Histoire des vents (trad. Lasalle)/II

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II. Histoire
Traduction par Antoine de La Salle.
Œuvres11 (p. 25_Ch2-274).

HISTOIRE.
NOMS DES VENTS.
Article répondant au premier point de considération.

Au lieu de traduire simplement les noms que les anciens avoient donnés aux vents, nous avons cru devoir tirer cette nomenclature, des degrés et de l’ordre même de ces vents. Ce que nous avons fait, afin de rendre notre exposé plus intelligible, et ces noms, plus faciles à rappeler. Cependant aux noms modernes nous avons eu soin de joindre les noms anciens, pour rendre hommage aux écrivains de l’antiquité, dont nous avons emprunté (mais avec une sorte d’inquiétude et de timidité) un assez grand nombre d’observations, qu’on ne pourra guère reconnoître ici que par l’emploi même des noms par lesquels ils les désignoient et que nous avons conservés, en exposant ces observations. Cette division des vents, que nous avons adoptée, est tirée de la division ordinaire de l’horizon, qu’on est dans l’habitude de diviser et subdiviser toujours par deux ; ce qui forme en tout trente-deux divisions.

Cela posé, nous appelons vents cardinaux, ceux qui soufflent des quatre points de même nom, et qui répondent aux quarts de l’horizon ; semi-cardinaux, ceux qui répondent aux huitièmes ; moyens majeurs[1], ceux qui répondent aux seizièmes, et moyens mineurs, ceux qui répondent aux trente-deuxièmes.

Cardin. Nord-Boreas (Borée).
Nord Nord-Est.
Moy. maj. Nord-Nord-Est (Aquilon).
Nord-Est Nord (Meses).
Semi-card. Nord-Est (Euro-Boreas).
Nord-Est Est.
Moy. maj. Est-Nord-Est (Cœcias).
Est Nord-Est.
Cardin. Est (Subsolanus).
Est Sud-Est.
Moy. maj. Est-Sud-Est (Vulturnus).
Sud-Est Est.
Semi-card. Sud-Est (Euro-Auster).
Sud-Est Sud.
Moy. maj. Sud-Sud-Est (Phænicias).
Sud Sud-Est.
Cardin. Sud (Auster, Notus).
Sud Sud-Ouest.
Moy. maj. Sud-Sud-Ouest (Libonotus).
Sud-Ouest Sud.
Semi-card. Sud-Ouest, etc. (Lybs).
Sud-Ouest Ouest.
Moy. maj. Ouest-Sud-Oucst (Africus).
Ouest Sud-Ouest.
Cardin. Ouest (Zephyrus, favonius).
Ouest Nord-Ouest.
Moy. maj. Ouest-Nord-Ouest (Corus).
Nord-Ouest Ouest.
Semi-card. Nord-Ouest. (Zephyro-Boreas.)
Nord-Ouest Nord (Thrascias).
Moy. maj. Nord-Nord-Ouest (Circius).
Nord Nord-Ouest.

Les anciens désignoient encore quelques-uns de ces vents par d’autres noms tels que ceux-ci : Apheliotes, Argestes, Olympias, Scyron, Hellespontius, Japyx ; mais un tel objet ne mérite pas de fixer notre attention, et n’est-ce pas assez d’avoir pris pour base de notre nomenclature, les divisions ordinaires de l’horizon ? D’ailleurs, nous n’attachons pas beaucoup d’importance à une traduction fidèle de ces auteurs anciens, où nous avons trouvé peu d’observations vraiment importantes sur ce sujet.

VENTS LIBRES ET VARIABLES,
Article répondant au sixième point de considération.

1. De ces 32 rhumbs (ou aires de vent), il n’en est aucun d’où le vent ne souffle quelquefois : de plus, supposons que l’horizon soit divisé en tous ses degrés, et que du centre de ce cercle, on tire des lignes à toutes ces divisions : cela posé, il n’est aucune des directions marquées par ces lignes, qui ne soit quelquefois celle du vent régnant.

2. Il est telle région entière (tel quart de l’horizon), d’où le vent n’amène jamais, ou presque jamais de pluie ; mais, comme nous venons de le dire, il n’en est point d’où le vent ne souffle, et même fréquemment.

VENTS GÉNÉRAUX OU CONSTANS,
Répondant au second point de considération.

Nous ne trouvons dans les auteurs anciens, que très peu d’observations sur ces vents généraux : ce qui nous paroît d’autant moins étonnant, qu’ils regardoient toutes ces contrées situées entre les tropiques, comme inhabitables, et comme occupées par une sorte de chaos.

1. On s’est assuré par une infinité d’observations, que tous les navigateurs qui cinglent entre les deux tropiques, dans une mer libre, y trouvent un vent constant et perpétuel, auquel les marins donnent le nom de brise, et qui souffle d’orient en occident[2] ; quoique ce vent ne soit pas très fort, il ne laisse pas d’avoir assez de force pour que son impulsion même, jointe à celle des courans dont il détermine la direction, mette ceux qui vont au Pérou, dans l’impossibilité de revenir par la même route.

2. Dans les mers de l’Europe, lorsque le temps étant très serein et très sec, aucun vent particulier ne se fait sentir, on sent un léger souffle dont la direction est de l’est à l’ouest, et qui semble suivre le cours du soleil.

3. Suivant une opinion commune et fondée sur des observations multipliées, les nuages les plus élevés se portent ordinairement d’orient en occident ; et cela dans le temps même où règne près de la surface du globe, ou un calme parfait, ou un vent tout différent : que, s’ils ne suivent pas toujours cette direction, on peut attribuer cette variation aux vents particuliers qui règnent quelquefois dans la région supérieure, et qui surmontent, couvrent en quelque manière ce vent général.

AVERTISSEMENT.

S’il existe en effet un vent général de cette nature, et qui se rapporte si exactement au mouvement de toute la sphère céleste, comme il n’est pas d’une grande force, il est clair qu’il doit céder aux vents particuliers ; il doit être plus sensible entre les tropiques, où les cercles qu’il décrit, sont plus grands ; il doit l’être aussi davantage dans la région supérieure, par la même raison et parce que son cours y est plus libre : en conséquence, si l’on veut s’assurer par soi-même de l’existence de ce vent général, et en avoir la sensation dans nos zones tempérées et près de la surface de la terre ; zone et région où il est beaucoup plus foible, il faut dans un temps de calme, se placer dans un air libre et sur de hautes montagnes. N’employez, pour cette expérience, que des corps très mobiles, et faites-la dans l’après-midi, tempsle vent d’est particulier souffle plus rarement, et est très foible.

DIRECTION.

Ainsi, à l’aide de girouettes ou d’autres corps aussi mobiles, placés sur le sommet d’une tour, d’un temple, etc. et dans un temps de calme, tâchez de vous assurer de ce fait par vous-même, et de savoir si le peu de vent qui reste alors, souffle en effet de l’est à l’ouest.

Phénomène oblique, (observation indirecte).

4. C’est un fait constaté par une continuelle expérience, que le vent d’est en Europe est éminemment dessiccatif, (doué de la propriété de dessécher), et a une acrimonie très marquée ; et qu’au contraire le zéphyr (le vent d’ouest) est un vent humectant et calmant ; ce qu’on peut expliquer ainsi ; en supposant que l’air ait en effet un mouvement général d’orient en occident, dès lors le vent d’est particulier qui se porte dans le même sens, doit nécessairement atténuer et raréfier l’air atmosphérique ; ce qui le rend plus sec et plus mordicant : au lieu que le zéphyr poussant l’air occidental contre celui qui vient de l’orient, et rapprochant ainsi les unes des autres les parties de ce fluide, doit le rendre plus dense, plus grossier, et enfin plus humide.

Autre observation indirecte

5. Faites des observations exactes sur les eaux des mers les plus vastes, afin de savoir si elles ont aussi un mouvement général d’orient en occident ; car si les deux extrêmes : savoir, le ciel et l’océan ont en effet un tel mouvement, il est assez probable que l’air atmosphérique placé entre deux, participe aussi de ce mouvement.

AVERTISSEMENT.

Je qualifie d’obliques, les deux phénomènes précédens, parce qu’ils ne montrent pas directement ce qu’ils indiquent, mais médiatement et par la voie d’un raisonnement ; conséquences toutefois que nous ne laissons pas de saisir avec une sorte d’avidité, lorsque les observations directes viennent à nous manquer[3].

DIRECTION.

Que cette brise, ou ce vent général d’orient en occident souffle réellement entre les tropiques, le fait est certain et suffisamment constaté, mais la cause est un peu incertaine ; et il y a ici une équivoque : car, pour rendre raison de ce fait, on peut dire, 1°. que l’air ayant en effet un mouvement général et semblable à celui de la sphère céleste, ce

mouvement est presque imperceptible hors des tropiques, et dans les zones tempérées, où les cercles qu’il décrit, sont plus petits ; mais qu’il est plus sensible entre les tropiques et dans la zone torride où ces cercles sont plus grands. En second lieu, la chaleur, peut-on dire encore, dilate toute espèce d’air, et cet air, ainsi dilaté, occupe un plus grand espace. Or, cet air tendant à occuper un plus grand espace, pousse nécessairement l’air contigu ; impulsion d’où naît cette brise dont nous parlons, et qui doit en conséquence se porter dans la même direction que le soleil ; cette dilatation dont elle est l’effet, ayant lieu successivement dans tous les points du cercle que cet astre décrit en vingt-quatre heures : le plus, cette brise doit être plus sensible dans la zone torride où le soleil est plus ardent ; et moins sensible dans les zones septentrionales, en vertu de la cause contraire. Il semble qu’il y ait ici un exemple de la croix, qui pourroit servir à lever l’équivoque, et qu’il suffiroit pour cela de s’assurer si cette brise souffle durant la nuit, ou non : car le mouvement général de l’air subsiste durant la nuit, et il n’en est pas de même de la chaleur[4].

6. Or, il est certain que cette brise ne souffle pas durant la nuit, mais seulement le matin, ou tout au plus lorsque le jour est un peu avancé. Enfin cet exemple même ne suffiroit pas pour décider la question ; car cette condensation de l’air qui a lieu durant la nuit (sur-tout dans les régionsles jours et les nuits, quoique égaux ou presque égaux, par rapport à leur durée, ne laissent pas de différer beaucoup par leur température), pourroit affoiblir et faire disparoitre ce mouvement naturel de l’air, lequel par lui-même est déjà extrêmement foible.

7. Si l’air participe en effet du mouvement général de la sphère céleste, il s’ensuit que non-seulement le vent d’est concourt avec le mouvement naturel et général de l’air, et que le vent d’ouest est opposé à ce mouvement ; mais encore que le vent de nord doit souffler comme d’en haut, et le vent de sud comme d’en bas : du moins, dans notre hémisphère, où le pôle antarctique est abaissé sous l’horizon, et le pôle arctique élevé au dessus ; c’est une observation que les anciens avoient faite aussi, mais d’une manière obscure, et comme en hésitant : quoi qu’il en soit, elle est parfaitement d’accord avec les observations des modernes ; car cette brise qu’on peut, avec quelque probabilité, regarder comme un effet du mouvement général de l’air, ne souffle pas précisément de l’est, mais du nord-est[5].

DES VENTS RÉGLÉS OU PÉRIODIQUES.
Réponse à la question de l’article 3.

Si, dans la recherche sur les vents généraux, les hommes ont eu la vue presque entièrement offusquée, il semble que, dans celle qui a pour objet les vents périodiques, ils aient été saisis d’une sorte de vertige ; car ne disant rien des premiers, ils parlent au hazard sur les derniers, soutenant les contradictoires alternativement et variant sans cesse dans leurs opinions sur ce sujet : en quoi cependant ils paroissent d’autant plus excusables, que ce sujet est, à certains égards, susceptible d’une grande diversité ; car les vents réglés ne sont pas les mêmes par-tout, ils changent comme les lieux ; et autres sont ceux qui soufflent en Égypte ; autres ceux qui se font sentir en Grèce, en Italie, etc.

1. Qu’il y ait dans un lieu quelconque des vents réglés ; c’est ce que cette dénomination même semble prouver, ainsi que ce nom de vents Étésiens : dénomination qui semble désigner des vents anniversaires, et qui reviennent tous les ans dans la même saison ou partie de saison.

2. Les anciens prétendoient qu’une des principales causes des inondations du Nil, étoient les vents Étésiens (vents du nord), qui souffloient dans le temps même de cette inondation, et qui, selon eux, empêchoient les eaux de ce fleuve de se jeter dans la mer, les faisoient ainsi refluer et remonter vers la source.

3. On trouve quelquefois en mer des courans qui dépendent absolument des vents périodiques, et qu’on ne peut attribuer ni au mouvement naturel et général de l’océan, ni aux eaux qui se précipitent des montagnes les plus élevées, ni à un canal où elles se trouvent resserrées comme dans certains détroits, ni aux caps des promontoires qui s’avancent beaucoup dans la mer, mais qui dépendent absolument des vents periodiques.

4. Ceux qui prétendent avec assez peu de fondement, que Christophe Colomb ne dut point à la relation positive et circonstanciée d’un pilote espagnol, cette opinion si ferme et si constante où il étoit de l’existence réelle des Indes occidentales ; mais à une tradition obscure et vague de l’antiquité, ajoutent, pour appuyer leur sentiment, que ce navigateur conclut de certains vents périodiques qui se faisoient sentir sur les côtes de Portugal, qu’il devoit y avoir dans l’ouest un continent : conjecture d’autant moins probable, du moins à cet égard, que les vents ne peuvent franchir de si grands espaces. Quoi qu’il en soit, une telle assertion, si elle étoit fondée, ne pourroit que faire honneur à cette recherche même dont nous sommes actuellement occupés ; car il s’ensuivroit que le genre humain auroit dû une découverte aussi grande et aussi importante que l’est celle du nouveau monde, à la judicieuse application d’un seul principe, et d’une seule observation tirée de cette science même que nous traitons, et qui en embrasse un si grand nombre.

5. De tous les lieux où se trouvent des montagnes très élevées et couvertes de neiges, soufflent des vents périodiques, dans le temps même de la fonte de ces neiges.

6. Je penserois même que tous les grands marécages, sur-tout les terres qui se trouvent couvertes d’eau durant tout l’hiver, doivent produire aussi des vents périodiques qui s’élèvent dans le temps même où le soleil commence à dessécher ces marais ; mais je n’ai aucune observation positive et directe sur ce sujet.

7. On peut tenir pour certain, que par-tout où il se forme une grande quantité de vapeurs, et dans certains temps, se forment aussi des vents périodiques qui commencent à souffler dans le temps même où ces vapeurs se rassemblent.

8. Lorsque des vents périodiques soufflant dans quelque lieu, l’on ne trouve dans le voisinage aucune cause capable de les produire, on doit penser qu’ils viennent d’ailleurs et de fort loin.

9. On s’est assuré par l’observation, que les vents périodiques ne soufflent point ordinairement durant la nuit, mais ne s’élèvent que vers la troisième heure après le lever du soleil ; ce qui n’est pas difficile à expliquer : car, lorsque l’air du lieu en question est condensé par la fraîcheur des nuits, ces vents affoiblis par le grand espace qu’ils ont parcouru, n’ont plus assez de force, soit pour déplacer ce fluide et le mettre en mouvement, soit pour s’y frayer un passage : au lieu que deux ou trois heures après le lever du soleil, cet air qui est alors devenu beaucoup plus rare, leur faisant moins obstacle, ils peuvent surmonter sa résistance, et lui donner l’inpulsion, ou s’y faire jour peu à peu.

10. Généralement parlant, tous les vents périodiques, à l’exception de ceux qui viennent d’un lieu très voisin, sont assez foibles.

11. Il est beaucoup de vents périodiques qui ne se font point sentir, ou qu’on n’observe point, par la raison même que nous venons de dire, parce qu’étant très foibles, ils sont masqués par les vents libres qui ont ordinairement plus de force : aussi les premiers ne sont-ils point sensibles en hiver ; saison où les vents libres sont plus fréquens et plus forts ; mais ils le sont davantage durant l’été, temps où ces vents libres et variables sont plus foibles et moins fréquens.

12. En Europe et dans les contrées voisines, les vents périodiques les plus communs et les plus connus sont les suivans : l’aquilon (le vent de nord ou de nord-nord-est), après le solstice (d’été), vent qui souffle tantôt avant, tantôt après le lever de la canicule[6] ; le vent d’ouest, après l’équinoxe d’automne[7] ; le vent d’est ou de nord-est, après celui du printemps[8]. Quant au solstice d’hiver, il est inutile d’en parler relativement à ces vents périodiques, vu les grandes et fréquentes variations qui ont lieu dans cette saison[9].

13. Les vents ornithiens[10], qui ont tiré leur nom de ces oiseaux de passage, qu’ils aident à se transporter des pays froids dans les pays chauds, situés au-delà des mers. Ces vents, dis-je, n’ont rien de commun avec ceux dont nous parlons dans cet article ; car leur retour n’est rien moins que périodique ; ces oiseaux, attendant ordinairement que ces vents commencent à souffler et en profitant également, soit qu’ils soufflent plutôt ou plus tard. Il arrive même quelquefois que ces vents, après avoir soufflé pendant quelque temps, venant à tomber, ou faisant place à d’autres vents, les oiseaux de passage ne peuvent plus se soutenir et se noient dans la mer, quelquefois même tombent sur les vaisseaux.

14. On ne connoît aucun vent périodique qui revienne précisément au même jour et à la même heure, comme le flux et le reflux de la mer. Quelques auteurs néanmoins sont assez hardis pour désigner le jour même où, selon eux, ce retour doit avoir lieu ; mais c’est plutôt d’après des conjectures très hazardées et des suppositions gratuites, que d’après des observations directes, positives et bien constatées.

VENTS FAMILIERS.[11]
Réponses aux questions des articles 4 et 5.

Cette dénomination de vents familiers est de notre invention. Nous l’avons créée afin que les observations qu’on a faites sur les vents de cette espèce ne fussent pas perdues, et pour empêcher qu’on ne les confondît avec d’autres ; voici quel en est le sens : supposons qu’on divise l’année en trois, quatre ou cinq portions, et pour telle contrée ; si l’on trouve que tel vent souffle dans cette contrée, durant deux, trois ou quatre de ces parties d’année, et que le vent contraire n’y souffle qu’une seule fois, je dis que le premier de ces deux vents, savoir, celui qui y souffle le plus fréquemment, est familier à ce pays ; il en est de même des temps.

1. Les vents de nord et de sud sont comme familiers par rapport au monde entier ; les vents qui soufflent, soit du nord ou du sud même, soit des rhumbs voisins de ces deux rhumbs principaux, étant beaucoup plus fréquens par toute la terre que ceux qui viennent, soit de l’est, soit de l’ouest, ou des rhumbs voisins de l’un ou de l’autre.

2. Tous les vents libres et non les vents périodiques, sont plus fréquens, en hiver qu’en été ; et plus fréquens encore en automne et au printemps, qu’en hiver.

3. Tous les vents libres et variables sont plus familiers aux zones tempérées qu’à la zone torride et aux zones glaciales ; et cela d’après notre définition même ; attendu qu’ils soufflent plus fréquemment dans les premières que dans les dernières.

4. On peut dire de plus, que tous les vents libres, sur-tout les plus forts, soufflent plus fréquemment et avec plus de force le matin et le soir, qu’à midi et à minuit.

5. Dans les pays où la terre est poreuse et remplie de cavités, les vents libres sont plus fréquens que dans ceux où la terre est plus massive, plus ferme et plus solide.

DIRECTION.

On n’a pas encore fait jusqu’ici assez d’observations sur ces vents familiers aux différentes contrées ; observations pourtant qui, étant bien faites et suffisamment multipliées, auroient pu conduire à une infinité de conséquences et d’applications utiles ; en voici une de ce genre. J’ai connu un négociant, homme instruit et prudent, qui avoit conduit une petite colonie dans l’île de Terre-Neuve, où il avoit hiverné : comme je lui demandois un jour pourquoi le froid étoit si grand dans cette île, quoique le climat en fût par lui-même assez doux ; il me fit cette réponse : « Le fait est un peu exagéré ; quant à ce qu’il a de réel, ce grand froid peut être attribué à deux causes ; l’une est cette multitude immense de glaces énormes que les vents et les courans portent de la mer glaciale dans ce parage[12]. » L’autre, que je regarde comme la principale, est que le vent d’ouest règne beaucoup plus fréquemment et plus long-temps dans cette île, que le vent d’est ; vent qui est aussi plus fréquent dans nos contrées  ; mais comme dans l’île de Terre-Neuve, il vient du continent, il y est très froid ; au lieu que, dans nos contrées, où il vient de la mer, il est assez chaud. Si le vent d’est étoit aussi fréquent en Angleterre, que le vent d’ouest l’est dans l’île dont nous parlons, nous y aurions un froid beaucoup plus âpre que celui qui s’y fait sentir ordinairement, et il seroit au moins égal à celui qui règne à Terre-Neuve[13].

6. Le vent d’ouest semble être familier aux heures de l’après-midi ; car, dans les temps où le soleil baisse de plus en plus (soit dans l’année, soit dans la journée), les vents d’ouest sont plus fréquens (et plus forts) que les vents d’est.

7. Le vent de sud (ou des rhumbs voisins) semble être familier et propre au temps de la nuit ; car, durant la nuit il est ordinairement plus fréquent et plus fort que durant le jour. Il faut dire le contraire du vent de nord.

8. Il est beaucoup de différences très sensibles à observer entre les vents familiers à la mer et les vents familiers aux continens. La principale est celle dont la judicieuse application conduisit Christophe Colomb à la découverte du nouveau monde ; cette différence consiste en ce que les vents marins sont rarement périodiques, au lieu que les vents terrestres le sont presque toujours[14], différence qu’on peut expliquer ainsi. Une partie de la surface des eaux de l’océan s’élève continuellement en vapeurs, par l’action des vents et du soleil ; vapeurs qui, se formant dans tous les parages indifféremment, se trouvent par-tout. Les vents produits par ces vapeurs, qui en sont comme la matière première, doivent donc se former aussi par-tout et prendre toutes sortes de directions indistinctement ; en sorte qu’il est impossible d’assigner avec certitude et précision leurs origines locales et leurs sources ; au lieu que, sur les continens, la matière des vents ne se trouvant pas en égale quantité dans toutes les contrées, elles ont, par la nature mêmne de leur sol, plus ou moins d’aptitude à engendrer ou à renforcer les vents. Ainsi, sur les continens, les vents doivent venir le plus souvent des lieux où se trouvent leurs foyers, leur matière première ; et c’est la situation même de ces lieux qui doit le plus ordinairement déterminer la direction de ces vents.

9. Acosta, dans ce qu’il a avancé sur ce sujet, nous paroît n’être pas trop bien d’accord avec lui-même : il prétend qu’au Pérou et sur les côtes de la mer du sud, le vent de sud règne durant toute l’année ; et il dit ailleurs que les vents les plus fréquens, dans cette même contrée et sur ses côtes occidentales, sont les vents marins. Cependant le vent de sud est un vent terrestre pour les Péruviens, ainsi que le vent de nord ou le vent d’est ; et le seul qui soit marin par rapport à eux, est le vent d’ouest. Il faut nous en tenir à ce qu’il dit de plus certain sur ce sujet ; savoir : que le vent de sud est familier[15] à ces contrées. Il se peut toutefois que ce nom de mer australe, ou de mer du sud, qu’on donne ordinairement à la mer pacifique, ait mis un peu de confusion dans ses idées, et ait jeté de l’équivoque dans ses expressions. Peut-être, par ce nom de vent de sud, entend-il le vent d’ouest, et veut-il dire que, dans ces contrées, durant toute l’année, le vent vient de la mer du sud. Or, cette mer, vulgairement appelée mer du sud, n’est pas réellement au sud, mais à l’ouest. C’est une sorte de second océan occidental, attendu qu’elle est située nord et sud, à peu près comme la mer atlantique.

10. On sait que les vents marins sont ordinairement plus humides que les vents terrestres. Cependant ils sont plus homogènes et plus purs que les vents de terre ; pureté qui les met en état de s’incorporer plus parfaitement avec d’autre air également pur. Les vents terrestres, au contraire, sont presque toujours fumeux(fuligineux), et composés de principes imparfaitement combinés. Il seroit inutile d’objecter que les vents marins doivent être plus grossiers, à cause du sel dont les eaux de la mer sont chargées ; eaux d’où s’élèvent les vapeurs qui sont la matière première des vents de cette espèce ; car, le sel étant de nature terrestre, il ne peut s’élever en vapeurs.

11. Les vents de mer sont tantôt chauds, tantôt froids ; leur température variant à raison de la proportion suivant laquelle ces deux qualités, l’humidité et la pureté, se trouvent combinées dans l’air dont ils sont composés. Par leur humidité, ils diminuent le froid[16], l’effet de la sécheresse étant d’augmenter l’intensité du chaud ou celle du froid indifféremment ; et par leur pureté, ils refroidissent. Aussi sont-ils chauds hors des tropiques, et froids entre les tropiques.

12. Je suis persuadé que les vents marins sont familiers à toutes les contrées, sur-tout aux contrées maritimes, et que, dans toutes, c’est du côté même ou se trouve la mer, que les vents soufflent le plus fréquemment ; ces vapeurs qui s’élèvent de la mer, et dont se forment les vents marins, étant en beaucoup plus grande quantité que les exhalaisons dont se forment les vents terrestres. On peut en excepter toutefois tel vent qui vient de terre, et qui est produit par quelque cause particulière et locale. Mais on ne doit pas confondre les vents périodiques avec les vents familiers, ces derniers étant par-tout plus fréquens que les premiers. Cependant ils ont cela de commun, qu’ils viennent également du lieu où se trouve leur aliment.

13. Les vents marins sont ordinairement plus forts que les vents terrestres ; avec cette circonstance toutefois que, lorsque les premiers viennent à tomber, il règne un calme plus parfait en pleine mer, que près des côtes. Aussi voit-on que les navigateurs (dans les temps et dans les lieux où il ne règne que des vents foibles) aiment mieux ranger les côtes, et en suivre toutes les sinuosités, au risque d’allonger leur route, que de cingler en pleine mer ; ce qu’ils font pour éviter ces grands calmes.

14. Il est une sorte de vents qui se portent de la mer vers la terre, et que je qualifierois volontiers de vents versatiles ; car, après avoir parcouru un certain espace, ils se retournent, pour ainsi dire, tout à coup, et prennent la direction opposée. Il y a, entre les vents de mer et les vents de terre, une sorte de répercussion ; lorsqu’ils sont à peu près égaux, ils se repoussent réciproquement ; et quand l’un prévaut sensiblement sur l’autre, il le force à rétrograder : mais le plus souvent leurs forces sont très inégales. Or, toute inégalité sensible qui a lieu dans l’air, est un principe de vent[17]. Les parages où l’on voit le plus de ces conversions subites, de ces flux et reflux de vents, sont ceux où la mer s’enfonce fréquemment dans des golfes ou dans des baies, et où les côtes ont de fréquentes sinuosités.

15. Dans le voisinage des eaux qui couvrent de grands espaces, on sent toujours quelque léger souffle, sur-tout le matin, mais plutôt près des fleuves qu’en mer ; parce que, dans le premier cas, il y a une cause de plus ; savoir : la différence entre les émanations terrestres et les émanations aqueuses.

16. Dans les lieux peu éloignés de mer, les arbres se penchent et se courbent du côté opposé à celui où elle se trouve ; phénomène qui semble devoir être attribué à une sorte d’antipathie pour ces émanations qui viennent de la mer. Cependant un tel effet n’auroit pas lieu dans un calme parfait ; et pour expliquer cette inclinaison, on doit plutôt considérer que les vents marins, à cause de leur humidité et de leur densité, sont, en quelque manière, plus pesans que les vents terrestres.

QUALITÉS, EFFETS ET INFLUENCES DES VENTS.
Réponses aux questions des articles 27, 28, 29, 30 et 31.

Les observations qu’on a faites jusqu’ici sur les qualités et l’influence des vents, ne sont ni assez variées, ni assez exactes ; ainsi nous aurons l’attention d’y faire un choix, en n’adoptant que ce que nous y trouverons de plus certain, et rejetant celles qui auront moins de poids, afin que le vent même les emporte.

1. Le vent de sud est naturellement pluvieux, et le vent de nord amène le beau temps : le premier rassemble et nourrit même les nuages ; le dernier les écarte les uns des autres, les raréfie et les dissipe. Aussi les poëtes, dans leurs fables et leurs allégories sur le déluge, ont-ils feint qu’alors Borée fut étroitement emprisonné, et Notus (le vent de midi) expédié avec les pouvoirs les plus amples.

2. Zéphyre, ou le vent d’ouest, étoit jadis regardé, dans nos contrées, comme le vent propre à l’âge d’or ; vent qui régnoit avec un printemps perpétuel, caressant, pour ainsi dire, les fleurs, et les fécondant par sa douce haleine.

3. L’école de Paracelse, qui cherchoit une place pour ses trois principes dans le temple de Junon (qui représente l’air), ainsi que par-tout ailleurs, est parvenue à y placer trois des vents principaux ; mais elle n’a pu y trouver de place pour le vent d’est, comme on en peut juger par ce passage d’un poëte que nous traduisons ici :

Notus (le vent du midi) voiture dans nos contrées les vapeurs humides et les principes mercuriels.

Zéphyre humecte doucement nos campagnes, et les féconde par les riches veines de souffre dont il est chargé.

Et Borée, en répandant ses principes salins qui resserrent et glacent tout, répand la tristesse en tous lieux.

4. Mais, en Angleterre, ce vent d’est est regardé comme pernicieux ; opinion consignée dans ce proverbe : Jamais vent d’est ne fit de bien ni à homme ni à bête.

5. Dans notre hémisphère, le vent de sud a pour cause la présence du soleil ; et le vent de nord a pour cause son absence[18]. Le vent d’est suit le mouvement général de l’air ; le vent d’ouest ayant une direction diamétralement opposée à ce mouvement ; et cela dans toutes les contrées. Le vent d’ouest vient de la mer ; le vent d’est vient du continent, du moins dans presque toute l’Europe et dans la partie occidentale de l’Asie. Telles sont les différences les plus radicales des vents ; différences d’où découlent toutes les autres, et qui sont comme la source de toutes les qualités et de tous les effets des vents.

