Histoire du chevalier Grandisson/Lettre 56

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Nouvelles lettres angloises, ou Histoire du chevalier Grandisson
Traduction par Abbé Prévost.
(tome IVp. 101-127).

LETTRE LVI.

Miss Byron à Miss Selby.

Le tems ne m’ayant pas permis d’achever la Lettre, il me reste de la matiere pour en faire une seconde.

J’ai laissé Sir Charles avec le Docteur Barlet. Ils vouloient me retenir plus long-temps ; mais j’ai fait réflexion qu’il pouvoit paroître étrange aux Dames, de me trouver avec lui dans le cabinet du Docteur. Mylord & les deux Sœurs s’étoient déja rassemblés. Henriette, m’a dit Miss Grandisson, en me voyant arriver, nous sommes résolues de faire aujourd’hui tous nos efforts pour pénétrer dans le cœur de mon Frere. Il faut que vous soyez présente, & que vous y mêliez quelques mots. Nous verrons si le Docteur nous trompe, lorsqu’il nous assure que mon Frere est le moins réservé des hommes. M. Barlet est entré au même moment. Je crois, Docteur, lui a dit Mylady L… que nous suivrons votre conseil, & que nous ferons à mon Frere toutes les questions qui nous viendront à l’esprit, sur ses engagemens dans les Pays étrangers. Elle n’avoit point achevé, lorsque Sir Charles a paru. Il s’est assis auprès de moi ; & je crois avoir observé qu’il me regardoit avec un mélange de respect & d’amitié.

Miss Grandisson a commencé fort adroitement par rappeler la Lettre qui regarde Mylord W… dont elle a dit à son Frere que le Docteur nous avoit lu quelques articles. Elle souhaitoit beaucoup, a-t-elle ajouté, de savoir sur qui Sir Charles avoit jeté les yeux pour en faire la femme de leur Oncle.

Il a répondu qu’avant que de la nommer, il souhaitoit lui-même d’avoir quelques momens d’entretien avec elle ; qu’il étoit sûr qu’elle seroit approuvée de ses Sœurs, si elle acceptoit les offres de Mylord ; & son dessein étoit de lui rendre une visite, en revenant du Château de Grandisson. Ensuite il a proposé à Miss Charlotte de l’accompagner dans ce voyage, qu’il ne pouvoit différer plus long-temps, parce qu’il devoit assister à l’ouverture de sa nouvelle Église. Cette partie sera si courte, a-t-il dit à Mylord & Mylady L… que je ne vous propose pas d’en être aussi. Je compte arriver Vendredi prochain, pour revenir le Mardi d’après.

Miss Grand. Je crois, mon Frere, que je vous prierai de m’excuser. Si vous deviez passer huit ou quinze jours dans votre Terre je vous accompagnerois volontiers, & je m’imagine que Mylord & Mylady L… seroient aussi du voyage.

Sir Charles. Je suis obligé de me trouver à Londres d’aujourd’hui en huit jours. Mais vous pourriez passer, au Château de Grandisson, le tems que vous desirez. Vous trouverez des amusemens dans le voisinage. Votre Cousin y sera. Il fera les honneurs du Canton ; & si je juge de vos sentimens, par la liberté avec laquelle vous le traitez, peut-être est-il mieux dans votre cœur que vous ne pensez vous-même.

Miss Grand. Votre servante, Monsieur. Mais j’aurai mon tour. De grace ; Sir Charles, puis-je vous demander… nous sommes ici entre Freres & Sœurs.

Sir Ch. (En souriant). Doucement, Charlotte. Si c’est par représailles que vous me faites des questions, je ne réponds point.

Miss Grand. Par représailles !… pas tout-à-fait non plus. Mais, suivant la Lettre que M. Barlet nous a lue, lorsque Mylord W… vous a proposé de penser au mariage, vos réponses nous ont fait craindre que vous n’y ayez point d’inclination.

Mylady L. Vous n’êtes pas cérémonieuse, Charlotte.

[Sérieusement, Lucie, elle m’a fait trembler.]

Miss Grand. Pourquoi des cérémonies entre de si proches Parens !

Sir Ch. Écoutons Charlotte.

Miss Grand. Je voudrois donc vous demander, Monsieur, si votre dessein n’est pas de vous marier un jour ?

Sir Ch. oui, Charlotte, c’est mon dessein. Je ne me croirai point heureux, si je n’obtiens, quelque jour, la main d’une femme aimable.

(Je crains bien, Lucie, d’avoir marqué visiblement du trouble. Je ne savois…)

Miss Grand. Fort bien, Monsieur… Et de grace encore, n’avez-vous pas vu, soit en Angleterre, soit ailleurs, la femme que vous souhaiteriez de pouvoir nommer la vôtre ? Soyez sans crainte, mon Frere. Vous m’avertirez lorsque je deviendrai impertinente.

Sir Ch. Vous ne sauriez l’être, Charlotte. Si vous voulez savoir quelque chose de moi, la plus agréable voie que vous puissiez prendre est d’aller droit au but.

