum, guadjavit ei domnus Ascelinus jurare quod ille servus fuerit non colibertus. Quod jusjurandum fecit ei fieri per unum hominem ejusdem familiæ nomine Alchierum, de villa Rebla, apud Rupes Episcopi, » etc. Notitia placiti apud Montorium habili, ined. (Ex chartul. Vindocin., cod. reg. 5442, c. 161.) — Polyptique de l’abbé Irminon, publié d’après le manuscrit de la Bibliothèque royale par M. B. Guérard. 1re  livraison. Partie latine. Paris, Imprimerie royale, m dccc xxxvi, in-4. Appendice, p. 361 ; Gloss. ad Script, med. et inf. Latin. t. ii col. 760.
  36. Voyez le Glossaire de du Cange, au mot servus, édit, in-folio, t. vi, col. 450. Voyez également De Conditione et Statu Servorum apud Germanos, in-8, lib. ii, cap. i, §. xiii, p. 168 ; éd. in-4 ; déjà citée, lib. ii, cap. ii, §. xliv-xlv, p. 403-405.
  37. « Prodeuntibus ad pugnæ locum socii aderant qui certandi periti monita suo quisque pugili repetebant… qui socius parentis nomen ab officio obtinebat, hodieque etiam patrinus dicitur. Aderat etiam alter socius vel comes arma ferens qui collibertus appellabatur. » Bernardi Sacci Historia Ticinensis, lib. ix, cap. 10. (Thesaur. Antiquit. et Histor. Italiæ, ed. Grævio et Burmanno, tom. iii, col. 746.)
  38. « De ome de oltra puertos que viene à pobla aqua.

    « E fó establido por fuero todo ome de oltra puertos qui viengua á cavayllo en Espayna, é se asentáne en quoalqurere vila, é non toviere el aynno primero et hun dia cavayllo et armas, que non sea ynfanzon, et estatal esdito culbert: el rey ó seynnor ha cada aynno sobre eyll dos sueldos ; et si toviere el aynno é dia primero cavayllo et armas sia infanzon, et non dará al seynnor nulla renta; é si non viniere á cavayllo ni se asentare en caso, ço és palacio de cavayllero ó ynfanzon-hermunio que pende de seynnor, tal será villano é el rey ó seynnor habrá del vilano dreyto sobre quanto eyll enxamplara de aynno dia en adelant. Mas el primer aynno deben seer escusados los unos é los otros fuera de huest con pan de tercero día ó cavalgada ó sitio de castillo é apellido que deben seguir sus vecinos. » Articulo 5o del fuero de Sobrarbe manuscrite que existe en el archivo de la diputacion provincial de Navarra, seccion de fueros, leg. 1, carp. 3 ; y fué copiado de un codice que existe en el archivo de la Academia de la historia de Madrid, y se hace mention en el Diccionario de Antigüedades del Reino de Navarra, t. i, p. 563. Vease tambien p. 467.

  39. « Coloni sunt cultores advenæ dicti a cultura agri. » Isidorus Hispalensis, lib. ix, cap. 4 ; et ex eo Papias. « Illud gravius et acerbius, quod additur huic malo servilius malum. Nam suscipiuntur advenæ, fiunt præjudicio habitationis indigens… et quos suscipiunt extraneos et alienos, incipiunt habere quasi proprios ; quos esse constat ingenuos, vertunt in servos. » Salvian. lib. v de Gubernatione Dei.

    Voyez, sur les coloni, le Glossaire de du Cange, édition in-folio, t. ii, col. 773-775 ; et le traité de Polgieser, déjà cité, éd. in-8. liv. i, chap. ii, §. xvii, p. 89-93 ; éd. in-4, lib. i, cap. iv, §. xxxiv-xxxvi, p. 205-209. Un seul exemple suffira, je l’espère, pour démontrer la conformité qu’il y avait entre les colliberti et les coloni. Dans un acte relatif au manoir de Dene (Hampshire), qui se lit au Domesday Book, tom. Ier, folio 38, une main du temps a écrit I’ Bures au-dessus de coliberti, comme étant le synonyme de ce dernier mot ; et William Lambard, dans son glossaire des lois anglo-saxonnes, s’exprime ainsi : « Colonus. Sax. gebure ; villicus ad certum censum singulis annis pendendum ascriptus. » Ed. Whel. p. 218.