6. Le vent de sud est moins anniversaire (a des retours annuels moins précis) que le vent de nord ; il est plus libre, plus vague, plus variable ; et quand il est périodique, il est alors si foible, qu’à peine se fait-il sentir.

7. Le vent de sud, qui vient d’une région plus basse, a une direction plus latérale (plus horizontale) ; le vent de nord a une direction plus oblique et semble venir d’en haut (de la région supérieure) ; mais il n’est plus question ici, comme dans un des articles précédens, de l’élévation de l’un des pôles, ni de l’abaissement de l’autre. Nous voulons dire seulement que le vent de sud a ses sources dans une région plus voisine de nous, et que le vent de nord a les siennes dans une région plus élevée.

8. Dans nos contrées, le vent de midi est ordinairement accompagné de pluie, comme nous l’avons déjà dit ; au lieu qu’en Afrique, il amène le beau temps, mais en occasionnant de grandes chaleurs, et non en refroidissant, comme l’ont prétendu certains auteurs. Cependant, en Afrique, ce vent de sud est assez salubre ; mais, en Europe, pour peu qu’il soit de quelque durée et sans pluie, il occasionne une infinité de maladies et devient un vrai fléau.

9. Quoique les vents de sud et d’ouest soient très pluvieux, il ne faut pas croire pour cela que les vents de ces deux espèces forment par eux-mêmes des vapeurs ; la vérité est qu’ils viennent de ces parties du monde où se forment et se rassemblent une grande quantité de vapeurs élevées par le soleil qui, dans ces régions, est très ardent ; et c’est en vertu de cette seule cause que ces vents sont accompagnés de pluie. Lorsqu’ils soufflent des lieux où le sol est fort sec et où il se forme peu de vapeurs aqueuses, ils amènent le beau temps ; mais, dans cas-là même, ils sont tantôt purs et frais, tantôt étouffans et chargés de miasmes.

10. Les vents de sud et d’ouest semblent se rapprocher par leurs qualités, ainsi que par leurs directions ; car ils sont l’un et l’autre chauds et humides. Dans la partie opposée, se trouvent les vents de nord et d’est qui, en vertu d’une cause semblable, sont tous deux froids et secs.

11. Les vents de nord et de sud, comme nous le disions plus haut, sont plus fréquens que les vents d’est et d’ouest, parce qu’il y a, et doit y avoir beaucoup d’inégalité, soit pour la quantité, soit pour la force, entre les vapeurs qui se forment dans l’une des deux premières régions, et celles qui se forment dans l’autre ; inégalité qu’on peut attribuer à la présence du soleil dans l’une, et à son absence dans l’autre. Quant aux vents d’est et d’ouest, comme le soleil agit également sur les parties orientales et sur les parties occidentales, l’action de cet astre ne doit occasionner entre elles aucune différence sensible, par rapport aux vents, et il doit avoir peu d’influence sur ceux qui soufflent de ces deux rhumbs.

12. Le vent de sud, venant de la mer, est très salubre ; mais, lorsqu’il vient d’un continent, alors c’est un principe fécond de maladies ; au contraire, le vent de nord, soufflant de la partie où se trouve la mer, est regardé comme insalubre. Le premier de ces deux vents est aussi favorable aux grains, aux arbres fruitiers et, en général, aux productions de la terre, qu’il préserve de la rouille et de beaucoup d’autres maladies.

13. Lorsque le vent de sud a peu de force, il rassemble peu de nuages et quelquefois même il est accompagné d’un temps serein, sur-tout s’il est de courte durée ; mais, lorsqu’il est très fort et de très longue durée, il est ordinairement accompagné d’un temps nébuleux qui se termine tôt ou tard par de la pluie ; ce qui toutefois arrive plutôt lorsqu’il tombe tout-à-fait et a déjà perdu toute sa force, que dans le tempsil commence à souffler, ou est dans sa plus grande force.

14. Soit que le vent de sud s’élève ou tombe, et dans ces deux cas également, il y a presque toujours un changement de temps ou de température ; le temps alors, s’il est beau, devenant nébuleux, et s’il est chaud, devenant plus froid, ou éprouvant les deux changemens contraires dans les deux cas opposés ; au lieu que le vent de nord s’élève ou tombe souvent, sans occasionner aucun changement sensible de temps ou de température.

15. À des gelées, ou même à des neiges de longue durée, succède rarement un autre vent que celui du sud direct ou presque direct. Il semble qu’alors la concoction du froid étant achevée, tout se détende[19]. Cependant il ne faut pas croire pour cela que le temps devienne toujours pluvieux, lorsque le vent de sud commence à souffler ; car il souffle également lorsque le dégel est accompagné de beau temps.

16. Le vent de sud souffle plus fréquemment et avec plus de force durant la nuit, que durant le jour, sur-tout en hiver : au contraire, lorsque le vent de nord s’élève durant la nuit (ce qui est assez rare), il dure rarement plus de trois jours.

27. Lorsque la mer est agitée par un vent de sud, il s’y forme de plus grosses vagues, que lorsqu’elle l’est par un vent de nord ; en supposant même que le premier de ces deux vents n’ait pas plus de force que le dernier, et même qu’il en ait un peu moins.

28. Par un vent de sud, les eaux de la mer sont plus transparentes et d’une couleur qui tire davantage sur le bleu ; au lieu que, par un vent de nord, elles sont d’une couleur plus obscure, et plus opaques.

19. Lorsque le temps devient tout à coup chaud et mou, c’est ordinairement un signe de pluie. Cependant le refroidissement subit de la température est quelquefois aussi une annonce de pluie ; différence qui dépend de la nature du vent alors régnant ; car, si le vent étant au sud ou à l’est, le temps s’adoucit tout à coup, la pluie n’est pas éloignée ; mais si le vent est au nord ou à l’ouest, alors le refroidissement subit de la température annonce la pluie.

20. Lorsque le vent de sud se fait sentir, il est presque toujours seul ; au lieu que les vents de nord ou tenant du nord, mais sur-tout les vents d’est-nord-est et d’ouest-nord-ouest (Cæcias et Corus), sont presque toujours accompagnés de vents différens et même contraires[20] ; et alors ces vents simultanées se combinant ensemble, on luttant les uns contre les autres, il en résulte de grandes variations dans la direction ou la force du vent dominant, et de fréquens changemens de temps.

21. Le vent de nord est nuisible dans le temps des semailles, et le vent de sud n’est pas favorable aux greffes.

22. Les feuilles des arbres tombent plus vite du côté du midi que des trois autres côtés[21]. Mais, dans les vignes, les sarmens à fruits poussent plus vite ; plus vigoureusement du côté du midi, et sont ordinairement presque tous de ce côté-là[22].

23. Dans les pâturages fort étendus et environnés de montagnes (dit Pline), les bergers doivent avoir soin de mener leurs troupeaux du côté du nord, afin que les moutons, en paissant, se trouvent à l’exposition du midi ; car, lorsqu’ils se trouvent long-temps exposés au nord, ils deviennent foibles et chassieux, ils ont des diarrhées, etc. Il prétend même que le vent de nord diminue leur vigueur pour la génération et en affoiblit le produit : que, si les brebis, au moment de l’accouplement, se trouvent à cette exposition, elles ne donnent ensuite que des femelles. Mais comme Pline ne fait que transcrire ces observations qu’il rapporte, il n’est pas bien d’accord avec lui-même.

24. Les vents peuvent être nuisibles dans trois temps différens ; savoir, au commencement ou à la fin de la floraison et dans le temps où les grains sont mûrs (ainsi que les fruits) ; car, dans les deux premiers cas, ils arrêtent ce développement d’où résulte la floraison, ou abattent les fleurs ; et dans le troisième cas, à force d’agiter les épis, ils abattent les grains.

25. Lorsque le vent est au sud, l’haleine de l’homme est plus fétide, tous les animaux ont moins d’appétit, les maladies contagieuses se manifestent, il y a beaucoup de rhumes, les hommes sont plus paresseux, plus pesans, moins gais et moins ingénieux. Au contraire, lorsque le vent est au nord, on est plus sain, plus vigoureux, plus agile, plus gai, on a plus d’appétit, plus d’esprit (sur-tout plus de jugement) etc.[23]. Cependant le vent de nord est contraire aux phthisiques, aux personnes attaquées de toux fréquentes, aux goutteux, et généralement à tous les individus atteints de maladies qui sont l’effet de l’acrimonie des humeurs.

26. Le vent d’est est sec, âcre, mordicant, insalubre ; le vent d’ouest, au contraire, est humectant, calmant, adoucissant, salutaire.

27. Le vent d’est, continuant à souffler lorsque le printemps est déjà un peu avancé, est un vrai fléau pour les arbres à fruits ; il multiplie excessivement les vers, ainsi que les chenilles, et bientôt on ne voit presque plus de feuilles ; il ne fait pas non plus trop de bien aux grains ; au contraire, le vent d’ouest est favorable aux herbages, aux plantes à fleurs, à tous les végétaux. Cependant le vent d’est même soufflant vers l’équinoxe d’automne, est assez salutaire aux animaux et aux végétaux.

28. Le vent d’ouest a ordinairement beaucoup plus de force que le vent d’est ; il courbe davantage les arbres ; et à force de les tourmenter, il leur fait prendre quelquefois une mauvaise forme.

29. Un temps pluvieux, qui commence par un vent d’est, est ordinairement de plus longue durée que celui qui commence par un vent d’ouest ; et dans le premier cas, il pleut quelquefois durant une journée entière sans interruption.

30. Le vent d’est, même direct, et le vent de nord, une fois qu’ils ont commencé à souffler, sont quelquefois de très longue durée ; au lieu que les vents de sud ou d’ouest durent ordinairement beaucoup moins et sont plus variables.

31. Lorsque le vent est à l’est, tous les objets visibles paroissent amplifiés ; mais lorsqu’il est à l’ouest, les sons paroissent plus forts et ils se portent aussi à de plus grandes distances.

32. Le vent de nord-est (ou plus exactement de l’est-nord-est, Cæcias), semble attirer à lui les nuages. Cette observation avoit même passé en proverbe parmi les Grecs. Ils comparoient ce vent aux usuriers qui, en prêtant de l’argent, attirent celui des emprunteurs et l’absorbent à la longue. Quoique ce vent occupe de grands espaces et ait beaucoup de force, il paroît néanmoins qu’il n’en a pas encore assez[24], puisqu’il ne peut, en poussant les nuages devant lui, les éloigner et les dissiper assez promptement pour les empêcher de réagir contre lui et de rétrograder ; phénomène qu’on observe aussi dans les grands incendies où la flamme, poussée d’abord par le vent qui l’anime et augmente son activité, réagit contre lui et gagne avec plus de force du côté même d’où vient ce vent.

33. Les vents cardinaux et les vents semi-cardinaux sont moins orageux que les vents moyens[25].

34. Les vents moyens qui soufflent des rhumbs situés entre le nord et le nord-est, sont ordinairement accompagnés de beau temps ; mais les vents moyens, venant des rhumbs situés entre le nord-est et l’est, sont plus orageux. De même les vents qui soufflent des rhumbs situés entre l’est et le sud-est, sont accompagnés d’un temps serein ; et les vents soufflant des rhumbs situés entre le sud-est et le sud, sont plus orageux ; de même encore ceux qui viennent des rhumbs situés entre le sud et le sud-ouest, sont accompagnés de beau temps, et ceux qui viennent des rhumbs situés entre le sud-ouest et l’ouest le sont d’orages ; de même enfin ceux qui soufflent des rhumbs situés entre l’ouest et le nord-ouest, sont accompagnés de beau temps, et ceux qui soufflent des rhumbs situés entre le nord-ouest et le nord, sont orageux ; en sorte que, si l’on considère successivement les quatre quarts de l’horizon et en suivant le cours du soleil (c’est-à-dire, en allant de gauche à droite), on trouve que les vents soufflant de tous les rhumbs situés dans le premier demi-quart, ont une disposition naturelle à amener le beau temps ; et les vents du second demi-quart, une disposition à amener des orages, et en général, du mauvais temps[26]

35. Le tonnerre, les éclairs et les grains viennent ordinairement des rhumbs d’où soufflent les vents froids et tenant du nord ; par exemple, de l’ouest-nord-ouest (Corus) ; du nord-ouest nord (Thrascias) ; du nord nord-ouest (Circius) ; du nord-est nord (Meses) et de l’est-nord-est (Cæcias)[27]. Aussi les éclairs et le tonnerre sont-ils souvent accompagnés de grêle.

36. Les vents, qui amènent la neige, viennent aussi assez ordinairement des rhumbs qui tiennent du nord, mais seulement de ces rhumbs moyens qui ne sont pas orageux, tels que le nord-est nord (Meses) et l’ouest-nord-ouest (Corus).

37. Ainsi les principales causes auxquelles on peut attribuer la nature et les qualités des différentes espèces de vents se réduisent à cinq. Ces causes sont :

1°. L’absence ou la présence du soleil ;

2°. L’accord ou l’opposition de ce mouvement particulier de l’air, qui les constitue, avec le mouvement naturel et général de l’atmosphère terrestre ;

3°. La diversité des matières dont ils se forment, et qui sont comme leur aliment ; telles que celles des mers, des marais, des neiges, etc.

4°. La nature et les qualités particulières des régions qu’ils traversent ;

5°. Leurs origines locales, soit qu’ils viennent de la région supérieure, de l’intérieur de la terre ou de la région moyenne entre ces deux extrêmes : toutes choses qui seront mieux expliquées dans les articles suivans.

38. Tous les vents ont la propriété de dessécher, ils l’ont même à un plus haut degré que le soleil ; car le soleil élève, pompe, en quelque manière, les vapeurs et provoque leur formation ; mais, à moins qu’il ne soit très ardent, il ne les dissipe pas[28]. Cependant le vent de sud est celui qui produit le moins sensiblement cet effet, et même pour peu qu’il souffle pendant quelque temps, les pierres et le bois suent plus sensiblement que dans un temps calme.

39. Les vents du mois de mars dessèchent plus promptement et plus complètement que les vents d’été ; aussi voit-on que les luthiers attendent ordinairement ce mois pour faire sécher la matière de leurs instrumens ; ce qui rend en effet le bois plus poreux (plus creux) et plus sonore.

40. L’effet commun de tous les vents est de purifier l’air et de le préserver de la putréfaction ; on a même observé que les années les plus venteuses sont aussi les plus salubres.

41. Il en est de l’influence du soleil sur les vents, comme du pouvoir que les princes exercent sur leurs sujets. Or, on sait que, dans un vaste empire, les sujets des provinces éloignées sont beaucoup plus soumis à leurs gouverneurs respectifs, que ceux des provinces du centre ne le sont aux leurs, et qu’ils leur obéissent mieux qu’au prince même. C’est ainsi que les vents, quoique tirant leur origine et tout leur pouvoir (de l’action) du soleil, ne laissent pas d’exercer un plus grand empire, et d’avoir une plus puissante influence sur la température et la constitution de l’air, que cet astre même qui en est la cause première. Par exemple, au Pérou, où le voisinage de la mer, de grands fleuves, de montagnes très élevées et couvertes de neiges éternelles, qui est une triple et inépuisable source de vapeurs, est en conséquence un principe fécond de vents de toute espèce, la température ne laisse pas d’être aussi douce et aussi fraîche qu’en Europe.

42. Quand tous ces puissans effets, qu’on attribue ordinairement aux vents, ne seroient point exagérés, ils n’auroient rien de fort étonnant, les vents d’une grande force pouvant être regardés comme d’immenses vagues, des torrens ou des inondations d’air. Mais, pour peu qu’on envisage les choses de plus près, on trouvera que ces effets, qui étonnent à la première vue, se réduisent à fort peu de chose. À la vérité, les vents peuvent renverser des arbres ; mais c’est en quoi leur action est beaucoup aidée par le poids de la touffe de ces grands végétaux, qui tend aussi à les renverser. De plus, le grand volume de cette touffe en fait une espèce de voile qui donne beaucoup de prise au vent : voilà donc déjà deux causes qui favorisent beaucoup leur action. Les vents peuvent aussi renverser des édifices peu solides ; quant aux édifices construits plus solidement, et qui ont plus de masse, ils ne peuvent les ébranler, à moins qu’ils ne soient accompagnés de tremblemens de terre. Ils détachent aussi quelquefois et précipitent du haut des montagnes de grandes masses de neige, tout à la fois, et en si grand volume, qu’elles comblent les vallées et les plaines situées au dessous[29], comme l’éprouva Soliman, avec son armée, dans les plaines de Sultanie. Enfin, les vents occasionnent quelquefois de grands débordemens et de Texte en italiquevastes inondations.

43. Quelquefois aussi les vents mettent un fleuve à sec, et au point d’en mettre le fond à découvert ; effet qui n’est pas difficile à expliquer. Car si, après une grande sécheresse, un vent très violent, et dont la direction est parallèle au cours du fleuve, vient à souffler pendant quelques jours, on conçoit aisément qu’alors, ce vent balayant, pour ainsi dire, les eaux de ce fleuve, et les précipitant dans la mer beaucoup plus vite qu’il ne feroit sans cela, en même temps qu’il empêche les eaux de la mer de remonter dans le lit du fleuve, il doit ainsi le mettre à sec en beaucoup plus d’endroits qu’il ne le fait ordinairement.

AVERTISSEMENT.

Actuellement, changeant de pôle et d’hémisphère, renversons toutes les conditions et les circonstances supposées dans les observations précédentes, je m’explique : toutes ces observations que nous venons de faire sur les vents qui soufflent dans l’hémisphère boréal, où le pôle de même nom est élevé sur l’horizon, faisons-les aussi sur ceux qui soufflent dans l’hémisphère austral (où c’est le pôle opposé qui est élevé sur l’horizon), et en changeant seulement tous les noms. Car, l’absence et la présence du soleil étant les deux principales causes des vents, les effets de ces deux causes doivent varier à raison du pôle qui se trouve élevé sur l’horizon. Cependant, un fait qui peut passer pour bien constaté, c’est qu’il y a beaucoup plus de mer et, en général, d’eau vers le midi, et beaucoup plus de terres vers le nord ; ce qui doit aussi avoir beaucoup d’influence sur les vents[30].

Les vents peuvent se former d’une infinité de manières ; en sorte que dans un sujet si varié et si compliqué il est difficile de trouver quelque principe fixe[31]. Cependant ceux que nous venons de poser, peuvent passer pour certains, et ont peu d’exceptions.

ORIGINES LOCALES DES VENTS.
Réponses aux questions du huitième article.

Il est difficile d’assigner avec certitude et précision les origines locales des différentes espèces de vents ; l’Écriture sainte ayant même déclaré qu’il n’est pas facile de dire d’où ils viennent, ni où ils vont. Or, il n’est pas question ici des sources ou origines des vents particuliers (sujet qui sera traité ci-après), mais de celles des vents pris en général ; en un mot, de leurs matrices communes. Ces matrices, les uns les placent dans la région supérieure, les autres dans les profondeurs de la terre ; quant à la région moyenne où ils se forment le plus ordinairement, personne ne s’avise de chercher là leur origine ; la plupart des hommes étant dans l’habitude de chercher ce qui est loin d’eux, en dédaignant ce qui se trouve sous leur main : du moins est-il évident que, dans tous les cas, ces vents sont ou indigènes, ou exotiques (étrangers, venus d’ailleurs), je veux dire qu’ils se sont formés, ou dans le lieu même où ils se font sentir, ou ailleurs. Car les vents, semblables à des négocians qui font le commerce en grand, rassemblant d’abord les vapeurs sous la forme de nuages, dans certaines contrées, les importent ensuite dans d’autres contrées, d’où ils exportent d’autres vapeurs, dont se forment d’autres vents qui se portent quelquefois dans les lieux mêmes d’où les premiers étoient venus ; chaque contrée, par une sorte d’échange, rendant ainsi aux autres l’équivalent de ce qu’elle en a reçu : mais traitons d’abord des vents natifs, de ceux, dis-je, qui se sont formés dans le lieu même où ils soufflent : car, ces vents mêmes qui viennent d’ailleurs, peuvent aussi être qualifiés de natifs ; ils l’étoient du moins dans les lieux où ils se sont formés. Ainsi, les origines locales des vents peuvent se réduire à trois : ou ils transpirent et jaillissent, pour ainsi dire, du sein de la terre, ou ils sont précipités de la région supérieure, ou ils se forment dans la région de l’atmosphère la plus voisine de nous : ceux qui viennent d’en haut peuvent avoir encore deux origines différentes : ou ils viennent de la région supérieure, avant que l’air en mouvement, dont ils sont composés, se soit condensé au point de former des nuages, ou ils se sont formés après coup de nuages raréfiés et dissipés. Passons actuellement à l’histoire, aux faits relatifs à ces différentes origines.

1°. Les poëtes de l’antiquité plaçoient l’empire d’Éole dans les antres et les cavernes, en un mot, dans les cavités souterraines, espèces de prisons où leur souverain les tenoit resserrés, et qu’il leur ouvroit de temps en temps en les lâchant dans le monde.

2. Il est aussi des écrivains (tout à la fois théologiens et philosophes) qui, prenant dans le sens propre et physique, ces paroles de l’Écriture sainte : Celui qui produit les vents et les tire de ses trésors, s’imaginent, d’après ce texte, que la source des vents est en effet dans les lieux où se trouvent les plus riches trésors ; savoir, dans le sein de la terre où sont les mines métalliques. Mais cette application du texte sacré ne peut se soutenir  ; car les livres saints parlent aussi des trésors de la neige et de la grêle, quoique l’une et l’autre se forment manifestement dans la région supérieure.

3. Il n’est pas douteux qu’il n’y ait une très grande quantité d’air renfermé dans le sein de la terre, air tantôt transpirant insensiblement, tantôt sortant en masse ; ce qui varie nécessairement à raison de la nature et de la puissance des causes de son émission.

4. Durant les grandes sécheresses et vers le milieu de l’été, temps où la terre se fend et se crevasse en une infinité d’endroits, on voit souvent dans les lieux les plus arides, d’abondantes éruptions d’eaux qui se font jour à travers les terres et les sables. Or, si l’eau, fluide dense et grossier, peut bien se faire jour quelquefois à travers un sol desséché, il est probable que l’air, fluide beaucoup plus rare et plus subtil, s’y ouvre encore plus fréquemment un passage. Lors, que cet air, qui sort de l’intérieur de la terre, transpire peu à peu, et se fait jour çà et là, il est d’abord peu sensible ; mais, lorsque toutes ces petites émanations, ces espèces de petits jets d’air viennent à se réunir, il en résulte un vent sensible, à peu près comme les ruisseaux, en se réunissant, forment les rivières ; explication qui n’est rien moins qu’une simple conjecture ; car, les anciens se sont assurés par l’observation, que la plupart des vents, au moment où ils commencent à souffler et dans les lieux où sont leurs sources, sont d’abord très foibles ; mais qu’ensuite, à mesure qu’ils avancent, ils s’enflent et se renforcent par degrés, à peu près comme un fleuve, en s’éloignant de sa source, grossit par degrés en recevant les eaux des ruisseaux et des petites rivières qui s’y jettent successivement.

5. On voit quelquefois en mer, dans certains parages et dans certains lacs, sur les continens, l’eau se gonfler et se soulever d’une manière sensible, quoiqu’aucun vent ne se fasse sentir ; gonflement qui, selon toute apparence, a pour cause quelque vent souterrain.

6. Il faut que cet air souterrain soit en très grande quantité, pour qu’il puisse ébranler la terre et y faire de grandes ouvertures, comme il le fait quelquefois ; mais il en faut bien peu pour soulever les eaux, Aussi les tremblemens de terre sont-ils assez rares, au lieu que ces gonflemens ou soulevemens des eaux sont assez fréquens.

7. On a aussi observé en différens lieux que les eaux se gonflent et se soulèvent quelque peu avant les tempêtes.

8. Cet air souterrain et rare, qui transpire çà et là, est d’abord peu sensible à la surface de la terre, et ne le devient qu’au moment où ses portions se réunissent en assez grande quantité pour former un vent proprement dit. C’est la porosité de la terre qui fait que les parties de ce fluide, dans cet état de dispersion où elles se trouvent d’abord, ne sont pas encore sensibles. Mais, lorsqu’il se fait jour dans cette partie de la surface de la terre qui est sous les eaux, alors, en les soulevant plus ou moins, il devient sensible. Nous avons dit, dans un des articles précédens, que les vents, soufflant des régions où il y a beaucoup de cavités souterraines, sont familiers à ces régions ; d’où il semble qu’on puisse conclure que les vents de cette espèce doivent être agrégés à la classe de ceux dont la source est dans l’intérieur de la terre.

9. Le vent souffle plus fréquemment et se fait sentir plutôt sur les montagnes d’un grand volume, et où se trouvent beaucoup de rochers, que dans les vallées ou les plaines situées au dessous. Or, il n’est point de montagnes ni de rochers qui n’aient des cavités.

10. Dans le comté de Denby en Angleterre, pays montueux et hérissé de rochers, on obscrve fréquemment des éruptions de vents qui sortent de certaines grottes ou cavités, avec tant de violence, que si l’on y jette des vêtemens, des pièces d’étoffe, du linge, etc. ces corps sont aussi-tôt repoussés avec une force prodigieuse, et élevés dans les airs à une grande hauteur.

11. À Aber Berry, près de Sabrine, dans le pays de Galles, se trouvent certains rochers en pentes où l’on voit quantité d’ouvertures ; lorsqu’on applique l’oreille à un de ces trous, on entend un bruit sourd et continuel, accompagné d’autres sons très diversifiés, qui paroissent être produits par des vents souterrains.

OBSERVATION INDIRECTE.

La ville de la Plata et celle de Potosi, au Pérou (suivant la remarque d’Acosta), ne sont pas très éloignées l’une de l’autre ; elles sont toutes deux situées dans un pays élevé et montueux ; et à cet égard, elles ne diffèrent point l’une de l’autre : cependant à Potosi, la température est très froide et analogue à celle de l’hiver ; au lieu qu’à la Plata, elle est fort douce et il y règne un printemps perpétuel ; ce qu’on doit, selon toute apparence, attribuer aux mines d’argent qui se trouvent près de Potosi : double fait qui prouve que la terre a des espèces de soupiraux par lesquels le chaud et le froid transpirent également.

12. S’il est vrai que la terre soit le premier froid, comme le prétend Parménide (opinion qui mérite d’autant plus de fixer l’attention, que ces deux choses, froid et densité, sont unies par des relations très étroites), il est également probable que les vapeurs repoussées et élevées à la surface du globe par le froid central[32], sont plus chaudes que celles qui sont repoussées et précipitées par le froid de la région supérieure de l’atmosphère.

13. Au rapport de quelques auteurs anciens, on voyoit, dans la Dalmatie et dans la Cyrénaïque, tel puits où l’on pouvoit exciter une sorte de tempête, en y jetant une pierre. Il semble que cette pierre, en tombant, brisoit une espèce de couvercle qui fermoit la cavité où ces vents étoient comme emprisonnés.

AUTRE OBSERVATION INDIRECTE.

L’Ethna et beaucoup d’autres montagnes vomissent des flammes. Il est naturel de penser qu’il y a aussi des éruptions d’air qui se dégage avec violence, sur-tout lorsqu’il est dilaté et mis en mouvement par cette chaleur si active qui règne dans certaines parties de l’intérieur du globe.

14. Dans les tremblemens de terre, certains vents extraordinaires et nuisibles se font sentir avant et après l’éruption ; à peu près comme des fumées de peu de volume s’élèvent avant et après un grand incendie.

AVERTISSEMENT.

Cette éruption de l’air renfermé dans le sein de la terre peut être déterminée par différentes causes ; ces causes sont, tantôt quelque grande masse de terre dont les parties latérales étoient mal soutenues, et qui tombe tout à coup dans quelque grande cavité ; ou des eaux qui s’engouffrent dans le sein de la terre, ou l’expansion de l’air dilaté tout à coup par les feux souterrains, et tendant à occuper un plus grand espace ; ou enfin une masse de terre qui auparavant étoit solide et dont les parties se soutenoient réciproquement comme celles d’une voûte ; mais qui, ensuite étant réduite en cendres par les feux souterrains, et ne pouvant plus se soutenir, s’écroule tout à coup, etc.

Telles sont les observations relatives à l’origine locale de ces vents dont la source est dans le sein de la terre ; nous allons traiter de ceux dont l’origine locale est dans cette région de l’atmosphère, vulgairement appelée la moyenne région de l’air.

AVERTISSEMENT.

Nous ne disconvenons pas qu’il n’y ait d’autres vents formés par les vapeurs qui s’élèvent de la terre ou de la mer ; et ce seroit fort mal entendre tout ce que nous venons de dire, que de nous attribuer un autre sentiment. Notre dessein étoit seulement de parler en premier lieu de ces vents qui sortent tout formés du sein de la terre.

15. Souvent un murmure se fait entendre dans les bois, un peu avant qu’aucun souffle se fasse sentir ; observation assez commune, d’où l’on peut conclure que les vents de cette espèce viennent de la région supérieure ; c’est ce qu’on observe aussi sur les montagnes : mais ici la cause est plus incertaine, et il y a une équivoque, ce murmure pouvant venir des vents renfermés dans les cavités de ces montagnes.

16. Des étoiles qui filent (pour user d’une expression vulgaire), sont un signe de vent, et ce vent qu’elles annoncent, souffle ordinairement de la partie d’où vient cette lumière ; observation d’où l’on peut inférer que l’air est quelquefois agité dans la région supérieure, avant que son mouvement devienne sensible à la surface de la terre.

17. Lorsque le ciel se découvre, les nuages se dissipant assez promptement, c’est encore un signe de vent ; autre phénomène annonçant des vents qui ne se font pas encore sentir dans la région inférieure, et nouveau fait qui prouve, comme les précédens, que la source de certains vents est dans la région élevée.

18. Les petites étoiles disparoissent quelquefois avant même qu’aucun vent se fasse sentir, et quoique le temps soit encore serein : ce qui paroit venir de ce qu’alors l’air se condense et devient moins transparent à cause de cette grande quantité de vapeurs dont il est rempli, et qui, après s’être dissoutes dans le corps de l’atmosphère, produisent des vents.

19. On voit quelquefois un cercle blanc ou coloré (un halo), autour du disque de la lune, et quelquefois aussi celui du soleil paroît d’un rouge de sang, au coucher de cet astre. La lune paroît ordinairement fort rouge à son quatrième lever. Il est beaucoup d’autres pronostics de ce genre relativement aux vents déjà régnant dans la partie supérieure de l’atmosphère (sujet que nous traiterons ci-après), tous signes qui annoncent que la matière du vent se prépare et se ramasse déjà dans cette région élevée.