Miss Grand. Hé bien, si je ne puis être impertinente, si vous aimez qu’on aille au but par le plus court chemin, & si vous avez de l’inclination pour le mariage, pourquoi, s’il vous plaît, vous êtes-vous refusé aux propositions de Mylord W… en faveur de Mylady Françoise N… de Mylady Anne S… & de je ne sais combien d’autres ?

Sir Ch. Les Amis de la premiere de ces deux Dames ont manqué de générosité avec mon Pere. Toute sa famille a trop fait valoir le crédit & le titre du sien. Je n’ai pas voulu me mettre dans la dépendance d’un homme public. Mon bonheur, autant qu’il est possible, sera fixé dans ma sphere. J’ai des passions vives. Je ne suis pas sans ambition. Si j’avois lâché les rênes à la derniere, tout jeune que je suis, ma tranquillité dépendroit à présent des caprices d’autrui. Cette réponse, Charlotte, vous satisfait-elle pour Mylady Françoise ?

Miss Grand. Assez ; & d’autant plus qu’il y a une jeune personne que j’aurois préférée à Mylady Françoise.

(J’ai pensé, ma chere, que je ne devois pas être présente à cette conversation : Mylord L… m’a regardée. Mylord L… n’auroit pas dû me regarder. Les Dames ne l’ont pas fait).

Sir Ch. Eh ! qui est-elle ?

Miss Grand. Mylady Anne S…, vous le savez. Puis-je demander, Monsieur, pourquoi cette ouverture n’a pas eu de succès ?

Sir Ch. Mylady Anne est une personne de mérite, je n’en doute point ; mais sa fortune auroit été mon principal motif, si je lui avois adressé mes soins ; & jamais cette seule vue ne m’a conduit deux fois chez une femme.

Miss Grand. Ainsi, Monsieur, je suppose que c’est à quelque Dame Étrangère que vos soins se sont adressés.

Sir Ch. J’avois cru, Charlotte, que votre curiosité ne s’étendoit qu’aux Dames d’Angleterre.

Miss Grand. Pardonnez-moi, Monsieur ; elle regarde toutes les femmes, sans distinction de Pays, s’il y en a quelqu’une en effet qui ait donné de l’éloignement à mon Frere pour les offres qu’on lui a faites ici, & contre lesquelles nous ne connoissons point d’objection. Mais vous me laissez entrevoir que quelque Étrangère…

Sir Ch. (L’interrompant). J’espere, Charlotte, que si votre tour revient, vous serez aussi naturelle dans vos réponses que vous l’êtes dans vos questions.

Miss Grand. Votre exemple, Monsieur, sera ma règle.

Sir Ch. N’ai-je pas répondu nettement sur toutes les personnes que vous avez nommées ?

Miss Grand. Je ne m’en plains pas, Monsieur. Mais n’avez-vous pas vu des Femmes, dans les Pays Étrangers, pour lesquelles vous ayez eu plus de goût que pour celles que j’ai nommées ? Répondez à cette question.

Sir Ch. J’en ai vu, Charlotte ; non-seulement dans les Pays Étrangers, mais en Angleterre aussi.

Miss Grand. Je ne sais ce que je dois dire là-dessus… ; mais de grace, Monsieur, n’avez-vous pas vu d’Étrangère, qui ait fait plus d’impression sur vous qu’aucune Dame d’Angleterre ?

Sir Ch. Non. Mais apprenez-moi, Charlotte, à quoi tendent toutes ces questions ?

Miss Grand. Uniquement, mon Frere, à vous faire connoître que nous sommes impatientes de vous voir heureusement marié, & que nous craignons que votre éloignement, pour les propositions qu’on vous fait, ne vienne de quelqu’autre attachement. Voilà tout.

Mylord L… Voilà tout, cher Frere.

Mylady L… À présent, si Sir Charles vouloit satisfaire notre curiosité !

[Croyez-vous, Lucie, que toute ma présence d’esprit m’ait jamais été plus necessaire ? Sir Charles a soupiré. Il est demeuré quelques momens sans répondre.]

Sir Charles. Vous êtes trop bonnes, trop généreuses, de souhaiter si ardemment de me voir marié. J’ai vu la personne que je crois seule capable, entre toutes les femmes du monde, de me rendre véritablement heureux.

(Il a rougi. Il a baissé la vue. Pourquoi rougir, Sir Charles ? Pourquoi baisser la vue ? L’heureuse personne n’étoit pas présente… L’étoit-elle ? Ah ! non, non, non).

Sir Ch. Vous reste-t-il d’autres questions à me faire ?

Miss Grand. Une seule. Cette personne est-elle Étrangère ?

