Histoire du Privilége de Saint Romain/Appendice/Histoire de la confrérie de Saint-Romain

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HISTOIRE
DE LA


CONFRÉRIE DE SAINT-ROMAIN,
QUI EXISTAIT ANCIENNEMENT EN L’ÉGLISE CATHÉDRALE DE ROUEN.


PAR M. FLOQUET.
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Dans notre histoire du privilège, nous avons souvent parlé de la confrérie de Saint-Romain, mais toujours incidemment et comme en passant. Cette association pieuse, qui joua long-tems un rôle si important dans le cérémonial de la délivrance annuelle du prisonnier, nous ayant paru mériter une mention spéciale et détaillée, ce motif nous a déterminés à réunir dans un même tableau ce que nous avons pu recueillir sur son origine, ses progrès et sa fin. Au xviie siècle, dom Pommeraye, dans sa curieuse histoire de la cathédrale de Rouen[1], se plaignait de n’avoir aucun mémoire qui lui donnât connoissance de l’institution de cette confrairie dans l’église de Rouen, encore bien, ajoutait-il, que, très-probablement, elle soit des plus anciennes. Il ne connaissait que les statuts de 1346, dans la confirmation desquels l’official parle de la confrérie comme existant déjà depuis long-tems « jam diù. » Plus heureux que ce savant et consciencieux historien, nous avons sous les yeux la charte originale, et jusqu’alors entièrement inconnue, de la création primitive de la confrérie. Cette charte est du mois de mars 1292. Ce fut certainement à cette époque-là que la confrérie de saint Romain commença d’exister. Mais fut-elle dès-lors créée, comme on pourrait le croire, pour rendre à saint Romain des honneurs particuliers, et pour rehausser la solennité de la délivrance du prisonnier ? Non ; la charte de 1292 ne dit pas un mot du privilége de saint Romain, ni du cérémonial de la fierte. La confrérie avait alors une autre destination, que cette charte nous indique clairement. Les huit petits chanoines des quinze marcs et des quinze livres, prébendés en l’église de Rouen, avaient remarqué avec un véritable chagrin que souvent des prêtres, des diacres, sous-diacres ou bénéficiers de la cathédrale, peu ou point rétribués, vivaient dans la misère et dans la privation de toutes choses, et qu’après une vie exemplaire et édifiante, mais pauvre à l’excès et dénuée jusqu’à l’indigence, ces malheureux ecclésiastiques mouraient dans un tel état de détresse, qu’ils ne laissaient pas de quoi payer les frais de leur sépulture. Souvent il fallait les porter malades à l’Hôtel-Dieu, où ils mouraient et étaient inhumés comme des mendians, ce qui tournait à la honte et au déshonneur de l’église de Rouen. Animés du louable désir « d’épargner désormais cet opprobre à la première église de la province », les huit petits chanoines conçurent l’idée charitable d’établir une confrérie dont la mission serait de donner aux pauvres prêtres de la cathédrale des secours temporels et spirituels. Les prêtres n’eurent qu’à entrer dans la confrérie nouvelle, et alors « si, par quelque revers, mais non par leur propre faute, ils venaient à tomber dans un état de dénuement tel qu’ils ne pussent se suffire, la confrérie venait à leur secours avec ses deniers, et leur subvenait, de manière à ce qu’ils ne manquassent de rien, et surtout ne fussent pas contraints de mendier ; car on en avait vu, précédemment, plusieurs réduits à cet excès d’infortune. Ceux d’entre eux qui, à leur mort, ne laissaient pas de quoi payer des funérailles décentes, étaient inhumés aux dépens de l’association. Telle était alors la destination de la confrérie. On le voit, rien de plus généreux que la pensée qui avait présidé à sa création ; mais dans ce que nous avons cité de la charte de 1292, et dans tout le reste de son contexte, il n’y avait pas un mot qui se rapportât au privilége de la fierte ; seulement cette confrérie était instituée sous le patronage de saint Romain, dont elle prit le nom. Les huit petits chanoines, après avoir rédigé les statuts de l’association, les présentèrent au grand chapitre de Notre-Dame, le priant de leur permettre d’établir ladite confrérie dans la cathédrale, « en l’honneur de Dieu, de la vierge Marie, des saints archevêques, patrons de cette église, savoir : saint Nicaise, saint Mellon, saint Romain, saint Ouen, saint Ansbert, saint Victrice, et autres saints patrons de l’église de Rouen, en déclarant, toutefois, qu’ils entendoient que saint Romain fût le principal seigneur et maître de la confrérie, afin qu’ils fussent secourus par les prières de ce saint pontife, occupé sans cesse à implorer Dieu en faveur de la ville et des habitans de Rouen. » Une pareille institution ne pouvant tourner « qu’à la gloire du Dieu tout-puissant, de la sainte Vierge sa glorieuse mère, de saint Romain, des autres saints patrons de l’église de Rouen, et à l’augmentation du culte divin », le chapitre dé Rouen l’autorisa pleinement, et en approuva les statuts. Le choix de saint Romain pour patron spécial n’eut alors d’autre effet que d’obliger les associés à s’assembler dans la cathédrale, le jour de la fête de la translation de saint Romain, et à faire célébrer une messe en l’honneur de cette fête. Qu’il y eût ou non alors dans la cathédrale une chapelle dédiée sous le vocable de saint Romain, ce ne fut point, du moins, une chapelle dédiée à ce saint, mais la chapelle de saint Jehan, qui fut attribuée à la confrérie pour ses dévotions et ses assemblées. Nous ne devons point omettre un article de ces statuts, qui se rapporte aux mœurs du tems. « Si quelqu’un des frères, y est-il dit, va en pélerinage, soit outre mer (c’est-à-dire à Jérusalem), soit à Rome, soit à Saint-Jacques ou ailleurs, et qu’il vienne à décéder en chemin, on célébrera pour lui une messe en la chapelle de la confrérie, dans la huitaine à dater du jour où la nouvelle de sa mort sera parvenue. »

