Histoire des vents (trad. Lasalle)
Les vents ont donné des ailes au genre humain ; c’est par leur secours que les hommes se transportent et volent, pour ainsi dire, non dans les airs, mais sur les vastes plaines de l’océan ; ce qui a frayé au commerce des routes spacieuses dans toutes les directions, et a rendu le monde accessible dans toutes ses parties. Les vents sont aussi, en quelque manière, le balai de la surface du globe (surface qui est le domicile et la résidence de l’homme) ; ils balaient également tout le corps de l’air atmosphérique, qu’ils nettoient et purifient. Cependant, en bouleversant la surface des mers, qui, sans leur impulsion, seroit toujours tranquille, et n’auroit que des mouvemens peu dangereux, ils lui donnent un aspect terrible, et ouvrent des abymes à l’intrépide navigateur. D’un autre côté, ils fournissent à l’industrie humaine un moteur d’une force illimitée ; le mouvement rapide et puissant qu’ils excitent, donnant l’impulsion aux vaisseaux, aux ailes des moulins, et à certaines parties d’une infinité d’autres machines, ils sont pour notre espèce comme autant d’ouvriers à son service et à ses ordres : mouvement dont on pourroit tirer parti d’une infinité d’autres manières, si l’intelligence humaine savoit mieux se prévaloir des instrumens et des moyens qui sont en sa disposition. La nature des vents est regardée comme un mystère impénétrable ; ce qui est d’autant moins étonnant, que la nature, les qualités intimes et les plus puissans effets de l’air sont encore en partie inconnus ; nature à laquelle les vents sont subordonnés et assujettis, comme Éole, suivant les poëtes, l’est à Junon.