Avec quel empressement tout le monde, excepté moi, l’a regardé ici pour attendre sa réponse ! Il a réellement hésité. Enfin il a dit à Charlotte, qu’il la prioit de l’excuser, s’il se dispensoit de répondre à une question qui lui causoit quelque embarras, parce qu’elle conduisoit à d’autres explications qu’il ne pouvoit actuellement se donner à lui-même, & sans lesquelles la réponse seroit inutile. Pourquoi donc ? Ai-je pensé.

Mylord L… Nous serions fâchés, Sir Charles, de vous causer la moindre peine. Cependant…

Sir Ch. Hé bien, cependant… Continuez, cher Mylord.

Mylord L… Tandis que j’étois à Florence, on parla beaucoup…

Sir Ch. D’une Dame de cette Ville, qui se nomme Olivia ? J’en conviens ; elle a mille qualités estimables. Mais je n’ai jamais rien desiré d’elle. Elle m’a fait trop d’honneur. Je ne la nommerois pas si facilement, si elle avoit apporté plus de soin elle-même à cacher la distinction dont elle m’honoroit. Mais j’ose m’assurer, Mylord, que vous rendrez justice à sa réputation, & que vous n’avez jamais entendu blâmer, dans sa conduite, qu’un excès de prévention pour un Étranger.

Mylord L… Votre caractere, Sir Charles, faisoit honneur à son goût.

Sir Ch. Partialité fraternelle, Mylord. Mais indépendamment de cette Dame, avec laquelle je n’ai pas eu la moindre liaison, j’avoue que mon repos a beaucoup souffert d’un tendre défaut que la nature a mis dans ma constitution, & sans lequel néanmoins je ne voudrois pas être.

Émilie, touchée du ton dont il a prononcé ces derniers mots, n’a pu retenir ses larmes. Un soupir qu’elle s’est efforcée d’étouffer, ayant attiré notre attention sur elle, Sir Charles s’est levé ; il a pris sa main ; il a voulu savoir pourquoi son Émilie pleuroit ? Parce que vous, lui a-t-elle répondu, qui méritez si bien d’être heureux, vous ne le paroissez pas. Les tendres exemples, Lucie, sont contagieux ; j’ai eu beaucoup de peine à ne pas pleurer aussi.

Il a consolé son Émilie avec une vive bonté. Mon malheur, lui a-t-il dit, ne vient que de celui des autres. Sans cet obstacle, je serois heureux dans moi-même, parce que je m’accommode aux maux que je ne puis éviter, & que je me fais, autant qu’il est possible, une vertu de la nécessité. Mais, Charlotte, voyez combien vous nous avez rendus graves. Il est tems de quitter un sujet trop sérieux.

Il est tems de le quitter ! La derniere question lui cause quelque embarras, parce qu’elle conduit à d’autres explications, qu’il ne peut se donner actuellement à lui-même !

Quoiqu’il en soit, je vous demande, ma chere, avant que de continuer mon sujet, ce que vous croyez pouvoir conclure de tout ce que vous avez lu jusqu’ici. S’il est lui-même dans les tourmens de l’incertitude, il mérite moins de blâme que de pitié. Mais ne pensez-vous pas qu’il auroit dû nous dire, si la Dame étoit Étrangère ou non ? Comment pouvoit-il savoir quelle seroit la question qui viendroit après ?

J’ai eu l’assurance de demander ensuite à Miss Grandisson, s’il y avoit eu quelque chose à recueillir de ses yeux, lorsqu’il a parlé de cette femme qu’il préféroit à toutes les autres ? J’étois assise près de lui, & Miss Grandisson vis-à-vis de nous. Elle m’a dit qu’elle ne savoit quel jugement porter, mais que soit Étrangère ou Angloise, son Frere avoit une femme dans le cœur, & qu’elle croyoit lui voir tous les symptômes de l’Amour.

Je suis de l’opinion de Charlotte. Des sentimens si tendres, tant de douceur dans les manieres, tant d’harmonie dans la voix ! c’est à l’amour qu’il a toutes ces obligations ; & ne doutez point que la Dame ne soit une Étrangère. Il seroit bien étrange que dans l’espace de sept ou huit ans, un homme tel que lui n’eût point engagé son cœur, surtout à l’âge qui est proprement le regne des passions. Mais que veut-il dire, lorsqu’il se plaint « de ce que son repos a souffert par un tendre défaut dans sa constitution ? » Il parle sans doute de sa compassion pour quelque malheureux objet. Je retournerai dans peu de jours à la Ville ; je m’y préparerai à me jeter incessamment dans les bras de mes chers Amis de Northampton-Shire ; sans quoi j’augmenterois peut-être le nombre de ceux qui ont troublé son repos.

Mais n’est-il pas bien surprenant qu’il n’ait pu dire, si la Dame est Étrangère ou non ? Docteur Barlet, vous êtes dans l’erreur. Sir Charles n’est pas aussi peu réservé que vous le pensez. Et vous, Émilie, chere petite Flatteuse ! comment avez-vous pu me dire que vous avez observé ses yeux, & que vous les avez toujours vu tendrement inclinés vers moi ? Oui ; peut-être s’occupoit-il alors à faire, entre les traits de son Étrangère & les miens, des comparaisons qui n’étoient point à mon avantage.