De ces faibles commencemens, étrangers, on le voit, au beau privilége dont l’église de Rouen était, dès-lors, en pleine et paisible possession, comment put sortir cette célèbre confrérie de Saint-Romain, que l’on vit depuis figurer si activement dans le cérémonial du privilége ? Il n’est pas difficile de le conjecturer. Ainsi réunis sous le patronage de saint Romain, sans doute les confrères se pressèrent, en toutes occasions, autour de la châsse révérée du saint, la suivirent partout où elle paraissait, et conséquemment le jour de l’Ascension où elle jouait un si grand rôle. On trouva que la présence de ces confrères revêtus, apparemment, de costumes pittoresques, comme tous les costumes l’étaient alors, ajoutait encore à l’éclat de la procession et de la solennité ; et leur assistance autour de la fierte, assistance qui, au commencement, n’était pour eux que l’accessoire, finit par devenir leur principale et presque leur unique attribution. Aussi les statuts de 1292 ne furent pas long-tems en vigueur, et même ils ne le furent jamais, s’il faut en croire une apostille qu’on lit en tête de la charte, mais qui paraît n’avoir été écrite que dans le xviie siècle, et par des gens qui voulaient, on ne voit pas trop pourquoi, effacer le souvenir de l’ancienne et charitable destination de la première confrérie[2]. Ce qu’ily a de certain, c’est qu’en 1346 l’official de Rouen revêtit de sa sanction de nouveaux statuts de la confrérie de Saint-Romain, qui n’ont pas plus de rapport avec ceux de 1292, dont nous venons de donner une idée, que la nouvelle confrérie n’en avait désormais avec l’ancienne. Dans ces statuts de 1346, il ne s’agit plus de secours pour des prêtres indigens, ni de funérailles gratuites pour ceux qui n’ont rien laissé. La confrérie de saint Romain semble n’avoir presque plus d’autre objet que d’environner la châsse de son saint patron, et de rehausser, par sa présence et ses soins pieux autant qu’empressés, la solennité dans laquelle cette châsse figurait avec tant d’honneur. Les nouveaux statuts, rédigés par les dignitaires et membres de la confrérie alors en exercice, et présentés par eux à l’official, sont aussi parvenus jusqu’à nous, et nous allons en donner une idée. Commençons par dire qu’en tête de ces statuts figurent les noms des anciens associés qui les rédigèrent[3]. Outre le prévôt et l’échevin, la confrérie se composait de vingt-quatre frères servans, d’un prêtre, d’un clerc, d’un doyen, de quatre autres clercs, et d’un crieur dont l’office était d’aller par les carrefours revêtu d’une tunique bariolée de têtes de mort, demander à haute voix des prières pour l’âme des confrères trépassés[4], et de précéder leurs convois funéraires, en agitant bruyamment des clochettes. Outre cela, il y avait dans la confrérie des membres libres ; les femmes n’en étaient pas exclues. Ces détails sont extraits des statuts ; on y trouve, de plus, quelques dispositions qui tiennent aux mœurs du tems. Ainsi, le goût des pélerinages, si ancien en Normandie[5], y était encore alors dans toute sa vivacité ; et l’on conçoit que des associations pieuses devaient surtout fournir un bon nombre de pélerins. La confrérie de saint Romain avait les siens. « Se aucune personne de la dicte confrarie va en pélerinage au Saint Sépulcre oultremer (disait un article des statuts), il aura dix solz des deniers de la confrarie ; et se il va à Rome, cinq solz ; et à St.-Jaque en Galice, cinq solz ; et à St.-Gille, douze deniers. A chascun an, le lundi après Pasques, les compaignons doivent assambler à la messe sainct Anthoine, à la Magdeleine, et d’ilec aler aux murs de Grantmont, vers Soteville, pour regarder se (si) il y a pélerin de la dicte confrarie, pour lui faire paier son droit. » Ce goût pour les pélerinages survécut bien long-tems aux statuts de la confrérie de saint Romain. En 1624, une confrérie des pélerins de St.-Jacques fut érigée par M. De Péricard, évêque d’Évreux, dans l’église de St.-Jean d’Elbeuf. Chacun des confrères devait, je crois, une fois dans sa vie, se rendre à St.-Jacques, un bourdon à la main. Je me souviens d’avoir vu, il y a environ vingt ans, à Elbeuf, surtout parmi les tisserands, des vieillards qui étaient allés à St.-Jacques en Galice, ou dont les pères avaient fait ce pieux pélerinage.

La lèpre était fort commune à cette époque, soit qu’elle fût le triste fruit de ces voyages lointains[6], soit qu’elle eût sa source dans le peu de propreté que l’on avait alors. Le vieux coutumier de Normandie laissait le lépreux en possession des biens qu’il avait avant d’être attaqué de la lèpre, mais le déclarait exclus des héritages qui viendraient à lui échoir après. « Li Mésel, disait-il, ne poent estre heirs à nului......, mais il tendront leur vie l’éritage que il avoient, ains que il fussent mésel. » Celui qui était attaqué de ce mal affreux, devenu désormais un objet d’épouvante pour ses semblables, devait sortir des villes et errer dans les lieux les plus écartés ; et lorsqu’il voyait quelqu’un s’approcher de sa retraite, il agitait sa tartavelle, espèce de cresselle ou de castagnettes ; dont le cliquetis aigu avertissait le voyageur, qui s’empressait de fuir. Ce cas avait été prévu par les statuts de 1346 ; ils disposaient que « se aucune personne de la confrarie devenoit malade de la leppre, il estoit convoie jusques à la banlieue de Rouen, se, il le requéroit. » Ces convois de lépreux étaient précédés d’un cérémonial religieux des plus lugubres. « Se aucun frère devient mézeau ou ladre, on lui doit faire semblablement comme s’il estoit trespassé », disaient les statuts de la confrérie de la charité de Saint-Jean d’Elbeuf, approuvés en 1509 ; et une histoire manuscrite de la même ville nous donne, à cet égard, les détails qui suivent : « Dès qu’on s’apercevoit dans une famille qu’un individu étoit attaqué de la lèpre, on le dénonçoit au juge, qui, d’après le rapport des médecins, constattoit juridiquement son état, et le déclaroit mort civilement. On alloit avertir le curé, qui fixoit le jour et l’heure du service pour ce mort vivant. On faisoit une chapelle ardente à sa porte, dans laquelle le lépreux se tenoit debout, et enveloppé d’un drap. A l’heure marquée, le clergé venoit en procession ; et, après les prières d’usage, la procession retournoit à l’église ; le lépreux marchoit ensuite, et étoit suivi de ses parens et amis. Arrivé à l’église, il entroit dans une chapelle ardente qui y étoit préparée. Le clergé chantoit l’office des morts ; on célébroit la messe, que le lépreux devoit entendre dévotement, agenouillé sous un drap noir placé sur deux trétaux. L’officiant venait faire les encensemens autour du malheureux, et dire les prières accoutumées. Le lépreux étoit ensuite conduit à la porte de l’église, où le curé lui faisoit une exhortation, l’engageoit à la résignation, et lui ordonnoit de prendre toujours le dessous du vent, lorsqu’il parleroit à quelqu’un. Cela fait, il étoit conduit à la léproserie de Sainte-Marguerite, ou séquestré dans sa maison, s’il étoit d’une paroisse qui n’eût pas droit à la léproserie[7]. Des usages analogues existaient dans les diocèses de Tulle, de Clermont et de Saint-Flour. Dans ces deux derniers diocèses, l’officiant, en congédiant le lépreux, lui recommandait de ne boire aux sources ou aux fleuyes qu’en puisant l’eau avec un vase ; et de ne jamais quitter ses habits de lépreux. C’était après un cérémonial de ce genre, que les membres de la confrérie de Saint-Romain convoioient jusques à la banlieue leur infortuné confrère infecté de la lèpre. L’excommunication n’était pas non plus chose rare dans ces tems-là ; et il paraît que les confrères de Saint-Romain n’en étaient pas plus exempts que d’autres ; car les statuts portaient que « se (si) un frère venoit à mourir estant en aucune sentence de excommuniche, et qu’il n’eust de quoy avoir son absoulte, on luy aydoit à son absoulte empétrer, aux coustz de la frarie. » Deux fois par an, savoir, le dimanche après l’Ascension et le dimanche après la Translation de Saint-Romain, les officiers de la confrérie et les membres en exercice se rendaient au portail de saint Romaing (on appelait ainsi le grand portail du parvis), et illecques se séoient pour recevoir l’argent que les frères et seurs apportaient, c’est-à-dire la taxe annuelle à laquelle chaque membre de la confrérie était assujéti. C’est ce qu’on appelait tenir siége ou portail. Payer sa contribution annuelle, c’était payer son siége. Ces deux jours-là, on donnait à chascune personne de la confrérie ung mérel (jeton) ou ung signet pour avoir ung pot de vin pour faire sa voulenté. Chascun des compaignons avait, ces jours-là, ungs ganz (une paire de gants), ung chapel (une couronne de fleurs ou de feuillage), et ung galon de vin. Au siége du dimanche d’après la Translation « chascun avoit de plus une torche de six onches ; le prévôt et l’esquevin chascun une de demie livre ; et chascun deux gallons de vin. » Il n’y avait pas de confrérie sans banquets, sans repas de corps. Les articles des statuts de la confrérie de Saint-Romain, relatifs à cet objet, offrent des particularités curieuses. Lors des deux siéges dont nous venons de parler, « tous les compaignons debvoient disner ensamble. A chaque digner, quiconque debvoit aucune deffaulte (amende), estoit tenu à la paier ains (avant) qu’il fût assis au disner, sans contredit, par son sérement. » Le vin, les fûts et les lies qui restaient après le repas étaient vendus, au profit de la confrérie, à celui des convives qui en offrait le plus d’argent. Cette espèce d’enchère durait jusqu’à ce que le prévôt eût commencié à laver ses mains après digner. Dans ces repas, « nul n’estoit tenu à boire à guersay l’un à l’autre, se le prévôt n’avoit premièrement commencié, ou qu’il en eust donné congié, et ce à peine de quatre deniers d’amende. » Qu’était-ce que boire à guersay ou à garsoil ? car on disait l’un et l’autre. Eude Rigault, archevêque de Rouen du tems de saint Louis, visitant son diocèse, trouva qu’un chanoine nommé Roger était adonné à la boisson, et qu’il lui arrivait souvent de boire outre mesure. Le prélat lui défendit de boire, dorénavant, à garsoil. Un autre jour il apprit que le curé de Kibuef fréquentait les tavernes et y buvait à garsoil. Qu’était-ce, encore une fois, que boire à garsoil ? Si nous en croyons le docte bénédictin dom Carpentier, c’était boire à l’excès, jusqu’au gosier, usque ad garsallum ; garsallum, dit-il, signifiant gosier. Mais, on vient de le voir, par les statuts de la confrérie de Saint-Romain, les frères « estoient tenus de boire à guersay l’un à l’autre, se le prévôt avoit premièrement commencié, ou se il en avoit donné congié. » Croira-t-on que les statuts d’une pieuse confrérie, statuts approuvés solennellement par l’official de Rouen, non seulement permissent, mais ordonnassent aux associés de boire outre mesure, dès que le prévôt leur en aurait donné le signal, et cela, notez bien, des jours de grande fête ? Boire à guersay, boire à guersay l’un à l’autre, comme le disent les statuts de la confrérie de saint Romain, n’était-ce pas plutôt trinquer, choquer les verres ? Et n’était-ce pas cette dangereuse coutume, que l’archevêque Rigault avait surtout voulu proscrire, comme produisant entre des buveurs réunis une déplorable émulation qui les portait à se surpasser les uns les autres, au grand préjudice, de leur raison, de leur santé et de leur honneur ? J’entendrais d’autant plus volontiers ainsi ce passage des statuts, que, par une clause finale de ce même article, « chascun des compaignons estoit tenu d’obéir aux commendemens du prévost ès choses honnestes qui touchaient à l’honneur de la dicte confrarie. » Or, nous avons vu que lorsque le prévôt donnait le signal de boire à guersay, il fallait que les frères servans obéissent ; ils y étaient tenus. Cette obligation aurait-elle existé pour eux, si boire à guersay eût été boire outre mesure ? Était-ce là une chose honneste qui touchât à l’honneur de la confrarie ? Bien loin de là, rien n’y aurait été plus contraire ; tandis que l’action de trinquer, provoquée par le prévôt, et peu répétée, n’avait rien qui ne convînt entre des membres d’une même association, réunis autour de la même table.