    autres servaient la république comme marins. Ils pouvaient, par leurs services, obtenir, soit une exemption du tribut, soit même la faveur de passer dans la classe des citoyens : on vit de nombreux exemples de ce genre d’incorporation, dans des temps d’épuisement où la cité avait besoin de se recruter.
  40. Le mot métèque (en grec μέτοικος) signifie émigré, étranger domicilié, et, pour traduire littéralement, qui a changé de demeure, de maison, de patrie. Eschyle, dans sa tragédie des Perses, dit ironiquement des barbares qui sont venus chercher leur tombeau dans la Grèce, qu’ils y ont péri, métèques d’une terre cruelle pour eux, parce qu’en effet ils semblent, par leur mort, y avoir fait à jamais élection de domicile. Dans les Suppliantes du même poète, les filles de Danaüs, réfugiées dans l’Argolide, chez Pélasgus, roi des Pélasges, y prennent le nom de métèques. Les métèques étaient donc, comme leur nom l’indique, les étrangers domiciliés à Athènes. Maintenant quelle était la condition, quelles étaient les charges, quels étaient les droits des métèques ? Voici en somme ce que je crois savoir :

    Les métèques, dans l’origine surtout, formèrent une classe intermédiaire entre les hommes libres et les esclaves ; libres, comme les premiers, mais dans une dépendance qui les avilissait et les rapprochait des seconds ; si bien que, lorsqu’on affranchissait un esclave, on le faisait passer dans la classe des métèques. Ils avaient ordinairement des patrons, choisis parmi les citoyens, qui les protégeaient et qui répondaient d’eux, et ils payaient un tribut annuel à l’état ; les uns exerçaient des métiers, les

  41. « De colibertis S. Cyrici et suorum canonicorum, qui unoquoque anno solvere debent de capite tres denarios. » Liber chart. ecclesiæ S. Cyrici Nivern. no 83. Apud du Cange, t. ii, col. 760,763. Il existe une charte de Ranulfe, abbé de Saint-Maur, concernant un collibert nommé Simon, forgeron, lequel se reconnaissait collibert de Saint-Maur, mais non pas au même titre que les autres qui payaient une redevance de quatre deniers. Cet acte analysé dans les Recherches sur les cartulaires d’Anjou, p. 342 et 343, y est imprimé en entier, p. 388.
  42. « Notum sit universis tam futuris quam presentibus, quomodo ex progenie Gisleberti, majoris Sancti Michaelis de Mariscello, quem proprii capitis natura sancti Michaelis ecclesie dederat, duo filii ejus Bernerus et Gudo, cum tribus sororibus, videlicet Kildeburgi, Helisabeth et Hersendi, capitium quatuor denariorum, quod singulis annis dederant, non denegantes ; sine assensu vero prefate ecclesie cujuslibet generis mulieres in uxores ducere, et supradictas sorores, insuper etiam universas sui generis feminas quibuslibet in conjugium dare sibi licere dicebant, atque in extrema vite eorum consuetudinem, que vulgo mortua manus vocatur, se non daturos affirmare volebant. Quocirca canonici supradicte ecclesie eos ad placitum invitantes, certam diem eis constituerunt. Illi autem in infidelitate sua se non posse perseverare apud semetipsos sentientes, conscientia accusante, ante diem cause constitutam Bernerus et Gudo ad ecclesiam beati Michaelis, nullo invitante, spontanea voluntate venientes, quidquid injuste prius negaverant, nullo cogente, coram Rainero decano atque Warnero, necnon et Baldrico atque Raimbaldo et Hainrico cl Adone et Guntero, canonicis, libentissime cognoverunt… Sorores autem eum vidissent fratres ad viam veritatis rediisse, nolentes in errore suo diutius permanere, eodem modo due earum, Hildeburgis scilicet et Hersendis, non diu post fratres ad eandem sancti Michaelis ecclesiam accedentes, quod fratres recognoverant confiteri non distulerunt, attestantibus Lanscione de Alceio, Fulcone de Milliaco… Ad ultimum autem Helisabeth, soror tercia, cum filia sua Ermengardi, nolens nec potens denegare diutius nec veritati resistere, nullo, nisi rectitudinis ac conscientie voce, eam vocante, ad prescripte ecclesie presentiam modo servili regrediens, quod injuste et negligentia fratrum proposuerat verbo veritatis recognovit ; ibique propria manu, pro filia secum adducta, quam in conjugium erat datura, consuetudinem, que licentia vocatur, scilicet xv denarios sancto Michaeli ejusque canonicis, uti eorum coliberta, mullis aliis videntibus, donavit. Itaque ut istius rei memoria omni tempore servaretur, denarii quos pro filia dederat, more solito, circumstantibus hic notatis, dispersi sunt… » Notitia de hominibus ecclesia S. Michaelis Belvacensis, ined. (Ex apographo, ibidem, sub anno 1100.} — Polyptique d’Irminon, appendice, p. 378.
  43. « Ascelinus de Bovisgenu et major, capitalis homo * sancti Michaelis, Avelinam mulierem liberam duxit ; hæc eadem postea fidelitatem sancto Michaeli et canonicis ejus, in presentia Garneri de Coionne, Petri Thesaurarii, Henrici et Rambaldi, ejusdem ecclesie canonicorum, in camera ipsius Rambaldi, fecit, quatuor denarios de capite suo solvens, et jurans quod servitutem sancti Michaelis et canonicorum ejus non negaret, et quod sanctus Michael et canonici… illius Aveline fuit, » etc. Idem, ibidem, p. 380, Voyez aussi une charte du cartulaire de St-Maurice d’Angers, rapportée par du Cange, t. ii, col. 763. Il résulte de cette pièce que lorsque l’un des deux époux trompait l’autre sur sa condition, cette circonstance pouvait donner lieu à une séparation de corps.