Mais cette Olivia, chere Lucie. Il faut que je me procure un peu plus d’information. Rien, dit-il, à desirer d’elle. Malheureuse femme ! Il me semble que je suis portée à la plaindre.

Passons, passons à la suite de mon sujet. Je voudrois lui trouver quelque défaut. C’est une chose cruelle de se voir comme forcée de se fâcher contre un homme, dans lequel on ne voit rien à blâmer. Cependant vous l’allez voir de mauvaise humeur. N’êtes-vous pas impatiente, Lucie, de savoir comment Sir Charles s’y prend lorsqu’il est de mauvaise humeur ?

À présent, Charlotte, a-t-il repris, (comme s’il eût pleinement répondu aux questions de sa Sœur ; Oh ! ces hommes, Lucie !), permettez que je vous interroge à mon tour. Je reçus hier une visite de Mylord G… Quelles sont vos vues, ma chere, par rapport à lui ? Mais peut-être aimeriez-vous mieux que cette affaire fût traitée en particulier. Passons dans le Cabinet.

Miss Grand. Je regrette, Sir Charles, de ne vous avoir pas proposé aussi de passer dans le Cabinet. Peut-être m’auriez-vous donné plus d’éclaircissement que je ne puis me vanter d’en avoir reçu.

Sir Ch. Je suis prêt à sortir avec vous, si vous le souhaitez ; & j’écouterai avec plaisir toute autre question.

Miss Grand. Pour moi, Monsieur, il n’y en a point à laquelle je ne sois prête à répondre devant cette chere compagnie.

Sir Ch. Vous savez, Charlotte, ce que je vous ai demandé.

Miss Grand. Que me conseilleriez-vous dans cette affaire ?

Sir Ch. Je n’ai qu’un conseil à vous donner ; c’est de refuser ou d’agréer les offres de Mylord G…, si vous êtes sûre de vos propres dispositions.

Miss Grand. Je crois, mon Frere, que vous avez envie de vous défaire de moi.

Sir Ch. Vous agréez donc la recherche de Mylord G… ?

Miss Grand. Cette conséquence est-elle juste, Monsieur ?

Sir Ch. Vous ne supposeriez pas autrement, que je pense à me séparer de vous. Mais venez, chere Charlotte, passons dans le Cabinet. Je conçois qu’il est difficile à une femme de répondre directement à ces questions en compagnie, sans en excepter celle de ses plus chers Amis.

Miss Grand. Je puis répondre ici à toute question qui regardera Mylord G…

Sir Ch. Votre dessein n’est donc pas de rejeter ses offres ?

Miss Grand. Je ne vois pas que cette conséquence soit plus juste que l’autre.

Sir Ch. Elle est juste, du moins si j’entends quelque chose au langage des femmes.

Miss Grand. J’avois cru mon Frere trop poli, pour faire des réflexions injurieuses à mon sexe.

Sir Ch. Quoi ? c’est une injure, de dire que j’entends quelque chose au langage des femmes ?

Miss Grand. C’en est une, dans le sens que vous l’avez dit.

Sir Ch. Hé bien, employez donc un langage qui ne vous expose pas à ces interprétations.

Miss Grand. Je crains, cher Frere, que vous ne soyez mécontent du mien. Je répondrai plus directement.

Sir Ch. C’est ce que je desire, chere Charlotte. J’ai promis à Mylord G… de lui procurer une réponse.

Miss Grand. La veut-il concise, Monsieur ? Est-ce oui ou non qu’il demande ?

Sir Ch. Prenez un peu de confiance en moi, Charlotte. Vous le pouvez, malgré toutes vos délicatesses.

Miss Grand. Me refusez-vous votre conseil ?

Sir Ch. Je vous en donne un ; c’est de suivre votre inclination.

Miss Grand. Supposez que si je connoissois la vôtre, elle emporteroit la balance.

Sir Ch. Cette balance est-elle égale ?

Miss Grand. C’est ce que je ne dis pas non plus.

Sir Ch. Congédiez donc Mylord G…

Miss Grand. En vérité, mon Frere, vous êtes fâché contre moi.

Sir Ch. [S’adressant à moi.] Je suis sûr, Miss Byron, que sur les points de cette nature, je trouverai en vous une Sœur bien différente, quand j’aurai le plaisir de lire vos Lettres. M. Reves m’a dit un jour qu’après avoir une fois consulté votre cœur, vous ne teniez jamais personne en suspens.

Miss Grand. Mais que sais-je, mon Frere, si j’ai consulté le mien.

Sir Ch. Alors tout change. Je n’ajoute pas un mot. Seulement, lorsque vous vous serez consultée, je vous demande en grace de me communiquer vos intentions, pour me donner le pouvoir de vous servir.

Miss Grand. Je suis avec les meilleurs Amis que j’aie au monde. Mylord, quel est votre avis ? Sir Charles ne me paroît pas disposé à me donner le sien.