En 1476, dans les premiers jours d’août, la confrérie de Saint-Romain fit représenter dans l’aître de Notre-Dame, devant l’église, un mystère de saint Romain. Six semaines entières furent consacrées aux préparatifs de cette représentation extraordinaire, que le chapitre facilita, autant qu’il put, en contribuant aux frais, et en faisant prêter à la confrérie tout ce qui lui était nécessaire pour construire des échafauds dans le parvis, et pour jouer le mystère. Non seulement tout le gros matériel de la fabrique, comme poutres, planches, claies, fut mis à la disposition des confrères ; mais on leur prêta tous les ornemens, draps, tentures, tapisseries, qu’ils demandèrent ; on leur confia aussi, mais sous bonne caution toutefois, une mitre, une crosse et tous les insignes épiscopaux indispensables à l’acteur chargé du rôle de saint Romain, rôle si important dans un long drame, qui ne devait pas être autre chose que la vie du saint pontife mise en tableaux. Deux enfans de chœur avaient été chargés de rôles d’anges ; on leur fit revêtir des tuniques, indispensables apparemment pour faire illusion dans ces rôles. Il fut permis à tous les chapelains de Notre-Dame de figurer dans le mystère, dont la représentation dura plusieurs jours ; et pendant ce tems-là, quoiqu’absens du chœur, ils furent réputés présens, et ne perdirent point leurs rétributions quotidiennes. Une des boutiques du parvis fut découverte, sans doute pour laisser aux anges la facilité de faire toutes les évolutions que prescrivait le mystère. On n’avait eu garde d’oublier le miracle du dragon ; et, à la grande satisfaction du peuple, une gargouille horrible et monstrueuse joua un grand rôle dans la pièce. Apparemment les ouvriers s’étaient évertués, et avaient fait un chef-d’œuvre du genre ; car, après le mystère, les confrères de Saint-Romain demandèrent, et le chapitre permit que cette gargouille fût placée et conservée dans la cathédrale, en l’honneur et mémoire de saint Romain[8]. Pendant plusieurs jours que dura cette pieuse représentation, l’heure des offices fut changée, et le bruit de la sonnerie ménagé de manière à ne point distraire une multitude immense, passionnée pour ces spectacles où l’on jouait les saints en voulant les honorer[9] ; Nous n’entrerons pas ici dans le détail de toutes les messes hautes ou basses que faisait célébrer la confrérie, soit en l’honneur de monseigneur sainct Roumaing, soit pour le repos de l’ame des confrères décédés. Il est tems d’en venir à ce qui était devenu, désormais, le grand objet de la confrérie de Saint-Romain. Commençons par dire que, « la vigile des festes du Pardon saint Roumaing, et de la Translation saint Roumaing », tous les confrères devaient partir processionnellement de la maison du prévôt, de manière à arriver à la cathédrale lorsque les vêpres venaient de commencer. Ils faisaient porter au milieu d’eux un cierge de trois livres, « et debvoient tous entrer au cueur, quant vespres estoient commencées, et illec, devant le maistre autel, aler tous à genoulx. Alors, le prévôt prenoit le cïerge de trois livres et l’allait offrir devant la fierte monseigneur saint Roumaing…, et avoit chascun ung chappel à icellui service faire. » Mais c’était surtout aux jours des Rogations, et à la fête de l’Ascension, que la confrérie de Saint-Romain devait figurer activement et paraître avec honneur. « Le lundi, le mardi, le merquedi et le jeudi des Processions, le prevost, les sergeans (frères servans) et tous les officiers de la dicte confrarie devoient assambler en l’ostel de l’Esquevin, à heure de retrait (de la fin) de prime ; et quand le gros saint[10] sonnoit pour assembler, ilz devoient tous assembler et aler ordénéement deux et deux ensamble (et debvoit chascun avoir ungs ganz et ung chappel [couronne de fleurs] et une verge) à la grant église de Rouen, pour aidier à porter la fierte monseigneur saint Roumaing ; et debvoit chascun faire son office, telle comme à lui appartenoit, et ensencer devant la dicte fierte ; et debvoient avoir les prestres qui portoient la fierte, et les deulx clercs qui portoient les cierges, et les trois coustres d’église, chascun une paire de ganz. Et le jour de Rouvoisons[11], le prévost debvoit eslire quatre des compaignons pour aler avecques lui, en la compaignie des prestres qui yroient querre le prisonnier au chastel pour icelui conduire et amener à la fierte saint Roumaing, la quelle y (il) debvoit porter par devant jusques au maistre autel ; et quant il avoit lessié la châsse, les compaignons le debvoient amener en la chapelle saint Jehan ou saint Roumaing, où l’on chantoit une messe secrète : et, icelle messe dicte, l’en le debvoit mener au disner chieux l’esquevin… Et, après disner, se il avoit son hostel en la ville, les compaignons tous ensemble le convoioient, se il lui plaisoit, et avoient à icellui disner dix sols d’avantage[12] de la dicte confrarie. » Chaque frère servant qui manquait à l’une des processions des trois jours des Rogations ou de l’Ascension, payait douze deniers ; le clerc autant ; le prévôt et l’échevin, pour la même faute, payaient chacun deux sols.