20. Les phénomènes que nous venons d’exposer, nous donnent une idée précise des deux différentes manières dont les vents peuvent se former dans la région supérieure et dont nous parlions plus haut ; ils peuvent, disions-nous, se former, ou avant que les vapeurs se réunissent assez pour former des nuages, ou après cette réunion et cette formation. Car ces pronostics, tirés des halos, qu’on voit quelquefois autour du soleil ou de la lune, et ces couleurs dont ces deux astres paroissent teints, supposent des nuages ou du moins des vapeurs déjà formées et sensibles ; au lieu que ces étoiles qui filent, ou cette disparition des petites étoiles, sont des phénomènes qui se présentent quelquefois dans un temps serein.

21. Lorsque le vent provient d’un nuage déjà formé, ou ce nuage se dissipe entièrement et se convertissant en air, ne donne que du vent, ou il se résout, en partie, en pluie et en partie en vent, ou s’ouvrant tout à coup, il donne un vent violent, et telle est ordinairement la cause de ce qu’on appelle un grain[33].

22. On trouve par-tout dans la nature une infinité de faits indirects relativement à la répercussion occasionnée par le froid. Ainsi ce froid âpre qui règne dans la région moyenne de l’air, étant un fait constaté, on conçoit aisément qu’une grande partie des vapeurs flottantes dans l’atmosphère, ne pouvant franchir cette région, elles se coagulent et sont ensuite lancées vers la région inférieure, comme le pensoient aussi les anciens, dont l’opinion sur ce point nous paroît fondée.

La troisième origine locale est celle dos vents qui se forment dans la région inférieure de l’atmosphère et plus près de la surface du globe ; vents que nous attribuons au gonflement, à la dilatation de ce fluide, occasionnée par une surabondance de matière.

EXPLICATION.

La génération de ces vents qui se forment dans la région inférieure de l’air, n’a rien d’abstrus ni de mystérieux ; au fond son explication se réduit à la proposition suivante : lorsque l’air, nouvellement formé d’eau ou de vapeurs attenuées et dissoutes, étant ajouté à l’air préexistant, le tout ne peut plus être contenu dans l’espace qui auparavant suffisoit à ce dernier ; alors il se dilate, se développe, se met en mouvement pour occuper un plus grand espace, et se porte en partie au-delà de ses anciennes limites ; proposition toutefois qui a pour bases deux suppositions ; l’une, qu’une goutte d’eau convertie en air (quoi qu’aient pu dire certains philosophies de la proportion décuple des élémens)[34], occupe un espace au moins cent fois plus grand que celui qu’elle occupoit auparavant[35] ; l’autre, qu’une très petite quantité d’air nouveau et mise en mouvement, étant ajoutée à l’air pré-existant, suffit pour ébranler et mettre en mouvement toute la masse. C’est ce dont on voit un exemple frappant dans ce vent si peu volumineux et si foible qui se fait jour par les fentes des portes ou des fenêtres, et qui, tout foible qu’il paroît, est pourtant assez fort pour mettre en mouvement tout l’air d’un appartement, comme le prouve assez l’agitation de la flamme des chandelles.

23. De même que la rosée et les brouillards qui se forment près de la surface de la terre, ne deviennent jamais de vrais nuages et ne s’élèvent point jusqu’à la région supérieure de l’atmosphère, on duit penser qu’il est aussi une infinité de vents qui ne s’élèvent pas non plus à cette région élevée.

24. Près de la mer et des eaux d’une grande étendue, on sent toujours un léger souffle, qui n’est autre chose qu’un vent extrêmement foible et provenant du mouvement d’un air nouvellement formé.

25. L’Iris, qui, de tous les météores, est le moins élevé et qui se forme près de la surface de la terre, n’est pas toujours entier ; il paroît quelquefois comme écourté ; il n’en reste plus alors que des morceaux, et ce sont ordinairement les extrémités inférieures de l’arc[36]. Lorsque le nuage, qui produit ces couleurs, se résout et se dissipe, il donne du vent, ainsi que de la pluie, et même plus fréquemment du vent.

26. On a observé que, dans les contrées séparées par de hautes montagnes, tandis que telle espèce de vent règne constamment d’un côté de ces montagnes, un autre vent, tout différent, quelquefois même contraire, souffle aussi constamment du côté opposé[37]. Ce qui prouve clairement que ces deux vents se forment dans une région moins élevée que les sommets de ces montagnes[38].

27. Il est une infinité de vents qui se font sentir par un beau temps, et même dans des contrées ou il ne pleut jamais ; vents qui se forment dans l’endroit même où ils soufflent, qui ne proviennent point de nuages dissous, et qui ne s’élèvent point jusqu’à la région supérieure.

OBSERVATION INDIRECTE.

Si-tôt qu’on sait qu’une vapeur (aqueuse) peut aisément se résoudre en air ; que l’atmosphère est remplie d’une quantité immense de vapeurs ; qu’une goutte d’eau convertie en air acquiert un volume infiniment plus grand (comme nous le disions plus haut) ; enfin, que l’air ne se laisse comprimer que très peu, sans se mettre en mouvement ; dès-lors on conçoit aisément, on conclut même avec certitude, qu’il peut se former des vents dans toute cette partie de l’atmosphère, qui s’étend depuis la surface du globe jusqu’à la région la plus élevée ; car il ne se peut qu’une grande quantité de vapeurs, lorsqu’elles commencent à se dilater et à s’élever vers la région supérieure, ne surchargent l’atmosphère et n’y occasionnent quelque agitation très sensible, et par conséquent ne produisent du vent[39].

Générations accidentelles des vents.
Réponses aux questions du neuvième article.

Par générations accidentelles des vents, nous n’entendons pas celles d’où résulte une nouvelle impulsion donnée à l’air et un vent nouveau ; mais celles qu’on peut attribuer à des causes qui, en comprimant ce fluide, déjà mis en mouvement par d’autres causes, augmentent sa vitesse, ou qui occasionnent dans l’atmosphère des mouvemens de fluctuation, d’ondulation et d’autres, suivant des lignes sinueuses ; enfin des espèces de vagues, de torrens et d’inondations : tous phénomènes qu’on ne doit attribuer qu’à des causes extérieures, et sur-tout aux situations respectives des différentes parties des lieux où ces vents se font sentir.

1. Dans les lieux où se trouvent des collines peu élevées et au pied desquelles sont des vallées, ou au-delà desquelles se trouvent des montagnes plus élevées, l’agitation de l’air est plus grande et le vent plus sensible que sur les montagnes et dans les plaines.

2. Dans les villes où se trouvent des endroits très spacieux, dont les issues sont fort étroites, ou encore aux points d’intersection des places ou des rues qui se croisent, le vent est toujours plus sensible que par-tout ailleurs, et il n’y règne presque jamais un calme parfait.

3. Dans beaucoup d’édifices l’air est fréquemment rafraîchi par des ventilateurs naturels ou artificiels ; effet qui a lieu sur-tout lorsque l’air, ayant un libre cours, entre par un côté et sort par le coté opposé, et qui est encore plus sensible, lorsque l’air, entrant par différens côtés tout à la fois et suivant des directions qui font angle, trouve ensuite une issue au point où concourent toutes ces lignes ; ou encore dans les salles voûtées, et en général d’une forme arrondie, où l’air, mis aussi en mouvement, est répercuté, tant par le plafond que par les murs, suivant un grand nombre de directions différentes et concourant à peu près aux mêmes points. La courbure et les sinuosités des portiques et des dégagemens d’un édifice, produisent des effets semblables ; et lorsque ces parties de l’édifice ont une telle forme, le mouvement de l’air y est plus sensible que lorsqu’elles sont en ligne droite ; car lorsque l’air, mis en mouvement, se porte suivant une seule ligne droite, il serpente moins, il a moins de mouvemens de fluctuation et d’ondulation que lorsqu’il est répercuté par des parois de forme angulaire ou tortueuse, etc. ou par des voûtes, etc. suivant des directions concourantes.

4. Après une grande tempête, au vent originel, lorsqu’il est tout-à-fait tombé, succède un vent accidentel produit par le houle et le mouvement d’ondulation des vagues qui frappent l’air et l’agitent.

5. On observe aussi assez souvent dans les jardins que le vent y est répercuté par les murs, par les édifices, par des buttes de terre, par des matériaux entassés, et l’est quelquefois au point qu’il paroit venir du côté opposé à celui d’oie il souffle réellement.

6. Dans un pays plat et environné de montagnes, lorsque le vent souffle de la plaine contre une de ces montagnes, il est répercuté ; et l’effet de cette répercussion est de donner, ou de la pluie lorsque cet air est chargé de vapeurs aqueuses, ou au moins un autre vent, dont la direction est diamétralement opposée à celle du vent originel, mais de courte durée.

7. Enfin les navigateurs, après avoir doublé un cap, trouvent quelquefois au-delà un vent tout différent de celui qui souffloit en deçà.

Des vents extraordinaires et subits.
Réponses aux questions de l’art. 20.

Un grand nombre d’auteurs parlent aussi de vents extraordinaires et subits, tels que les ouragans, les grains, les tourbillons, les typhons, les dragons, ceux des trombes, etc. à quoi il faut ajouter ces vents brûlans que nous trouvons désignés dans les auteurs latins, par le nom de Prester ; mais ils n’entrent dans aucun détail sur ce sujet, et ne décrivent point avec assez d’exactitude les phénomènes de ce genre : reste donc à chercher ces descriptions dans les histoires de différentes nations et dans les relations de voyages.

1. Ces vents subits et violens ne soufflent pas ordinairement par un beau temps, mais seulement lorsque le temps est chargé ou pluvieux ; ils paroissent être l’effet d’une sorte d’éruption et d’un choc violent donné à l’air ou aux eaux.

2. Les coups de vent, accompagnés de brume ou d’obscurité, et qui ont pour cause un nuage semblable à une colonne presque perpendiculaire (en un mot, les trombes), ont des effets terribles et sont un vrai fléau pour les navigateurs.

3. Les typhons (ou tourbillons) d’une grande force, et qui, agissant dans un espace notable, font pirouetter tous les corps qu’ils peuvent saisir, puis les élèvent dans les airs, sont des phénomènes assez rares ; mais ces petits tourbillons, où le vent semble jouer avec les plumes, les pailles ou autres corps légers, sont assez fréquens.

4. Tous les grains, les tourbillons et les typhons d’une grande violence ont plus que toute autre espèce de vent, un mouvement manifeste de haut en bas ; ils semblent être lancés de la région supérieure, se précipiter comme des torrens, couler dans une sorte de canal, et être ensuite répercutés par la surface de la terre.

5. On voit quelquefois dans les prairies des meules de foin élevées dans les airs par un vent violent, et y formant alors une sorte de pavillon. C’est ce qui arrive aussi quelquefois dans les champs aux gerbes de bled, aux tiges et aux cosses de pois, de fèves, etc. souvent aussi des linges qu’on a étendus pour les faire sécher, étant pris en dessous par un tourbillon, sont élevés dans les airs, à la hauteur des arbres ou des édifices, même dans des temps où aucun vent d’une grande force ne se fait sentir.

6. On voit aussi d’autres tourbillons légers et occupant très peu d’espace, même dans un temps serein : par exemple, un cavalier voit quelquefois la poussière ou les pailles pirouetter près de lui ; ce qu’on peut attribuer à deux vents contraires qui se repoussent réciproquement, et dont le choc imprime à l’air un mouvement de circulation.

7. Certains vents, comme on s’en est assuré par des observations réitérées semblent brûler et griller les plantes. Celui que Pline désigne par le nom de Prester peut être regardé comme une sorte d’éclair imperceptible et d’air ardent, mais sans inflammation sensible. Au reste l’explication de ce dernier phénomène doit être renvoyée à l’article qui traite ex-professo, des éclairs et de leurs causes.

Causes concourantes des vents, des vents originels, dis-je, et non des vents accidentels qui étoient le sujet du pénultième article. Réponses aux articles 11, 12, 13, 14 et 15.

Les observations que les anciens ont hazardées sur les vents et leurs causes, sont pleines de confusion et d’incertitude, la plupart même sont fausses. Eh ! après tout, est-il donc étonnant qu’ils aient si mal vu un objet qu’ils regardoient de si loin ? Il semble, à les entendre, que le vent soit autre chose qu’un air en mouvement. Les uns attribuent tous les vents, sans exception, à des exhalaisons qui, selon eux, en composent toute la substance. Selon d’autres, la matière propre et commune de tous les vents n’est autre chose qu’une exhalaison chaude et sèche ; enfin d’autres pensent que les vents ont pour cause une portion de l’air atmosphérique, repoussée et précipitée dans la région inférieure par ce froid qui règne perpétuellement dans la région supérieure : toutes opinions fantastiques et dénuées de fondemens solides. Cependant, de ces fils si foibles, ils n’ont pas laissé de fabriquer des toiles d’un volume immense ; mais ce sont de vraies toiles d’araignées. La vérité est que toute impulsion donnée à l’air produit un vent ; que les exhalaisons qui se trouvent combinées avec ce fluide, contribuent plutôt à son mouvement, qu’elles n’entrent dans sa composition et n’augmentent sa matière ; que les vapeurs humides (aqueuses) étant dilatées par une chaleur suffisante, sont plus propres que les exhalaisons sèches pour produire des vents par leur dissolution et leur conversion en air ; enfin, qu’outre ces vents, qui ont pour cause un air repoussé d’abord par le froid de la région supérieure, puis répercuté par la surface de la terre, il en est beaucoup d’autres qui se forment dans la région inférieure de l’atmosphère, et d’autres encore qui proviennent de cet air qui transpire peu à peu de l’intérieur de la terre ; mais ce ne sont encore que de simples conjectures. Voyons ce que nous diront les choses mêmes mûrement considérées.

1. Le mouvement naturel et général de l’air (comme nous l’avons dit dans l’article qui avoit pour objet les vents généraux), indépendamment de toute autre cause extérieure, produit un vent sensible entre les tropiques ; région ou les cercles que l’air décrit en vertu de ce mouvement, sont plus grands que dans les autres zones.

2. La seconde cause qui se présente après ce mouvement naturel de l’air, c’est l’action du soleil ; mais, avant de parler de cet astre (qui est le père commun de la plupart des vents), voyons d’abord si la lune et les autres astres n’auroient pas aussi quelque influence sur les vents.

3. Quelques heures avant les éclipses de lune s’élèvent ordinairement des vents d’une grande force, et qui occupent de grands espaces. Par exemple, si la lune doit être éclipsée vers minuit, ces vents se font sentir dans la soirée précédente ; et si l'éclipse doit avoir lieu le matin, ils soufflent vers minuit[40].

4. Acosta nous apprend qu’au Pérou, contrée fort venteuse, c’est ordinairement vers le temps de la pleine lune qu’il vente le plus. Des observations bien utiles ce seroient celles qui pourroient servir à déterminer comment et combien le mouvement et les différentes phases de la lune (dont l'influence sur les marées est un fait bien constaté) peuvent influer et influent en effet sur les vents, afin de savoir, par exemple, si ces vents n’ont pas un peu plus de force, ou ne soufflent pas un peu plus fréquemment vers le temps des nouvelles ou des pleines lunes, que vers celui des quadratures ; comme les marées sont plus hautes aux époques de la première espèce qu’à celles de la dernière ; quoique certains physiciens aient supposé, avec quelque fondement, que l’influence de la lune s’exerce principalement sur les eaux, et celle du soleil ou des autres astres, sur l’air[41]. Cependant il est certain que l’eau et l’air sont deux fluides très analogues[42] ; et qu’après le soleil, la lune est de tous les corps célestes, celui qui influe le plus sensiblement, non-seulement sur ces deux fluides, mais même sur tous les corps terrestres.

5. Il y a aussi ordinairement de grands vents vers le temps des conjonctions des différentes planètes ; c’est un fait qui n’a pas échappé aux observateurs.

6. On a de plus observé que, vers le temps du lever d’Orion, il y a ordinairement de grands vents et de fréquens changemens de temps : mais ne seroit-ce pas parce que le temps de ce lever coïncide avec la saison ou la constitution de l’air est le plus disposée à la génération des vents, et l’apparition de cet astre ne seroit-elle pas alors plutôt un phénomène simplement concomitant, qu’une cause proprement dite ? observation et distinction qu’il faut appliquer aussi à l’influence présumée du lever des pléiades ou de celui des hyades, sur les pluies, ou à celle du lever d’Arcturus sur les tempêtes.

7. De toutes les causes efficientes de la plupart des vents, la première et la plus puissante est sans contredit le soleil même, dont la chaleur agit sur deux espèces de matières : savoir, l’air et les vapeurs ou les exhalaisons.

8. Lorsque le soleil est dans sa plus grande force, il dilate l’air même, l’air pur et sans aucun mélange de vapeurs ; au point que le volume de ce fluide augmente d’un tiers ; augmentation dont les effets doivent être fort sensibles. Ainsi la simple dilatation de l’air atmosphérique doit nécessairement produire quelque vent dans cette route que parcourt le soleil, et sur-tout durant les grandes chaleurs : effet qu’il doit produire plutôt deux ou trois heures après son lever, que vers l’aurore.

9. En Europe, les nuits sont le temps où, proportion gardée, la chaleur se fait le plus sentir (durant l’été) : au Pérou, les trois premières heures de la matinée sont le temps de son maximum[43] ; augmentation qui, dans ces deux contrées si éloignées l’une de l’autre, est néanmoins l’effet d’une seule et même cause, mais agissant dans deux temps différens : savoir, la cessation de toute espèce de vent, aux heures respectives ; heures qui ne sont pas les mêmes dans les deux contrées.

10. Dans ce thermomètre qui est surmonté d’une boule de verre (celui de Drebbel), l’air de cette boule, en se dilatant, fait baisser la liqueur qui se trouve au dessous, comme le feroit un vent qui souffleroit de haut en bas, mais dans cet autre genre de thermomètre qui est surmonté d’une vessie, et qui ne contient que de l’air ; cet air, en se dilatant, enfle la vessie, comme le feroit un vent proprement dit.

11. Nous avons fait nous-mêmes une expérience sur les vents de cette nature, à l’aide d’une espèce de tourelle fermée de tous côtés : nous avons établi dans le milieu, un réchaud rempli de charbons bien allumés, afin qu’il s’en élevât moins de fumée : à côté de ce réchaud, et à une très petite distance, nous suspendîmes, à l’aide d’un fil, une petite croix de plumes, corps très léger et très mobile, dont la destination étoit de rendre sensibles les moindres mouvemens de l’air ; après quelques minutes, l’air renfermé dans cette tourelle s’étant échauffé et dilaté, nous vîmes la petite croix et son fil s’agiter très sensiblement, et se mouvoir dans tous les sens ; puis nous étant avisés de faire un trou de la petite fenêtre de cette tourelle[44], nous sentîmes l’impression d’un petit vent qui sortoit par ce trou ; vent qui n’étoit pas continu, mais intermittent ou alternatif, et formoit des espèces d’ondulations.

12. L’effet de la contraction de l’air succédant à sa dilatation, peut aussi produire un vent de cette espèce, mais plus foible ; le froid ayant moins de force et d’influence à cet égard que la chaleur. Par exemple, au Pérou, lorsqu’on se tient à l’ombre (en supposant même que cette ombre occupe très peu d’espace), on sent non-seulement une fraîcheur beaucoup plus grande que celle qu’on éprouveroit en pareil cas dans nos contrées ; fraîcheur qui est l’effet de l’antipéristase (du contraste des deux températures), mais même un vent caractérisé et produit par cette contraction que l’air éprouve, en passant de l’espace échauffé par les rayons solaires, à l’espace ombragé.

Tels sont les vents qui peuvent être produits par la simple dilatation, ou la simple contraction de l’air.

13. Les vents produits par le seul mouVement de l’air pur et sans aucun mélange de vapeurs, sont ordinairement très forts. Il faut faire aussi des observations, pour déterminer les forces respectives des vents qui sont des produits de la dilatation des vapeurs ; car la force des vents de cette dernière espèce doit l’emporter sur celle des précédens, en proportion que la dilatation d’une goutte d’eau convertie en air l’emporte sur celle de l’air déjà formé. Or, comme nous l’avons dit dans un des articles précédens, le volume que cette goutte d’eau acquiert par cette dilatation et cette conversion qui en est l’effet, est beaucoup plus grand que celui de l’air dilaté.

14. La cause efficiente des vents produits par des vapeurs, n’est autre que le soleil même et sa chaleur supposée au degré convenable, et la cause matérielle, ou l’aliment de ces vents, n’est autre qu’une grande quantité de vapeurs et d’exhalaisons dissoutes et converties en air ; en air, dis-je, et non en tout autre fluide spécifiquement différent ; cet air toutefois étant d’abord moins pur que l’air commun.

15. Lorsque la chaleur du soleil est foible, elle n’élève point de vapeurs ; et par conséquent elle ne produit point de vents.

16. Quand la chaleur de cet astre est au degré moyen, elle provoque sans doute la formation des vapeurs, mais elle ne les dissipe pas sur-le-champ ; et alors si les vapeurs sont en très petite quantité, leurs parties se rapprochant les unes des autres, et se réunissant, elles forment des pluies, ou seules, ou accompagnées de vents ; mais si cette quantité est petite, il n’en résulte que du vent.

17. Lorsque la chaleur du soleil va en croissant, elle produit plutôt des vents que des pluies ; et lorsqu’elle va en décroissant, des pluies, plutôt que des vents.

18. Quand cette chaleur a beaucoup d’intensité et est de longue durée, son effet est d’atténuer les vapeurs et de les dissiper, en les élevant jusqu’à la région supérieure ; mais en même temps elle les combine et les incorpore avec l’air, en les distribuant peu à peu dans tout le corps de l’atmosphère : dans ce dernier cas, l’air demeure tranquille, et le temps serein.

19. Lorsque la chaleur de cet astre est continue, uniforme, et toujours à peu près la même, alors elle a moins de disposition et d’aptitude à la formation des vents ; au contraire, elle y est plus disposée, lorsqu’elle est inégale, cette chaleur et le froid se succédant alternativement. Aussi, dans les mers de Russie et durant l’été, est-on moins incommodé des vents, que dans la Manche (de Bretagne) ; les jours alors étant beaucoup plus longs, dans le premier de ces deux parages, que dans le dernier ; au lieu qu’au Pérou, qui est sous la ligne équinoxiale, et où la température est beaucoup plus inégale, à cause de la succession alternative de jours et de nuits de durées presque égales, les vents sont très fréquens[45].

20. Dans les vapeurs il y a deux choses à considérer : savoir, leur quantité et leur qualité. Une petite quantité de vapeurs ne produit que des vents foibles ; une quantité moyenne, des vents beaucoup plus forts ; mais une très grande quantité de vapeurs surchargeant, pour ainsi dire, l’atmosphère, et rendant l’air beaucoup plus dense, forme ainsi des pluies accompagnées, tantôt de calmes, tantôt de vents.

21. Les vapeurs qui s’élèvent de la mer, des rivières, des marais et des terres inondées, produisent des vents plus forts et plus fréquens, que ne le peuvent faire les exhalaisons ou émanations terrestres. Cependant les vents formés par les émanations de la terre, dans les régions sèches, ont plus de tenue et de durée : ce sont principalement les vents de cette espèce qui soufflent de la région supérieure[46], et l’opinion des anciens sur ce point nous paroît assez fondée ; mais en l’adoptant, nous n’adoptons point du tout cette espèce de partage qu’ils avoient fait, en attribuant aux vapeurs, la formation des pluies, et aux exhalaisons, celle des vents ; toutes conjectures qui peuvent figurer dans un discours ou un écrit, mais qui ne peuvent être d’aucune utilité dans la pratique.

22. Les vents qui sont le produit de la fonte des neiges, dont certaines montagnes sont couvertes, tiennent presque le milieu entre les vents aquatiques et les vents terrestres. Cependant ils tiennent un peu plus des premiers, avec cette différence toutefois qu’ils ont plus de vitesse et d’acrimonie.

23. Les vents produits par la fonte de ces neiges, dont certaines montagnes sont couvertes et dont nous venons de parler, soufflent ordinairement de la partie même où se trouvent ces montagnes à neige.

24. On croit communément que ce vent de nord (ou plus exactement de nord-nord-est et de nord-est (l’aquilon), qui commence à souffler vers le temps du lever de la canicule, vient de la mer glaciale et des régions circumpolaires, régions où la fonte des neiges et des glaces est beaucoup plus tardive que dans nos contrées, et n’a lieu que sur la fin de l’été.

25. Ces masses énormes de glaces, que le vent et les courans portent de la mer glaciale vers les côtes du Canada et de l’île de Terre-Neuve, produisent plutôt des émanations froides, que des vents proprement dits, qui puissent parcourir un grand espace.

26. Les vents provenant des terres sèches, sablonneuses et remplies de craie, sont rares, foibles et secs ; lorsque les vents de cette espèce se forment dans des contrées ou la chaleur est très grande, ils sont étouffans, fuligineux et brûlans.

27. Les vents formés par les vapeurs de la mer, sont plus disposés que tous ceux qui ont une toute autre origine à se convertir de nouveau en eau, et à former des pluies, les vapeurs aqueuses dont ils sont composés ou chargés, obéissant ainsi à leur tendance naturelle, et tendant à retourner à leur état primitif, ou si cette conversion n’a pas alors ces vapeurs s’incorporant avec l’air atmosphérique, il n’en résulte aucun vent : mais les vapeurs terrestres, fuligineuses et onctueuses, dont la dissolution est plus difficile, ont des mouvemens plus violens, s’élèvent beaucoup plus haut, et parvenant quelquefois jusqu’à la région moyenne de l’atmosphère, y sont la cause matérielle de certains météores ignées.

28. Quelques historiens prétendent que, dans le temps où la Guyenne étoit encore au pouvoir des Anglois, les habitans de Bordeaux et des cantons voisins présentèrent une requête au roi d’Angleterre, pour l’engager à défendre à ses sujets des Comtés de Sussex et de Hampton, de mettre le feu aux bruyères, sur la fin d’avril, comme ils le faisoient ordinairement ; opération d’où résultoit, disoient-ils, un vent qui étoit très nuisible à leurs vignes[47].

29. La rencontre et la lutte de deux vents différens et un peu forts, qui viennent à s’entre-choquer, produit des vents d’une plus grande force, et quelquefois des tourbillons ; mais s’ils sont foibles et chargés de vapeurs aqueuses, ils donnent de la pluie, et alors le vent tombe.

30. Les vents peuvent être apaisés par cinq causes, et s’affoiblir ou tomber tout-à-fait dans cinq espèces de cas différens.

1°. Lorsque l’air d’abord chargé de vapeurs humides (aqueuses) qui l’agitent, s’en trouve débarrassé ; ces particules aqueuses se rapprochant alors les unes des autres, et se réunissant en gouttes sensibles, forment de la pluie.

2°. Lorsque les vapeurs divisées et atténuées s’incorporent parfaitement avec l’air, et demeurent en repos avec ce fluide.

3°. Lorsque les vapeurs de ce genre étant sublimées, s’élèvent assez haut pour ne plus troubler le repos de la partie inférieure de l’atmosphère ; ce qui dure jusqu’à ce que ces vapeurs repoussées par le froid qui règne dans la région moyenne de l’air, en soient précipitées, ou jusqu’à ce qu’elles puissent pénétrer dans cette région.

4°. Lorsque les vapeurs, en se réunissant et formant des nuages, que des vents régnant dans une région plus élevée, transportent ensuite dans d’autres contrées, cessent ainsi de troubler l’atmosphère du lieu où elles étoient d’abord.

5°. Ou enfin, lorsque les vents, après avoir parcouru de grands espaces, s’affoiblissant par degrés (faute d’un nouvel aliment), à mesure qu’ils s’éloignent de leur source, viennent en quelque manière expirer et mourir peu à peu dans le lieu en question.

31. Assez ordinairement la pluie abat le vent, sur-tout un vent orageux, et en général un vent subit : réciproquement un vent un peu fort empêche la pluie de tomber, ou la dissipe.

32. Les vents se tournent en pluie (ce qui est la première des cinq causes dénombrées qui peuvent les apaiser), ou par la grande quantité et le poids même des vapeurs dont l’atmosphère se trouve surchargée ;

Ou par la rencontre et le choc de deux vents contraires, mais d’une force médiocre ;

Ou par la résistance que leur opposent des montagnes ou des promontoires (des caps) qu’ils rencontrent ; obstacles qui, les arrêtant, les répercutant et poussant l’air du vent réfléchi contre celui du vent direct, rapprochent ainsi les parties de ce fluide, et le condensent peu à peu[48].

33. Les vents légers et foibles s’élevent ordinairement le matin, et tombent au coucher du soleil ; la condonsation de l’air opérée par la fraîcheur de la nuit suffisant alors pour les faire tomber, et détruisant ce foible mouvement que la dilatation diurne avoit excité ; car l’air se laisse comprimer jusqu’à un certain point, sans réagir avec violence.

31. On croit communément que le son des cloches peut éloigner les orages, mais peut-il produire le même effet sur les vents (ou l’effet contraire) ? C’est une question que l’observation n’a pas encore décidée.

AVERTISSEMENT.

Voyez à ce sujet l’article où nous traitons des pronostics relatifs aux vents, les signes des phénomènes ayant toujours quelque relation avec leurs causes[49].

35. Pline prétend qu’on peut dissiper un tourbillon (de vent), en faisant des aspersions de vinaigre du côté d’où il vient, et au moment où il commence à se faire sentir.

LIMITES DES VENTS.
Réponses aux questions des articles 16, 17 et 18.

1. On lit dans quelques auteurs anciens le fait suivant, qui prouve que les limites des vents sont plus étroites qu’on ne seroit naturellement porté à le penser.

Ceux d’entre les Grecs qui sacrifioient tous les ans sur les autels érigés ad hoc au sommet du mont Athos, traçoient des lettres avec leur doigt dans la cendre des sacrifices, et l’année d’après, ils retrouvoient ces lettres dans l’état où ils les avoient laissées ; elles étoient aussi nettes et aussi distinctes qu’au moment où ils les avoient tracées, quoique ces autels ne fussent pas dans un temple, mais en plein air ; fait qui prouve que sur le sommet de cette montagne, il n’y a jamais ni vent ni pluie.