Sir Ch. C’est uniquement par égard à vos inclinations.

Mylord L. J’ai très-bonne opinion de Mylord G… Quelle est la vôtre, ma chere ? |en s’adressant à sa femme.]

Mylady L. Je juge très-bien de lui. Quelle est la vôtre, Miss Byron ?

Miss Byron. Il me semble que Miss Grandisson ne doit consulter qu’elle-même dans cette occasion. Si son cœur n’objecte rien contre Mylord G…, je m’imagine qu’elle ne doit craindre les objections de personne.

Miss Grand. Expliquez-vous, expliquez-vous, chere Henriette.

Sir Ch. Miss Byron s’explique avec la pénétration & la prudence qui ne l’abandonnent jamais. Si je suis assez heureux pour interpréter son sentiment en donnant le mien, les voici tous deux : Mylord G… est d’un excellent naturel & d’une humeur fort douce ; il fera le bonheur d’une femme, qui aura quelque prudence, quand elle y joindroit un peu de caprice. Charlotte est d’une vivacité extraordinaire. Elle aime la plaisanterie, presqu’autant qu’elle aime ses Amis…

Miss Grand. Comment, mon Frere !

Sir Ch.… & Mylord G… ne la contraindra point là-dessus. Les jalousies de mérite ne conviennent point à l’état du mariage. J’ai connu un Poëte, dont la haine commença pour sa femme, sur ce qu’il entendit assurer qu’elle faisoit mieux des vers que lui. Mais que Charlotte reconnoisse les bonnes qualités de son Mari, je lui réponds qu’il lui accordera celles qu’elle possède, & que leur bonheur naîtra de cette déférence mutuelle.

Miss Grand. Ainsi, je comprends que si je devenois la femme de Mylord G…, il ne faudroit rien lui contester sur les Insectes & les Papillons[1].

Sir Ch. Mylord pourra perdre le goût de ces Colifichets, lorsqu’il en aura un plus précieux pour s’amuser. Pardon, Charlotte ; mais tout ce que vous m’avez dit jusqu’à présent ne sent-il pas un peu le colifichet ?

Miss Grand. Les épithètes de précieux, de jeune, de joli, font passer les termes les plus durs.

Sir Ch. Mais le Chevalier Watkins est-il plus de votre goût que Mylord G… ?

Miss Grand. Je ne le crois pas : je n’ai pas si bonne opinion de son naturel.

Sir Ch. Je suis ravi, Charlotte, que vous fassiez ces distinctions.

Miss Grand. Parce que vous les croyez nécessaires apparemment pour une femme qui pense au mariage.

Sir Ch. J’ai reçu de lui une Lettre, à laquelle je ne puis me dispenser de répondre. Il me presse de le servir auprès de vous. Me direz-vous, chere Sœur, [en lui donnant la Lettre] ce que je dois lui écrire ?

Miss Grand. [Après l’avoir parcourue.] Comment ? Le pauvre homme est fort amoureux. Mais j’aurois trop de peine à lui apprendre l’Ortographe. Cependant il se vante de savoir le François & l’Italien sur le bout du doigt.

[Elle commençoit à mettre la Lettre en pieces.]

Sir Ch. Je m’y oppose, Charlotte. Rendez-moi, s’il vous plaît, cette Lettre. Une femme n’a jamais droit de tourner en ridicule un Amant qui lui déplaît. Si son indifférence pour lui vient de la haute opinion qu’elle a d’elle-même, elle lui doit de la pitié ; mais quelles que soient ses idées, celle qui blesse doit guérir. M. Watkins peut s’adresser à cent femmes, auxquelles ses richesses & la figure qu’il fait dans le monde, feront pardonner son Ortographe.

Miss Grand. La saison de la joie s’approche. On n’est pas fâchée d’avoir quelquefois en public un ou deux soupirans à sa suite. Peut-être n’ai-je pas encore assez vu les deux miens, pour me déterminer en faveur de l’un ou de l’autre. N’est-il pas permis, puisqu’aucun des deux n’est d’un mérite brillant, de chercher à les voir sous différens jours, pour se mettre en état de juger lequel est le plus supportable ; & pour attendre s’il ne s’offrira pas quelqu’autre personnage, qui me déplaise encore moins ?