On le voit, la confrérie semblait alors n’avoir existé, de toute ancienneté, que pour rendre des honneurs particuliers à saint Romain, pour accroître la solennité des hommages dont il était l’objet, et celle de la cérémonie du prisonnier. Une des chapelles de la cathédrale de Rouen, dédiée sous le vocable de ce saint, lui était maintenant attribuée en propre. Dans les premiers tems, cette chapelle était la dernière du collatéral de la nef (côté droit), en partant du portail de saint Étienne et s’avançant vers le haut de la basilique. En 1517, la confrérie, s’y trouvant trop à l’étroit, obtint du chapitre une autre chapelle située dans le transept méridional de l’église, chapelle qui prit le nom de Grand-Saint-Romain. L’ancienne chapelle s’appela dès-lors, et s’appelle encore le Petit-Saint-Romain. La chapelle du Grand-Saint-Romain est celle que l’on voit encore dans le croisillon du midi, la plus voisine du portail méridional de Notre-Dame. En entrant dans la cathédrale par ce portail, on remarque, au côté droit et au-dessus du contre-retable de l’autel de cette ancienne chapelle, deux beaux vitraux peints où sont représentés les faits de la vie de saint Romain, et surtout le miracle de la gargouille. Ces vitraux sont dus à la confrérie de Saint-Romain, qui les fit exécuter en 1521, à ses frais[13]. En 1539, des bancs y furent placés, aux frais de trois membres de la confrérie de Saint-Romain, qui naguère avaient joui du privilége de la fierte[14]. En 1533, un négociant de Rouen avait donné, pour clore cette chapelle, une très-belle grille neuve, en cuivre[15]. Le jour de l’Ascension, c’était dans cette chapelle que le prisonnier, après avoir déposé la fierte sur le maître autel du chœur, entendait une messe basse, dite par le chapelain de Saint-Romain ; c’était là qu’au moment de l’offertoire il faisait hommage de ses fers au saint évêque son libérateur.

Dans les premiers siècles de l’existence de la confrérie, ses membres, ou du moins plusieurs d’entre eux, accompagnaient quelquefois les députés du chapitre, lorsqu’ils allaient (quinze jours avant l’Ascension) insinuer le privilége au parlement et aux autres juridictions de la ville. Le 27 avril 1485, lorsque dix chanoines de Notre-Dame allèrent insinuer le privilége de saint Romain à l’échiquier, où Charles VIII tenait une séance royale, ils « estoient accompaignéz de plusieurs frères servans à la confrarie de monseigneur sainct Romain, fondee en l’esglise Nostre-Dame pour les mérites et dessertes[16] du dict monsieur sainct Romain[17]. » Le jour de l’Ascension, lorsque le chapitre avait élu un prisonnier, le prévôt et quatre membres de la confrérie allaient, avec le chapelain, porter au parlement le cartel d’élection. Le prisonnier délivré par les magistrats était remis entre leurs mains, ou du moins ils l’accompagnaient et le conduisaient à la Vieille-Tour, où il levait la fierte. Le soir, il soupait et couchait chez le maître de la confrérie, qui, le lendemain, lui donnait à déjeûner et un chapeau neuf[18].

Cette confrérie entraînait à d’assez grandes dépenses ses membres et surtout ses premiers officiers. Souvent cette société appelait aux dignités de prévôt et d’échevin des bourgeois qui n’étaient pas membres de la confrérie. Quelques Rouennais riches, mais économes, s’efforçaient d’esquiver ce dispendieux honneur. Plusieurs fois, il fallut des arrêts du parlement pour les contraindre à accepter la maîtrise. En 1574, Jehan Pavyot, bourgeois de Rouen, qui voulait n'estre maistre que l’année prochaine, fut contraint par arrêt, « sous peine de 500 liv. d’amende, à subir la charge, l’année présente, et à faire les solemnités accoustumées, après toutefois que les maistres et confraires eurent déclaré qu’ilz ne le vouloient assubjectir à aucun festin et autres frays extraordinaires. » En 1575, ils avaient élu, pour être maître l’année suivante, le sieur Roque Du Génetay, conseiller de ville. Ce dernier ne réclama point, pour lors ; mais, en 1576, il demanda son exemption ; la confrérie n’ayant pas voulu y entendre, le parlement fut saisi de l’affaire. Me. Duvivier, avocat de la confrérie, dit que « de bonne et louable coustume, les bourgeoys les plus notables, et dont les facultés estoient plus grandes, estoient faicts maistres de la confrarye. » Le sieur Roque Du Génetay, élu à l’avance dès l’année précédente, sans aucune réclamation de sa part, venait, aujourd’hui, demander à être exempté ; il se prévalait de l’édit de 1566 et de lettres de franc-taupinage. Ces lettres ne lui pouvaient servir de rien en cette occurrence. On ne lui demandait que de faire le divin service, et de recevoir le prisonnier ; il devait y être contraint.

A cela, Me. Prin, avocat du sieur Du Génetay, répondit que « les confrairies estofent à faire par ceulx qui estoient confraires… Son client n’estoit point dans ce cas, et n’avoit esté esleu que par invective et par le plaisir d’un nommé Le Clerc, qui luy vouloit mal… Enfin, il avoit des lettres de franc-taupin, et exerçoit d’autres charges et fonctions publiques qui devoient le descharger. » M. Delaporte, procureur-général, se montra favorable, en cette occasion comme en beaucoup d’autres, au privilége de la fierte. « Le sieur Roque du Génetay, que son avocat a qualifié d’honorable, faict (dit-il) en ceste cause, acte du contraire. L’édict des francs-taupins a esté introduict pour gens-roturiers, et qui n’ont moyen de subir autres fonctions que viles[19]. Le sieur Roque ne doibt-il pas estre honteux de vouloir s’esjouyr du privilége des francs-taupins, qui n’est que pour des bélistres des champs, luy qui est premier conseiller de ville ? L’avocat n’a pas consulté (examiné) ceste cause ; sans quoy il rougiroit de plaider ce qu’il plaide. » — « Mais, répliqua l’avocat du sieur Du Génetay, mon client n’est pas de la confrarye ; le contraindre à estre maistre, c’est donner aux confraires de saint Romain la liberté de choisir tout le monde, voire messieurs les présidens et conseillers de ceste court. » C’était perdre le tems ; le parlement, sans avoir esgard aux lettres de franc-taupinage, ordonna que le sieur Rocque du Génetay seroit tenu de faire le service divin, et de recevoir le prisonnier, sans estre adstreint à faire autres frays, sur peine de 500 liv. d’amende. »