2. Les voyageurs qui ont été jusqu’au sommet du Pic de Tenériffe et des Andes du Pérou, rapportent qu’on n’y voit de neige que sur la partie moyenne de leur penchant, et qu’au sommet on n’y trouve qu’un air toujours calme, mais tellement raréfié et atténué, qu’il suffit à peine pour la respiration[50] : air qui a aussi une telle acrimonie, qu’il excite des nausées par l’irritation qu’il occasionne à l’orifice de l’estomac, et pique les yeux qu’il rend humides et rouges.

3. Il paroît que les vents provenant des vapeurs, ne s’élèvent pas à une très grande hauteur ; cependant il est probable que quelques-uns soufflent dans une région plus élevée que celle où la plupart des nuages peuvent monter.

Après avoir considéré la hauteur à laquelle les vents peuvent s’élever, considérons les espaces qu’ils peuvent occuper[51] (et les distances qu’ils peuvent franchir).

4. Les espaces que les vents peuvent occuper, sont susceptibles d’une très grande variété ; ces espaces sont tantôt immenses, tantôt très courts et très étroits. Tel vent, par exemple, qui se fait sentir actuellement dans tel lieu, soufflera quelques heures après dans un lieu éloigné de plusieurs centaines de milles.

5. Les vents qui occupent de grands espaces (ce qu’on ne doit entendre que des vents libres) ; ces vents, dis-je, sont ordinairement d’une grande force ; ils sont aussi de longue durée, ce qui peut aller jusqu’à près de vingt-quatre heures, ils sont rarement accompagnés de pluie ; au contraire, les vents qui occupent de petits espaces, sont ordinairement foibles ou orageux, mais toujours de courte durée.

6. Les vents réglés se portent à de grandes distances, et occupent quelquefois des espaces immenses.

7. Les vents orageux et les grains ne s’étendent pas fort loin ; cependant ils se font toujours sentir un peu au-delà du lieu où ils se sont formés.

8. Les vents marins peuvent être resserrés dans des limites beaucoup plus étroites que celles de tous les vents terrestres, et si étroites, qu’on voit quelquefois en mer un vent assez fort régner dans certaines parties (ce dont on s’aperçoit en voyant l’eau friser (ou se crisper), et prendre une teinte plus sombre, quoiqu’il règne par-tout ailleurs, un calme parfait qui rend la surface de la mer aussi unie que celle d’un miroir[52].

9. Les petits tourbillons qu’un cavalier courant à toute bride voit quelquefois devant lui, et qui semblent jouer avec les corps légers, occupent un bien petit espace (comme nous l’observions dans un des articles précédens), et peuvent être comparés au vent d’un soufflet[53].

Reste à considérer la durée des vents.

10. Lorsque les vents qui soufflent en mer, ont beaucoup de force, ils sont aussi de très longue durée ; parce qu’ils y trouvent une quantité suffisante de vapeurs pour les nourrir. Ceux qui soufflent sur les continens, durent rarement plus d’un jour et demi.

11. Rarement un vent très foible dure plus de trois jours, soit sur mer, soit sur terre.

12. Non-seulement le vent d’est est ordinairement de plus longue durée que le vent d’ouest (comme nous l’avons observé ailleurs), mais même un vent quelconque, qui s’élève le matin est de plus longue durée que celui qui s’élève le soir.

13. Il est hors de doute que les vents s’élèvent et se renforcent ordinairement par degré (à l’exception toutefois d’un vent d’orage et de celui d’un grain ou d’une trombe), mais qu’ils s’affoiblissent beaucoup plus promptement, et quelquefois même tombent tout à coup.


Succession des vents envisagée, soit par rapport à d’autres vents, soit par rapport à la pluie.

Réponses aux questions 19, 20 et 21.

1. Lorsque le vent change de direction, s’il suit le mouvement du soleil, je veux dire s’il passe de l’est au sud, du sud à l’ouest, de l’ouest au nord, ou du nord à l’est, il revient rarement au rhumb où il étoit d’abord, ou s’il y revient, il n’y reste pas long-temps ; mais si, dans ses changemens de direction, il suit le tour opposé au cours du soleil ; par exemple, s’il passe de l’est au nord, ou du nord à l’ouest, de l’ouest au sud et du sud à l’est, il revient ordinairement à son premier thumb, du moins avant d’avoir fait le tour entier[54].

2. Si la pluie tombant d’abord, le vent s’élève ensuite, lorsque cette pluie cessera, le vent continuera de souffler : si au contraire le vent s’étant d’abord élevé, la pluie tombe ensuite, elle fera tomber le vent, et ce vent ne soufflera pas une seconde fois, ou, s’il le fait, il pleuvra de nouveau.

3. Si le vent, après avoir varié pendant quelques heures et comme en tâtonnant, se fixe enfin à quelque rhumb, ce dernier vent durera plusieurs jours.

4. Lorsque le vent de sud souffle le premier et pendant deux ou trois jours, le vent de nord lui succède quelques-fois tout à coup ; mais si c’est le vent de nord qui souffle le premier et pendant le même nombre de jours, on n’aura un vent de sud qu’après avoir eu pendant quelque temps un vent d’est.

5. Si, au commencement de l’hiver, le vent de sud ayant régné pendant quelque temps, le vent de nord lui succède, on doit s’attendre à de grandes gelées et à un hiver rigoureux : si au contraire c’est le vent de nord qui, ayant soufflé le premier au commencement de l’hiver, est suivi du vent de sud, on peut prédire que l’hiver sera fort doux[55].

6. Suivant une observation d’Eudoxe, cité par Pline, les mêmes vents reviennent au bout de quatre ans, et alors ils se suivent dans le même ordre ; ce qui ne nous paroît nullement probable, les retours de cette espèce n’étant pas à beaucoup près si prompts. On s’est assuré, par des observations plus multipliées et plus exactes, que les saisons, ou les températures extraordinaires et notables, soit par leur durée, soit par leurs différences spécifiques (et autres phénomènes qui n’en sont que des conséquences), tels que grandes chaleurs, grandes sécheresses, neiges abondantes, grandes gelées, hivers très doux, étés froids, etc. reviennent ordinairement au bout de trente-cinq ans[56].

MOUVEMENS DES VENTS.
Réponses aux questions des articles 22, 23, 24, 25, 26 et 27.

La plupart des hommes, si l’on doit juger de leurs pensées par leur langage, semblent regarder le vent comme une espèce particulière de corps, subsistant par lui-même, qui, donnant l’impulsion à l’air, le chasse devant lui ; et lorsque le vent change de lieu, ils semblent croire que c’est le même vent individuel qui se transporte dans un autre lieu : du moins tel est le langage du vulgaire, et les philosophes, qui ne l’adoptent que trop souvent, ne font rien pour détruire de tels préjugés ; ils balbutient eux-mêmes sur ce sujet, et nourrissent les illusions qu’ils devroient dissiper[57].

1. Ainsi nous devons considérer, en premier lieu, les causes qui excitent dans l’air ces mouvemens d’où résultent les vents, et ceux qui changent leurs directions ; car nous avons traité de leurs origines locales dans un autre article. Or, dans les vents qui ont le principe de leur mouvement dans la première impulsion (où l’air conserve la première impulsion qu’il a reçue) ; par exemple, dans ceux qui soufflent de la région supérieure, ou de l’intérieur de la terre, la cause qui excite le vent (productive du vent), est manifeste ; les uns, lorsqu’ils commencent à souffler, se portent de haut en bas, et les autres de bas en haut : puis, forcés par la résistance de l’air à changer fréquemment de direction, ils serpentent, pour ainsi dire, dans l’atmosphère (sur-tout selon les angles de leur violence[58]), en se portant davantage dans la direction déterminée par la plus forte impulsion donnée à l’air. Quant à ceux qui se forment dans la région inférieure de l’atmosphère, et dans tous les points indifféremment, leurs causes sont plus difficiles à découvrir, quoique les observations de ce genre n’aient rien que de très commun, comme nous le disions dans cette explication qui faisoit partie du huitième article.

2. Nous sommes parvenus à imiter en petit les vents de cette espèce, à l’aide de cette tourelle que nous avons décrite dans un des articles précédens ; car cette expérience que nous y avons rapportée, nous l’avions faite de trois manières différentes.

1°. En employant ce petit réchaud rempli de charbons allumés, dont il a été question dans ce même article.

2°. Ayant ôté ce réchaud, nous y substituâmes une chaudière remplie d’eau très chaude ; mais alors les mouvemens de la petite croix de plumes étoient beaucoup plus rares et plus foibles ; les vapeurs aqueuses flottant alors dans l’air, parce que la chaleur n’avoit plus assez d’intensité pour les atténuer, au point de les convertir en air, et pour produire ainsi un vent plus sensible.

Pour faire la troisième expérience, nous mîmes tout à la fois dans la tourelle le réchaud et le chaudron ; alors la petite croix étoit beaucoup plus agitée, et l’étoit même tellement, que le vent qui la prenoit en dessous, l’élevoit dans l’air, comme auroit pu faire un petit tourbillon, et la faisoit tourner autour du point fixe où étoit attaché le fil auquel elle étoit suspendue ; l’eau fournissant alors une grande quantité de vapeurs aqueuses, et la chaleur, excitée par les charbons, ayant assez d’intensité pour raréfier les vapeurs au degré convenable.

3. Ainsi la vraie cause qui excite dans l’air ce mouvement, d’où résultent les vents, est sensible ; ce mouvement vient de ce que l’atmosphère étant surchargée par l’addition du nouvel air (provenant des vapeurs raréfiées et converties en ce fluide) à l’air préexistant, le tout qui ne peut plus être contenu dans l’espace qu’occupoit ce dernier, avant cette addition, tend à en occuper un plus grand ; ce qu’il ne peut faire, sans pousser l’air contigu et le mettre en mouvement. Actuellement considérons la direction de ce mouvement et les changemens de cette direction.

4. La direction du mouvement progressif des vents dépend de la direction de leurs foyers (du lieu où se trouve leur aliment), qui peuvent être comparés aux sources de rivières. Ainsi les lieux où se trouve rassemblée une grande quantité de vapeurs, peuvent être regardés comme la patrie, la matrice ou le berceau des vents, Puis, lorsqu’un vent déjà formé rencontre dans sa route un autre courant d’air qui lui oppose peu de résistance (cas semblable à celui de l’eau qui trouve une surface en pente), alors il s’approprie tout cet air, et s’enfle par degrés, à mesure qu’il avance, à peu près comme les fleuves, dans leur course, s’enflent de toutes les petites rivières et de tous les ruisseaux qui s’y jettent. Ainsi nous pouvons regarder comme un principe fixe cette proposition que les vents soufflent de la partie où se trouve leur aliment.

5. Dans les régions où ne se trouve pas une quantité notable de vapeurs fixées dans tel lieu déterminé, les vents sont plus variables, et changent plus fréquemment de direction : c’est ce qu’on observe, soit en mer, soit dans un pays plat et d’une grande étendue.

6. Lorsque ces vapeurs ou ces exhalaisons, qui sont la matière et la source des vents, étant rassemblées en grande quantité dans un même lieu, ces vents, dans leur progrès, ne rencontrent point de telles matières qui puissent les nourrir, ils ont d’abord beaucoup de force, mais ensuite ils s’affaiblissent peu à peu. Si au contraire ils rencontrent continuellement dans leur route un nouvel aliment, ils sont d’abord assez foibles, et vont ensuite en augmentant de plus en plus.

7. Les vents ont aussi des alimens et des sources mobiles ; savoir les nuages qui sont quelquefois transportés par les vents de la région supérieure dans des lieux fort éloignés de ceux où se trouve l’amas des vapeurs dont ils se sont formés  ; mais, dans ce cas, la source ou l’origine des vents, est au point où ces nuages commencent à se dissoudre et à se convertir en air ; et alors c’est de ce point même qu’ils soufflent.

8. Cependant le changement de direction des vents ne vient pas de ce que le vent qui souffle d’abord, se transporte dans un autre lieu ; mais alors ou le premier vent tombe tout-à-fait, ou un autre vent plus fort le maîtrise et règne seul. Au reste toutes ces variations dépendent des différentes situations des amas de vapeurs qui sont la source des vents ou des différens temps où les vapeurs venant des régions où se trouvent ces amas, commencent à se dissoudre à surcharger l’atmosphère, et à mettre l’air en mouvement.

9. Si ces vapeurs rassemblées ou ces sources de vents, se trouvent de deux côtés opposés ; par exemple, l’une au nord, et l’autre au midi, il n’en résultera pas deux vents contraires et soufflant en même temps ; mais le plus fort prévaudra sur le plus foible, et soufflera seul pendant quelque temps, de manière cependant que le vent le plus foible diminuera quelque peu la force du vent prédominant ; phénomène comparable à celui que présente un fleuve, lorsque la mer y remonte durant le flot ; car alors le mouvement de ces dernières eaux prévaut sur celui des eaux du fleuve, mais celui-ci le ralentit et l’affoiblit toujours quelque peu. Si celui des deux vents qui prévaloit d’abord, devient ensuite le plus foible, aussi-tôt le vent soufflera sensiblement de la partie opposée, région d’où il souffloit déjà réellement, mais sans se faire sentir, parce qu’il étoit, pour ainsi dire, masqué par le vent prédominant.

10. Si la source du vent est, par exemple, au nord-est, le vent soufflera aussi du nord-est ; mais s’il y a deux sources semblables de vent, l’une au nord, et l’autre à l’est, le vent soufflera d’abord de ces deux parties en même temps, dans un certain espace ; mais au-delà du concours des deux directions et des deux vents, il n’y aura plus qu’un seul vent ; savoir : un vent de nord-est, si les deux vents originels sont égaux ; direction qui s’approchera plus ou moins du nord ou de l’est, selon que l’un ou l’autre de ces deux vents l’emportera sur l’autre.

11. Si la source d’un vent d’une certaine force étant au nord, à la distance de vingt milles, la source d’un autre vent plus foible se trouve à l’est, à la distance de dix milles, le vent d’est ne laissera pas de souffler pendant quelques heures[59], mais peu de temps après ; savoir, quand le vent de nord aura parcouru tout son espace respectif, ce dernier régnera seul.

12. Si un vent venant du nord rencontre quelque montagne tournée vers l’occident, peu de temps après on aura un vent de nord-est[60], c’est-à-dire un vent composé du vent direct et du vent réfléchi.

13. Si cette source de vent étant dans l’intérieur de la terre du côté du nord, le vent qui vient de cette source, suivant une ligne droite et verticale rencontre la partie occidentale d’un nuage glacial qui le réfléchisse vers l’ouest, alors on aura encore un vent du nord-est[61].

AVERTISSEMENT.

Lorsque les sources des vents se trouvent dans telle partie de la mer ou de la terre, comme alors elles sont stables et fixes, il est plus facile de déterminer les lieux de ces sources et de ces origines mais, si elles sont dans les nuages, alors ces sources étant mobiles, les vents se forment dans un lieu différent de celui où se trouve leur matière première, ce qui rend la direction de ces vents plus variable, plus incertaine et plus difficile à déterminer.

1. Ces observations sur les vents ne sont que de simples exemples, mais étendues par l’analogie, elles conduisent à beaucoup d’autres.

Actuellement de cette considération de la direction des vents, passons à celle de la longueur de l’espace qu’ils parcourent et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, de leur itinéraire : quoique nous ayons déjà en partie traité ce sujet dans un des articles précédens sous le nom de latitude ou de largeur[62] de ces vents ; cependant il nous paroît d’autant plus nécessaire de le remanier ici, que des lecteurs peu attentifs pourroient prendre la largeur pour la longueur, dans le cas où la largeur de l’espace occupé par les vents seroit plus grande que la longueur de la route qu’ils parcourroient.

14. S’il est vrai que Colomb étant sur les côtes de Portugal, jugea par les vents qui souffloient de l’ouest, qu’il devoit y avoir un continent dans cette direction ; pour peu, dis je, que ce fait soit vrai, et que le principe sur lequel il fondoit cette conjecture, le soit également, on en doit conclure que les vents peuvent parcourir des espaces immenses.

15. Si le vent de nord qui se fait sentir en Grèce et en Italie, durant la canicule, a réellement pour cause la fonte des neiges ou des glaces, dans les régions qui bordent la mer glaciale, et dans la Scandinavie, comme on le croit communément ; ce fait prouveroit aussi que les vents peuvent franchir de grandes distances.

16. Actuellement on pourroit demander de combien la vitesse des nuages poussés par un vent qui souffle d’orient en occident (c’est-à-dire dans le sens du mouvement naturel et général de l’atmosphère ), l’emporte sur celle des nuages poussés par le vent d’occident ; mais c’est ce qu’on n’a pas encore déterminé par l’observation. À ces considérations sur le mouvement progressif des vents, doivent succéder celles qui ont pour objet leurs ondulations.

17. Les ondulations des vents, prises une à une sont de très courte durée, en sorte qu’un vent assez fort peut se renforcer et s’affoiblir alternativement, cent fois au moins dans l’espace d’une heure ; fait qui montre assez combien ces mouvemens de l’air, d’où résultent les vents, et qui les constituent, sont inégaux et variables ; car ni les fleuves les plus rapides, ni les courans les plus forts qu’on puisse trouver en mer, n’ont de telles ondulations, et celles des vents ne sont rien moins que constantes et uniformes ; semblables au pouls d’un animal, elles sont tantôt plus lentes, tantôt plus promptes ; quelquefois elles cessent tout à coup, d’autrefois elles se raniment subitement.

18. Il est une différence très sensible entre les ondulations de l’air et celles des eaux ; cette différence est que les eaux de la mer, par exemple, après que la vague s’est élevée à sa plus grande hauteur, retombent d’elles-mêmes, en vertu de leur poids, à leur niveau ordinaire ; car, quoi que puissent dire les poëtes qui, en parlant des tempêtes avec leur exagération ordinaire, prétendent que les ondes s’élèvent jusqu’aux cieux, puis s’abaissent jusqu’aux enfers ; cependant le fait est que ces eaux, en retombant, ne s’abaissent pas fort au dessous de la surface, ou du niveau ordinaire de la mer, au lieu que, dans les ondulations de l’air, où ce mouvement, qui a pour cause la pesanteur, n’a pas lieu, ce fluide s’abaisse à peu près autant qu’il s’est élevé.

Nous terminerons cet article par quelques observations sur le concours des vents différens et le combat des vents contraires.

19. Nous avons déjà, en partie, traité de ces vents qui se combattent, et de ces courans d’air qui se combinent.

Les vents, sur-tout les plus foibles, peuvent souffler dans toute espèce de temps et de lieux sans exception ; c’est un fait constaté par de continuelles observations ; il n’est point de jour, ni même d’heure, où l’on ne sente du moins quelque léger souffle, dans les lieux bien découverts, et où l’air a un libre cours, vents extrêmement variables, soit pour la force, soit pour la durée ; car les vents qui ne proviennent point de quelque grande source, c’est-à-dire de quelque lieu où les vapeurs, qui sont leur aliment, soient rassemblées, en certaine quantité ; ces vents, dis-je, n’ont rien de fixe, et semblent jouer les uns avec les autres, quelquefois donnant l’impulsion, quelquefois la recevant, et tantôt poursuivant, tantôt poursuivis.

20. On voit quelquefois en mer deux vents soufflant en même temps de deux parties opposées, comme le prouve suffisamment l’agitation de la mer dans ces deux parties, et sa surface unie dans l’intervalle : puis, lorsque ces deux vents opposés viennent à se rencontrer, il en résulte tantôt un calme parfait et général, ayant pour cause les forces égales de ces deux vents, qui alors se détruisent réciproquement, tantôt une agitation continue et universelle dans toutes les parties de ce parage ; le plus fort des deux vents prenant tout-à-fait le dessus.

21. Des relations dignes de foi nous apprennent que, dans la partie la plus montueuse du Pérou, on voit fréquemment deux vents contraires soufflant en même temps, l’un sur les montagnes, l’autre dans les vallées.

22. On voit assez fréquemment dans nos contrées les nuages se porter dans une direction, tandis qu’un vent, dont la direction est toute opposée, souffle près de la surface de la terre.

23. Souvent aussi on voit plusieurs rangées de nuages, les unes au dessus des autres, et ayant des mouvemens différens, quelquefois même tout-à-fait contraires ; à peu près comme on voit certains courans d’eau se porter dans des directions opposées.

24. Quelquefois enfin les nuages flottant dans la partie supérieure de l’atmosphère, paroissent immobiles, et conservent long-temps la même figure et les mêmes dimensions, tandis que ceux de la région voisine de la surface du globe sont emportés avec une vitesse qui semble tenir de la fureur.

25. Au contraire, on voit quelquefois, mais plus rarement, régner un calme parfait dans la région inférieure, et les nuages de la région la plus élevée marcher avec une extrême rapidité.

OBSERVATION INDIRECTE.

On voit aussi, soit en mer, soit dans les fleuves, la partie supérieure de l’eau et la partie inférieure se mouvoir avec des vitesses très inégales, et c’est tantôt la première qui a le plus de vitesse, et tantôt l’autre. Enfin, l’on observe encore, mais plus rarement, des courans d’eaux assez voisins, et presque contigus, qui ont chacun un mouvement particulier, l’eau dans l’un se portant de bas en haut, et dans l’autre de haut en bas.

26. Il ne faut pas non plus trop dédaigner, relativement aux faits de ce genre, le témoignage du poëte Virgile, observateur assez attentif, et qui n’étoit rien moins qu’ignorant en physique.

Le vent d’orient et le vent de midi se déchaînant en même temps, ils accourent, et le vent d’Afrique se joint à eux.

Et dans un autre passage,

J’ai vu tous les vents se choquant dans un même lieu, et s’y livrant des combats terribles.

Nous terminerons ici cette recherche sur les mouvemens des vents considérés dans la nature, et nous allons traiter de leurs effets sur certaines parties des machines construites par la main humaine, et sur les voiles des vaisseaux.

Mouvemens des vents dans les voiles des vaisseaux (des vents envisagés par rapport à leur action sur les voiles des vaisseaux).

1. Les grands vaisseaux (dans notre marino, que nous croyons devoir prendre pour exemple) ont ordinairement quatre mâts et quelquefois cinq ; ces mâts sont tous sur une même ligne droite (tirée mentalement par le milieu du vaisseau).

2. Ces mâts sont, 1°. le grand mât, qui occupe le milieu de cette ligne ; 2°. le mât de misaine, qui est à l’avant ; 3°. le mât d’artimon, qui est à l’arrière, et qui est quelquefois double ; 4°. enfin, le mât de beaupré, qui est encore plus en avant que le mât de misaine, et incliné à l’horizon.

3. Chacun de ces mâts est composé de plusieurs pièces, dont quelques-unes ; savoir, les plus hautes, peuvent être élevées, abaissées, ôtées, remises (elles sont assemblées et fixées l’une au bout de l’autre, à l’aide de tenons quarrés et de chouquets) ; les uns sont composés de trois parties, les autres de deux seulement.

4. La partie inférieure du mât de beaupré est inclinée vers la mer, mais sa partie supérieure est verticale[63], tous les autres mâts sont dans une situation verticale, selon toute leur longueur.

5. À ces mâts s’ajustent dix voiles ; et quand le mat d’artimon est double, douze[64].

Le grand mât et le mât de misaine portent chacun trois voiles, les unes au dessus des autres ; nous les distinguerons par les noms suivans : voile inférieure, voile du milieu, voile supérieure (au grand mât sont la grande voile, le grand hunier et le grand perroquet ; au mât de misaine, la misaine, le petit hunier et le petit perroquet) les autres mâts n’ont que deux voiles chacun, ayant de moins la voile supérieure[65].

6. Ces voiles sont étendues transversalement sur leurs mâts respectifs, et s’élèvent presque jusqu’à la partie supérieure de ces mâts. Elles sont fixées, par leur partie supérieure (appelée le faix), à des pièces de bois transversales, appelées vergues (et auxquelles elles sont attachées par le moyen de petites cordes (appelées rabans de faix), qui passent dans un œil pratiqué au faix, et font deux trois tours sur la vergue) ; mais leur partie inférieure n’est fixée que par les deux angles (les deux points), à l’aide de deux cordes (les amures et les écoutes) ; savoir : les voiles basses, au bord même du vaisseau, et les huniers, ainsi que les perroquets, aux vergues des mâts de dessous). On peut aussi les tourner à volonté vers un bord ou vers l’autre, à l’aide des mêmes cordes[66].

7. La vergue de chaque mât est placée transversalement par rapport à ce mât et au vaisseau ; mais celle du mât d’artimon est oblique (et s’étend dans un plan longitudinal), et une de ses extrémités est plus élevée que l’autre (on l’appelle la corne d’artimon) ; celles des autres sont horizontales, et forment, avec leurs mâts respectifs, une figure semblable à un tau (T grec).

8. Les voiles inférieures du grand mât, du mât de misaine et du beaupré, sont quarrées, et forment des espèces de parallélogrammes ; les voiles du milieu et les voiles supérieures (les huniers, les perroquets, le perroquet de fougue et la perruche) vont en se rétrécissant un peu par le haut ; mais la voile d’artimon est d’une forme aiguë à sa partie supérieure, et de forme triangulaire par le bas (sa forme totale est une espèce de trapézoïde).

9. Dans un vaisseau de douze cents tonneaux, ayant cent douze pieds de quille et quarante pieds de large, à l’endroit du plus grand renflement, telles étoient les proportions des différentes voiles. La grande voile avoit quarante-deux pieds de haut et quatre-vingt-sept pieds de large.

10. La hauteur du grand hunier étoit de cinquante pieds, sa largeur à sa base étoit de quatre-vingt-quatre pieds, et par le haut de quarante-deux pieds.

11. Grand perroquet, hauteur vingt-sept pieds ; largeur à sa base, quarante-deux pieds : au sommet, vingt-un pieds.

12. Misaine, hauteur, quarante pieds ; largeur, soixante-douze pieds.

13. Petit hunier, hauteur, quarante-six pieds ; base, soixante-neuf pieds ; sommet, trente-six pieds.

14. Petit perroquet, hauteur, vingt-quatre pieds ; largeur à sa base, trente-six pieds ; au sommet, dix-huit pieds.

15. L’artimon, cinquante-un pieds de haut, depuis la base jusqu’à l’extrémité de la corne ; largeur, soixante-douze pieds.

16. Perroquet de fougue, hauteur trente pieds ; largeur à sa base, cinquante-sept pieds ; au sommet, trente pieds.

17. Lorsque le mât d’artimon est double, les voiles du mât postérieur doivent être d’un cinquième plus petites que celles du mât antérieur.

18. Mat de beaupré ; la civadière, hauteur, vingt-huit pieds et demi ; largeur, soixante pieds.

19. Fausse civadière, hauteur, vingt-cinq pieds et demi ; largeur à la base, soixante pieds ; au sommet, trente pieds.

20. Les proportions des mâts et des voiles varient, non-seulement à raison de la grandeur des vaisseaux, mais même à raison de leur destination ; car, autres sont ces proportions, dans un vaisseau de guerre, autres dans un vaisseau marchand, autres encore dans une corvette, un courier, un yacht, une flûte, etc. mais les dimensions des voiles ne sont nullement proportionnées au port des vaisseaux (au nombre des tonneaux (de deux milliers pesans, dont chacun est supposé répondre à un cube de quarante-deux pouces de côté) qu’il peut porter dans sa calle) ; par exemple : la grande voile d’un vaisseau de cinq cents tonneaux, n’est que de quelques pieds plus petite (selon ses deux dimensions) que celle du vaisseau de douze cents tonneaux que nous avons pris pour exemple. Aussi les petits vaisseaux marchent-ils beaucoup mieux que les grands, non-seulement parce qu’ils sont plus légers, mais sur-tout parce que leurs voiles sont proportionnellement plus grandes ; car, si l’on donnoit aux grands vaisseaux des voiles proportionnées à leur masse et à leur capacité, elles seroient alors si grandes, qu’elles deviendraient trop difficiles à manœuvrer.

21. Comme la partie supérieure de chaque voile (ou le faix) laquelle est fixée dans toute sa longueur, à sa vergue respective, est beaucoup plus tendue que sa partie inférieure qui n’est attachée que par ses angles (ses points) le vent doit nécessairement enfler les voiles, et leur faire prendre une forme arrondie, sur-tout vers le bas, où elles sont plus lâches.

22. Or, les basses voiles s’enflent beaucoup plus que les voiles du milieu et les voiles hautes, non-seulement parce que les premières sont à peu près quarrées, tandis que les dernières vont en s’étrécissant très sensiblement par le haut, mais aussi parce que les basses vergues débordent beaucoup plus le vibord du vaisseau que ne le font les vergues moyennes et les vergues hautes. Ainsi, les basses voiles étant nécessairement plus lâches, elles doivent faire une espèce de poche, et retenir mieux vent : dans un vaisseau un peu grand, et tel que celui que nous avons pris pour exemple, le milieu de la grande voile ainsi enflée, lorsque le vent est un peu fort, et vient de l’arrière, peut se porter en avant de neuf à dix pieds.

23. Par la même raison, le bas de chaque voile enflée par le vent forme une espèce d’arc, dont le milieu est plus haut que les côtés, et qui, dans le vaisseau dont nous venons de parler, peut excéder la hauteur d’un homme, d’où il suit qu’il doit passer beaucoup de vent par-dessous.

24. Mais l’artimon doit s’enfler beaucoup moins que les voiles quarrées, soit parce qu’une surface, dont un côté est ainsi aiguisé, est nécessairement moins grande qu’une surface quadrangulaire, soit parce que dans la voile quadrangulaire il y a trois côtés fort lâches, au lieu que dans la voile triangulaire il n’y en a que deux. Ainsi, cette dernière présentant au vent une surface plus roide, doit céder moins à son action, et par conséquent s’enfler moins.

25. Plus les voiles sont en avant (leurs surfaces étant supposées égales), plus l’impulsion que leur donne le vent, tend à faire avancer le vaisseau.

Car en agissant sur les voiles de devant, il agit plus près de cette partie du vaisseau (la guibre et le taille-mer), que sa forme tranchante met en état de fendre plus aisément les ondes, mais surtout parce que le mouvement imprimé aux parties antérieures, tend à tirer le vaisseau, au lieu que le mouvement imprimé à ses parties postérieures ne tend qu’à le pousser.