[Elle a fait cette réponse de son air le plus folâtre, quoique le sujet fût si sérieux, & que son Frere ne souhaitât pas moins sérieusement de connoître ses inclinations.] Sir Charles s’est tourné vers Mylord L…, & lui a dit gravement qu’il s’étonnoit que leur Cousin Everard fît un si long séjour au Château de Grandisson. Miss Charlotte a fort bien senti que cette diversion la regardoit. Elle lui a fait des excuses. Il a continué, sans y faire attention ; l’esprit, Mylord, est une arme dangereuse ; mais convenez que celui qui ne peut briller qu’aux dépens d’autrui, n’a pas une espece d’esprit dont on doive tirer vanité. La Demoiselle qui est vis-à-vis de moi, comment se nomme-t-elle ? & moi qui suis proche de vous, nous sommes tombés dans une singuliere méprise. Je l’ai prise pour ma Sœur Charlotte ; elle m’a pris pour notre Cousin Everard. Tout le monde a senti la sévérité de ce discours. Pour moi, il m’a pénétrée, comme s’il eût été adressé à moi-même. Un langage si dur dans la bouche de Sir Charles, & prononcé d’un air si glaçant ! Je n’aurois pas voulu, dans ce moment, être Miss Grandisson pour le monde entier. Elle ne savoit de quel côté jetter les yeux. Mylady L… a paru vivement touchée pour sa Sœur : l’aimable femme ! Elles avoient toutes deux les larmes aux yeux.

À la fin, Miss Charlotte s’est levée : je veux, Monsieur, a-t-elle dit à son Frere, ôter de vos yeux la cause de l’erreur. Lorsque je pourrai rectifier ma méprise, & vous ramener votre Sœur, j’espère que vous la recevrez avec votre indulgence ordinaire.

Sir Ch. (Se hâtant de saisir sa main). Ma Charlotte ! Chere Sœur ! Point de ressentiment contre moi. J’aime votre esprit ; mais lorsque je vous demandois de l’attention pour un sujet sérieux, un sujet qui concerne le bonheur de votre vie, & par conséquent de la mienne, j’ai souffert impatiemment qu’il vous soit échappé des railleries qui ne conviennent qu’à une femme sans principes, & je n’ai pu m’empêcher de souhaiter qu’elles fussent sorties d’une autre bouche que la vôtre. Distinguons les tems, les occasions, ma chere Charlotte.

Miss Grand. C’est assez, Monsieur. Je reconnois ma folie. Permettez que je me retire.

Sir Ch. Vous retirer ? C’est moi, Charlotte, qui vais vous laisser libre un moment, pour recevoir les consolations que vos Amis sont disposés à vous donner. Émilie : j’ai deux mots à vous dire, ma chere.

Elle a volé vers lui. Ils sont sortis ensemble. Voyez, a dit Miss Grandisson, il prend cette petite Fille avec lui, pour lui faire tirer une leçon de mon extravagance. Le Docteur Barlet s’est retiré en silence. Mylady a témoigné le chagrin qu’elle ressentoit pour sa Sœur ; mais elle ne lui a pas dissimulé qu’elle avoit poussé les choses trop loin. Mylord l’a blâmée aussi, en lui représentant que leur Frere avoit pris long-temps patience ; que l’affaire étoit des plus sérieuses & qu’il s’y étoit engagé fort sérieusement. Ô Miss Byron, a-t-il interrompu en me regardant, quel plaisir ne prendra-t-il pas à lire vos Lettres, lorsqu’il y verra votre conduite pour cette foule d’Adorateurs que vous étiez résolue de ne pas écouter !

Oui, oui, Henriette, dit Miss Grandisson, vous brillerez aux dépens de la pauvre Charlotte ; mais puisque j’ai perdu les bonnes graces de mon Frere, puissiez-vous en jouir à ma place ! Ce que j’ose bien promettre, c’est que je ne lui donnerai jamais sujet de me reprocher que je le prends pour mon Cousin Everard. Mais ai-je poussé l’extravagance bien loin ? Parlez franchement, Henriette. Ai-je été fort extravagante ? Je lui ai répondu qu’elle s’étoit égarée depuis le premier mot jusqu’au dernier : que j’avois d’abord tremblé pour elle, mais qu’en l’entendant parler des soupirans qu’elle vouloit avoir à sa suite, & des nouvelles conquêtes qu’elle sembloit se proposer, je l’aurois volontiers grondée si je n’avois été retenue par la présence de son Frere. Me le pardonnerez-vous ? lui ai-je dit à l’oreille, votre langage étoit celui d’une fiéfée coquette, & l’air y répondoit parfaitement. En vérité, chere Charlotte, vous ne vous êtes jamais tant oubliée.

Ainsi, tout le monde est contre moi, a-t-elle repris. Il faut que je sois bien coupable en effet.

Le tems, l’occasion, ma Sœur, lui a dit Mylord L… étoient mal choisis. Si le sujet avoit été moins important, Sir Charles auroit tourné vos vivacités en plaisanterie, comme il a toujours fait. C’est-à-dire, a-t-elle repliqué, que tout ce qui lui déplaît, ou qui ne lui ressemble pas, est blâmable. Il est fort heureux, du caractere qu’il s’est établi.

Mylady L… a fait remarquer qu’au milieu de son mécontentement, il n’avoit point oublié qu’il étoit Frere ; & qu’en disant qu’il s’agissoit du bonheur de Charlotte, il avoit ajouté, & par conséquent du mien.

