Aller au contenu

Histoire maccaronique/10

La bibliothèque libre.
(sous le pseudonyme de Merlin Coccaie)
Adolphe Delahays (p. 170-185).


LIVRE DIXIEME.


Cingar, aymant de tout son cœur Balde, toute la nuict ne fait que resver après luy, et, ayant bon courage, remuë tous les moyens en sa cervelle pour tirer hors de prison celuy qui estoit fils de Mars ; et dit à Berthe : « Je tireray Balde hors de prison ; ou bien je me feray tailler en plus de mille quartiers. » Et puis, la laissant fournie et garnie de ce qu’elle pouvoit avoir besoing, il s’en va par les bois, n’osant se monstrer, pour voler ce qu’il pourroit trouver, et proposant en soy-mesme mille inventions et subtilitez, pour mettre Balde hors du lieu où il estoit.

Cheminant par une forest, il rencontre d’adventure et void de loing venir vers luy en son chemin deux Cordeliers, lesquels se faisoient assez entendre par le tic toc de leurs galoches, qui coustumierement leur mangent le dessus du pied lequel ils tiennent nud. Iceux tiroient par le licol après eux un asne chargé de pain, et ne se pouvoit bien juger qui estoit d’entr’eux l’asne ; parce que l’asne et le Cordelier sont couverts de mesme poil. Cingar, les voyant près de soy, soudain prend avec les deux mains son voulge, avec telle contenance, comme s’il vouloit les tailler en quatre. Iceux promptement se laissent tomber sur leurs genoulx, crians pardon, et faisans mille croix. Cingar leur fait quitter l’habillement, ne leur laissant que le haut de chausses et le breviaire pour dire leurs vespres ; et, leur commandant de se retirer, il demeure seul avec ces habits et l’asne. Que fait-il ? En premier, il se couppe la barbe avec des ciseaux, et par suite Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/233 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/234 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/235 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/236 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/237 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/238 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/239 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/240 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/241 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/242 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/243 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/244 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/245 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/246

Cependant Cingar peu à peu dérobboit de ces armes, et les apportoit en sa chambre. Puis, ils se depoüillent de leurs habits de fratres, et s’arment depuis les pieds jusques à la teste, comnie un jeune cheval que nous appellons poulain, après avoir esté nourry de son et d’orge, voudroit bien sortir hors de sa triste estable en rompant son licol, ne pouvant plus se contenir en icelle ; ainsi estoit Balde, lequel, sorti nagueres de prison, et se voyant à present armé de toutes pieces, petilloit d’envie qu’il avoit pour sortir hors, et se fourrer à bon escient par la ville, et, mettant par terre testes et boyaux, aller jetter Jupiter hors de son siege, ruiner le pays infernal, et renverser la maison Stygiale ; mais, pour le respect de Cingar, il reprime la puissance de son courage, et l’ardeur de sa cholere. Or le retentissement de l’horrible bataille, qui se feit cy-après, n’est pas une charge propre pour tes espaules, ô Comine : il faut un plus grand secours ; ferme le flascon ; car tes vins me sentent le moisi.