26. De même, plus une voile est élevée, sa surface restant la même, plus l’impulsion que le vent lui donne, tend à porter le vaisseau en avant ; car plus une puissance est éloignée du point d’appui, plus elle a d’avantage sur la résistance, comme on en voit des exemples et des preuves dans les leviers et dans les ailes des moulins ; mais, en vertu de la même cause, ces voiles hautes agissant par un levier plus long, tendent davantage à renverser le vaisseau. Aussi a-t-on soin de les tailler de manière qu’elles aillent en s’étrécissant par le haut, et de les serrer lorsque le vent est un peu fort, sur-tout les perroquets, qu’on ne met dehors que par un beau temps, et lorsque le vent est un peu foible.

27. Comme les voiles sont placées en ligne droite et les unes derrière les autres, les voiles postérieures doivent dérober le vent aux voiles antérieures, sur-tout lorsqu’il est droit en poupe : d’où il suit que, si alors on les tenoit toutes déployées, le vent n’agiroit que sur celles du grand mât, et quelque peu aussi sur celles du beaupré.

28. Ainsi, la meilleure manœuvre que l’on puisse faire, lorsqu’on a le vent droit en poupe, c’est de ne déployer et de ne tenir hautes que la misaine et le petit hunier, ces voiles antérieures (comme nous le disions ci-dessus) tendant plus que les voiles postérieures à faire avancer le vaisseau. On peut aussi, en tenant la grande voile carguée, ou même ferlée, mettre dehors le grand hunier ; parce qu’alors le vent passant par dessous cette dernière voile, et parvenant à celles de devant, celles-ci n’en perdent qu’une partie.

29. Par la même raison, je veux dire parce que les voiles postérieures dérobent le vent aux voiles antérieures, lorsqu’il est droit en poupe, un vaisseau marche beaucoup mieux, lorsqu’il a vent largue, que lorsqu’il a vent arrière ; car, dans le premier cas, toutes les voiles étant obliques, par rapport au vaisseau, et par rapport à la direction du vent, aucune ne fait obstacle à l’autre, et le vent peut agir sur toutes.

30. De plus, lorsque le vent souffle latéralement, les voiles présentent à son action une surface plus tendue et plus roide ; ce qui, en le comprimant quelque peu, détermine cette action vers la partie de cette voile sur laquelle il doit le plus agir, et par conséquent en augmente l’effet. Les vents les plus favorables sont ceux qui soufflent suivant les directions du quart de cercle compris entre une ligne perpendiculaire au flanc du vaisseau, et une ligne tirée par la poupe perpendiculairement à la première.

31. La voile inférieure du beaupré (la civadière) n’est presque jamais entièrement inutile ; comme elle profite et du vent qui passe par dessous les autres voiles, et de celui qui glisse le long des flancs du vaisseau, elle n’est jamais entièrement abritée.

32. Dans l’action que le vent exerce sur un vaisseau, il est deux choses à considérer ; savoir : son impulsion et sa direction : ce genre de direction, qui est l’effet de l’action du gouvernail, n’a qu’un rapport assez indirect avec l’objet de la recherche actuelle, et seulement en tant qu’elle a nécessairement quelque relation avec l’impulsion que le vent donne aux voiles.

REMARQUE.

Comme l’action tendant à faire avancer le vaisseau, est plus sensible à la proue, l’action tendant à le diriger est plus sensible à la poupe. Aussi l’artimon est-il d’une grande nécessité pour cette direction, et l’on peut, en quelque manière, le regarder comme un second gouvernail[67].

33. Le cercle entier de la boussole étant divisé en trente-deux parties égales, et par conséquent le demi-cercle en seize ; dans le cas même, où sur les seize vents qui peuvent souffler suivant ces seize directions, il y en auroit dix de contraires, et six seulement de favorables, on pourroit faire route (en ligne droite, veux-je dire, et non en louvoyant et courant des bordées, comme on le fait ordinairement, lorsque le vent est tout-à-fait contraire[68]) ; car lorsque le vent étant tout-à-fait (ou un peu) contraire, on est obligé de cingler au plus près, le plan des voiles est alors très oblique, par rapport à la direction du vent, à la longueur du vaisseau, et à la route même qu’il suit. Ainsi, alors l’action du vent tendant à faire tourner le vaisseau du côté opposé à celui d’où vient ce vent, l’action du gouvernail, si elle étoit seule, ne seroit plus suffisante pour prévenir cet inconvénient ; mais, à l’aide de l’artimon, fortement tendu, qui aide cette action du gouvernail (en chassant la poupe du côté opposé à celui d’où vient le vent, et en faisant venir la proue du côté du vent), l’on tient ainsi le cap du vaisseau tourné vers sa vraie route.

34. Tout vent agissant sur les voiles d’un vaisseau, tend à le plonger et à le renverser ; effet qu’il produit d’autant plus sensiblement, qu’il vient de plus haut, et que les voiles sur lesquelles il agit, sont plus hautes. Aussi, dans une tempête, à mesure que le vent se renforce, prend-on successivement les précautions suivantes : on serre les voiles hautes, et d’abord les perroquets (dont on descend même les vergues, s’il est nécessaire), puis toutes les autres voiles successivement, quelquefois même on coupe les mâts. Enfin, on jette à la mer les marchandises, les canons, etc. pour alléger le vaisseau[69], et le mettre en état d’obéir plus aisément à l’action des vagues.

35. À l’aide de cette impulsion que le vent donne aux voiles, un vaisseau, lorsque ce vent est favorable et un peu fort, peut faire cent vingt milles d’Italie, dans l’espace de vingt-quatre heures (je ne parle ici que d’un vaisseau marchand) ; mais il y a d’autres vaisseaux destinés à porter un ordre, un avis, etc. construits exprès pour la marche, et auxquels on donne le nom de caravelles, de corvettes, de courriers, d’yacht, etc. qui peuvent faire beaucoup plus de chenin dans le même espace de temps[70] : lorsque le vent est tout-à-fait contraire, on ne trouve ordinairement d’autre remède à cela, que celui de louvoyer (ou de courir des bordées) ; je veux dire qu’on suit une route oblique par rapport au vent, et qui s’approche de sa direction, autant que cette direction même et la force de ce vent le permettent ; puis on vire de bord, et l’on suit une autre ligne oblique, et ainsi de suite, en faisant quelquefois beaucoup de chemin, mais en avançant réellement fort peu vers le terme du voyage. À l’aide de cette misérable ressource on fait à peine quinze milles en vingt-quatre heures.

Observations générales et importantes.

1. L’effet de l’action du vent sur les voiles d’un vaisseau dépend de trois conditions, ou circonstances, dont la connoissance peut conduire à la découverte des moyens nécessaires pour augmenter l’effet de cette action.

2. La première de ces conditions, c’est la quantité même du vent qui agit sur les voiles, et leur donne l’impulsion ; et personne apparemment ne doute qu’une grande quantité de vent ne produise plus d’effet qu’une petite. Il faut donc tâcher d’abord d’augmenter cette quantité ; but auquel on parviendra, si, à l’exemple des pères de familles (ou maîtres de maison), prudens et vigilans, on sait tout à la fois économiser et se mettre à l’abri du larcin. Ainsi on n’épargnera aucun soin pour empêcher que le vent ne soit dérobé aux voiles, ou qu’il ne se disperse, ou qu’il ne glisse soit le long de leur surface, soit le long des flancs du vaisseau.

3. Dans le vent qui agit sur un vaisseau, il faut distinguer cette partie qui souffle au-dessus du vibord, et celle qui souffle au-dessous, depuis le vibord jusqu’à la surface de la mer. Or, de même que les hommes les plus prévoyans ont soin de porter principalement leur attention sur les petites choses, parce qu’ils savent que les moins attentifs le sont toujours assez pour penser aux grandes, nous aussi nous allons nous occuper d’abord de ces vents inférieurs dont nous venons de parler, et dont l’effet n’égale certainement pas celui des vents supérieurs.

4. Recueillir et ramasser, pour ainsi dire, ces parcelles de vents qui glissent le long des flancs du vaisseau, ou qui passent furtivement sous les voiles, est l’effet et l’office propre de cette voile qui est sur le beaupré (de la civadière), qu’on a en effet le soin de tenir inclinée et fort basse, afin qu’il ne se perde point de vent ; disposition très utile en elle-même, et qui d’ailleurs ne peut nuire aux autres voiles. Au reste, je ne vois pas trop ce qu’on pourroit imaginer de nouveau pour mieux remplir cet objet, à moins peut-être qu’on ne s’avisât d’établir aussi, vers le milieu de la longueur du vaisseau, et près de ses flancs, d’autres voiles semblables, qui seroient comme des espèces d’ailes, des deux côtés également, et à l’arrière ainsi qu’à l’avant, lorsque le vent seroit droit en poupe.

5. Quant aux précautions nécessaires pour empêcher que les voiles ne se dérobent le vent les unes aux autres ; ce qui arrive naturellement, lorsque le vaisseau cingle vent arrière, les voiles postérieures alors abritant les voiles antérieures, je ne vois pas non plus ce qu’on pourroit ajouter de nouveau aux moyens déjà imaginés pour parvenir à ce but ; cependant ne pourroit-on pas alors disposer les voiles des trois mâts, de manière qu’elles formassent une sorte d’échelle ; je veux dire qu’on pourroit ne tenir déployées que les trois voiles suivantes : au mât de derrière, l’artimon[71] ; au grand mât, le grand hunier ; et au mât de misaine, le petit perroquet, en tenant toutes les autres voiles serrées. Par ce moyen, les voiles postérieures, au lieu de faire obstacle aux voiles antérieures, pourroient, au contraire, les aider un peu, en leur transmettant et leur passant, pour ainsi dire, le vent.

6. La seconde condition dépend de la manière dont le vent agit sur les voiles et les frappe ; car, si l’on trouvoit le moyen de resserrer le vent, son action alors étant plus vive, et son mouvement plus rapide, il auroit plus d’effet ; au lieu que, lorsqu’il est plus dilaté et plus raréfié, il en a moins.

7. Or, pour parvenir à ce but, il faut faire en sorte que les voiles ne soient pas trop tendues, et qu’elles ne s’enflent ou ne s’arrondissent pas non plus excessivement ; car, si elles étoient tendues au point d’en être roides, elles répercuteroient le vent, comme le feroit un mur ; et si elles étoient trop lâches, l’impulsion que le vent leur donneroit, seroit trop foible.

8. L’industrie humaine s’est encore signalée sur ce point, et y a parfaitement réussi ; succès toutefois qu’elle a du plutôt au hazard et au tâtonnement, qu’à la réflexion et à la méthode ; car, lorsque la direction du vent est latérale, on a soin de tendre et de contracter, autant qu’il est possible, cette partie de la voile qui est opposée au vent ; et, par ce moyen, on détermine son action vers la partie sur laquelle il doit agir le plus[72]. Tels sont et le but où l’on vise, et le moyen qu’on emploie pour y parvenir. Mais un autre effet de cette disposition, et dont on ne se doute peut-être pas, c’est que, par ce moyen, le vent étant plus resserré, et son action plus vive, il donne ainsi à la voile un coup plus sec et une plus forte impulsion. Il ne seroit pas non plus facile d’inventer quelque chose de nouveau en ce genre ; on pourroit toutefois, jusqu’à un certain point, changer la forme des voiles, et leur en donner une telle, qu’en s’enflant elles prissent une forme moins arrondie, mais plutôt une forme approchante de celle d’un éperon ou d’un triangle, en ajoutant au sommet du plus élevé de ses angles, un petit mât (une esparre), ou une pièce de bois quelconque. À l’aide de cette disposition, le vent, suffisamment resserré et contracté, auroit plus de vitesse et de force, au moment où il frapperoit la voile[73] ; et cette voile même, étant alors d’une forme plus tranchante, fendroit mieux l’air antérieur, Il ne faudroit cependant pas faire cet angle trop aigu, mais comme tronqué ou écourté, afin de se ménager une surface assez large, sur laquelle le vent pût agir. Peut-être seroit-il encore avantageux de mettre dans une voile une autre voile ; c’est-à-dire, de pratiquer au milieu de la voile une espèce de bourse ou de poche. Il ne faudroit pas non plus qu’elle fût trop lâche, trop flasque, comme elle le seroit infailliblement, si elle n’étoit composée que de toile ; on y feroit donc des espèces de côtes en bois, pour soutenir la toile, et la tenir toujours bien tendue. Par ce moyen, comme alors la voile recevroit le vent par son milieu, en le resserrant suffisaminent, elle rendroit ainsi son mouvement plus rapide, et son action plus vive[74].

9. La troisième condition dépend de la partie du vaisseau où se trouvent placées les voiles sur lesquelles le vent agit ; condition qui se subdivise en deux autres ; car, toutes choses égales, l’action du vent sur les voiles hautes et antérieures tend plus à faire avancer le vaisseau, que son action sur les voiles basses et postérieures.

10. Cette double différence n’a point échappé à l’attention des navigateurs ; aussi, lorsque le vent est droit en poupe, comptent-ils beaucoup plus sur les voiles du mât de misaine, que sur toutes les autres ; et lorsque le vent est très foible, n’oublient-ils jamais de mettre dehors les voiles les plus hautes. Il seroit également difficile d’ajouter quelque chose de vraiment nouveau à ce que l’industrie humaine a su imaginer pour remplir ces deux objets. On pourroit cependant, pour remplir plus parfaitement le premier, essayer d’établir vers la proue, deux ou même trois mâts (celui du milicu étant vertical, et les deux autres inclinés) ; mâts dont les voiles seroient inclinées en avant ( comme une civadiere). Quant au second but, pour y parvenir, on pourroit donner beaucoup plus de largeur à la partie supérieure des voiles hautes du mât de misaine ; voiles qui ordinairement vont en se rétrécissant par le haut. Mais l’inconvénient qu’on auroit à craindre en employant ces deux derniers moyens, ce seroit celui de faire pencher excessivement, et peut-être chavirer le vaisseau.

De l’action des vents sur certaines parties des autres machines[75].

1. Nous avons fait quelques expériences tendant à augmenter la force et la vitesse du mouvement des ailes d’un moulin. Nous fîmes quatre ailes avec du papier (ou des cartes à jouer), et, pour les faire tourner, nous employâmes le vent d’un soufflet ; cela posé, en premier lieu, nous ajustâmes au côté inférieur de chaque voile un petit pli ( une petite appendice faisant angle avec le plan de la voile), et en sens contraire de la direction du vent, afin que le vent, après avoir glissé sur la voile, et être devenu latéral, trouvât une surface (d’une largeur un peu grande), qu’il pût frapper, et sur laquelle il pût agir très sensiblement ; mais cette première construction ne nous réussit point, et son effet fut beaucoup moins d’aider l’action du vent, que d’augmenter la surface que chaque aile, en tournant, présentoit à l’air, et, par conséquent, la résistance qu’elle éprouvoit de la part de ce fluide.

En second lieu, nous plaçâmes au-delà des voiles, et à quelque distance, des obstacles d’une largeur égale au diamètre de toutes les voiles prises ensemble, espérant que le vent qui, par ce moyen, étoit plus comprimé, les frapperoit avec plus de force. Ce second moyen fut encore plutôt nuisible qu’utile, le mouvement de l’air répercuté par ces obstacles, n’ayant eu alors d’autre effet que celui d’affoiblir le mouvement direct et originel.

30. Enfin, nous doublâmes la largeur de toutes les voiles, afin que le vent, étant plus resserré (en passant dans les quatre intervalles qui alors étoient plus étroits), l’impulsion[76] (latérale) qu’il donneroit aux voiles en fût d’autant plus forte. Cette dernière tentative nous réussit tellement, qu’à l’aide d’un vent ou d’un souffle beaucoup moins fort, les ailes tournoient aussi vite qu’auparavant, et qu’à l’aide d’un vent égal, elles tournoient beaucoup plus vite.

Vues et directions.

Peut-être parviendroit-on plus aisénicnt à accélérer le mouvement des ailes, en en mettant huit au lieu de quatre, ce qui doubleroit leur surface totale ; mais il se pourroit qu’alors l’augmentation du volume des ailes ralentit le mouvement, en augmentant aussi excessivement leur masse et leur poids. Au reste, c’est un point qu’il est facile de vérifier par l’expérience.

2. La longueur des ailes peut contribuer aussi à augmenter la force et la vitesse de leur mouvement ; car on sait que, dans les mouvemens circulaires, ou selon des arcs de cercle, une très petite force appliquée vers la circonférence, a plus d’effet qu’une grande force appliquée vers le centre. Cet allongement des ailes auroit aussi un inconvénient ; savoir : que plus ces ailes seroient longues, plus aussi leurs extrémités seroient éloignées les unes des autres, et moins en conséquence le vent seroit resserré et comprimé dans leurs intervalles. Peut-être réussiroit-on mieux en n’allongeant que fort peu ces ailes, et en leur donnant une largeur qui allât toujours en augmentant du centre à la circonférence, à peu près comme la partie plate (la pelle ou la palette) d’un aviron ; mais c’est une épreuve que nous n’avons pas encore faite.

AVERTISSEMENS.

Si l’on vouloit tenter en grand de telles expériences, il faudroit que toute la machine, et sur-tout ses fondemens, eussent beaucoup plus de solidité ; car, plus le vent seroit resserré et comprimé, plus sans doute il accéléreroit le mouvement, des ailes ; mais plus aussi il ébranleroit le corps même de la machine.

On prétend que, dans certaines contrées, on a des voitures qui vont à la voile : c’est un fait qu’il faudroit constater.

Au reste, de telles voitures ne pourroient être d’usage que dans un pays plat, et où le terrein seroit extrêmement uni. D’ailleurs, si le vent vient à tomber, il faudra rester là. Une idée plus judicieuse seroit de faciliter seulement le mouvement de ces voitures, à l’aide de voiles ajustées de manière qu’on put à volonté les ôter et les remettre, pour épargner un peu de fatigue aux chevaux et aux bœufs ; ce qui seroit plus sûr que de vouloir faire aller ces voitures à l’aide du vent seul.

Pronostics sur les vents (ainsi que sur le beau temps et la pluie).

Plus l’art de la divination, proprement dite, est ordinairement infecté d’opinions chimériques et superstitieuses, plus sa partie la plus pure mérite d’être adoptée et cultivée. Quant à la divination naturelle, elle est moins illusoire, et quelquefois aussi elle est hérissée de plus grandes difficultés ; ce qui dépend de la nature même de son sujet. Lorsque ce sujet présente des observations uniformes et un ordre constant, les prédictions, dont ces observations sont la base ont toute la certitude possible. Mais si ce sujet, étant très diversifié et très compliqué, ne présente que des phénomènes qui n’ont rien de fixe, et qui semblent n’être que le produit du hazard ; alors ces pronostics sont incertains et trompeurs. Cependant, même dans un sujet très variable, si l’on sait s’élever par degrés à des principes certains et à des règles sûres, les prédictions seront presque toujours conformes aux événemens prédits. À la vérité, on ne pourra pas toujours prédire avec justesse l’instant où l’effet aura lieu ; mais du moins alors les erreurs sur ce point seront légères ; et ce temps même, on pourra quelquefois l’assigner avec assez de précision, si, au lieu de hazarder des conjectures d’après la connoissance qu’on croit avoir des causes, connoissance toujours incomplète, on prend pour base de ses prédictions, l’observation positive des commencemens, des plus foibles degrés de l’effet à prédire, effets alors insensibles dans la plupart des sujets, mais plus sensibles dans d’autres sujets qui en sont plus susceptibles, et qui y sont mieux disposés que tous les autres ; comme nous l’avons déjà observé dans l’exposé du plan de cette recherche. Ainsi nous indiquerons dans cet article quelques pronostics sur les vents, en y joignant quelques autres pronostics relatifs au beau temps et à la pluie ; deux genres de prédiction qui ont une étroite relation avec le premier, et qui en sont presque inséparables ; en renvoyant toutefois la recherche complète sur ce sujet accessoire, aux chapitres auxquels elle appartient.

1. Lorsque le soleil, à son lever, paroît concave, ce phénomène est un signe de vent ou de pluie pour le jour même : si cette apparente excavation n’est que superficielle, c’est un signe de vent ; mais si elle est profonde, c’est un signe de pluie.

2. Lorsque le soleil, à son lever, paroît fort pâle ; ou (pour employer une de nos expressions les plus familières) si alors il paroît aqueux, c’est un pronostic de pluie ; mais, s’il paroit tel à son coucher, c’est un pronostic de vent.

3. Lorsque cet astre, à son coucher, paroît d’un rouge de sang, c’est un présage de grands vents pour plusieurs jours.

4. Lorsque le soleil, en se levant, paroît plutôt roux ou roussâtre, que jaune, ce phénomène annonce plutôt de la pluie que du vent ; et lorsqu’il paroît tel à son coucher, l’indication est la même.

5. Si les rayons de cet astre, à son lever ou à son coucher, semblent être écourtés et sont sans éclat, quoique le milieu du disque ne soit pas couvert de nuages, ce phénomène pronostique plutôt de la pluie que du vent.

6. Lorsqu’avant le lever du soleil, quelques-uns de ses rayons le devancent et brillent tout à coup sur l’horizon, c’est tout à la fois un signe de vent et de pluie.

7. Lorsqu’au lever du soleil, on voit les rayons de cet astre percer à travers des nuages qui couvrent le milieu de son disque, c’est un signe de pluie, surtout si ces rayons s’échappant par en bas, cet astre semble avoir une barbe ; mais si ces rayons, partant du milieu du disque, ou de plusieurs points séparés, ce disque demeure en grande partie couvert de nuages, ce phénomène annonce de grands vents accompagnés de pluie.

8. Lorsque le soleil, à son lever, est environné d’un cercle, on doit s’attendre à avoir de grands vents, qui souffleront de la région du ciel vers laquelle sera tournée la partie de ce cercle qui s’ouvrira d’abord ; mais si ce cercle se dissipe dans toutes ses parties à la fois, c’est un signe de temps serein.

9. Lorsque le soleil, à son coucher, est entouré d’un cercle blanc, c’est l’annonce d’un vent foible pour cette nuit même qui s’approche ; mais si ce cercle est noirâtre ou roussâtre, il annonce de grands vents pour le lendemain.

10. Lorsque les nuages sont fort rouges, au moment où le soleil se lève, c’est un signe de vent ; s’ils sont teints de cette couleur, à son coucher, c’est un signe de beau temps pour le lendemain.

11. De gros nuages (en forme de ballots) qui se rassemblent près du soleil, au moment de son lever, annoncent une grande tempête pour la journée même ; mais si ensuite ces nuages sont chassés de l’est vers l’ouest, c’est un signe de beau temps.

12. Lorsqu’au lever du soleil, les nuages se dispersant et semblant fuir cet astre, les uns se portent vers le nord, les autres vers le sud, quoique le ciel soit pur et bien découvert autour de cet astre, c’est un pronostic de vent.

13. Lorsque le soleil, en se couchant, est caché par un nuage, on doit s’attendre à avoir de la pluie le lendemain ; que si, au coucher de cet astre, la pluie tombe déjà, on aura plutôt du vent que de la pluie ; si enfin les nuages se portent vers le soleil, en s’allongeant vers cet astre, qui alors semble les attirer, on aura tout à la fois de la pluie et du vent.

14. Si, au lever du soleil, on voit beaucoup de nuages non autour de son disque, mais au-dessus, et fort proche de ce disque, c’est une annonce de vents qui souffleront de la partie vers laquelle ces nuages paroîtront s’incliner : si on les voit dans une telle situation vers l’heure de midi, on aura tout à la fois de la pluie et du vent.

15. Lorsque le soleil est environné et en partie couvert de nuages, moins on aperçoit de sa lumière, et plus son disque paroît petit, plus aussi les vents qui souffleront seront violens. Si le disque de cet astre paroît double ou même triple, en sorte qu’on s’imagine voir deux ou trois soleils, ce signe effrayant annonce une horrible tempête pour plusieurs jours.

16. Lorsque la lune est nouvelle, ou presque nouvelle, on en peut tirer plusieurs pronostics relativement à la constitution de l’air ; mais ceux qui se tirent de son quatrième jour, sont encore plus certains, la constitution de l’air, qui est l’effet de la nouvelle lune, étant alors comme affermie ; les pleines lunes fournissent aussi des indications plus sûres que les jours suivans.

27. D’après les observations de plusieurs siècles, la cinquième lune est redoutable aux navigateurs, à cause des tempêtes qu’elle annonce et qu’elle amène ordinairement[77].

18. Si la lune ne paroît point du tout avant le quatrième jour, ce signe annonce du mauvais temps (du vent ou de la pluie, ou l’un et l’autre) pour tout le mois (lunaire).

19. Si, durant les premiers jours de la lune, l’extrémité inférieure du croissant est noirâtre, ou d’une couleur obscure, et, en général, si la lumière de la lune ne paroît pas nette et pure, on aura de la pluie ou du vent dans les jours qui précéderont la pleine lune ; et si c’est l’extrémité supérieure du croissant qui est ainsi obscure, ce mauvais temps n’aura lieu que durant le décours.

20. Si, au quatrième lever de la lune, et dans toute la demi-révolution (lunaire) de ce quatrième jour, le croissant n’est ni obtus et comme émoussé par ses extrémités, ni tout-à-fait couché, ni tout-à-fait droit, mais tient une sorte de milieu à cet égard, on aura presque toujours beau temps jusqu’à la lune suivante.

21. Si le disque de la lune, à son quatrième lever, paroît fort rouge, on aura du vent ; s’il paroît de couleur de rouille, on aura de la pluie ; mais ces deux pronostics ne regardent que le temps qui doit s’écouler entre ce quatrième jour et la pleine lune.

22. Lorsque la lune paroît tout-à-fait droite, c’est toujours un signe menaçant, et le plus ordinairement c’est du vent qu’il annonce : mais si les extrémités du croissant sont obtuses et comme écourtées, c’est de la pluie le plus souvent.

23. Si l’une des extrémités du croissant paroissant fort aiguë et comme roide, l’autre est obtuse, on doit s’attendre à du vent ; mais, si les deux extrémités ont cette forme, c’est de la pluie qu’on aura.

24. Lorsqu’on voit un cercle (ou halo) autour de la lune, on doit attendre de la pluie plutôt que du vent, à moins que la lune ne paroisse droite dans ce cercle ; car alors ce dernier signe annonce tout à la fois du vent et de la pluie.

25. Les cercles qu’on voit quelquefois autour de la lune, sont toujours un pronostic de vent qui souffle ordinairement de la région vers laquelle est tournée la partie de ce cercle qui se rompt la première[78]. De même si quelque partie de ce cercle est plus éclatante que les autres, le vent soufflera aussi de la région du ciel vers laquelle elle sera tournée.

26. Lorsqu’on voit deux ou trois cercles autour de cet astre, on doit s’attendre à d’affreuses tempêtes, sur-tout si ces cercles ne sont pas entiers ; mais entrecoupés et comme tachetés.

27. Il faut appliquer à la pleine lune, par rapport à ces couleurs et à ces halos, tout ce que nous venons de dire de son quatrième jour[79], avec cette différence toutefois que les pronostics qu’elle fournit dans le premier cas, regardent un temps moins éloigné.

28. Les pleines lunes sont plus souvent accompagnées d’un temps serein[80] que toutes les autres phases, époques ou parties de la révolution lunaire ; mais, durant l’hiver, elles le sont quelquefois de froids très âpres[81].

29. Lorsque le disque de la lune, au coucher du soleil, paroissant fort amplifié, sa lumière ne laisse pas d’être très nette et très pure, c’est un présage de beau temps pour plusieurs jours.

30. Les éclipses de lune sont presque toujours accompagnées de grands vents, et celles de soleil le sont ordinairement d’un temps serein ; rarement les unes ou les autres le sont de pluie.

31. Vers le temps des conjonctions des planètes entre elles (le soleil[82] excepté), il y a toujours des vents d’une force notable, soit avant, soit après. Mais les conjonctions de ces planètes avec le soleil annoncent et amènent ordinairement un temps sec et serein.

32. Le lever des pléiades, ou celui des hyades, est ordinairement suivi de pluie, mais accompagnée de calme ; au lieu que le lever d’Orion et celui d’Arcturus sont suivis de vents et de tempêtes.

33. Des étoiles qui filent, annoncent un vent qui n’est pas encore sensible, et qui soufflera de la partie même d’où cette lumière est dardée. Mais, si cette lumière part de différens points du ciel indistinctement, elle annonce un très mauvais temps, savoir tout à la fois de grands vents et de grosses pluies.

34. Quand les plus petites étoiles cessent d’être visibles, et dans toutes les régions du ciel à la fois, ce signe annonce qu’on aura des vents violents et de grosses pluies quelques jours après. Et si une partie seulement de ces petites étoiles disparoissent, les autres restant visibles, on n’aura que du vent, mais plutôt.

35. Lorsque, durant les premiers jours de la lune, sur-tout le quatrième jour, le ciel est bien découvert et dans toutes ses parties, c’est un présage de beau temps pour plusieurs jours ; mais s’il est également couvert et obscurci dans toutes ses parties, c’est un signe de pluie ; s’il est plus couvert dans certaines parties que dans d’autres, ce signe annonce un vent qui soufflera de cette partie obscure ; enfin, si le ciel s’obscurcit tout à coup, sans qu’on voie ni nuages, ni brouillards qui puissent dérober ainsi la vue des étoiles ou ternir leur éclat, on doit craindre d’affreuses tempêtes.

36. Si quelque planète ou quelque étoile de la première ou de la seconde grandeur, paroît environnée d’un cercle entier, ce signe annonce de la pluie. Mais, si ce cercle est rompu en quelque endroit, il annonce un vent qui soufflera de la région du ciel vers laquelle est tournée cette partie rompue.

37. Lorsque, proportion gardée, les coups de tonnerre étant forts et fréquens, les éclairs sont rares, on doit s’attendre à de grands vents ; mais și, même entre les coups de tonnerre, les éclairs sont très fréquens, on aura de grosses pluies et des averses fréquentes.

38. Lorsqu’il tonne le matin, c’est un présage de vent, et lorsqu’il tonne l’après-midi, c’est un présage de pluie.

39. Lorsque le bruit du tonnerre est semblable à un mugissement et se prolonge en mourant peu à peu, c’est un signe de vent ; mais, si les coups sont inégaux, par éclats et fréquemment réitérés, ils annoncent d’autres orages accompagnés de pluie et de vent.