Je dois faire une autre remarque à l’honneur de Sir Charles, a repris Mylord L… & j’espère, ma Sœur, qu’elle ne vous offensera point. Il n’a pas touché, le moins du monde à l’avanture dont il vous a tirée, quoiqu’étant si récente, le souvenir doive lui en être fort présent. C’est une marque évidente qu’il ne pense point à vous blesser, & qu’il n’a pas d’autre vue que de vous servir.

Il me semble, Mylord, a-t-elle répondu, en rougissant, que vous auriez pu m’épargner cette réflexion. Je ne vois point ce qui oblige l’un de mes deux Freres, à rappeller ce que l’autre a la bonté de laisser dans l’oubli. En un mot, Mylord, je n’ai point de remerciments à vous faire pour votre remarque.

Cette réponse a touché l’excellente Mylady L… Elle a prié Charlotte de ne pas blâmer son Mari. Vous perdriez ma pitié, lui a-t-elle dit. Ne sommes-nous pas unis tous quatre, dans une même cause ? & nos cœurs ne doivent-ils pas s’ouvrir avec liberté ?

Bon ! s’est écriée l’autre. J’ai donc à présent la Femme & le Mari sur les bras. Plût au grand Dieu du Ciel que je fusse mariée, pour avoir quelqu’un dans mon parti ! Mais dites, Henriette ; ai-je tort encore une fois ?

Je m’imagine, chere Miss Grandisson, lui ai-je répondu, que ce que vous avez dit à Mylord n’étoit qu’un badinage : & dans cette supposition, votre seul tort est de l’avoir dit d’un air trop sérieux.

Fort bien, fort bien, a-t-elle interrompu. Prêtez-moi du moins votre secours, pour me tirer de ce nouvel embarras. Je ne suis pas heureuse aujourd’hui. Il est fâcheux pour moi que mon badinage n’ait pas l’air badin. Cependant Mylady n’est-elle pas tombée dans la même faute ? Ne m’a-t-elle pas corrigée d’un air trop grave ?

Je passe volontiers condamnation, lui a répondu Mylady L… Mais, chere Sœur, vous ne devez pas vous priver, par vos saillies, des avis tendres & sincères d’un des meilleurs cœurs du monde. [Mylord, qu’elle a regardé avec complaisance, a baissé la tête vers elle avec la même affection. Heureux couple ! ]

Comme j’espère de vivre, a repris Miss Grandisson, je me suis flattée, pendant que la main de Sir Charles s’appesantissoit sur moi, que vous aviez tous pitié de ma situation. Ce qu’il a dit, en sortant, semble marquer qu’il le pensoit lui-même. Mais vos yeux m’ont furieusement détrompée.

Mylord L… Je vous assure que j’ai eu sincèrement pitié de vous ; mais pourquoi de la pitié pour ma Sœur, si je n’eusse pas cru qu’elle avoit tort ?

Miss Grand. Votre servante, Mylord. Vos distinctions sont délicates.

Mylady L… ne sont-elles pas justes, Charlotte ?

Miss Grand. Sans doute, Mylady ; & je vois que votre motif étoit le même. Je vous supplie donc tous deux de ne me pas priver de votre pitié. J’ai la vôtre aussi, Henriette, & par le même motif.

Miss Byr. (Pour faire passer cette réponse.) J’aime ce ton, chere Charlotte ; il vous sied à merveille. C’est ce qui s’appelle une aimable plaisanterie.

Là-dessus, Mylady L… a dit en riant, que c’étoit une jolie preuve du repentir de Charlotte. Mais quoiqu’elle parût de fort bonne humeur, sa réflexion n’a pas été bien reçue. Charlotte est sortie aussitôt. Nous l’avons entendue à son Clavessin ; & nous nous sommes levés tous pour la suivre. Émilie est survenue. Miss Grandisson s’est avancée vers elle, & lui a demandé si toutes ses fautes ne lui avoient pas été proposées pour leçon ? En vérité, Mademoiselle, a répondu cette chere Petite, mon Tuteur ne m’a dit qu’un mot qui vous regarde, & le voici. « J’aime ma Sœur ; elle a de charmantes qualités. Qui n’a pas quelques défauts ? Vous venez de voir, mon Émilie, qu’en voulant un peu la gronder, je lui ai parlé trop durement moi-même. »

Que le Ciel bénisse à jamais mon Frere ! s’est écriée Miss Grandisson, dans une espece de transport. À présent, sa bonté me rend odieuse à moi-même.

Elle a prié Émilie de donner un air de Clavessin, qui nous a bientôt ramené Sir Charles. Il est entré, d’un visage aussi serein que s’il n’étoit rien arrivé. Miss Grandisson a voulu commencer des apologies. Il lui a dit tendrement ; oublions nos fautes mutuelles, chere Charlotte : & lorsqu’on est venu avertir que le dîner étoit servi, il lui a présenté la main pour la conduire jusqu’à sa chaise.

