Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XII/Chapitre 17

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XVII. Deſcription de l’iſle Hollandoiſe de S. Euſtache.

Cette iſle, qui n’a que deux lieues de long & une de large, eſt formée par deux montagnes qui laiſſent entre elles un vallon aſſez reſſerré. Celle qui eſt à l’Eſt porte les traces évidentes d’un ancien volcan, & eſt creusé preſque juſqu’au niveau de la mer. Les bords de ce gouffre, qui a la forme d’un cône renversé, ſont formés de roches calcinées par le feu qu’ils ont dû éprouver. Quelqu’abondantes que ſoient les pluies, il ne ſe fait jamais aucun dépôt d’eau dans cet entonnoir. Elle filtre, ſans doute, par les iſſues encore ouvertes du volcan, & pourra peut-être un jour contribuer à le rallumer, ſi ſon foyer n’eſt pas éteint ou trop éloigné.

Quelques François, chaſſés de Saint-Chriſtophe, ſe réfugièrent, en 1629, dans un lieu ſi peu habitable, & l’abandonnèrent quelque tems après, peut-être parce qu’il n’y avoit d’eau potable que celle qu’on ramaſſoit dans les citernes. On ignore l’époque préciſe de leur émigration : mais il eſt prouvé que les Hollandois étoient établis dans l’iſle en 1639. Ils en furent chaſſés par les Anglois ſur leſquels Louis XIV la reprit. Ce prince fit valoir ſon droit de conquête dans les négociations de Breda, & réſiſta aux inſtances de la république, alors ſon alliée, qui prétendoit que cette poſſeſſion lui fût reſtituée, comme lui ayant appartenu avant la guerre. Lorſque la ſignature du traité de paix eut anéanti cette prétention, le monarque François, dont l’orgueil écoutoit plutôt la généroſité que la juſtice, crut qu’il n’étoit pas de ſa dignité de profiter du malheur de ſes amis. Il remit de ſon propre mouvement aux Hollandois leur iſle ; quoiqu’il n’ignorât pas que c’étoit une fortereſſe naturelle qui pourroit l’aider à la conſervation de la partie de Saint-Chriſtophe qui lui appartenoit.

Avant leur déſaſtre, ces républicains ne demandoient que du tabac à leur territoire. Après leur rétabliſſement, ils plantèrent dans les lieux ſuceptibles de culture quelques cannes qui ne leur ont annuellement donné que huit ou neuf cens milliers de ſucre brut.