40. Lorsqu’il éclaire par un temps serein, le vent et la pluie ne sont pas éloignés, et ils viendront de cette partie même d’où viennent les éclairs. Mais, si les éclairs partent de différens points du ciel, on doit s’attendre aux plus affreuses tempêtes.

41. Lorsque les éclairs partent des régions du ciel les plus froides, telles que le nord, le nord-nord-est, le nord-est, etc. ils annoncent de la grêle ; mais s’ils viennent des régions les plus chaudes, telles que le midi ou l’ouest, ils n’annoncent que de la pluie avec des chaleurs suffocantes.

42. Les grandes chaleurs qui se font sentir après le solstice d’été se terminent ordinairement par des éclairs et du tonnerre ; mais si elles ne se terminent pas ainsi, cela finit toujours par du vent et de la pluie qui durent pendant plusieurs jours.

43. Il n’est personne qui n’ait entendu parler de ces feux (ou de cette lumière), connus des anciens, sous le nom de Castor, et que les navigateurs voient quelquefois en mer. Lorsqu’il n’y en a qu’un, on doit s’attendre à une horrible tempête (il représente Castor, celui des deux frères qui est actuellement mort) ; pronostic encore plus certain, si ce feu, au lieu de s’attacher aux mâts ou aux vergues, comme il le fait le plus ordinairement, saute et voltige dans le vaisseau : s’il y en a deux (ce qui annonce la présence de Pollux, le frère vivant), et cela lorsque la tempête est dans sa plus grande force, c’est un présage favorable : s’il y en a trois (ce troisième qui survient, représentant Hélène, le fléau de la Grèce et de l’Asie), la tempête annoncée en sera d’autant plus redoutable. Un seul feu de cette espèce paroît indiquer la crudité de la matière de la tempête ; les deux indiquent sa concoction et sa maturité ; enfin les trois, la grande quantité de cette matière, ce qui la rend plus difficile à dissiper.

44. Lorsque, dans un temps serein, l’on voit tout à coup paroître des nuages marchant fort vite, c’est l’annonce et comme le courrier d’un vent qui soufflera de cette partie même d’où ils viennent. Mais, si ces nuages se rassemblent et se groupent, lorsque le soleil approchera de la région ou ils sont ainsi groupés, on les verra se détacher les uns des autres, se morceler et enfin se dissiper : si, en se détachant ainsi, ils se portent vers la région boréale, on aura du vent ; et s’ils se portent vers la partie australe, de la pluie.

45. Si, au coucher du soleil, on voit s’élever des nuages épais et sombres, on doit s’attendre à de la pluie ; s’ils passent vers la région opposée à celle où se trouve alors cet astre, c’est-à-dire, vers l’orient, il pleuvra cette nuit même ; enfin, s’ils passent vers l’occident et près du soleil, il ne pleuvra que le lendemain ; mais il ventera aussi.

46. Lorsque, le ciel venant à se découvrir, le temps s’éclaircit d’abord du côté opposé à celui d’où vient le vent, c’est un présage de beau temps ; mais, si c’est d’abord du côté du vent, on n’en peut tirer aucun pronostic, ou du moins l’indication qu’on en voudroit tirer, seroit trompeuse.

47. On voit quelquefois plusieurs étages ou rangées de nuages flottant les uns au dessus des autres. Gilbert assure qu’il en a vu quelquefois jusqu’à cinq ; et alors les nuages les plus bas sont toujours les plus épais et les plus sombres ; quoiqu’on en juge quelquefois autrement, les plus blancs paroissant quelquefois plus proches qu’ils ne le sont réellement, parce qu’alors cette couleur qui frappe davantage la vue, lui fait illusion à cet égard. Une double rangée de nuages épais annonce qu’il pleuvra bientôt, sur-tout si les nuages de la rangée inférieure paroissent comme chargés ; un plus grand nombre de rangées n’annoncent la pluie que pour le lendemain, ou plus tard.

48. Des nuages semblables à des toisons ou à des flocons de laine et épars, pronostiquent des tempêtes ; lorsqu’ils ont la forme d’écailles et sont placés en recouvrement, comme les tuiles d’un toit, ils annoncent un temps sec et serein.

49. Des nuages ayant la forme de plumes ou de branches de palmier, ou de fleurs d’iris, annoncent qu’il pleuvra bientôt[83].

50. Lorsque les montagnes ou les collines sont couvertes d’une espèce de bonnet, formé par des nuages qui s’y attachent, qui les enveloppent et y demeurent fixés, c’est un présage de tempête.

51. Des nuages d’un jaune éclatant, paroissant avant le coucher du soleil, et qui, un peu après le coucher de cet astre, paroissent bordés d’une espèce de frange dorée, sont un présage de beau temps.

52. Lorsque les nuages ont une couleur de fange ou de boue, c’est tout à la fois un pronostic de vent et de pluie.

53. Si, dans un temps serein, un petit nuage paroît tout coup sur l’horizon, sur-tout du côté de l’ouest ou du sud, il annonce de grands vents.

54. Lorsque le brouillard se lève et gagne la région supérieure, c’est un signe de pluie ; mais si, s’élevant tout à coup, il est comme absorbé et comme pompé, c’est un signe de vent ; au contraire, s’il tombe, ou demeure comme stagnant sur les plaines et les vallées, c’est un présage de beau temps.

55. Un nuage blanc, très chargé, en un mot ce que les anciens appelloient une tempête blanche[84], donne, en été de la grêle ; et en hiver, de la neige.

56. Un automne serein annonce ordinairement un hiver venteux, qui annonce un printemps pluvieux, lequel est suivi d’un été serein, qui annonce un automne venteux ; en sorte que l’année (comme le dit un proverbe anglois) n’est jamais en reste avec elle-même ; et que les diverses constitutions de l’atmosphère ne répondent pas deux années de suite au mêmes saisons[85].

57. Lorsque le feu de nos foyers paroit plus pâle qu’à l’ordinaire et fait entendre un bruit sourd et foible, on doit s’attendre à du mauvais temps ; savoir : à du vent, si la flamme, fréquemment agitée, prend une forme sinueuse, en s’élevant ; et à de la pluie, si l’on voit des tubérosités, une espèce de champignon se former à la partie supérieure de la mêche d’une chandelle.

58. Lorsque les charbons jettent une lumière plus vive qu’à l’ordinaire, c’est un signe de vent. On peut former ce même pronostic, lorsque les cendres s’y forment ou s’en détachent plus vite qu’à l’ordinaire.

59. Lorsque la mer étant fort calme et fort unie à sa surface, elle ne laisse pas de faire entendre une sorte de murmure, quoiqu’elle ne s’enfle pas plus qu’à l’ordinaire, c’est encore une annonce de vent.

60. Lorsque les rivages retentissent, même dans un temps calme, ou que le bruit de la mer, accompagné d’une espèce de son plaintif et d’écho, se fait entendre plus clairement et de plus loin qu’à l’ordinaire, ces signes annoncent encore du vent ; et, si ces signes sont très marqués, ce sera une vraie tempête.

61. Si, dans un temps calme, et la surface de la mer étant très unie, on y voit çà et là de l’écume ou de petits cercles blancs ou encore de grosses bulles d’air, on aura aussi du vent ; et si ces signes sont très marqués, le vent qu’ils annoncent sera une vraie tempête.

62. Lorsque, la mer étant agitée, l’ écume, formée par les vagues qui se brisent fréquemment, est lumineuse, (lumière que les Espagnols appellent poumon marin), on doit s’attendre à une tempête qui durera plusieurs jours[86].

63. Lorsque la mer s’enfle sans bruit et monte plus haut qu’à l’ordinaire dans les ports, ou même lorsque l’heure du flot est avancée, ces accroissemens, ou cette accélération sont encore des pronostics de vent.

64. Un bruit sourd et prolongé, qui se fait entendre dans les bois et sur les montagnes, ou un bruit plus foible qu’on entend même dans les plaines, sont aussi des signes de vent. Il en faut dire autant d’un bruit sourd qui se fait entendre dans les airs, quoiqu’il ne tonne point.

65. Des feuilles, des plumes, des pailles, et autres corps légers qui voltigent et semblent courir les uns après les autres, des duvets de plantes[87] flottant çà et là dans les airs, et des plumes qui semblent jouer sur l’eau, sont autant de pronostics de vent.

66. Des oiseaux aquatiques, sur-tout les plongeons, les mouettes et les poules d’eau, courant ou volant en troupes de la mer, des étangs, des lacs, etc. vers les rivages (sur-tout lorsqu’ils jettent fréquemment des cris et folâtrent ensemble sur le sec), sont également des signes et comme autant de courriers qui annoncent un vent prêt à souffler : et si c’est le matin, ce pronostic n’en a que plus de certitude.

67. Au contraire, des oiseaux terrestres, sur-tout les corneilles, volant en troupes vers l’eau, la frappant de leurs ailes, avec de grands cris, ou s’y plongeant en partie, sont des messagers de tempêtes, et, en général, de mauvais temps.

68. On voit les plongeons et les canards éplucher et nettoyer leur plumage, quand ils pressentent un vent prêt à souffler. Quant aux oies, non-seulement elles annoncent, mais même elles semblent implorer et appeler la pluie, par leur cri aigre et étourdissant.

69. Le héron planant dans la région supérieure et s’élevant quelquefois assez pour paroître au dessus d’un nuage un peu bas, est un présage de vent. Au contraire, le milan s’élevant ainsi, est un présage de temps serein.

70. Des corbeaux dont le croassement ressemble à une sorte de hoquet et qui semblent aboyer, annoncent du vent, lorsque ce croassement est continu ; mais s’ils se taisent fréquemment et laissent de longs intervalles entre leurs croassemens, ils annoncent de la pluie.

71. Si nous en croyons les anciens, les cris fréquens du hibou annoncent des changemens de temps, c’est-à-dire la pluie, lorsque le temps est beau ; et le beau temps, lorsque le temps est pluvieux, ou nébuleux. Mais la vérité est que, dans nos contrées, les cris aigus et fréquens du hibou sont un présage de beau temps, sur-tout en hiver.

72. Lorsque les oiseaux qui perchent, demeurent moins long-temps à manger, et se réfugient plus fréquemment dans leurs nids, c’est un pronostic de tempête. Mais lorsqu’on voit le héron se tenir immobile et triste sur le sable des rivages, ou lorsqu’on voit le corbeau s’y promener, c’est seulement un présage de pluie.

73. On croit communément que des dauphins[88] sautant et jouant, pour ainsi dire, sur l’eau, dans un temps calme, annoncent un vent qui doit souffler de la partie même d’où ils viennent[89] ; et qu’au contraire, lorsqu’ils s’agitent plus violemment, et font jaillir l’eau, c’est un signe de beau temps. Mais au fond, lorsqu’on voit les poissons nager plus près de la surface de l’eau, et sauter de temps en temps, on regarde cela comme un signe de pluie.

74. À l’approche du vent, les porcs sont comme effrayés, s’agitent violemment et font une infinité de mouvemens sans objet, qui semblent tenir de la folie : ce qui a fait dire aux gens de la campagne que cet animal si difforme et si hideux, est le seul qui pressente et voie, pour ainsi dire, le vent.

75. À l’approche du vent, les araignées filent avec beaucoup plus d’activité qu’à l’ordinaire : il semble qu’alors une sorte de prévoyance les porte à se hâter ; car le vent les empêche ordinairement de filer.

76. Un peu avant la pluie, le son des cloches se fait entendre de plus loin. Mais, à l’approche du vent, ce son, qui alors est fort inégal, se renforce et s’affoiblit alternativement, à peu près comme il le fait lorsque le vent se fait déjà sentir.

77. Pline assure que le trèfle a un mouvement sensible de trépidation, et relève ou roidit un peu ses feuilles à l’approche d’un vent violent.

78. Suivant le même auteur, les vaisseaux où l’on met certains alimens, transsudent quelquefois, et laissent à la place qu’ils ont occupée dans le buffet, une humidité légère (un humor léger), mais sensible ; ce qu’on peut, ajoute-t-il, regarder comme un présage de grande tempête.

AVERTISSEMENT.

Si l’on considère que les pluies et les vents se forment à peu prés des mêmes matières, et ont un aliment commun ;

Que le vent est toujours précédé d’un certain degré de condensation dans l’air ; condensation qui a pour cause l’air nouvellement formé et ajouté à l’air préexistant ; comme on en peut juger par ces rivages qui retentissent, ces hérons qui prennent un essor si élevé, à l’approche du vent ; et par une infinité d’autres faits de cette nature ;

Si l’on considère enfin, qu’avant la pluie l’air se condense aussi jusqu’à un certain point, avec cette différence toutefois que ce fluide ensuite se condense beaucoup plus pour se convertir en pluie ; au lieu que, dans la formation des vents, il se dilate et augmente de volume.

Toutes ces choses, dis-je, mûrement considérées, on concevra aisément que la plupart des pronostics précédens doivent être communs aux vents et aux pluies. Au reste, on pourra consulter sur ce sujet le livre qui traitera spécialement des pronostics relatifs aux pluies.

IMITATION DES VENTS.
Réponses aux questions de l’art. 33.

Si les hommes pouvoient perdre l’habitude de fixer uniquement leur attention sur le sujet particulier dont ils sont actuellement occupés, en rejetant tous les autres qu’ils regardent comme autant de hors-d’œuvre, et de se jeter, par rapport à ce sujet de prédilection, dans une infinité de détails subtils, minutieux, et souvent inutiles, leur esprit se tireroit peut-être enfin de cette espèce d’engourdissement qui les tient éternellement cloués sur les mêmes choses, ils se permettroient quelques excursions nécessaires ; et étendant un peu plus leurs pensées, ils trouveroient quelquefois au loin ce qu’en vain ils auroient cherché près d’eux : car, dans l’étude et l’application des loix de la nature, comme dans celles des loix civiles et politiques, il faut ramener aux mêmes principes les choses semblables, et étendre peu à peu ces principes par le moyen de l’analogie : cela posé ;

1. Les soufflets sont pour l’homme ce qu’étoient pour Éole ces outres où les vents étoient renfermés ; car on en peut faire sortir des vents à volonté, mais des vents, à la vérité, bien foibles, et proportionnés à la foiblesse humaine. Les gorges, ou pas de montagnes, ainsi que les dégagemens des édifices, et les cavités de forme sinueuse, ou angulaire, qui peuvent s’y trouver, ne sont, à proprement parler, que de grands soufflets : or, les soufflets, proprement dits, servent principalement à animer le feu, et à faire rendre des sons à certains instrumens de musique. L’action des soufflets consiste à pomper l’air, par l’effet naturel de l’horreur du vuide, (genre de tendance que nous désignons ici par l’expression reçue), et à l’expulser par la compression.

2. On a aussi des éventails ainsi appelés, parce qu’à l’aide des instrumens de cette espèce, on s’évente pour se rafraîchir : effet qu’on produit par une légère impulsion donnée à l’air.

3. Dans la réponse que nous avons faite à la question qui est le sujet de l’article 9, nous avons parlé de ces ventilateurs à l’aide desquels on rafraîchit l’air des salles à manger ; effet qu’on pourroit obtenir plus aisément et plus complètement par d’autres moyens, sur-tout par un méchanisme à l’aide duquel l’air attiré et pompé par un côté, seroit évacué par l’autre (à peu près comme il l’est dans un soufflet). Mais l’effet de tous ceux qu’on a imaginés jusqu’ici, dépend de la simple compression de l’air.

4. Les flatuosités sont dans le microcosme (dans le petit monde, dans le corps humain), et, en général, dans les corps animés, à peu près ce que les vents sont dans l’univers. Car, outre qu’elles se forment aussi d’un humor, cet humor et ces flatuosités se succèdent alternativement comme le vent et la pluie. De plus, une forte chaleur suffit également pour les dissiper par la perspiration, ou par toute antre voie. Il est, par rapport à ces flatuosités, une autre observation qu’on pourroit aussi appliquer aux vents ; savoir, qu’elles se forment ordinairement d’une matière d’où s’exhale une vapeur tenace (visqueuse), et qui ne se résout pas aisément ; par exemple de celle des fèves, d’autres légumes, des fruits, etc. Or, les vents, proprement dits, se forment aussi d’une matière qui a les mêmes conditions.

5. Dans la distillation du vitriol et d’autres fossiles, d’où se dégagent beaucoup de flatuosités, on a besoin de récipiens d’une grande capacité ; autremėnt ils seroient brisés par l’expansion violente de cette substance aériforme.

6. L’espèce de vent produit par l’expansion du nitre qui entre dans la composition de la poudre à canon, et qui augmente la violence de la flamme, en augmentant sa force expansive, égale et surpasse même par ses effets les vents proprement dits, qui se font sentir dans l’univers, à l’exception de celui qui accompagne la foudre.

7. Or, ce vent ignée[90] produit par la poudre est comprimé dans les petites armes à feu, dans les pièces d’artillerie, dans les mines, dans les machines infernales, et dans ces magasins à poudre qui sautent en l’air. Une grande quantité de poudre qui s’enflammeroit dans un air libre, ne pourroit-elle pas, par la forte commotion qu’elle donneroit à cet air, produire un vent qui dureroit plusieurs heures ? C’est une question qu’on pourroit nous faire ici ; mais l’expérience ne nous a pas encore mis en état d’y faire une réponse satisfaisante.

8. Le mercure recèle un esprit flatueux et tellement expansif, qu’il peut, dit-on, imiter, égaler les effets de la poudre à canon ; on prétend même qu’une très petite quantité de ce métal, mêlée avec cette poudre, augmente beaucoup sa force[91]. On parle aussi des prodigieux effets de l’or fulminant ; c’est-à-dire, d’un or qui, après avoir subi certaines préparations, détonne avec une force comparable à celle de la foudre ; tous faits que nous n’avons pas encore vérifiés par l’expérience ou l’observation.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES.

Les mouvemens des vents peuvent être contemplés dans ceux des eaux comme dans un miroir : les vents sont, pour ainsi dire, des inondations d’air analogues à celles des eaux ; les unes et les autres ayant également pour cause l’augmentation excessive de la quantité de leurs fluides respectifs.

1. De même que certaines eaux coulent des lieux élevés, tandis que d’autres sortent du sein de la terre, certains vents se précipitent de la région supérieure de l’atmosphère, tandis que d’autres transpirent de l’intérieur du globe.

2. Comme on voit quelquefois dans les fleuves deux mouvemens contraires ; (savoir : celui des eaux de la mer, et celui des eaux du fleuve), se confondre et se réunir en un seul, le flux de la mer prenant tout-à-fait le dessus ; de même aussi, lorsque deux vents contraires soufflent en même temps, le plus fort surmontant et effaçant, pour ainsi dire, le plus foible, finit alors par régner seul.

3. Ces vents différens, et quelquefois même contraires, qui soufflent en même temps l’un au dessus de l’autre, sont comparables à ces courans contraires qu’on observe dans certains fleuves, la partie supérieure des eaux se portant dans un sens, tandis que la partie inférieure se porte dans le sens opposé.

4. Les tourbillons de vents ressemblent à ces pluies où l’eau semble être versée avec des seaux, et qui tombent dans un très petit espace.

5. Ces ondulations de l’air qui accompagnent certains vents, ont de l’analogie avec ce qu’on observe dans certaines eaux violemment agitées, qui, tout en obéissant à leur mouvement progressif, ne laissent pas d’avoir de fréquens mouvemens d’ondulation, et qui, tantôt montant et s’entassant, pour ainsi dire, les unes sur les autres, tantôt se précipitant de cette hauteur ou elles se sont élevées, et retombant ensuite au dessous de leur niveau naturel, ouvrent ainsi des sillons, des espèces de gouffres et d’abymes. Il est encore entre les vents et les eaux, beaucoup d’autres analogies qu’on peut tirer des observations mêmes que nous avons déjà faites sur ce sujet.

Règles ou principes provisoires[92] relativement aux vents.

Parmi les principes, il en est de généraux et de particuliers. Ceux de ces deux espèces que l’on trouvera ici ne sont que provisoires ; car nous n’osons encore rien décider sur ce sujet. Les principes particuliers pourront être recueillis, et, pour ainsi dire, glanés dans nos différens articles. Quant aux principes généraux, nous allons les extraire du tout.

1. Le vent n’est autre chose que de l’air mu ; c’est cet air même, mis en mouvement, soit par une simple impulsion, soit par l’addition des vapeurs qui se combinent avec ce fluide ; addition en conséquence de laquelle il tend à occuper un plus grand espace.

Les vents, qui sont le produit d’une impulsion donnée à l’air, peuvent se former de quatre manières, et peuvent avoir pour causes, 1°. le mouvement naturel et général de l’air (d’orient en occident) ; 2°. l’expansion de l’air dilaté par la chaleur du soleil, qui, dans son mouvement diurne, répond successivement aux différentes parties de l’atmosphère terrestre ; 3°, un froid subit qui condense ce fluide ; 4°. les corps extérieurs qui peuvent le comprimer.

2. À ces quatre causes on pourroit, à la rigueur, en ajouter une cinquième ; savoir : l’agitation et l’ébranlement de l’air atmosphérique, occasionné par l’action des astres ; mais il faut écarter pour le moment de telles explications, ou du moins ne les adopter qu’avec une extrême circonspection.

3. Ces vents, qui sont le produit de la condensation des vapeurs, viennent principalement de ce que l’atmosphère se trouve surchargée par l’addition de l’air nouvellement formé de ces vapeurs, et ajouté à l’air préexistant, addition en conséquence de laquelle toute la masse de l’air atmosphérique se dilate, et tend à occuper un plus grand espace.

4. Une très petite quantité d’air nouveau, ajoutée à l’air préexistant, peut occasionner une grande dilatation dans tout le corps de l’atmosphère ; en sorte que cet air nouveau, et résultant de la dissolution des vapeurs, contribue beaucoup plus à exciter le mouvement qu’à augmenter la masse totale ; cette masse d’air en mouvement qui constitue proprement le vent, étant presque entièrement composée de l’air préexistant ; et il ne faut pas croire que ce soit l’air nouveau qui, en donnant l’impulsion à l’air préexistant, et le chassant devant lui, forme ainsi le vent, comme si c’étoient deux corps séparés ; mais la vérité est que ces deux espèces d’air mêlées et incorporées ensemble, que le tout, en un mot, tendant à occuper un plus grand espace, L’air se met ainsi en mouvement.

5. Quand cet autre principe de mouvement concourt avec la surabondance de l’air, occasionnée par l’addition de l’air nouvellement formé, ce n’est qu’une cause accessoire, accidentelle, dont l’effet est tout au plus d’augmenter et de renforcer le vent originel, qui est l’effet de la cause principale. Aussi les vents les plus forts et les plus impétueux sont-ils rarement l’effet de cette simple surabondance de l’air, et sont-ils presque toujours produits par plusieurs causes combinées.

6. Les causes accidentelles qui peuvent concourir avec la surabondance de l’air, se réduisent aux quatre suivantes.

1°. Les substances aériformes qui transpirent de l’intérieur du globe.

2°. L’air ou les vapeurs précipitées de la région moyenne de l’atmosphère.

3°. La dissolution d’un nuage déjà formé.

4°. Enfin, l’acrimonie et l’extrême mobilité des exhalaisons.

7. Le vent a presque toujours une direction latérale (horizontale) ; ceux qui sont le produit de la simple surabondance de l’air, l’ont dès le commencement ; ceux qui proviennent des substances aériforme transpirant du sein de la terre, ou précipitées de la région élevée, ne la prennent que dans les instans ultérieurs, à moins que cette éruption, cette précipitation, ou cette répercussion ne soit très violente.

8. L’air se laisse comprimer jusqu’à un certain point, avant de céder à la pression de l’air nouveau, ajouté à sa masse, et de mettre en mouvement l’air contigu.

Aussi l’air de tous les vents est-il un peu plus dense qu’un air tout-à-fait calme.

9. Les vents peuvent être apaisés de cinq manières, ou par cinq causes ; savoir : 1°. la réunion des vapeurs ; 2°. leur incorporation avec l’air atmosphérique ; 3°. leur sublimation ; 4°. leur transmission ; 5°. leur total défaut, ou leur trop petite quantité.

10. Les vapeurs, ainsi que l’air même, peuvent se réunir, pour former de la pluie, de quatre manières (ou par quatre causes) ; savoir :

1°. Leur abondance, ou leur poids même qui surcharge l’atmosphère.

2°. Le froid qui les condense.

3°. Les vents contraires qui poussent leurs particules les unes contre les autres.

4°. Les obstacles qui les répercutent.

11. Les vapeurs, ainsi que les exhalaisons[93], peuvent être la matière première des vents ; car, quoique la pluie ne soit jamais le produit des exhalaisons, néanmoins il est une infinité de vents qui sont produits par des vapeurs. Mais il y a entre les vents de ces deux espèces cette différence, que les vents formés de vapeurs, s’incorporent plus aisément à l’air pur, s’apaisent plus promptement, et sont moins opiniâtres (moins durables) que ceux qui sont le produit des exhalaisons.

12. Les différens degrés et les diverses conditions de la chaleur ne contribuent pas moins à la formation des vents que la quantité et les conditions de la matière.

13. Pour que la chaleur du soleil puisse produire des vents, elle doit être à tel degré et en telle proportion, qu’elle puisse exciter des vapeurs, mais cependant que ces vapeurs qu’elle excite, ne soient pas en assez grande abondance pour se réunir en gouttes, et former de la pluie, ni en assez petite quantité, pour que leurs particules se détachent les unes des autres, et se dissipent aisément.

14. Les vents soufflent ordinairement de la partie même où se trouve leur matière première et leur aliment. Lorsque ces foyers (ou ces sources) sont dispersés en différens lieux, plusieurs vents soufflant de différens points, peuvent régner en même temps ; mais alors le plus fort détruit le plus foible, ou, s’en appropriant la matière et le mouvement, il se renforce lui-même par ce moyen, ou enfin il en fléchit la direction.

15. Les vents peuvent se former, et se forment en effet, dans tous les points compris depuis la surface de la terre jusqu’à la région froide de l’atmosphère ; cependant ils sont plus fréquens, dans la région voisine de nous, et plus forts dans la région élevée.

16. Les régions où les vents chauds soufflent fréquemment, sont plus chaudes qu’elles ne devroient être, eu égard à leur climat ; et, par la même raison, celles où les vents froids se font sentir fréquemment, sont plus froides qu’elles ne le seroient naturellement.

Article consacré à l’utilité du genre humain (et problèmes utiles à résoudre),
Ou souhaits avec leurs approximations[94]
1er. SOUHAIT OU PROBLÈME.

Tailler et disposer les voiles des vaisseaux, de manière qu’avec moins de vent ils puissent faire plus de chemin ; invention qui auroit l’avantage d’abréger beaucoup les navigations de long cours, et de diminuer beaucoup les frais énormes qu’elles exigent.

APPROXIMATION.

Nous ne trouvons aucune approximation précise, par rapport à ce but, du moins dans la pratique. Voyez à ce sujet nos observations générales sur l’art. 26.

2e. PROBLÈME.

Donner aux ailes des moulins à vent un tel volume, une telle forme et une telle disposition, qu’ils puissent, avec moins de vent, moudre la même quantité de grain, ou avec le même vent, en moudre une plus grande quantité ; invention qui seroit très économique, et qui pourroit devenir fort lucrative.

APPROXIMATION.

Méditer, dans cette vue, les expériences que nous avons faites nous-mêmes pour résoudre la question qui est l’objet de l’article 27 ; expériences dont le résultat semble présenter la chose presque faite.

3e. PROBLÈME.

Prévoir et prédire quels vents s’éleveront ou tomberont dans tel temps et dans tel lieu (ou dans quels temps et dans quels lieux, tels vents proposés s’éleveront ou tomberont) ; invention qui seroit fort utile à la navigation et à l’agriculture ; elle pourroit aussi donner quelques lumières aux amiraux et aux chefs d’escadre, pour livrer à propos une bataille navale et bien choisir leur position[95].

APPROXIMATION.

Nous avons donné beaucoup d’indications relativement à ce but, dans tout le cours de cet ouvrage, et principalement dans notre réponse à la question qui étoit le sujet de l’article 32 ; nais pour peu que les observateurs tournent leur attention vers cet objet, des observations plus exactes et plus multipliées, en indiquant avec plus de précision la véritable cause des vents, mettront ainsi la postérité en état de les prévoir et de les prédire avec plus de justesse et de certitude.

4e. PROBLÈME.

Former, d’après la considération attentive des vents, quelques jugemens et quelques pronostics sur d’autres sujets ; par exemple, deviner s’il y a des continens, des îles, etc. au-delà ou dans telle partie de telle mer ; ou, si dans les parages désignés, il n’y a qu’une mer entièrement libre ; invention qui seroit très utile à la navigation, et qui pourroit servir à faire de nouvelles découvertes de terres inconnues jusqu’à nos jours.

APPROXIMATION.

Ce qui en approche le plus, c’est cette observation des vents réglés qui soufflent sur les côtes du Portugal, et d’où Christophe Colomb conclut l’existence réelle du continent de l’Amérique.

5e. PROBLÈME.

Former aussi des pronostics relativement à l’abondance et à la rareté des fruits et des grains ; invention qui pourroit procurer de grandes lumières et de grands profits aux accapareurs et aux monopoleurs de nos jours[96], comme à Thalès qui fit, dit-on, avec succès le monopole des olives.

APPROXIMATION.

À cette fin se rapportent quelques-unes de nos observations sur les vents qui peuvent nuire, soit par leurs qualités mêmes, soit en abattant les fleurs, les fruits, les grains, etc. et sur les temps où ils sont le plus nuisibles. Voyez sur ce sujet notre réponse à la question qui est l’objet de l’article 19.

6e. PROBLÈME.

Autres pronostics à faire chaque année, relativement aux pestes, aux maladies contagieuses ou épidémiques, de toute espèce, etc. Si l’on pouvoit découvrir des règles sûres qui servissent de base à de tels pronostics, cette invention fourniroit aux médecins des indications plus précises, et les mettroit en état de découvrir les causes des maladies de ce genre, et par conséquent d’y bien approprier le traitement ; outre une infinité d’autres applications aux différens besoins de la vie, et dont elles seroient susceptibles.

APPROXIMATION.

À cette fin se rapporte aussi certaine partie de notre réponse à la question qui fait le sujet de l’article 30.

AVERTISSEMENT.