    * Ce mot est synonyme de colibertus, comme on le voit par une notice de 1114, que du Cange a tirée du cartulaire de Bourgueil. Voyez son Glossaire, t. ii, col. 762, 763.

  44. « Præterea in eadem insula cernitur ecclesia in honore beati Pientii, ut dicitur, episcopi fundata : quæ ipsa vetustate admodum probatur antiqua. Cum autem persona ejusdem fundatoris ecclesiæ, quisve fuerit Pientius quæritur, quantum adverto utriusque rei certitudo ab hominibus nescitur. Totius nempe vulgi ore prædicatur, quod Colliberti, de quibus superius dicebamus, ea in ecclesiam ædificaverunt, atque in ea quoties piscandi gratia illuc advenissent, mysteria missæ audiverint. » Petri Malleac. mon. de Cœnob. Malleac, Ins., lib. i, §. iv. (Nov. Bibl. manuscrtpt. Libr. Tom. secund., p. 226, 227.)
  45. La Chanson des Saxons, par Jean Bodel, t. Ier, p. 60, couplet xxxv.
  46. Monde primitif, etc., col. 270.
  47. Manuscrit de la Bibliothèque royale no 8407, fol. 100 ; cité par J. B. B. Roquefort, dans son Glossaire de la Langue romane, t. Ier, p. 334, col. 1.
  48. Trop nos ont le siecle boni,
    Chevalier sont acuiverti
    Plus que cil où l’en fet les tailles.

    La Bible Guiot de Provins, v. 212, (Fabl. et Contes, édit. de Méon, t. ii, p. 314.)
  49. Bibliothèque de l’École des chartes, tome Ier, Paris, 1840, in-8 ; p. 372-374. — Récits des temps mérovingiens… par Augustin Thierry. Paris, Just Tessier, 1840, in-8 ; t. Ier, p. 10, en note. — Recueil de chants historiques français depuis le XIIe jusqu’au XVIIIe siècle… par Leroux de Lincy. Ire série. Paris, librairie de Charles Gosselin, mdcccxli, post 8 ; p. 218-220. Ces deux auteurs traduisent terre acuvertie par terre de lâches, des lâches.
  50. Manuscrit la Valliere no 39. (Li Romans de Garin le Loherain, publié par M. P. Paris, tom. ii. Paris, Techener, 1835, in-12 ; pag. 267, 268, en note.)
  51. Li secunds Livrez des Reis. (Les quatre Livres des Rois, etc., p. 198.)
  52. Li tierz Livres des Reis, p. 262.
  53. Voyez aussi pag. 55, coupl. cvi ; pag. 89, coupl. clxvii ; pag. 133, coupl. ccli.
  54. Lexique roman de M. Raynouard, tome Ier, p. 529, col. 2.
  55. Tomiers : De chantar, cité par M. Raynouard sous le mot culvert de son Lexique, à la suite duquel il rapporte le substantif Culvertia, en l’accompagnant d’un exemple tiré du Roman de Fierabras, v. 789.