On appelait gèrent forcé, le maître ainsi nommé malgré lui. On l’a vu par les arrêts que nous venons de citer, ses obligations étaient moins étendues que celles des maîtres qui avaient accepté de bon gré. Elles consistaient seulement à payer le porteur de la gargouille de saint Romain, qui figurait anciennement aux processions des Rogations et du jour de l’Ascension ; à fournir, ces trois mêmes jours, aux pauvres de l’hôpital-général, une certaine quantité de pain, dépense de 200 à 400 liv. ; à payer, par forme de don, au coffre de la confrérie, une somme de 200 liv., dont il y en avait 140 destinées pour l’honoraire du chapelain ; enfin, à recevoir, le jour de l’Ascension, chez lui ou dans tout autre hospice (maison), à ses frais, le prisonnier délivré ; à lui donner ou faire donner à souper, à coucher ; et à le renvoyer, le lendemain, avec un chapeau neuf. Tout cela était indispensable. Mais, la plupart du tems, les maîtres nommés acceptaient de bonne grâce ; et alors, outre ce que nous venons de dire, ils fournissaient des jetons dans les assemblées de confrérie, deux pour chacun des confrères[20] ; leur donnaient des bouquets pour les processions des Rogations et du jour de l’Ascension ; de plus, ils donnaient deux repas de confrérie durant l’année de leur gestion ; ce qui, en tout, faisait une dépense de 1500 liv. pour le moins. Le chapitre défendait bien quelquefois ces repas ; il l’avait fait dès 1519. Le Ier. mai 1522, il intima à Jean Dufour, bourgeois de Rouen, élu prévôt ou maître de la confrérie, l’ordre de ne point faire de festins et autres divertissemens, danses et mascarades aux prochaines Rogations, et de remplacer ces superfluitéz accoutumées en aumônes pour les pauvres[21]. Mais ordinairement les maîtres de la confrérie étaient abandonnés à leur libre arbitre ; et alors ils donnaient des repas somptueux, et c’était à qui montrerait le plus de magnificence. On conçoit que quelques marchands reculassent devant cette dépense. Long-tems, toutefois, il se trouva des gérens de bon gré. Pour parvenir à l’échevinage et aux autres dignités de l’Hôtel-de-Ville, il fallait avoir été maître, ou tout au moins membre de la confrérie de Saint-Romain ; et souvent l’amour-propre parlait plus haut que l’économie. Aussi vit-on long-tems la confrérie de Saint-Romain se soutenir et prospérer, malgré les dépenses auxquelles forçait le titre de maître en charge. Outre les droits que cette maîtrise donnait aux dignités municipales, on peut croire que, dans un tems où la religion tenait une si grande place dans l’opinion, des motifs de piété avaient pu porter beaucoup de bourgeois de Rouen à désirer la maîtrise, ou du moins à l’accepter sans murmure. Mais il y a loin des xiiie et xvie siècles aux dernières années du xviiie ». Le sarcasme qui s’était attaqué à l’église et au dogme, n’avait garde d’épargner les dévotions particulières ; on jetait alors le ridicule sur les confréries d’hommes ; celle de Saint-Romain ne fut pas épargnée. Dans les plaisanteries de l’époque, on la désigna comme ayant pour mission principale la garde et le soin de la parure du dragon d’osier que le peuple appelait gargouille de saint Romain. On ne pouvait rien imaginer de plus propre à la discréditer et à en dégoûter des hommes qui appartenaient aux classes honorables de la société. Dès lors, la confrérie, découragée et humiliée, fit tout de mauvaise grâce. En 1752 et 1753, il fallut des ordres réitérés du chapitre, pour la déterminer à faire porter la gargouille de saint Romain, lors de la procession du prisonnier. Au mois de mai 1762, les maîtres ayant voulu faire des changemens considérables dans la confrérie, le chapitre chargea quelques uns de ses membres de conférer avec eux, et « de pourvoir à ce que tout se fît suivant l’usage. » Ces négociateurs agirent avec adresse, et surent si bien ménager les esprits, que, pour l’heure, les choses restèrent sur l’ancien pied ; la confrérie figura à la procession de l’Ascension, comme à l’ordinaire ; le lendemain, elle vint, avec son chapelain, présenter au chapitre le prisonnier délivré. Il en fut encore de même l’année suivante. Mais en 1764, au commencement d’avril, on sut que les confrères étaient résolus à ne point élire de maître en charge. Le chapitre en porta plainte au parlement, et obtint un arrêt qui ordonnait aux membres de la confrérie de remplir les formes usitées, lors des processions des Rogations et des cérémonies pour la délivrance d’un prisonnier. Mais c’était un bruit notoire dans la ville que les confrères de Saint-Romain refuseraient de loger le prisonnier. En effet, le jour de l’Ascension, on fit des instances auprès de M. Dupont, doyen des maîtres de la confrérie, et du sieur Duhamel, gérant des affaires de cette association, pour les déterminer à recevoir chez l’un d’eux le sieur D’Espinay de la Noë, gentilhomme délivré par le chapitre ; le clergé de Notre-Dame, et le chapelain de Saint-Romain présentèrent ce prisonnier à la confrérie, suivant l’usage ; mais ce fut en vain ; les confrères furent inébranlables dans leur refus, et n’eurent pas plus d’égard aux statuts de 1346, si formels sur ce point, qu’à deux arrêts du parlement, tout récens, qui avaient ordonné de remplir les formes usitées lors des processions des Rogations et cérémonies pour la délivrance du prisonnier au jour de l’Ascension, et ce aux dépens des revenus de la dite confrairie[22]. M. Grésil, chanoine, après avoir dressé, conformément aux instructions du chapitre, un procès-verbal de ce refus, envoya loger le prisonnier chez le greffier de l’officialité, et lui fit fournir les choses nécessaires pour sa nourriture du jour et du lendemain matin, aux réserves expresses d’en faire supporter les frais aux maîtres de la confrérie de Saint-Romain sur les revenus de la confrérie, conformément aux arrêts du 28 mai. Le lendemain, les confrères ne vinrent point, suivant l’ancien usage, présenter au chapitre le prisonnier délivré la veille ; le chapelain vint seul avec ce prisonnier. Il était évident, désormais, que les membres de la confrérie n’aspiraient plus qu’à sa suppression ; depuis 1763, le chapelain de Saint-Romain n’avait rien reçu de ses honoraires ; et enfin, tous les anciens maîtres étaient en instance au parlement, et lui avaient présenté une requête, par laquelle ils sollicitoient l'abolition de la confrairie de Saint-Romain[23]. Dans cette requête, seize négocians de la ville[24] « ayant rempli personnellement, et la plupart contre leur gré, les charges d’une confrairie dont ils ne connoissoient (disaient-ils) ni le titre, ni l’établissement, venoient aujourd’hui en confesser l’abus, et en solliciter l’abolition aux pieds de la cour protectrice du bien public et des bonnes règles. » Une des fonctions du maître en charge était, disaient-ils, « d’être le gardien d’un étendard singulier, nommé le dragon, et plus vulgairement la gargouille ; de payer le porteur de ce dragon, et de faire les frais de sa parure pour les trois jours des Rogations et pour celui de l’Ascension où il devoit paroître en public. » Après cette phrase ironique, dictée par un amour-propre qu’avaient blessé les railleries de quelques mauvais plaisans, les seize négocians insistaient sur la dépense considérable qu’entraînaient les fonctions de maître en charge. « Dans l’usage, ce fardeau, cette servitude annuelle n’avoient, jusqu’à présent, été imposés que sur ceux des citoyens de Rouen qui s’occupoient du commerce, soit en gros, soit en détail. Or, rien n’étoit plus préjudiciable et d’une plus funeste conséquence dans l’état du commerce, dont les commencemens surtout demandoient le plus d’économie et le moins de distraction, et se trouvoient, au contraire, presque toujours exposés, par un choix habituel, à ces charges subites et ruineuses... On ne vouloit pas rendre compte de toutes les chutes qu’elles avoient occasionnées ; une fausse ostentation d’aisance, une émulation encore plus vaine, des dépenses extraordinaires, le plus souvent faites à contre-temps, avoient ruiné même des pères de famille et réduit leurs enfans à l’opprobre et à la mendicité.