Au reste, sur ces prédictions relatives aux vents envisagés par rapport à leur influence sur les grains, les fruits et les maladies, on pourra consulter celles d’entre nos histoires (naturelles et particulières) qui auront pour objet la médecine et l’agriculture.

7e. PROBLÈME.

Exciter ou apaiser les vents à volonté. Dans les livres de magie, on trouve assez d’opérations superstitieuses et tendantes à ce but : mais elles ne méritent pas de trouver place dans une histoire aussi sérieuse et aussi sévère que la nôtre.

APPROXIMATION.

Aucune approximation de ce genre ne se présente à notre esprit pour le moment ; et tout ce que nous pouvons faire ici, c’est de donner deux directions générales relativement à ce but.

1°. Il faudroit analyser l’air avec plus de soin, afin d’acquérir une connoissance plus parfaite de sa nature et de ses qualités intimes ; connoissance qui conduiroit peut-être à la découverte de quelque substance qui, étant jetée, même en petite quantité, dans les airs, pourroit exciter et multiplier ces mouvemens de dilatation ou de contraction dans le corps de l’atmosphère, qui ont été le sujet d’un de nos articles ; car un tel moyen, si l’on pouvoit le découvrir, suffiroit pour exciter ou apaiser les vents : ce qui a quelque relation avec ce que Pline rapporte touchant les effets du vinaigre jeté, par des aspersions multipliées, à la rencontre d’un tourbillon, en supposant que le fait soit vrai[97].

En second lieu, s’il existe réellement dans l’intérieur du globe, des cavités où des vents d’un certain volume et d’une certaine force se trouvent resserrés et comme emprisonnés, il faudroit chercher quelque moyen pour leur donner une issue ; ce qui a quelque rapport avec ces puits qu’on voyoit autrefois en Dalmatie, et dont nous avons parlé au n°. 14 de l’article qui avoit pour objet les origines locales des vents : mais ces prisons où les vents sont renfermés, ne sont pas trop faciles à découvrir[98].

8e. PROBLÈME.

Produire des effets extraordinaires, étonnans, ou simplement amusans, par le moyen des vents.

APPROXIMATION.

Nous n’avons pas actuellement le loisir de nous occuper ex-professo d’un tel sujet : ce qui en approche le plus, ce sont ces combats si connus des cerfs-volans, et les joutes de bateaux ou de vaisseaux, dont l’objet est de gagner le dessus du vent, etc.

  1. Le texte original dit medians, majeurs et mineurs ; mais quoique les géomètres emploient cette dénomination au féminin, pour désigner la moyenne proportionnelle, faisant partie d’une ligne coupée en moyenne et extrême raison, je n’ai osé risquer ce mot au masculin ; ce qui n’empêche aucun de nos lecteurs de préférer ce dernier au premier.
  2. Il est quelquefois interrompu par des calmes ou des orages ; et d’ailleurs il varie un peu dans les deux hémisphères ; savoir, au nord de la ligne, depuis l’est jusqu’au nord-est et au sud de la ligne, depuis l’est jusqu’au sud-est.
  3. Monitum, mandatum, phenomenon obliquum, à quoi bon tout ce jargon, tout ce charlatanisme, et encore pour se tromper à la fin ? Quand ce qu’on affirme l’un sujet peut être observé dans ce sujet même, une observation de ce genre doit être qualifiée de directe, et alors elle devient une preuve directe ou immédiate de la chose affirmée. Mais quand on le conclut seulement d’un autre fait (c’est-à-dire, d’une observation faite sur un autre sujet que celui de la question) et par la voie d’un raisonnement dont l’analogie est ordinairement la base, cet autre fait est une observation indirecte ; la preuve à laquelle il sert de fondement, est également indirecte ou médiate ; et il n’en résulte qu’une probabilité : que fait là le phénomène oblique ? Ce n’est pas lui qui est oblique, car tout fait est direct quant à lui ; mais c’est la preuve qu’on en tire, qui, dans le dernier cas, n’est plus que médiate et indirecte.
  4. Quand cette brise seroit l’effet de la chaleur et du mouvement diurne (soit réel, soit apparent) du soleil, il ne seroit pas nécessaire, pour qu’elle se fit sentir dans une contrée, que le soleil y fût encore sur l’horizon ; car cet astre dilatant l’air dans les lieux qu’il éclaire encore, et le mouvement de l’air une fois excité par cette dilatation, se communiquant au loin, la brise qui est l’effet de cette dilatation, peut donc se faire sentir encore dans les lieux que cet astre n’éclaire plus.
  5. Ce qui s’explique, d’une manière très satisfaisante, dans la seconde de ces deux suppositions. Lorsque le soleil, après avoir dilaté l’air dans un point du globe, s’en éloigne, cet air se contracte ; il occupe un moindre espace ; et toutes les colonnes d’air environnantes se portent vers ce point de contraction. Or, l’air septentrional, plus froid, plus dense, plus pesant et plus élastique, a ainsi un avantage naturel sur cette partie de l’air méridional, qui n’est plus bandée par la dilatation, et d’autant plus d’avantage, qu’on se trouve plus au nord. Ainsi, dans notre hémisphère, la direction du vent alizé doit tenir un peu du nord, et en tenir d’autant plus, que la région où l’on se trouve est plus septentrionale ; conclusion qui est parfaitement d’accord avec l’observation. D’ailleurs, ce vent alizé s’explique aussi fort bien par le mouvement diurne de la terre d’occident en orient. L’air étant un fluide très rare et très léger, il ne peut être aussi adhérent au globe terrestre, que le seroit un fluide beaucoup plus dense et plus pesant, tel que l’eau. Il se peut donc qu’une partie de l’atmosphère, sur-tout sa partie supérieure, n’ayant jamais toute la vitesse du globe, reste toujours un peu en arrière. Or, si l’air atmosphérique ne se porte pas d’occident en orient avec autant de vitesse que le globe terrestre, c’est pour nous la même chose que s’il se portoit d’orient en occident avec une vitesse égale seulement à l’excès de la vitesse du globe sur la sienne ; ce qui doit produire un vent apparent d’orient en occident. Ainsi les deux causes en question agissant dans le même sens, et concourant à l’effet, il n’y a plus ici d’équivoque, ni de question a décider, ni d’exemple de la croix. Mais notre auteur veut que le soleil et toute la sphère céleste tournent autour du globe terrestre ; préjugé qui est la vraie source de cette équivoque qu’il croit trouver ici.
  6. Qu’est-ce que le lever de la canicule ? C’est sans doute de Sirius qu’il veut parler ; étoile qui, ainsi que toutes les autres, se lève tous les jours durant toute l’année, et tantôt à une heure, et tantôt à une autre.
  7. C’est ce que les habitans de la côte de Bretagne, et sur-tout les marins de profession, appellent le coup de vent de la saint François ; c’est ce veut qui ramène dans les ports de Bretagne ou de Normandie, les vaisseaux de Terre-Neuve ; du moins ceux qui reviennent de cette île en ligne directe, et auxquels on donne le nom de sacs ou de saques.
  8. C’est cette bise qui souffle ordinairement vers le temps de Pâques : en 1785, un Météologiste Suédois prédit la semaine où il devoit souffler ; prédiction dont la justesse a étonné toute l’Europe, et nous a déterminés nous-mêmes à faire quelques recherches de ce genre.
  9. Cependant il y a ordinairement vers Noël, soit avant, soit après, c’est-à-dire vers le temps du solstice d’hiver, une grande gelée qui est nécessairement accompagnée d’un vent de nord, tenant plus ou moins de l’est. Ainsi ce même vent règne à trois des quatre plus grandes époques de l’année ; observation d’autant plus importante, que le vent de sud-ouest, qui est diamétralement opposé à celui dont nous parlons, est, dans nos contrées, le vent dominant ; ce qu’on peut attribuer à leur situation par rapport à la mer atlantique, qui se trouve à peu près au sud-ouest.
  10. Ce mot vient d’ornix, ornidos, on ornithos, qui, en grec, désigne un oiseau. Je suis obligé de conserver cette étymologie ; car il n’y a pas moyen de dire, les vents oiseaniques ou oiseauiens, ni aviques ou aviens, ni volucriques ou volucriens ; il semble que, lorsqu’on se trouve obligé de forger un mot barbare, il soit d’autant moins choquant, qu’il est tiré de plus loin.
  11. Vents d’attache, vents locaux, vents propres, vents particuliers, vents fréquens, vents familiers : de ces six dénominations, je ne trouve que la sixième qui puisse s’ajuster à tous les nos. de cet article, et remplir parfaitement notre objet. J’avoue cependant que l’association de ces mots me choque quelque peu moi-même, et j’en découvre aussi-tôt la raison ; comme je n’ai jamais vu ensemble ces deux mots, leur association ne m’étant pas encore familière, elle doit me choquer ; car je suis homme d’habitude : mais, quand je les aurai vus ainsi associés dans une vingtaine de nos, alors je serai familiarisé avec cette association, et elle ne me choquera plus ; sans compter qu’il s’agit ici de certains vents, et non de certains mots, et que, parmi les associations de mots qui aujourd’hui nous plaisent le plus, il n’en est aucune, qui n’ait choqué la première fois qu’elle s’est présentée. Les vents familiers sont ceux qui sont propres à certains lieux et à certaines espèces de temps ; ceux qui soufflent fréquemment chaque année, dans un même lien, ou qui soufflent fréquemment et en différentes années, mais dans les parties semblables de ces années.
  12. Dans mon voyage à Terre-Neuve en 1771, nous trouvâmes le commencement de la banquise (assemblages de glaces), à 80 lieues de l’île. On reconnoit qu’on en est proche par une ligne bleuâtre qu’on voit à l’horizon. Nous mouillâmes, le premier de mai, dans le havre de la petite île du Quairpont ; nous y trouvâmes plusieurs collines encore couvertes de neige, ainsi que dans la grande île. Au mois de juin, nous vîmes une de ces glaces qui étoit échouée à 45 brasses ; au mois d’août elle se fendit par la moitié, avec un bruit égal à celui de l’explosion de vingt pièces d’artillerie ; et ces deux moitiés, en se renversant, produisirent un houle (mouvement d’élévation et d’abaissement alternatifs des eaux) qui se fit sentir à des bateaux de pêcheurs fort éloignés.
  13. Le cap de Grato, qui est la pointe la plus septentrionale de la petite île du Quairpont, située au nord-est de la grande île de Terre-Neuve, n’est que par 53 degrés de latitude boréale, c’est-à-dire seulement de quatre degrés dix minutes plus septentrional que Paris.
  14. Cette assertion semble être démentie par ce que j’ai observé à St. Domingue, où la brise de dehors est périodique, comme celle de terre ; et il paroît que ces deux brises luttant l’une contre l’autre, et se succédant alternativement, l’une ne peut être périodique, sans que l’autre le soit aussi.
  15. Le texte dit : austrum esse ventum asseclam et familiarem earum regionum ; ainsi familier est le terme propre pour désigner les vents dont il parle dans cet article.
  16. Ils le diminuent durant l’hiver, et l’augmentent durant l’été.
  17. Le vent n’est autre chose que l’air même mis en mouvement ; c’est un air mu : or les parties d’un fluide ne peuvent être toutes en repos qu’autant qu’agissant les unes sur les autres, avec des forces parfaitement égales, il règne ainsi entre elles un parfait équilibre ; dès que la plus petite inégalité a lieu dans l’air, cet équilibre est rompu ; l’air se met en mouvement, et le vent commence à s’élever.
  18. C’est-à-dire, dans notre hémisphère, le vent de sud a pour cause la chaleur excessive de la zone torride, et le vent de nord a pour cause le froid excessif de la zone glaciale. L’air de la zone tempérée se trouvant perpétuellement entre deux puissances opposées qui lui donnent l’impulsion alternativement, si ces deux puissances étoient toujours parfaitement égales, cet air seroit toujours immobile, et un calme parfait (du moins à cet égard) y régneroit éternellement. Mais ces deux puissances ne sont presque jamais égales, l’égalité réelle, même dans le monde physique, étant beaucoup plus rare que l’égalité idéale. Ainsi l’air de la zone tempérée est presque toujours en mouvement ; il y a presque toujours du vent ; et ce vent souffle presque toujours suivant l’une ou l’autre de ces deux directions dont parle l’autour, ou suivant des directions qui s’en éloignent peu ; parce que les deux principales causes des mouvemens de l’air de la zone tempérée sont situées nord et sud par rapport à cette zone. On peut faire un semblable raisonnement pour l’hémisphère austral, et pour la zone tempérée de cet hémisphère, mais en changeant tous les noms.
  19. Voilà une fort mauvaise explication. Le dégel a ordinairement pour cause le vent de sud. Ainsi il n’est pas fort étonnant que le vent de sud règne ordinairement lorsqu’il dégèle. D’ailleurs, ce vent de sud vient nécessairement tôt ou tard. À mesure que l’air septentrional se porte vers le sud par tous les méridiens, celui qu’il laisse derrière lui, se rarifie, et l’air méridional contre lequel il pousse de nouvel air, se condense. Ainsi l’air du nord perd de plus en plus son avantage. De plus, au midi, sur-tout dans la zone torride, il trouve un ressort toujours tendu, savoir la grande chaleur qui dilate l’air de cette zone, et qui en pousse une partie vers le nord. Mais, plus l’air septentrional agit contre cet air méridional, plus la force qui dilate celui-ci réagit contre celle qui détermine l’air à se porter vers le midi. Ainsi il est clair que tôt ou tard l’air méridional l’emportant sur l’air septentrional, le vent passera au sud, et amènera le dégel ; et s’il s’agit de gelées tardives, il y aura ici une cause de plus, savoir l’élévation du soleil et la durée de son séjour sur l’horizon, qui vont en augmentant de plus en plus. Aussi les vents de nord et de sud sont-ils presque toujours de moins longue durée à la fin de l’hiver, ou au commencement du printemps, qu’au commencement de l’hiver, ou à la fin de l’automne ; ce qui donne encore plus de force et de probabilité à notre explication.
  20. Ces vents, différens, ou contraires, soufflent apparemment dans la région supérieure, ou dans les lieux voisins de celui dont il s’agit ; autrement il y auroit ici une contradiction, à moins qu’il ne veuille dire que ceux dont il parle, sont fréqueminout interrompus par des vents différens ou même contraires, et soufflent de nouveau.
  21. C’est probablement parce que, dans nos contrées, les vents de sud, ou tenant du sud, et principalement le vent de sud-ouest, sont ceux qui soufflent le plus fréquemment et le plus longtemps, ou parce que le soleil dessèche plus vite les feuilles du côté du midi ; ou parce que la pluie et, en général, l’humidité, les pourrit plus promptement de ce côté-là ; ou encore parce que les feuilles poussant plutôt de ce même côté, elles doivent aussi mourir plutôt ; ou par le concours de plusieurs ou de la totalité de ces quatre causes ; ou par quelque autre cause que je n’aperçois pas, et agissant seule, ou combinée avec une, plusieurs ou la totalité de celles que j’aperçois ; ou enfin (comme auroit dit le bon Plutarque) parce que cela n’est peut-être pas vrai.
  22. Il doit y avoir toujours une différence sensible pour les cultivateurs, entre le côté septentrional d’une plante ou d’un arbre quelconque, et son coté méridional ; deux côtés sur lesquels le soleil, la pluie et le vent agissent très inégalement ; ce qui pourroit fournir à un observateur attentif une sorte de boussole.
  23. J’observe, depuis plus de 26 ans, que ma pensée est claire, ou nébuleuse, comme le temps, lorsque je me laisse maîtriser par les causes physiques ; ce qui vient de ce que l’humidité, en relâchant la fibre, et diminuant la quantité des évacuations nécessaires, obstrue ainsi toute la machine, et nommément le cerveau. Mais il y a des moyens pour concevoir plus nettement, par un temps pluvieux, que les autres ne conçoivent par un beau temps ; ces moyens sont en général ceux qui peuvent dégager le ventre et le cerveau, en divisant et atténuant le sang au degré convenable.
  24. Le texte original semble dire : ce vent a tant de force et de violence, qu’il ne peut, en chassant les nuages, etc.
  25. Il s’est fait, par rapport aux vents, une nomenclature particulière que j’ai cru devoir abandonner, pour suivre celle qui est reçue depuis long-temps parmi nos marins et nos physiciens.

    Il appelle vents cardinaux, ceux qui soufflent des quatre points cardinaux, nord, sud, est et ouest.

    Vents semi-cardinaux, ceux qui viennent du nord-est, du nord-ouest, du sud-est, et du sud-ouest.

    Vents moyens, tous ceux qui soufflent des rhumbs situés entre le nord et le nord-est, entre le nord-est et l’est, entre le nord et le nord-ouest, ou entre le nord-ouest et l’ouest, et de même dans la moitié australe.

    Vents moyens-majeurs, ceux qui soufflent des rhumbs situés au milieu précis entre les points cardinaux et les points semi-cardinaux ; par exemple, les vents de nord-nord-est, d’est-nord- est, de nord-nord-ouest, d’ouest-nord-ouest, et de même dans la moitié australe.

    Enfin, vents moyens-mineurs, ceux qui soufflent des rhumbs situés au milieu précis entre les points cardinaux et les rhumbs des vents moyens, ou entre les rhumbs des vents moyens et les rhumbs des vents semi-cardinaux ; par exemple, entre le nord et le nord-nord-est, entre le nord-nord-est et le nord-est, entre le nord-est et l’est-nord-est, entre l’est-nord-est et l’est, et de même pour les trois autres quarts :

    Nomenclature défectueuse et incommode ; il seroit plus naturel de donner à ces vents des noms tirés des divisions mêmes de l’horizon ; par exemple, de les appeler cardinaux, ou , etc.