Quelle supériorité ! Je la trouve insupportable. Cet étrange homme ne fera-t-il rien mal à propos ? Rien qui blesse la bonté, la justice, ou la décence ? Si je lui voyois faire du moins quelque effort, pour se contraindre, pour étouffer ses mouvemens, je lui supposerois des intervalles de foiblesse. S’il est homme, s’il est né comme nous avec les défauts de son espece, ne peut-il prendre un air de Maître & des manieres impérieuses, dans un lieu où il est respecté jusqu’à la crainte, & où il n’a besoin que d’un signe de tête pour être obéi ? Ne peut-il être hautain avec les domestiques, pour faire appercevoir qu’il est mécontent des Maîtres ? Non ! Il lui est naturel d’être bon, comme d’être juste. Toutes ses pensées, tous ses sentimens, se rapportent à faire le bien ; & jamais il ne lui est entré, dans l’esprit, de blesser ou de nuire.

Après le dîner, Miss Grandisson m’a mis, entre les mains, le paquet de Lettres que j’avois consenti de laisser lire à Sir Charles. En le recevant de moi, il l’a baisé, avec un air de galanterie, qui m’a paru convenir à l’occasion. Ô vanité de ma Niéce ! crois-je entendre dire à mon Oncle. Je ne sais, Lucie ; mais je crois m’appercevoir que Sir Charles prend un plaisir extrême à m’entendre louer ; & Mylord, & les deux Sœurs, ne perdent aucune occasion de parler de votre Henriette avec bonté. Mais ne pouvoit-il répondre à Miss Charlotte, lorsqu’elle lui a demandé si sa favorite étoit Étrangère ou non ?

Il nous a quittés de fort bonne heure après le souper ; & Miss Grandisson, me voyant un peu rêveuse, m’a dit qu’elle parieroit sa vie, que je croyois son Frere parti pour lire mes Lettres. Vous ne vous trompez pas, a-t-elle ajouté ; car il me l’a fait entendre en se retirant. Mais soyez sans crainte, Henriette ; vous ne courez aucun risque.

Mylady prétend que sur toutes sortes de sujets, les notions de son Frere & les miennes sont exactement semblables. Cependant, Lucie, lorsqu’on a sa cause sous les yeux du Juge, le cœur n’est pas sans un peu d’agitation. D’un côté d’où pourroient venir mes craintes ? Si son cœur est au pouvoir d’une Étrangère, que m’importe l’opinion qu’il aura de mes Lettres ? Elle m’importe néanmoins : on est sensible à l’estime de ceux auxquels on ne peut refuser la sienne.

[N.] Plusieurs Lettres d’une monstrueuse longueur, comme l’Auteur les appelle lui-même, offrent ici des conversations ingénieuses, où le caractere des Acteurs se soutient avec beaucoup d’agrément & de vivacité. Le chevalier Grandison, charmé des Lettres de miss Byron, lui en fait des complimens si flatteurs, qu’elle en est surprise, elle qui n’y voit qu’un simple récit de ce qui lui est arrivé à Londres, pendant un séjour de quelques semaines, & l’attentat du chevalier Hargrave Pollexfen, dont Sir Charles savoit déjà les principales circonstances ; car on s’imagine bien que parmi ces Lettres, elle n’avoit pas communiqué celles qui contiennent l’aveu de sa passion. Sir Charles recommence à presser miss Charlotte sur les dispositions de son cœur. Elle continue de se défendre par mille détours, qui donnent lieu à de nouveaux reproches, tantôt enjoués & tantôt sérieux. Enfin l’on convient qu’elle s’expliquera nettement avec miss Byron, que Sir Charles prie de lui apprendre alors les sentimens de sa sœur dans un entretien particulier. D’autres incidens lui donnent lieu de raconter le service qu’il avoit rendu à M. Danby. C’est une avanture assez bizarre, où sa vie & celle de son ami étant menacées par des Voleurs nocturnes, il avoit employé heureusement la prudence & la valeur. Dans la derniere de ces longues conversations, on s’apperçoit qu’il est agité. Il avoue qu’il a reçu des Lettres, qui lui causent de l’inquiétude, & bientôt il se retire avec le Docteur Barlet. Miss Byron finit toutes ses dépêches par une apostille du Vendredi matin. Elle sait tous les secrets de Miss Charlotte. Elle s’attend le même jour à la conférence que Sir Charles lui a demandée. Cette pensée l’agite beaucoup ; mais elle n’a pas moins d’inquiétude sur les nouvelles qui causent l’agitation de Sir Charles. Des Lettres Étrangères, dit-elle à sa Cousine. En doutez-vous ? Pourquoi ce mot d’Étranger ne peut-il Sortir de ma mémoire ? Jamais je ne me suis senti le cœur si étroit que dans ces derniers tems. Mais c’est un aveu que je vous ai fait vingt fois. Adieu. Cette énorme Lettre ne sera peut-être pas la seule que je ferai partir aujourd’hui. Je tremble pour la matiere qui va s’offrir.

  1. On a déja vu qu’elle l’avoit raillé de ce goût.