» On étoit revenu enfin de ce faux point d’honneur. Ce qui avoit été autrefois accepté volontairement, ce qui avoit même été sollicité avec instance et concours, ne trouvoit aujourd’hui que répugnance et refus… On ne craignoit rien tant que la corvée des confrairies. Les suppliants reconnoissoient l’embarras, le danger et même l’injustice d’imposer sur les autres la charge qu’ils avoient soufferte ; ils déféroient à l’autorité de la cour un usage abusif qu’il n’appartenoit qu’à elle seule d’anéantir et de réformer souverainement. C’étoit une espèce d’imposition sur le public, et en particulier sur un corps qui méritait toute la protection du roi et des magistrats. Le privilége étoit indépendant de la confrairie, et pouvoit exister sans elle.

» Les pauvres n’y perdroient rien ; car les suppliants étoient prêts à leur abandonner les deniers de la caisse de la confrairie et tous les biens meubles et immeubles qui lui appartenoient ; l’argenterie, les ornemens d’église, d’une valeur de 6,000 liv. au moins, et deux maisons de Rouen appartenant à la confrairie et louées environ 500 liv. par an. Ainsi, l’extinction de la confrairie produirait aux pauvres un plus grand bien que son existence ; et on n’auroit plus à redouter, dans la ville, et particulièrement dans le commerce, une charge de cette espèce, imposée sans titre, soutenue sans raison, et qui, loin de donner de l’édification aux fidèles, n’étoit qu’une occasion de dépenses inconsidérées ou de clameurs et risées scandaleuses « contre la religion même que l’on voudroit mal-à-propos y intéresser.

Ils priaient le parlement de leur donner acte de ce qu’ils renonçaient à la qualité de confrères de la confrérie de Saint-Romain, et à tous les droits et actions qui pourraient en résulter. « Ils n’entendoient dorénavant faire aucunes assemblées en cette qualité, ni procéder à la nomination forcée ou volontaire d’aucuns nouveaux maîtres ou confrères. Ils étoient prêts à remettre aux hôpitaux de Rouen la propriété des meubles et immeubles de la confrairie ; pour, à ces conditions, être déchargés de toute obligation relative aux anciens et nouveaux usages de la confrairie, comme étant instituée sans droit, sans titre et sans utilité ni nécessité quelconque. »

Qu’il y a loin de cette requête au tems où, du propre aveu de ses auteurs, la maîtrise de la confrérie était « non seulement acceptée volontairement, mais sollicitée avec instance et concours » ! Le chapitre de Rouen, sans se rendre partie dans cette affaire, présenta au parlement un mémoire contre la prétention des confrères de Saint-Romain[25]. Les fonctions auxquelles étaient obligés les confrères de Saint-Romain, étaient (disait le chapitre) étroitement liées avec l’exécution du privilége de la fierte. C’étaient eux qui faisaient présenter à la cour, par le ministère de leur chapelain, le cartel ou acte de l’élection faite par le chapitre ; ils portaient ou faisaient porter, à leurs frais, la châsse de Saint-Romain au lieu où le prisonnier obtenait sa délivrance en levant ladite châsse ; ils le conduisaient dans tous les lieux où il devait donner des marques de son repentir et recevoir des remontrances proportionnées à son crime et à la grâce qui lui était accordée ; c’étaient eux qui devaient le présenter aux chanoines rentrés dans le chœur, après la procession ; et le conduire, après qu’il avait entendu la messe, au tribunal de la vicomte de l’eau, où un religieux du prieuré de Bonnes-Nouvelles lui faisait une dernière exhortation ; enfin, ils lui donnaient l’hospitalité, et le retenaient sous leur garde depuis l’instant où la cour l’avait fait délivrer aux huissiers du chapitre, jusqu’à l’assemblée capitulaire du lendemain, qui faisait le complément de la cérémonie, et dans laquelle il recevait encore des avis salutaires par le ministère d’un chanoine. Tous ces services, marqués au coin de la religion et de la charité, étaient intimement liés à l’exécution du privilége de saint Romain, et contribuaient à la solennité de la fête. On ne pouvait les supprimer sans abolir un usage immémorial, et sans troubler l’ordre d’une cérémonie si intéressante pour la ville de Rouen et pour toute la province. Des abus s’étaient introduits dans la confrérie, par un faux point d’honneur qui, depuis quelque tems, avait porté les maîtres à enchérir les uns sur les autres en dépenses superflues et ruineuses ; mais la confrérie tout entière en était-elle responsable ? et les maîtres actuels pouvaient-ils, avec bienséance, demander sa destruction, pour des abus dont ils étaient seuls coupables et qui avaient été déjà condamnés tant de fois par les loix civiles et ecclésiastiques ? C’était à eux de se conformer aux ordonnances, arrêts et réglemens ; ainsi, il ne se trouverait plus rien que d’édifiant dans les exercices de leur société, et, par conséquent, rien qui pût porter la cour à la détruire ; c’était à eux de demander l’abolition des abus qu’ils avaient introduits dans la confrérie, ou plutôt de les abolir eux-mêmes en exécutant les arrêts de la cour qui les avaient déjà réprouvés… Mais, sous prétexte de quelques abus, solliciter eux-mêmes la destruction de leur société, c’était une conduite que la religion et la droite raison condamnaient également. On abusait de tout… Fallait-il tout détruire ? Lors de leur réception, les frères juraient, sur les évangiles, « de maintenir la confrairie bien et loyaument de tout leur pouvoir, de garder ses statuts et d’aider à mettre les mauvais au néant. » Comment des hommes qui avaient prêté ce serment pouvaient-ils aujourd’hui demander l’extinction de la confrérie, et cela en se fondant sur des abus qu’ils avaient juré d’aider à mettre au néant ? Que le parlement renouvelât, relativement à la confrérie de Saint-Romain, la défense des festins et autres frais extraordinaires, les confrères n’auraient plus à se plaindre de ce que la maîtrise était onéreuse ; et le chapitre n’aurait pas le désagrément de voir anéantir une société si ancienne, et qui contribuait à la décoration de ses solennités… L’exécution des anciens arrêts rétablirait le bon ordre, sans nuire à un établissement pieux qui subsistait depuis tant de siècles. Des repas de 1, 500 liv., des jetons de 200 liv. et autres dépenses superflues retranchées, le titre de maître de la confrérie ne serait plus à charge ; les fonctions n’en seraient plus onéreuses. La confrérie jouissant d’un revenu de 500 liv., le maître en charge n’était tenu que de donner du pain aux enfans de l’hôpital, les quatre jours des processions, ce qui coûtait 240 liv. au plus ; de donner l’hospitalité au prisonnier le jour de l’Ascension : était-ce là une dépense qui pût ruiner de riches négocians et occasionner plusieurs faillites, ainsi qu’on avait osé le dire ? L’hospitalité qu’ils étaient obligés de donner au prisonnier, le jour de sa délivrance, était une charge trop légère pour être mise en ligne de compte ; elle se réduisait à placer un convive de plus au souper du maître en charge, à le coucher, et à le gratifier d’un chapeau, le lendemain, lorsqu’on le présentait au chapitre pour y recevoir des avis salutaires sur la conduite qu’il devait tenir dans la suite. Cette dépense n’était assurément pas ruineuse, et quel négociant de Rouen pouvait en être effrayé ! Tous les frais nécessaires de la confrérie se bornaient à une dépense peu considérable ; en y joignant une aumône de pain aux quatre écoles de pauvres de l’Hôpital-général, il y avait, dans ses revenus, de quoi y subvenir. Réduite dans ses bornes légitimes, cette dépense ne serait pas onéreuse au maître. Il n’y avait donc pas de motifs raisonnables pour détruire la confrérie. Mais, dût-elle être supprimée, de quel droit les derniers confrères prétendraient-ils disposer des deux maisons qui lui appartenaient, de ses ornemens, de ses meubles, de sa chapelle ? La piété de leurs prédécesseurs les avait consacrés au culte divin. La croix et les chandeliers étaient portés dans les processions devant la châsse de Saint-Romain. Quand bien même cette relique respectable devrait être abandonnée par la désertion des confrères, on ne la porterait pas moins dans ces solennités ; et convenait-il de la dépouiller des ornemens dont, jusqu’à présent, elle avait été décorée ? A l’extinction d’une confrérie, ses ornemens et autres effets étaient dévolus à la fabrique de l’église dans laquelle elle avait été établie. Le calice, les burettes, et tous les autres objets donnés pour la célébration des messes hautes et basses qui se disaient dans la chapelle de Saint-Romain, devaient être laissés à la cathédrale. Les vendre pour en appliquer le produit à un autre usage, quelque pieux qu’il pût être, ce serait les détourner de leur destination. La confrérie éteinte, les messes n’en seraient pas moins acquittées, comme faisant partie du culte solennel rendu à Dieu en mémoire de saint Romain... On devait y voir figurer les ornemens nécessaires pour ces offices. Quant aux deux maisons, le revenu devait servir à acquitter les fondations et les charges ordinaires, les honoraires du chapelain, le salaire de ceux qui porteraient la châsse de Saint-Romain, la croix, et les chandeliers qui l’accompagnaient, l’hospitalité qui se donnait au prisonnier.