    Voici un autre exemple, sur mille que nous pourrions citer, qui prouve que ce dernier mot n’existait point exclusivement au midi de la Loire :

    Onc més si bon vilain ne vi ;
    Vo seneschal a bien servi,
    Rendu li a sa cuvertise.

    Le Dit du Buffet, v. 237. (Fabliaux et Contes, édit, de Méon, tom. iii, pag. 271.)

    La langue d’oïl possédait également le mot cuvertage au figuré, c’est-à-dire avec un sens injurieux ; c’est ainsi que Guillaume de Lorris l’emploie dans les vers suivants :

    Enz ou milieu je vi Haïne

    Qui de corrous et d’ataïne
    Sembloit bien estre moverresse
    El correceuse et teneerresse.
    Et plaine de grant cuvertage
    Estoit par semblant cele ymage.

    Le Roman de la Rose, éd. de Méon, tom. Ier, pag. 8, vers 439.

    Outre cuivertise et cuvertage, la langue des trouvères avait aussi le mot cuivre, dont le sens était presque le même et que l’on s’étonne de ne pas trouver dans les glossaires :

    Si compaignon sont bien apris,
    Assis sont, ne lor firent cuivre.

    Le Lai de l’Ombre, v. 325. (Lais inédits des XIIe et XIIIe siècles, etc., pag. 54.)

    Plus ne me mete en lor bargaigne,
    Car trop en ont soffert de cuivre.

    Che sont li Congié Jehan Bodel d’Aras, v. 356. (Fabl. et Contes, édit. de Méon, tom. Ier, pag. 147.)

    Quant il aura laissié bon gaige,
    Si le metez là fors au large ;
    Ainsi n’en aurons jamés cuivre,
    Ainz en serons trestuit delivre.

    De Cortois d’Arras, v. 315. (Ibid., pag. 366.)

    J. celier fist faire soutil
    Sous terre, ù nus n’aloit fors il ;
    La dame cuidoit k’il l’éust
    Fait faire por chou k’il péust
    Là prier Diu sans nule cuivre
    De gent, por plus loiaument vivre
    Par le commandement devin.

    Roman de Mahomet, etc. À Paris, chez Silvestre, 1831, in-8 ; pag. 51, v. 1222.

  56. « Si al rey, ó á los monasterios se hi perdiere pecha de coillazo, ninguno por vida, ó por muert, aqueill heredamiento, non deve emparar por si, mas deven dar al mas cercano parient, si parient non hobiere, al mas cercano de linage que lis dén las peitas, é todos sus dreitos, é si ninguno de estos parientes non quisieren la heredat, fagan coillazos de sus coillazos. » Fueros del Reyno de Navarra, lib. iii, tit. v, cap. xii, p. 71.

    « Quando algun coillazo parte las heredades con sus creaturas, ó con otros parientes, deve dar al seinor la pecha, é los varones pecha entegra, é las mugeres, que no an maridos, la metad de la pecha. » Id., lib. iii, tit. vi. cap. xv, p. 72.

    « Si infanzona sobiere con villano é faere casada, ó blasmada que sea, ó que non sea cassada con villano si por tal razon le demandare peita, porque está con villano, deve cada aino jurar una vegada que non sea cassada, é con tanto non li deven demandar peita, por fuero. Pero si moran las creaturas en las vezindades daqueill seinor, deven peitar, é ser coillazos de eill. » Id., lib. iii, tit. viii. cap. iii, p. 78, 79.

