Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XIV/Chapitre 35

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XXXV. Malheurs arrivés aux Anglois à Tabago, pour s’être écartés des maximes que nous venons de tracer.

Pour n’avoir pas ſuivi la route que nous venons de tracer, les Anglois & leurs eſclaves périrent en foule à Tabago, quoique venus la plupart enſemble des colonies voiſines. Éclairés par ce déſaſtre, ils ſe placèrent au-deſſus du vent, & la mort ceſſa ſes ravages. L’uſage où eſt le gouvernement Britannique de vendre le ſol de ſes iſles & les formalités inséparables d’un pareil ſyſtême, retardèrent la formation d’un établiſſement qu’avec des maximes moins ſages peut-être, on auroit commencé immédiatement après la paix. Ce ne fut qu’en 1766 que furent adjugés quatorze mille acres de terre, divisés en portions de cinq cens acres chacune. De nouvelles adjudications furent faites dans la ſuite : mais il ne fut jamais permis à aucun cultivateur d’acquérir plus d’un lot.

L’iſle, dont les terres ſe ſont trouvées trop ſablonneuſes, n’eſt encore habitée que par quatre-cens blancs & huit mille noirs. Ils ont été arrêtés au commencement de leur carrière par les fourmis, qui ont dévoré la plus grande partie des cannes déjà plantées. Les quarante mille quintaux de ſucre que rendoient trente habitations, ont été réduits à la moitié. Le vuide a été rempli par le coton, dont on récolte huit cens mille livres peſant, & par l’indigo dont on obtient douze mille livres. Saint-Vincent n’a pas éprouvé la même calamité.