Le parlement ne se pressa point de juger ce débat, espérant peut-être que le chapitre et la confrérie finiraient par s’entendre à l’amiable. Mais c’était une résolution prise de la part des négocians derniers membres de la confrérie. Ils ne firent aucun des actes prescrits par les statuts de 1346 ; et cinq ans après, en 1770, la confrérie avait réellement cessé de paraître et même d’exister. Alors, le maire et les échevins de Rouen intervinrent au procès. La confrérie de Saint-Romain n’existant plus, dirent-ils, les biens meubles et immeubles, dont elle avait fait l’abandon aux hôpitaux, étaient demeurés sans usage ni utilité, soit dans la main des derniers confrères, soit dans celle du chapitre. Le mobilier de cette confrérie était un objet d’une grande valeur, consistant en plusieurs pièces d’argenterie, ornemens de grand prix ; le seul drap de corps avait coûté 6,000 livres. Il y avait en outre deux maisons louées ensemble 500 liv. La confrérie étant anéantie, et ayant abandonné tous ses biens aux hôpitaux, c’était un devoir sacré pour les officiers de l’Hôtel-de-Ville, de veiller à ce que les intentions de cette société fussent remplies. L’insuffisance des revenus de l’Hôpital-général étant notoire, qu’y avait-il de plus urgent que d’appliquer ces objets abandonnés au soulagement de cet hospice, à celui des pauvres, qui intéressaient toute la cité ? Dans une requête au parlement, ils priaient cette cour de leur accorder mandement pour ajourner les derniers membres de la confrérie, afin qu’ils rendissent compte des biens de la ci-devant confrérie, et en vissent faire la remise aux administrateurs de l’Hôpital-général de Rouen. Ils demandaient qu’il leur fût permis d’assigner aux mêmes fins le chapitre de Notre-Dame, en cas qu’il voulût se rendre partie. Le 15 juin 1770, sur le rapport de M. De Ranville, mandement fut accordé aux maire et échevins aux fins de leur requête. Le chapitre jeta les hauts cris. Dans un mémoire de défenses, présenté à la grand’chambre le 27 juillet 1770, il dit qu’à tort on regardait comme consommé l’anéantissement de la confrérie, lorsqu’il n’était qu’en question, puisque le parlement, saisi de cette affaire, avait ordonné que, provisoirement, la confrérie continuerait ses services. Par qui le chapitre se voyait-il assigner aujourd’hui ? Par d’anciens maîtres et membres de la confrérie de Saint-Romain, qui, maintenant, « transformés en échevins », voulaient encore, comme autrefois, s’emparer des meubles et du revenu de la confrérie, pour en disposer a leur gré. Ces hommes n’avaient pas craint, au mois de mars dernier, de surprendre le bedeau, et, sous un faux prétexte, d’enlever tous les titres, ornemens et argenterie de la confrérie de Saint-Romain ; une croix d’argent et son bâton ; deux chandeliers d’argent ; une autre croix d’argent à pied triangulaire ; un calice d’argent et sa patène ; un bassin et une cuvette en argent ; une chasuble, deux tuniques, une aube et un riche drap de corps de velours à la reine, violet. Et maintenant ils demandaient ces mêmes effets comme déposés au chapitre, eux qui les avaient enlevés, ou qui du moins n’ignoraient pas cet enlèvement ! Avant tout, ne fallait-il pas savoir si la confrérie était dans le cas d’être supprimée et anéantie ? Or, à qui appartenait-il de le décider, sinon au parlement ? Quelqu’un avait-il le droit de préjuger l’arrêt de cette cour souveraine ? Mais, le parlement prononçât-il la suppression de la confrérie de Saint-Romain, l’ordonnance royale de janvier 1560 décidait que c’était à l’entretenement des écoles qu’il fallait employer les deniers provenant des confréries supprimées. De quel droit donc le maire et les échevins intervenaient-ils, et demandaient-ils les biens de la confrérie de Saint-Romain pour en gratifier les hôpitaux ? Quelle que fût la destination qui serait donnée à ces biens, l’ordonnance de 1560 et celle de Blois ne décidaient-elles pas encore que la distribution de ces biens ne devait se faire que la charge du service divin déduite et satisfaite ? En supposant donc prononcée la suppression de la confrérie, ne devait-on pas déduire sur son revenu ce qui était nécessaire pour satisfaire à la dépense du service divin dans la cathédrale, et par exemple aux deux grandes messes fondées, l’une pour le jour de la fête de Saint-Romain, l’autre pour le jour de la fête de l’Ascension, et de plus pour la basse-messe qui se disait le même jour, l’après-midi, pour le prisonnier, à la chapelle de Saint-Romain, et beaucoup d’autres charges que le chapitre ne pouvait, en ce moment, indiquer d’une manière précise, les confrères En cas de suppression, si partie des revenus devait continuer d’être employée au service divin, les ornemens affectés jusqu’alors à ce service ne devaient-ils pas surtout continuer d’y être consacrés, donnés qu’ils avaient été d’ailleurs par d’anciens confrères dont leurs successeurs, démissionnaires, devaient respecter la piété ? Sans doute le parlement, connaissant toute l’importance de conserver et ces fondations, et la dignité de la fierte de Saint-Romain et cérémonie de la délivrance du prisonnier, n’écouterait ni la demande des membres de la confrérie, ni encore moins celle des maire et échevins.