    D. Felipe Baraibar de Haro, auteur du dictionnaire placé à la suite des Fueros, explique ainsi le mot dont il est question : « Collazos, coillazos. Colonos, villanos ó pecheros, á quienes se dieron terras para cultibar de su cuenta : la persona dada en señorio juntamente con las tierras que poseian, en cuya virtud pagaban al Señor ciertos tributos : las mismas heredades, por las quales se pagaba pecha al Señor directo de ellas.

    « Coillazos (facer coillazos de). Las heredades pecheras volvian algunas veces al dueño de la pecha, y quedaban en la clase de francas y libres ; y en tal caso, podian los Señores volverias á dar en pecha á otros villanos, y esto es lo que se decia hacer ó fundar Collazos de Collazos.

    « Coillazo (pechar el). Pagar la pecha.

    « Collazos (facer). El acto de fundar pecha, ó adquirirse villanos entregándoles casas ó tierras bastantes á former Collazo. » Dicccionario, etc., p. 11.

    Voyez aussi les Diccionarios de los Fueros del Reino de Navarra, p. 115 et suivantes, art. solariegos ; et le Diccionario de Antigüedades del Reino de Navarra, t. Ier, p. 228. On y lit ce passage, qui complète la ressemblance entre les colliberti du moyen âge et les collazos de la Navarre : « En 1251, en un cambio hecho por el rey D. Teobaldo con D. Martin Aznariz de Sada, le dió el rey la villa y castillo de Javier por el pueblo de Ordoiz cerca de Estella, que lo daba Aznariz con todos los coillazos y coillazas : caj. 6, n. 97. »

    Voici l’article que les rédacteurs du grand dictionnaire de l’Académie espagnole ont consacré au mot qui nous occupe :

    « Collazos. Llaman en Castilla la vieja, y en algúnas partes de Andalucía, á los mozos que reciben los Labradóres, para que las labren sus tierras, y á quienes suelen dar los amos ciertos pedázos de tierra que labren para sí : y el diezmo de los quales se llama de los Collázos. Covarr. le dá el origen del Latino Colendo ó Colligendo, porque los reciben por tiempo limitado ; pero paréce mas verisimil se derive del Latino Colonus, que significa lo mismo. Recop. [La nueva Recopilacion de las Leyes del Réino] lib. 2. lit. 11. l. 27. O por ser peón, allegado ó criado, ó amo, ó collázo de algun Caballero ó otra persóna. Ocamp. Chron. [Florian de Ocampo : Chrónica de España] lib. 3. cap. 11. Certifican otros que dél hablan, haver mantenido en España mas de trecientos collázos á sus despensas y soldada. » Dic. de la Leng. cast., t. ii, p. 416, col. 2.

    Il n’est peut-être pas hors de propos de faire remarquer ici qu’en ancien béarnais coyalar signifie une réunion de cabanes de bergers. Voyez un grand nombre d’exemples de ce mot dans Los Fors et Costumas de Bearn, édit. de Pau, 1682, pag. 105, art. vii et ix ; et dans Les Coustumes generales du pays et vicomté de Sole. A Bourdeaux, par J. Mongiron Millanges, m. dc. lxi. in-8, p. 25 et suivantes.

    Tout le monde connaît la charmante chanson de Despourrins, qui commence ainsi :

    De la plus charmante anesquette,
    Paslous, bienét mé counsoula ;
    Tantôs pinnabe sus l’herbette,
    Are nou l’éy aü cuyalà.

    Voyez Poésies béarnaises. Pau, E. Vignancour, m dccc xxvii, in-8, pag. 38, 39 ; et Chansons et Airs populaires du Béarn, recueillis par Frédéric Rivarès. Pau, typ. et lith. de E. Vignancour, s. d., grand in-8, p. 17, 18.

