Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XIV/Chapitre 20

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XX. Deſcription de la Jamaïque.

Cette iſle, qui eſt ſous le vent des autres iſles Angloiſes, & que la géographie a placée au nombre des grandes Antilles, peut avoir quarante-trois ou quarante-quatre lieues de long, & ſeize ou dix-ſept dans ſa plus grande largeur. Elle eſt coupée de pluſieurs chaînes de montagnes, irrégulières, où des rochers affreux ſont confusément entaſſés. Leur ſtérilité n’empêche pas qu’elles ne ſoient couvertes d’une prodigieuſe quantité d’arbres de différentes eſpèces, dont les racines, pénétrant dans les fentes des rochers, vont chercher l’humidité, que laiſſent des orages & des brouillards fréquens. Cette verdure perpétuelle, alimentée, embellie par une foule d’abondantes caſcades, forme un printems de toute l’année, & préſente aux yeux enchantés, le plus beau ſpectacle de la nature. Mais ces eaux, qui, tombant des ſommets arides, verſent la fécondité dans les plaines, ont un goût de cuivre, déſagréable & mal-ſain. Le climat eſt plus dangereux encore. De toutes les iſles de l’Amérique, c’eſt la Jamaïque qui eſt la plus meurtrière. On y périt très-rapidement ; &, après deux ſiècles de défrichemens, il ſe trouve des diſtricts très-fertiles, même près de la capitale, où un homme libre ne paſſeroit pas la nuit ſans une extrême néceſſité.