Après que cette affaire eut encore traîné pendant six années entières, enfin, le 3 août 1776, une transaction définitive intervint entre le chapitre et le sieur Duhamel, marchand à Rouen, dernier maître de la confrérie de Saint-Romain. Les parties demeurèrent d’accord que la confrérie de Saint-Romain n’avait jamais eu d’existence légale, attendu qu’elle n’avait pas été autorisée par des lettres-patentes. Il fut convenu que les parties solliciteraient, d’accord, un arrêt de la cour qui adjugerait à la fabrique de Notre-Dame la croix d’argent et les deux chandeliers d’argent pour être portés dans les cérémonies où figurait la châsse de Saint-Romain ; que le calice, la patène, le plat et la burette, aussi d’argent, resteraient également à la fabrique, pour l’acquit des messes fondées en la chapelle de Saint-Romain ; mais que les autres effets seraient remis à l’hôpital ; que la propriété et jouissance des deux maisons de la ci-devant confrérie appartiendraient aussi à l’hôpital, qui continuerait, comme par le passé, d’envoyer les écoles des pauvres aux processions des Rogations et à celle de l’Ascension, ce dont ledit hôpital ne pourrait se dispenser, sous quelque prétexte que ce fût, cela étant une clause irrévocable de la transaction ; sauf à l’hôpital à ne fournir du pain, lesdits jours, auxdites écoles des pauvres, qu’autant qu’il le jugerait à propos. Cette transaction, signée des parties,[26] fut homologuée par le parlement le 14 août 1777, et exécutée l’année suivante, d’accord entre le chapitre et les membres de l’association dissoute. Ainsi finit la confrérie de Saint-Romain, après une existence de près de cinq siècles. En 1789, sir Edouard Baronet, qui ignorait tout ce que nous venons de rapporter, chercha vainement dans la cérémonie du prisonnier quelques traces de la confrérie de Saint-Romain, dont parlaient d’anciens ouvrages qu’il avait lus. Il ne vit rien qui la rappelât. Aussi, dans sa lettre sur le privilége de saint Romain, il dit « qu’il ne paroissoit plus que cette confrérie existât, et conséquemment ses cérémonies. »

  1. Histoire de la cathédrale de Rouen, page 685.
  2. On y lit ces mots : Nunquam fuerunt in usu hæc statuta.
  3. C’étaient Vincent De Croisset, alors prévôt, et Guillaume De Hatentot, échevin ; puis les frères servans dont les noms suivent : Étienne Mandois, Honoré De Hesque, Jehan Mutel, Jehan Bécart, Jehan Duchemin, Jehan Goraen, Jehan Guerard, Jehan De St.-Cande, Jehan De la Mote, Jehan Le Maréchal, Jehan Rose, Jehan Loisel, Jehan Cauderon, Jehan Rossignol, Mathieu Hélye, Nicolas Mure, Nicolas le Parmentier, Pierre De Marguerit, Raoul Duclos, Robert Levasseur, Richard De Gaillon, Richard Bernard, et Roger Paste. En 1418, la confrérie comptait parmi ses membres le célèbre Alain Blanchart, dont le nom sonne tout autrement que ceux qui précèdent.
  4. « Doit le déen faire crier par les carrefours, chascun lundi, que chascune personne die sa patenostre pour les âmes des corps trespassés de la dicte confrarie. » (Art. 21 des statuts de 1346.)
  5. Michaud, Histoire des Croisades, tome 1er., page 174.
  6. Michaud, Histoire des Croisades, livre XIIe.
  7. Histoire manuscrite de la ville d’Elbeuf, composée en 1782.
  8. « Ordinatum… quod illa bellua seu gargouilla (gargouille gallicè), que ad opus ipsius misterii composita seu figurata extitit, ipsis fratribus volentibus et requirentibus, ad honorem et memoriam ipsius sancti, in hâc ecclesià reponenda et custodienda recipiatur in aliquo loco, de quo per magistros fabricè cum ipsis fratribus fuerit advisatum. » (Reg. capit.)
  9. Regist. capit., 28 juin ; 18, 30 juillet ; 1er, 2, 3, 5 et 9 août 1476.
  10. Saint est ici pour sin, qui veut dire cloche ; du latin signum.
  11. Rouvoisons, c’est-à-dire Rogations ; du mot rogationes. On appelait l’Ascension le jour des Rouvoisons, parce que cette fête était en effet le dernier jour et le plus solennel des Rogations.
  12. Avantage, don, gratification, distribution.
  13. Essai sur la Peinture sur verre, par M. Ë.-H. Langlois, in-8o., 1832.
  14. Reg. capit., 17 avril 1539.
  15. Reg. capit., 29 novembre 1533.
  16. Dessertes signifie aussi mérites ; du vieux mot desservir, mériter.
  17. Registres de l’échiquier.
  18. Ce jour là, les confrères le conduisaient au chapitre, où il recevait une semonce et sa pancarte de délivrance.
  19. En 1448, Charles VII voulant avoir des compagnies d’infanterie toujours prêtes à marcher à son ordre, ordonna que chaque paroisse du royaume fournirait un archer « le plus droit et aisé pour le fait et exercice de l’arc, qui se pourroit trouver en chacune paroisse. » Ces archers étaient « francs et quittes de toutes tailles et charges quelconques » ; d’où on les appela francs-archers, et aussi francs-taupins, ces archers étant pris parmi les paysans, que l’on appelait taupins, à cause des taupinières, dont les clos des gens de la campagne sont ordinairement remplis. (Voyez l’histoire de la milice française, par le père Daniel, livre 4, tome 1er , page 172 de l’édition in-4o de 1724.)
  20. Nous avons fait graver, sur le titre de cet ouvrage, un jeton de la confrérie de Saint-Romain, frappé en 1711 ; il appartient à M. Chéron, avocat à Rouen, qui a bien voulu nous le confier. Ce jeton, en argent, représente, d’un côté, saint Romain entre le prisonnier agenouillé qu’il bénit, et la gargouille que ce dernier va emmener. Dans le fond, on voit la cathédrale de Rouen, telle qu’elle était encore avant l’incendie de 1822 ; la flèche de Robert Becquet est facile à reconnaître. Ce côté du jeton porte l’inscription : PRIUILEGIVM ECCLESIÆ ROTHOMAGENSIS. Au-dessous on lit ; CONFRAIRIE DE ST. ROMAIN. L’autre côté du jeton représente le prisonnier couronné de fleurs, portant, par le brancard de devant, la chasse de Saint-Romain, qu’un prêtre porte par le brancard de derrière. Au-dessous on lit le millésime 1711. Autour est cette inscription : DVLCE ONVS VINCVLA SOLVENS.
  21. Histoire de l’église cathédrale de Rouen, par Pommeraye, page 686. — « Quatenùs, durantibus Rogationibus proximis, se abstineant confratres ab conviviis excessivis et insolenciis, et quod in loco superfluitatum quae fieri consueverunt, faciant elemosinas pro pauperibus et similiter quod caveant à chorœis et mimis. » (Reg. capit., 1er mai 1522.)
  22. Un de ces arrêts est du 28 mai 1764.
  23. Requête en 10 pages in-4o., imprimée chez Jacques Dumesnil, rue de la Poterne, à Rouen, 1764.
  24. Les sieurs Dupont, N.-L. Dupuis, I. Méry, A. Le Breton, Isambert, La Motte, D.-P. Duhamel, P. Le Normand, C. Dufour, Jacques Collombel, Anselme Bulande, Louis Quesnel, Jacq. Gossey, J.-B. Davoult, Marin Cahière, et G.-F. Dodard.
  25. Mémoire pour les doyen, chanoines et chapitre de l’église métropolitaine de Rouen, au sujet de la confrairie de Saint-Romain établie en la dite église (18 pages in-4o.), imprimé à Rouen chez J. Le Boullenger. 1765.
  26. Cette transaction fut signée par MM. les chanoines Grésil, De Roffet, et De Saint-Gervais ; par M. L. Mèry, ancien échevin, ancien membre de la confrérie de Saint-Romain, et par M. Le Bourgeois de Belleville, ancien échevin.