    Aujourd’hui cuyoula signifie un point choisi au milieu des montagnes des Pyrénées, où les pasteurs se retirent pour prendre leurs repas et pour passer la nuit dans leurs misérables cabanes, avec leurs troupeaux couchés autour de ces informes constructions, qui sont ordinairement au nombre de quatre ou cinq. C’est le terme employé par les Béarnais ; les pasteurs des Hautes-Pyrénées se servent de celui de cuyeu ou cuyeou. Ainsi ils disent cuyeou de Gaube, cuyeou de Tumayou, de Rieumau, etc., expressions qui ne seraient point comprises dans le Béarn, où le mot cuyeou, ou plutôt cuyou, a un sens tout différent, celui de gourde, comme on le voit par une chanson de X. Navarrot, dont voici les premiers vers :

    Coumpays,
    Siam gays,
    Ouey qu’ey la héste
    De sent Berthomiü,
    Qu’eü pelen tout biü,
    Lechém-lou dab lou boun Diü…
    Et lou
    Cuyou
    Debat la beste,
    Aném prené let
    Sus lou tucolét
    Deü beryé deü Sarthoulét.

    Voyez le recueil de M. Rivarès, pag. 128.

  57. On comprend que, goguenard comme il l’est de sa nature, le peuple, qui ignorait l’étymologie de culvert, culuert (vraisemblablement prononcé colwert), ait cherché à se rapprocher d’un mot dont il avait de bonne heure altéré la finale.
  58. Dict. étym. de la langue française, par Ménage, édition de Jault, t. Ier, p. 427 ; Monde primitif… considéré dans les origines françaises, col. 269.
  59. Collection de documents inédits sur l’histoire de France, etc. À Paris, m dcc xl, in-4 : p. 456.
  60. Dict. de Ant. del Reino de Navarra, tom. Ier, p. 564.
  61. « S’il faut en croire le public, nous écrivait M. Duplaà, instituteur communal à Saint-Girons (canton d’Orthez), les personnes considérées comme venant de cette race (des Cagots), sont plus perverses et plus méchantes que les autres, et ordinairement plus colériques. »
  62. Lettre de M. Rougier de Labergerie, juge de paix de Maillezais, en date du 29 juillet 1842.
  63. « Les ouvriers papetiers (du département de la Charente) forment une corporation très distincte, et la plus opiniâtre peut-être qu’il y ait dans tout le royaume. Il peut se faire que ceux qui travaillent dans les papeteries situées aux environs de Paris y soient étrangers et mènent une vie ambulante : et cela vient sans doute de ce que les entrepreneurs de ces établissemens, la plupart d’une date assez récente, n’ont pas particulièrement attiré dans leurs fabriques les familles établies dans leur voisinage. Il en est autrement dans l’Angoumois, le Limousin et l’Auvergne : les ouvriers papetiers de l’Angoumois sont très attachés à leurs villages ; ceux du Limousin ne les quittent jamais.. Ils se font de leur état une sorte de bien héréditaire ; c’est pour le conserver à leur famille, qu’ils ne se marient qu’entre eux. Leurs enfans sont admis exclusivement à apprendre l’état de leur père… Les papetiers vivent au milieu d’une atmosphère humide et marécageuse : les ateliers où ils travaillent sont pleins d’eau ; dans la cuve où se fait le papier et où ils sont obligés de rester douze ou quatorze heures de suite, ils nagent dans la vapeur qui s’en élève abondamment ; aussi la fibre est-elle continuellement relâchée. Les maladies qui les affectent plus généralement sont les varices, l’œdématie des membres inférieurs, les rhumatismes chroniques, le scorbut, les ulcères aux jambes et aux malléoles. Leurs dents tombent de bonne heure ; ils sont, au printemps et à l’automne, sujets aux fièvres tierces, et l’hiver amène pour eux toutes les affections catarrhales… leurs genoux se portent en dedans, et l’on en voit une assez grande quantité qui restent cagneux… Les ouvriers papetiers ne vivent pas vieux, surtout s’ils ont suivi cette profession depuis leur jeunesse sans interruption ; leur carrière ne s’étend guère au-delà de soixante à soixante-cinq ans, et ils meurent le plus ordinairement d’un catarrhe chronique. » Statistique du département de la Charente… par J. P. Quénot, avocat. À Paris, chez Déterville, 1818, in-4 ; p. 484, 487. Ces passages ont été copiés dans la France pittoresque, tom. Ier, pag. 248, col. 1 et 2.