  26. On peut expliquer ainsi la première moitié de ce fait : les vents venant des rhumbs situés dans un demi-quart quelconque, doivent amener le plus souvent un temps analogue à celui qui accompagne ordinairement le vent cardinal, dont ils sont le plus proche. Or, le vent de nord est ordinairement accompagné de beau temps, et le vent de sud l’est ordinairement de pluie. Donc les vents du premier demi-quart, savoir, du nord au nord-est, doivent être accompagnés de beau temps, et ceux du demi-quart compris entre le sud-est et le sud, doivent l’être de mauvais temps. Par la raison contraire, les vents du second demi-quart du premier de ces deux quarts, doivent amener le mauvais temps, et les vents du premier demi-quart du second quart doivent avoir le même effet. Quant à la seconde moitié de ce fait, qui ne quadre point du tout avec le principe servant de base à mon explication, je l’expliquerai (comme tout physicien un peu méthodique le fait ordinairement) en soutenant que ce demi-fait n’est pas vrai. Car il est faux que les vents soufflant des rhumbs situés entre le sud et le sud-ouest, soient moins pluvieux que ceux des rhumbs situés entre le sud-ouest et l’ouest ; il l’est aussi que ceux qui viennent des rhumbs situés entre le nord-ouest et le nord, le soient plus que ceux qui soufflent des rhumbs situés entre l’ouest et le nord-ouest : deux propositions absurdes qui seroient une conséquence de son principe ; au lien que le nôtre est d’accord avec l’observation.
  27. J’ai eu soin de joindre aux noms français de ces vents, leurs noms latins, les livres que je consulte n’étant pas d’accord ensemble par rapport à ces dénominations, et j’ai eu l’attention de me conformer à la nomenclature d’après laquelle notre auteur a dressé la table placée dans le premier article.
  28. Il est même souvent une cause médiate de pluie ; par exemple, au printemps, ou en automne, si, après plusieurs jours de pluie, le temps vient à s’éclaircir, le soleil, lorsqu’il commence à s’élever, dans la matinée des jours suivans, relève ces vapeurs, et le temps se couvre ; puis, dans l’après-midi, lorsque cet astre commence à baisser, il lâche ces vapeurs, et il pleut. Mais, si les vapeurs ainsi relevées tombent presque aussi-tôt, sous la forme de brouillard ou de pluie, il fait beau durant le reste du jour ; ce double phénomène est universellement connu.
  29. C’est ce qu’on appelle en Suisse des avalanches.
  30. À quoi l’on peut ajouter que, durant l’été, dans l’hémisphère boréal, le soleil est apogée ; au lieu qu’il est périgée, durant l’été, dans l’hémisphère austral, et par conséquent apogée, durant l’hiver, dans ce dernier hémisphère et périgée, durant l’hiver, dans le premier ; ce qui doit aussi occasionner dans les deux saisons opposées de chaque hémisphère quelques différences par rapport à l’influence de l’action du soleil sur les vents.
  31. Il est possible et même facile de trouver et d’établir des principes ou des règles fixes, lorsqu’on a soin de joindre à leur énoncé ces deux expressions restrictives ; toutes choses égales d’ailleurs et entre certaines limites, (telle cause produit tel effet, ou tel moyen mène à tel but) restrictions qui donnent aux principes ou aux règles toute l’étendue ou la généralité possibles, dans les limites marquées, ou annoncées, et suppriment ainsi toutes les exceptions. Voyez le supplément placé à la fin du Novum Organum.
  32. Voilà une hypothèse diamétralement opposée à celle des physiciens de notre temps, sur-tout à celle de M. de Buffon.
  33. Un grain proprement dit est un nuage de peu d’apparence qui donne tout à coup beaucoup plus de vent ou de pluie, ou de l’un et de l’autre, qu’on ne l’auroit présumé de son volume et de sa couleur.
  34. Quelques physiciens, comme nous l’avons dit dans une note du précédent ouvrage, prétendoient que la terre était dix fois plus dense que l’eau ; l’eau dix fois plus dense que l’air ; et l’air dix fois plus dense que le feu : car le calcul des décimales étant plus facile que tous les autres, et un systématique bien conformé ayant dix doigts, il est évident que la nature a dû arranger ainsi les choses, et pour notre commodité.
  35. Au moins 800 fois, en supposant que cette conversion ait réellement lieu.
  36. C’est ce que les marins, dans leur langage grossier, appellent un cul-de-chien ; ils le regardent comme un signe de vent.
  37. C’est ce qu’un observe principalement sur les côtes de Malabar et de Coromandel, séparées par de telles montagnce.
  38. Cette conséquence n’est rien moins qu’évidente ; car ne se pourroit-il pas que, des deux côtés, la source du vent étant plus élevée que les sommets de ces montagnes, et les directions de ces vents étant inclinées à l’horizon, chacun de ces deux vents se portât vers ces montagnes par une ligne dont l’extrémité la plus éloignée de sa source fût beaucoup plus basse que ces sommets ?
  39. Une autre cause ou source de vent qu’on peut ajouter à celles qu’il vient d’assigner, c’est cette grande quantité de vapeurs, d’exhalaisons, d’air et de substances aériformes, qui, dans certaines saisons, parties de saisons, ou parties de jour, se dégagent des végétaux, ou des animaux, ou sont absorbées par ces êtres organisés.
  40. La lune, comme on n’en peut douter, agit sur notre planète ; elle agit donc sur notre atmosphère. Or, une éclipse de lune produit nécessairement quelque changement dans l’action totale de cette planète sur la terre. Elle en produit donc nécessairement un dans la partie de cette action qui s’exerce sur notre atmosphère. Elle ne peut produire un changement dans notre atmosphère, sans y exciter, y augmenter, y diminuer, ou y détruire le mouvement (puisque, sans la production, l’augmentation, la diminution, ou la destruction d’un mouvement, tout changement est impossible), et par conséquent sans influer sur les vents. Mais, soit pour décider cette question même, soit pour déterminer le mode et l’intensité de l’action de la lune sur l’atmosphère (ainsi que sur les eaux de l’océan), il faudroit, avant une éclipse totale, ou du moins centrale, de lune, envoyer cinq observateurs, en différens points du parallèle où, en s’éclipsant, elle doit se trouver au zénith ; savoir : un, dans la mer du sud ; un, sur le continent de l’Amérique ; un, dans la mer Atlantique ; un en Afrique, et un, dans la mer des Indes : enfin, comparer leurs observations, soit entre elles, soit avec celles de ce genre qu’on a déjà faites.
  41. Quelques physiciens des derniers temps, en appliquant à cette question la théorie de Newton, ont trouvé le même résultat : ce qui devoit être ; car l’attraction étant, toutes choses égales, proportionnelle aux masses des corps qui s’attirent réciproquement, et l’action des rayons solaires devant être beaucoup plus sensible sur un fluide très rare, que sur un fluide très dense, l’influence de la lune, astre dont la principale action est de la première espèce, doit être plus sensible sur les eaux que sur l’atmosphère, et l’influence du soleil, astre dont la principale action est de la seconde espèce, doit être plus sensible sur l’atmosphère, que sur les eaux. C’est par cette raison que l’action de la lune sur notre atmosphère, assez bien prouvée par les météorologistes, paroît encore un peu douteuse à quelques autres physiciens.
  42. À la densité près.
  43. À St. Domingue, ce maximum a lieu vers neuf ou dix heures du matin, c’est-à-dire entre les deux brises, ou un peu après que la brise de terre a cessé, et un peu avant que celle de dehors se soit élevée.
  44. Il y avoit donc un carreau de vitre à cette fenêtre : sans quoi, la tourelle étant, comme il le dit, fermée de tous côtés, il auroit été impossible d’observer ce qui se passoit au dedans.
  45. Dans nos contrées, la différence entre la température du jour et celle de la nuit, est beaucoup plus grande au printemps et en automne, qu’elle ne l’est en hiver et en été ; or, les vents sont aussi beaucoup plus forts et plus fréquens dans les deux premières saisons, que dans les deux dernières. De plus, la différence entre la température du jour et celle de la nuit est beaucoup plus grande à St. Domingue, qu’elle ne l’est en France : ce dont je me suis assuré par mes propres observations, moi qui, étant chargé de faire presque tous les recouvremens, et ne faisant qu’aller et revenir du vaisseau à Galifet, à Limonade, à Jaquezy, à Caracol et au Fort-Dauphin (soit dans les canots, soit dans des acons), étois obligé de me munir, pour la nuit, d’une redingote de grosse pluche, qui m’avoit servi, l’année précédente, en traversant la banquise de Terre-Neuve. Or, à St. Domingue, les vents sont beaucoup plus fréquens qu’ils ne le sont en France, puisqu’on y a tous les jours (presque sans exception) deux brises, savoir, celle de terre, durant la nuit, et celle de dehors, durant le jour, les calmes y étant beaucoup moins longs qu’ils ne le sont en France, surtout durant les grandes gelées et les grandes chaleurs. De ces deux faits, et de ceux que l’auteur vient de citer pour exemples, il semble qu’on puisse conclure avec certitude que la source la plus féconde et la plus commune des vents est la différence entre la température du jour et celle de la nuit, ou, ce qui est la même chose, la succession alternative de la dilatation diurne et de la contraction nocturne, de l’air atmosphérique.
  46. Parce que ces exhalaisons étant plus légères que les vapeurs simplement aqueuses, et s’élevant davantage, montent jusqu’à la région supérieure, où elles sont condensées par le froid très âpre qui y règne en tout temps, puis précipitées en vertu de l’augmentation de leur pesanteur spécifique, occasionnée par cette condensation.
  47. Dans cette vaste plaine située entre la ville de Rome et les montagnes, les cultivateurs sont aussi dans l’habitude de mettre le feu aux chaumes, après la moisson ; ce qui remplit de fuliginosités, pendant quinze jours ou trois semaines, l’air que respirent les Romains, et le rend très étouffant ; on voit ces fumées passer au dessus de la ville avec une extrême rapidité. Mais profitent-ils, pour cette opération, d’un vent déjà formé ; ou ce vent est-il produit, ou du moins nourrit et continué par cet incendie ? c’est une question que je ne puis décider.
  48. On voit que la possibilité de la conversion de l’air en eau est ici affirmée positivement et directement. Voyez à ce sujet l’antépénultième note de l’ouvrage précédent, note commençant par ces mots : si l’air s’assimilant continuellement.
  49. Nous avons fait voir dans la note répondant aux pages 171, 172 et 173 du IXe. volume, en quoi consistent ces relations.
  50. Un physicien de Genève (je crois que c’est M. Deluc) a fait une observation à peu près semblable sur le Mont-Blanc.
  51. Le texte original dit eorum latitudinem ; mais cette dénomination n’embrasse pas toutes les déterminations considérées dans cet article.
  52. Quelquefois même trois ou quatre vents foibles et tous différens soufflent en même temps, dans l’espace qu’on peut découvrir en regardant autour d’un vaisseau, de dessus la vergue du grand perroquet ; mais voici un fait encore plus frappant qui peut être rapporté tout à la fois à ce n°. et au suivant. Dans les mois de février et de mars 1772, le vaisseau le Saint-Pierre (de St. Malo) ou j’étois, fut retenu dans la méditerranée par des vents de ouest-nord-ouest, qui l’empêchoient de débouquer, et forcé de louvoyer entre Gibraltar et Malaga pendant plus de six semaines. Un jour, dans l’après-midi, nos hommes de devant (sur-tout le Bosseman) nous crièrent : amène, amène tout, voilà un dragon : alors trente voix s’élevèrent toutes à la fois, et je n’entendis plus rien ; mais je vis, par le bossoir de tribord, l’eau jaillir dans un espace fort étroit, et à quelques pieds du vaisseau : dans l’instant même, ce tourbillon nous prenant par devant, emporta nos deux focs (voiles triangulaires établies sur le beaupré), et ne laissa que les ralingues (les ourlés) ; cependant nos mâts ne furent point endommagés, quoique nous portassions les huniers tout haut. L’honnête homme qui s’est emparé de nos journaux, y pourra lire ce fait.
  53. Quelquefois aussi, durant l’été, et un peu avant le coucher du soleil, lorsqu’on marche un peu vite, on voit devant soi un grand nombre de moucherons qui, ayant tout à la fois un mouvement progressif et un mouvement circulaire, décrivent une espèce du cycloïde, mouvement qui n’est sans doute que celui même de l’air où voltigent ces insectes, et qui peut être comparé à ceux qu’on voit dans le sillage d’un vaisseau, ou d’un bateau ; car, à mesure qu’un corps qui se meut dans un fluide, s’y ouvre un passage, les colonnes postérieures et les colonnes latérales de ce fluide se portant toutes à la fois dans le vuide que le mobile laisse derrière lui, il doit résulter de ces deux mouvemens à angles droits, un mouvement circulaire ou elliptique, comme de ceux qui sont produits par les forces centripètes et projectiles des planètes.
  54. C’est ce que les marins appellent le mauvais tour, et c’est le précédent qui est le bon, selon eux.
  55. Voyez le supplément, à la fin de la neuvième centurie de l’ouvrage précédent.
  56. Cette supposition ne s’éloigne pas extrêmement de l’observation ; car Toaldlo a prouvé qu’il y a aussi dans l’ordre de succession des météores, une période d’environ huit ans et dix mois, relative à la révolution de l’apogée lunaire : or huit ans et dix mois, multipliés par 4 35 ans et 4 mois, ce qui diffère très peu du nombre supposé par l’auteur. N’y auroit-il pas plutôt une période météorique, relative au cycle lunaire, ou à la révolution des nœuds de la lune, qui est d’environ 19 ans ? Car le soleil et la lune étant probablement les deux causes principales des vents et des grands météores, il doit y avoir des retours de plusieurs espèces, aux époques où le cours de la lune coïncide avec celui du soleil. C’est ce qu’il seroit facile de vérifier, à l’aide des observations multipliées, suivies et assez exactes qui se trouvent consignées dans le journal de Paris et autres ouvrages périodiques.
  57. Si les philosophes critiques balbutient sur ce sujet, je connois un philosophe critique qui radote sur ce même sujet, et refuse aux autres l’indulgence dont il auroit grand besoin pour lui-même. Car enfin qu’est-ce que ce titre : mouvemens des vents ; expressions d’ailleurs que je trouve à chaque ligne dans cet article ? Le vent, d’après la définition de l’auteur même, n’est autre chose que de l’air en mouvement, ou de l’air mu : actuellement substituez dans le titre la définition au défini, et vous aurez cet autre titre : mouvement des airs en mouvement. Si le lecteur trouve notre observation juste, il peut substituer mentalement à ce titre le suivant : mouvemens de l’air qui constituent les vents, ou qui changent leurs directions.
  58. Maximè secundùm angulus violentiae suae, quelle physique ! Je traduis mot à mot ces deux passages, afin de justifier la liberté que je prends de changer assez souvent ses expressions.
  59. Il veut dire, pendant quelques minutes.
  60. Si la montagne étoit tournée précisément vers l’ouest, le vent de nord glisseroit seulement le long de sa surface, et ne seroit pas réfléchi. Pour que le vent de nord, en se combinant avec le vent réfléchi (ces deux vents étant supposés égaux), produisit un vent de nord-est, il faudroit que le vent réfléchi soufflât de l’est vers l’ouest ; et pour que ce vent réfléchi soufflât de l’est vers l’ouest, il faudroit que cette montagne se trouvant à l’est de l’observateur, fût située nord-est et sud-ouest, et par conséquent tournée vers le nord-ouest ; alors le vent de nord, en tombant sur cette surface, feroit avec elle un angle de 45 degrés ; et en supposant que l’angle de réflexion fût égal à l’angle d’incidence, le vent réfléchi faisant aussi un angle de 45 degrés avec la surface qui s’étendroit du nord-est au sud-ouest, se porteroit directement vers l’ouest, comme il le faudroit.
  61. Il faut appliquer, du moins en partie, à ce second cas, l’observation que nous avons faite dans la note précédente ; mais alors la direction du vent composé ne pourra être horizontale ; elle sera nécessairement inclinée à l’horizon. Notre auteur a une infinité de vues, grandes et utiles mais plus je le traduis, plus je m’aperçois qu’il lui manque ce que j’appelle la faculté méchanique, c’est-à-dire, celle d’imaginer nettement les formes, les situations et les mouvemens.
  62. Dénomination qui paraît désigner cette dimension de l’espace occupé par les vents, qui peut être représentée par une ligne faisant un angle droit avec celle de leur direction.
  63. J’ai oui dire que certains vaisseaux avoient sur le mât de beaupré, un petit mât parallèle aux trois autres ; mais je n’ai jamais vu cette construction, quoique j’aie vu plus de dix mille vaisseaux, soit en pleine mer, soit dans une centaine de ports, de rades, et en général de mouillages.
  64. On en peut placer et l’on en place réellement 25 à 30, lorsque le vent est grand largue, c’est-à-dire, a une direction qui fait, avec celle de la route, un angle de 120, 130 ou 140 degrés. Ces voiles sont : sur le beaupré, la civadière, la fausse civadière (deux voiles quarrées) ; le grand foc, le petit foc (deux voiles triangulaires) ; au mât de misaine, la misaine, le petit hunier, le petit perroquet, un perroquet volant ou cacatois, et deux bonnettes ; entre le mât de misaine et le grand mât, la grande voile d’étai, la voile d’étai de hune (ou fausse voile d’étai), et la voile d’étai de perroquet ; au grand mât, la grande voile, le grand hunier, le grand perroquet, un perroquet volant et deux bonnettes ; entre le grand mât et le mât d’artimon, deux focs (voiles triangulaires, et même trois) ; au mât d’artimon, l’artimon (voile de figure trapézoïdale), le perroquet de fougue, la perruche, un perroquet volant ; enfin, tout-à-fait à l’arrière, un tapecu (voile triangulaire) ; ce qui fait en tout 26. Je n’ai mis des bonnettes que d’un côté, parce que j’ai supposé un vaisseau ayant vent largue : s’il avoit vent arrière, on pourroit mettre des bonnettes des deux côtés ; mais alors on seroit obligé de serrer ou du moins de carguer plusieurs voiles de derrière.
  65. Les plus petits vaisseaux français, même les vaisseaux marchands du port de 300 tonneaux, ont au mât d’artimon une troisième voile appelée la perruche ; et les vaisseaux de moyenne grandeur, sur-tout ceux de la marine angloise, ont, au dessus des perroquets, de petites voiles quarrées, appelées perroquets volans, ou cacatois, comme nous le disions dans la note précédente.
  66. Ce n’est pas à l’aide des mêmes cordes, mais à l’aide de deux autres cordes (pour chacune) fixées aux deux extrémités de la vergue respective, et qu’on appelle les bras ; opération qu’on appelle brasseyer. Il y a aussi sur chaque vergue deux cordes fixées à la partie supérieure de chaque extrémité, et appelées balancines, qui servent à les rendre à volonté horizontales, ou un peu inclinées, lorsqu’il est nécessaire. C’est sur-tout des cordes de cette dernière espèce que dépend la vie des matelots : si au moment ou vingt hommes sont sur une vergue occupés à prendre un ris, et où l’opération est presque achevée, un officier ou le maître d’équipage criant à un matelot novice, largue (lâche) le palanquin, qui ordinairement est fixé vers le milieu du vaisseau, le jeune homme largue la balancine de dessous le vent, laquelle est fixée sur le vibord, à l’instant la vergue s’appique, et elle verse les vingt hommes dans la mer : j’ai moi-même une fois, en partie, commis cette faute ; heureusement une voix terrible m’arrêta : je jurai alors de ne plus toucher à aucune corde, avant d’avoir appris leurs destinations, leurs positions, leurs passes, etc. ce qui fut l’affaire d’une huitaine de jours.
  67. Il n’est pas plus nécessaire à un vaisseau pour cette direction, que les deux focs (deux voiles triangulaires qui sont sur le beaupré), l’artimon tendant à le faire venir au vent, et les deux focs à le faire arriver. Encore dans beaucoup de vaisseaux qui sont trop ardens (qui viennent trop au vent), est-on obligé de tenir l’artimon presque toujours serré.
  68. Un vaisseau de moyenne grandeur, dont la vraie route est droit au sud, peut tenir constamment le cap à cette route, quoique le vent soit à l’ouest-sud-ouest, ou à l’est-sud-est. Ainsi sur 32 rhumbs, il n’en a que 12 contre lui, et 20 pour lui. Mais, quand il cingle ainsi au plus près du vent, il dérive : or, cette dérive, pour un voilier passable et par un vent de force moyenne, est d’environ un quart ou un rhumb (11 degrés 15 min.) ainsi c’est encore un rhumb à ôter dans chacun des deux demi-cercles ; reste donc à 18. De plus, supposons que la direction du vent fasse un plus petit angle avec celle de la route ; par exemple, que le vent étant au sud-ouest, le vaisseau (la dérive comprise) ne puisse cingler qu’au sud-est sud, il parcourra alors une ligne oblique par rapport à celle de sa vraie route, et la quantité dont il s’éloignera de cette route sera égale seulement au sinus de l’angle compris entre la direction de la route qu’il devroit suivre, et la direction de celle qu’il suit réellement : sinus pris dans un cercle dont la ligne exprimant le chemin même qu’il fera suivant la fausse route qu’il suivra, seroit le rayon. Ainsi, après lui avoir ôté deux rhumbs (pour la dérive), il faut lui en rendre au moins quatre, savoir deux de chaque côté : il y a donc, lorsque le vent n’est pas très fort, ni la dérive trop grande, 22 espèces de vents, ou plus exactement un secteur de 247 degrés et demi, comprenant les directions de tous les vents à l’aide desquels un vaisseau peut s’approcher du terme de son voyage ; savoir, un secteur de 202 degrés et demi, pour suivre la route directe, et un secteur de 135 degrés pour suivre une ligne oblique par rapport à cette route. Ces détails peuvent être utiles, non-seulement à cette jeunesse déjà éclairée pour laquelle nous travaillons, mais même aux marins de profession ; notre propre expérience nous ayant appris que leur expérience est fort peu de chose, parce qu’ils ne savent pas joindre à ce bâton d’aveugle, le micromètre géométrique.
  69. J’ai rencontré beaucoup de personnes qui s’imaginoient que l’art nautique étoit assez perfectionné pour que, dans un vaisseau do moyenne grandeur, les dangers de la navigation se réduisissent presque à rien, mais ce n’est qu’un préjugé ; car, outre les ennemis réguliers, les pirates, ou forbans, les voies d’eau, les incendies, la foudre, les trombes, les grains, les écueils, ou les vigies, le voisinage de terre, le choc des autres vaisseaux, les mauvaises manœuvres, la famine, le manque d’eau, les maladies, sur-tout le scorbut, etc. on court encore deux espèces de risques. 1°. Un vaisseau ne pouvant plus tenir, même à la cape, sous la misaine, un foc, ou une voile d’étai, et étant obligé de fuir vent arrière, et de veiller la lame, si, au moment où, soit l’officier de quart, soit le pilote, crie au timonnier, défie babord, ce timonnier se trompe, et tourne la roue du timon à babord même, il peut arriver que, le vaisseau traversant au vent, la lame furieuse fonde sur lui, défonce tous ses ponts et remplisse tout le coffre. 2°. Il peut arriver, sans que le vaisseau même coure aucun risque, qu’une lame fondant sur lui enlève la totalité, ou la plus grande partie de cette moitié de l’équipage qui est de quart (de garde). Moi-même qui écris paisiblement ceci, un jour en travaillant à la pompe dans un coup de vent, et le vaisseau étant à la cape sous la misaine, j’ai été pris par une lame, soulevé de plusieurs pieds et lancé contre les haubans, qui m’arrêtèrent : je ne pensais guère alors à traduire Bacon, mais, sans ce rude apprentissage, je n’aurois pas été en état de traduire cette histoire des vents : à ces dangers je n’ajoute point celui de se noyer, d’être dévoré par des requins, d’être estropié par mille accidens sans cesse renaissans, parce qu’il faut revenir de Terre-Neuve, de l’Amérique et de la Chine à notre sujet.
  70. Un vaisseau marchand, assez mauvais voilier, et ayant un vent très favorable, fait en 24 heures environ 50 lieues (marines de 20 au degré, de 57 060 toises). Un voilier moyen en peut faire 70, et un excellent voilier en peut faire plus de 100, c’est-à-dire, plus de 125 lieues communes de France (de 25 au degré). La fameuse Sylphide de l’Orient, presque toujours montée par l’intrépide Roque, et qui a si souvent bravé les escadres angloises, a souvent filé 21 nœuds, c’est-à-dire, sept lieues marines par heure, ou près de neuf lieues terrestres (chaque nœud répondant à un tiers de lieue marine, ou à une minute d’un grand cercle) : il en faut dire autant de la Belle-Poule ; d’un certain yacht, bordé à-clin (en recouvrement comme les tuiles sur un toit). Les marins les plus expérimentés n’ont jamais pu déterminer avec précision toutes les causes qui peuvent accélérer ou ralentir la marche d’un vaisseau : les causes les plus connues de ralentissement sont un flottage trop sale, ou d’une forme trop arrondie, sur-tout par devant ; un derrière trop peu évuidé, un bord trop haut, un pont, ou un gaillard trop embarrassé, des haubans trop serrés, etc.
  71. Lorsqu’un vaisseau a vent arrière, la forme et la position de l’artimon rendent cette voile inutile, et l’on ne peut alors employer que les voiles quarrées.
  72. On fait alors quatre opérations. 1°. On brasseye, c’est-à-dire, qu’à l’aide des deux cordes placées aux deux extrémités de chaque vergue, on amène l’une le plus en avant, et l’autre le plus en arrière qu’il est possible. 2°. On borde la voile autant qu’on le peut, c’est-à-dire, qu’à l’aide d’une corde, appelée l’écoute, on tire le plus en arrière qu’il est possible, l’angle ou le point de la voile qui est sous le vent. 3°. On tire aussi en avant le point qui est au vent, à l’aide d’une autre corde appelée l’amure. 4°. À l’aide d’une corde à trois branches, qu’on appelle la bouline, et qui est fixée par ses trois extrémités sur la ralingue (l’ourlet) de la voile, du côté du vent, on tire cette ralingue en avant le plus qu’il est possible ; par ces quatre moyens, la voile fait la planche, et prend mieux le vent au plus près ; autrement elle feroit la poche, au vent ainsi que sous le vent ; et alors le vent prenant cette poche par dessous, feroit battre la voile ; elle prendroit mal le vent, et n’auroit plus d’effet. N.B. que le concours de ces quatre opérations n’est nécessaire que pour la grande voile et la misaine ; la première suffisant pour les voiles hautes, dont chacune a deux écoutes assez faciles à border, et la seconde suffisant pour l’artimon.
  73. Cette construction auroit plusieurs inconvéniens, dont le principal seroit que le vent prendroit la voile en dessous et la feroit battre : d’ailleurs, elle est si grossière et si peu réfléchie, qu’elle ne mérite pas même d’être examinée.
  74. Dieu vous garde, ô lecteurs ! de faire route dans un vaisseau dont la voilure soit de l’invention d’un chancelier, de plaider à un tribunal où siègent des marins, et en général, d’écouter un docteur voulant parler de ce qu’il ignore, ou d’imiter un ouvrier voulant faire un métier qu’il ne sait pas.
  75. Je me trouve obligé de supprimer les deux premiers numéros de cet article ; et les raisons de cette suppression seront sensibles, à la première inspection de la phrase suivante que je vais traduire mot à mot, en plaçant le latin à coté, de pour qu’on ne prenne ma traduction pour une parrodie.

    « Le vent qui vient de la partie diamétralement opposée à la machine (au moulin), se répandant sur sa surface, se trouve resserré par les quatre voiles, et est forcé de passer dans les quatre intervalles qu’elles laissent entre elles, les quatre seuls endroits où il puisse trouver un passage ; or ce vent n’endure pas aisément une telle compression : d’où il arrive nécessairement qu’il frappe latéralement ces quatre voiles, en leur donnant, pour ainsi dire, un coup de coude ; et voilà précisément pourquoi et comment il les fait tourner, à peu près comme les enfans font tourner leur tôton, par l’impulsion latérale de leurs doigts : ventus superfundens se in adversum machinæ, à quatuor velis arctatur, et in quatuor intervallis viam suam inire cogitur. Eam com pressionem non benè tolerat ; itaque necesse est ut, tanquam cubito, percutiat latera velorum et proindè vertat ; quemadmodum ludicra vertibula digito impelli et verti solent. » Une telle explication est sans doute souverainement ridicule ; mais l’ouvrage dont elle fait partie, n’en est pas moins un chef-d’œuvre, soit pour la méthode, soit pour la fécondité des vues ; et il seroit aussi injuste d’apprécier le génie de Bacon par une phrase qui a pu lui échapper, que de juger des talens poétiques et dramatiques du divin Racine, par ces quatre vers qui sont de lui.

    L’intérêt du public agit peu sur son âme,
    Et l’amour du pays nous cache une autre flamme ;
    Je la sais ; mais, Créon, j’en abhorre le cours,
    Et vous feriez bien mieux de la cacher toujours.

    Ces quatre vers sont dans une tragédie, ce que l’explication de notre auteur est dans un ouvrage de physique ; et les deux auteurs n’en sont pas moins deux grands hommes.

  76. Le lecteur voit ici que, dans la traduction de la phrase critiquée, j’avois saisi son idée ; car, selon lui, si, dans cette troisième expérience, les ailes tournent plus vite, ce n’est pas parce qu’étant alors plus larges, et présentant au vent une plus grande surface, elles reçoivent une plus forte impulsion (cette impulsion devant, toutes choses égales, être proportionnée à la quantité de vent qui les pousse) ; mais parce que les quatre intervalles perdant tout ce qu’ont gagné les quatre ailes, et étant plus étroits, l’air, en y passant, se trouve plus resserré, les frappe latéralement avec plus de force, et leur donne un plus grand coup de coude. On voit aussi par sa dernière explication pourquoi, dans la première expérience, il avoit ajusté chaque aile une petite appendice, faisant un angle avec son plan : c’étoit afin que le vent, en passant entre les quatre ailes, frappât latéralement une surface un peu large, au lieu de ne frapper que l’épaisseur de chaque aile. La vérité est que, si le vent fait tourner les ailes, quoique sa direction soit à peu près perpendiculaire à leur plan total, c’est parce que le plan particulier de chaque aile étant incliné par rapport à la direction du vent, le mouvement de ce vent qui frappe l’aile, se décompose en deux autres, dont l’un, parallèle à son plan, glisse le long de ce plan sans lui donner aucune impulsion ; et l’autre, perpendiculaire à cette aile, tend, du moins en partie, à la faire tourner.
  77. J’ai eu quelque doute sur le sens de ce n°. D’un côté, l’on sait que le vulgaire a mauvaise opinion de la lune rousse, qui est à peu près la cinquième de l’année. De plus, comme, dans les numéros suivans, il parle successivement des premiers jours qui précèdent le quatrième ; de ce quatrième jour ; de la pleine lune, etc. il paroit que le pronostic de ce n°.-ci se tire de la considération de cette lune prise en totalité, et comparée aux autres lunes de la même année : autrement il devroit être placé entre le 21e. et le 27e. D’un autre côté, le texte original dit : quinta lunae, et cette même expression se trouve dans toutes les éditions ; il manque ici un substantif féminin, au nominatif ; s’il avoit voulu parler de la lune rousse, certainement il auroit dit quinta luna ; il paroît donc que cette expression quinta lunae, sous-entend le mot dies, et répond à celle-ci, le cinq de la lune, où nous supprimons aussi le mot jour. Le lecteur pourra opter entre ces deux interprétations : j’ai cru devoir préférer le premier sens, soit parce que je n’ai jamais oui dire, ni lu, ni observé que le cinquième jour de la lune fût un jour critique, soit parce qu’il ne me paroit pas probable qu’un auteur qui fait toujours entrer dans sa collection les traditions populaires, ait totalement oublié la lune rousse dans cet article.
  78. Ce pronostic ainsi énoncé est en contradiction avec celui du n°. précédent, où il est dit que ces halos annoncent de la pluie plutôt que du vent, etc. Pour concilier les deux numéros, il faudroit substituer à son énoncé l’un des deux suivans : Lorsque les cercles qui paroissent autour de la lune, se rompent dans quelque partie, ils annoncent un vent qui soufflera, etc. Plusieurs cercles autour de la lune annoncent toujours du vent dont la direction sera semblable à celle de la partie de ces cercles qui se rompra la première.
  79. Il paroît que tous les pronostics exposés dans les nos. 21, 22, 23, 24, 25, 26, ne regardent que le quatrième jour de la lune, quoiqu’il ne le dise que dans le n°. 27.
  80. Si l’action de la lune, envisagée comme corps lumineux (par réfexion), est de même espèce que l’action de cet astre, envisagé comme corps attirant ; ou, ce qui est la même chose, si ces deux actions sont concourantes, il est clair que cet astre, dans son plein, en attirant l’humor aqueux, en le soulevant et en le déterminant en plus grande quantité au dessus et près du point de la surface de la terre auquel il répond verticalement, doit en priver, du moins en partie, les points de cette surface auxquels il ne répond qu’obliquement, et être presque par-tout une cause de beau temps.
  81. Comme il est très probable que les températures régnantes durant deux lunes consécutives, ne sont pas plus semblables entre elles que ne le sont les températures régnantes durant deux années, deux saisons, ou grandes parties de saison, consécutives, qu’elles sont, dis-je, plutôt différentes que semblables, et plutôt opposées que simplement différentes (la succession alternative des opposés, mariés ensemble, et rendus, en quelque manière, contigus, par d’assez courts intermédiaires qui participent des deux contraires, paroissant être la forme la plus constante que la nature ait adoptée dans sa marche universelle, et dans les grandes ou petites parties de cette marche), il faudroit voir si, dans les années ou il règne un vent de sud d’une certaine force durant, un peu avant, et un peu après la pleine lune immédiatement antérieure à celle qui répond, pour le temps, au maximum du froid (lequel a lieu ordinairement dans les derniers jours de décembre et les premiers jours de janvier), un vent de nord d’une force et d’une durée proportionnelles à celles du vent de sud dont nous venons de parler, ne régneroit pas durant, un peu avant, et un peu après cette dernière pleine lune, et en conséquence n’occasionneroit pas une gelée assez âpre et d’assez longue durée ; car si cette conjecture étoit justifiée par l’observation, nous aurions un pronostic de plus à ajouter aux 13 qui ont été exposés dans la première partie du supplément à la neuvième centurie de l’Histoire naturelle : et comme il ne faut pas s’arrêter à moitié chemin, il faudroit voir si, en général, la température régnant durant, un peu avant, et un peu après une pleine lune quelconque, n’est pas opposée à celle qui règne durant, un peu avant, et un peu après la pleine lune précédente et la pleine lune suivante. Si l’observation réitérée apposoit son sceau à cette vaste conjecture, quelle utile découverte, ô lecteurs qui me suivez avec un peu d’attention ! Elle seroit, en physique, ce qu’a été, en politique, l’acquisition de la liberté et de ces loix, tout à la fois douces et fermes, qui nous assurent à tous, pour un grand nombre d’années, une protection aussi puissante que continue. Mais c’est avec un doute, c’est en tremblant que je la hazarde, cette conjecture ; et l’expérience peut, cette fois-ci, comme tant d’autres fois, me donner un démenti. Car l’influence de la lune sur les météores et la température, se combinant avec celle du soleil, celle du climat, et celle des causes locales, il me paroit fort douteux que cette succession alternative des phénomènes opposés de ce genre s’ajuste avec tant de précision au cours du premier de ces deux astres. Au reste, les observations que je propose, pourront servir du moins à décider ce dernier point.
  82. Il regarde le soleil comme une planète ; erreur toutefois qui est ici sans conséquence.
  83. La forme des nuages peut fournir de très bons pronostics, relativement au vent ou à la pluie ; et l’on conçoit aisément que cela doit être ainsi : car la forme des nuages dépend certainement, en partie, de la nature des vapeurs dont ils sont composés, et les vents, ou la pluie, en dépendent aussi : il y a donc une relation naturelle entre ces deux dernières choses et la première. Par exemple, des nuages volumineux, épais, et en forme de ballots, s’accumulant du côté de l’ouest, annoncent un vent qui soufflera de cette partie. De même, en général, des nuages allongés, et, en quelque manière, filés, annoncent un vent qui soufflera de la région répondant à l’une ou à l’autre de leurs extrémités ; et ce sera probablement du côté qui regarde l’extrémité la plus aiguë de ces nuages. Or, ce que nous disons de la forme ou de la direction des nuages, il faut l’appliquer à leur volume, à leur couleur, à leur attitude, à leurs situations, soit absolues, soit respectives, à leur élévation, à leur vitesse, etc.
  84. Nos marins ont aussi donné le nom de grains blancs à des nuages de peu de volume, et dont les navigateurs sans expérience ne se défient point, mais d’où part quelquefois un coup de vent suffisant pour faire chavirer un vaisseau, ou le démâter, s’il est fort de coté.
  85. Si chaque mode ou degré de constitution de l’atmosphère avançoit toujours d’une saison, comme il semble le faire, dans la supposition de notre auteur, dès-lors l’ordre de ces modes ou degrés seroit connu ; car alors le mode ou le degré de chaque saison, dans chaque année, seroit le même que celui de la saison suivante, dans l’année précédente : mais les choses ne marchent pas ainsi, et son assertion peut être regardée comme une supposition très gratuite.
  86. Ce pronostic est faux, comme je m’en suis assuré par moi-même. Les marins, du moins ceux de Saint-Malo, prétendent que la mer ne devient lumineuse, et (pour employer leur langage) ne brasille que lorsque le vent est actuellement, ou près d’être au nord-ouest, ou au sud-est ; ce qui est également faux.
  87. Ce que les enfans de la Capitale appellent des Barbes de Judas.
  88. Le dauphin n’est rien moins qu’un animal fabuleux, comme le croit le vulgaire des savans ; c’est un animal très réel et le plus beau poisson de l’océan ; sa couleur est verd et or, comme celle de la dorade, à laquelle il ressemble aussi beaucoup par sa forme ; mais avec cette différence qu’il a en effet la partie supérieure de la tête un peu arrondie, comme le dauphin fabuleux : cependant il n’a point une taille courte et ramassée, comme celui des poëtes et de la bibliothèque-bleue, mais au contraire une taille svelte et élégante.
  89. Les marins croient qu’au contraire les marsouins nagent ordinairement contre le vent qui doit souffler, et vont, pour ainsi dire, à sa rencontre. Les poissons de cette dernière espèce ont beaucoup plus d’analogie avec le dauphin fabuleux, que ceux dont nous parlions dans la note précédente.
  90. Il qualifie de vents ignées toutes les explosions, par exemple, celle de la poudre à canon, celle de la poudre fulminante, celle de l’éruption d’un volcan, etc. c’est un jargon qu’il s’est fait, et auquel il faut s’accoutumer.
  91. Cette augmentation de force ne vient peut-être pas de ce que la force expansive du mercure se joint à celle de la poudre à canon ; mais de ce que les petites parties de ce métal qui est extrêmement pesant, comprimant et bourrant, pour ainsi dire, en détail cette poudre, peuvent, en augmentant la réaction qu’elle éprouve dans son mouvement d’expansion, donner ainsi plus d’intensité à son action ; et il se pourroit qu’une limaille métallique, ou du gravier très menu, mêlé avec la poudre, produisit, en partie, le même effet.
  92. Le texte original dit : canones mobiles ; mot à mot, règles ou principes amovibles.
  93. L’auteur désigne, par le mot de vapeurs, les émanations aqueuses, et par celui d’exhalaisons, les émanations huileuses, ou les émanations sèches.
  94. Il désigne, par ce mot d’approximation, les effets qui approchent le plus de ceux qui sont l’objet de ces souhaits, et que l’industrie humaine s’est déjà mise en état de produire ; il l’emploie ici à peu près dans le même sens que les mathématiciens.
  95. Elle donneroit les mêmes lumières à ceux de l’ennemi ; une arme utile à tout le monde, quand une moitié de ce monde est ennemie de l’autre, n’est utile à personne ; si vous offrez à vos concitoyens un instrument pour détruire leurs ennemis, vous donnez à ces ennemis une leçon pour détruire vos concitoyens, et tôt ou tard une invention nuisible retombe sur son auteur. Comme tous les secrets de cette espèce ne sont pas longtemps gardés, parce qu’il y a, d’un côté, trop de gens intéressés à les pénétrer, et, de l’autre, trop de gens intéressés à les révéler, tous ces moyens qui ne sont utiles aux uns qu’en nuisant aux autres, finissent tôt ou tard par être nuisibles à tous. Les seules inventions vraiment dignes d’éloges, ce sont celles qui peuvent être utiles à tous et en tout état de cause, et qui, en sauvant nos amis, sauvent aussi nos ennemis.
  96. Invention qui seroit très utile aut sangsues et très nuisible aux peuples sucés. J’aimerois mieux, moi, découvrir un moyen pour leur persuader de se contenter d’un profit médiocre et de faire abonder le bled dans les marchés, quand son prix est trop haut.
  97. Eh ! pourquoi ne le seroit-il pas ? Il me paroît à moi aussi facile d’apaiser une tempête, en seringuant du vinaigre vers les cieux, que de faire sauter les rochers des Alpes, par le même moyen, comme le fit, dans certains livres, le grand chymiste Annibal, qui, alors ayant à peine du pain pour ses hommes, et du foin pour ses chevaux, étoit par conséquent très bien pourvu de vinaigre.
  98. J’ai examiné en Suisse une infinité de grottes, de cavernes, etc. et je n’y ai rien observé de semblable. Les vents d’une certaine force sont de grands effets, des effets violens, et de plus des effets intermittens. Ainsi, la plupart des vents ne peuvent être produits ni par de petites causes locales, ni par des causes dont l’action soit, rigoureusement parlant, continue, mais par des causes résidant dans une matière abondante, agissant en tout lieu et presque en tout temps, et dont l’action soit intermittente. Peut-être ce léger souffle qu’on sent, en approchant sa main d’une barre de fer, quadrangulaire, électrisée et isolée, en dit-il plus que tout son traité ; car enfin, puisque, dans un orage, au moment même où l’éclair brille, et quelquefois avant que le tonnerre se fasse entendre, on sent presque toujours une bouffée de vent, ou une flaquée de grosse pluie, ou l’un et l’autre, la considération attentive de ce maximum d’électricité, de vent et de pluie, ne fait-il pas soupçonner qu’une électricité plus foible, mais plus étendue et plus continue, est la cause la plus générale des vents et des pluies ; qu’il y a continuellement dans l’atmosphère de vastes, mais foibles orages ; que le globe terrestre est le plateau, et que le soleil est le frottoir, ou le corps perpétuellement idio-électrique, etc. etc. etc. car il faut s’arrêter pour ne pas se perdre et pour finir. Quoi qu’il en soit, en supposant même que cette conjecture soit fondée, ce n’est point du tout une raison pour rejeter toutes ces causes que l’auteur vient d’assigner, mais seulement un motif pour ajouter un chapitre à son traité.