Histoire du chevalier Grandisson/Lettre 118

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Nouvelles lettres angloises, ou Histoire du chevalier Grandisson
Traduction par Abbé Prévost.
(tome VIIIp. 25-26).

LETTRE CXVIII.

Clémentine au Chevalier Grandisson.

On me remet votre Lettre. Que puis-je vous répondre. Je souhaite de vous voir, mais je n’en ai point la hardiesse. Votre bonheur, dites-vous, en dépend. Pourquoi ce langage ? Je souhaite de vous voir heureux. Cependant, si vous souhaitiez que je le fusse aussi, vous ne m’auriez pas laissée dans l’incertitude sur la situation de ma Famille. Votre silence n’est pas sans dessein. Il n’est pas digne du Chevalier Grandisson. Vous l’avez cru propre à m’arracher un consentement, que vous n’esperiez point d’obtenir par d’autres voies. Mais pouvez-vous faire grace à la téméraire Clémentine ? Le Ciel est pitoyable, comme il est juste. Vous l’imitez ; cependant, tout humiliée que je suis, comment paroître aux yeux d’un homme dont j’ai toujours respecté le caractere, & pour lequel mon admiration ne fait qu’augmenter depuis que je suis en Angleterre ?

Mais vous croyez-vous capable, Monsieur, me promettez-vous d’engager ma famille à me laisser vivre dans le célibat ? Pouvez-vous répondre en particulier que je ne serai plus importunée par le Comte de Belvedere ? Me garantissez-vous le pardon, non-seulement pour moi, mais pour ma pauvre Laura ? Vous chargez-vous de prendre à votre service, ou de placer honnêtement le jeune homme qui s’est conduit sans reproche au mien ? car il ne souhaite point retourner en Italie.

Répondez à des questions si simples ; & vous aurez d’autres éclaircissemens de

Clémentine.