Histoire populaire du Christianisme/XVe siècle

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QUINZIÈME SIÈCLE.




Jean Huss, recteur de l’université de Prague, en Bohême, ayant étudié la théologie à Oxford, en rapporta les livres de Wiclef, au commencement du XVe siècle. Ce fut l’origine de sa propre hérésie.

Le pape de Rome, Boniface IX, mourut le 1er octobre 1404. Innocent VII lui succéda. Ce dernier étant mort le 6 novembre 1406, on lui donna pour successeur Ange Corrario qui prit le nom de Grégoire XII.

La bulle Admonet nos de Grégoire XII dit que, dans vingt-deux couvents de Frise, sous la juridiction de Brême, de Munster et d’Utrecht, le libertinage entre moines et nonnains, la corruption de la chair et beaucoup d’autres excès et vices qu’il est honteux de nommer, s’étaient multipliés d’une façon effrayante. Libido et corruptio carnis inter ipsos mares et noniales, nec non alia multa excessus et vitia quæ pudor est effari, per singula succreverunt. Beaucoup d’entre ces nonnes vivaient charnellement avec leurs supérieurs ecclésiastiques comme avec les moines, et elles accouchaient dans leurs couvents mêmes des fils et des filles qu’elles avaient dans leur commerce illégitime ou incestueux avec les moines et les prélats. Fornicantur etiam quam plures hujus modi nonialium cum eisdem prælatis ac monachis, et in eisdem monasteriis plures parturiunt filios et filias, quos ab prælatis ac monachis fornicarie seu incestuoso coitu conceperunt. Ce qu’il y a de plus déplorable, c’est que quelques-unes se font avorter, et que d’autres tuent leurs enfants déjà venus au monde. Quod miserandum est, nonnullæ aliquos fœtus earum mortificant et infantes in lucem editos trucidant.

Roderik, évêque de Zamora, dit, dans son Speculum vitæ humanæ, qu’au XVe siècle les chanoines avaient chacun leur maîtresse. C’étaient les plus réglés. Les autres entretenaient des concubines et des petites filles sans nombre. Concubinas et adolescentulas quarum non est numerus.

Enfin, Jean Gerson, l’auteur probable de l’Imitation, a dit : « Les cloîtres habités par les chanoines réguliers sont comme des places publiques et des marchés ; les couvents de religieuses, des espèces de lieux de prostitution, quasi prostibula ; les églises cathédrales, des cavernes de brigands et de voleurs, speluncæ raptorum et latronum. Les images se sont tellement multipliées qu’elles entraînent le peuple à l’idolâtrie. »

Nous nous arrêtons : les citations seraient innombrables.

Le Concile de Pise s’ouvrit le 25 mars 1409. Les papes Benoît VIII et Grégoire XII furent déposés et on élut Alexandre V. Celui-ci étant mort le 3 mai 1410, Balthazar Cossa lui succéda sous le nom de Jean XXIII. Ce cardinal avait amassé d’immenses richesses par la piraterie. C’était un des plus grands scélérats de l’époque, usurier, voleur, simoniaque, débauché et assassin. Ses crimes se multiplièrent dès qu’il fut pape. Une bulle qu’il publia en 1413 convoqua un Concile général à Constance pour la fin de l’année suivante. Les archevêques, évêques, patriarches, abbés d’ordre et docteurs s’y rendirent en nombre considérable et firent leur entrée dans la ville, suivis de neuf cents courtisanes.

Le premier soin des Pères fut de déposer Jean XXIII, comme atteint et convaincu de crimes si infâmes, dit la sentence, qu’il était impossible de les nommer. Puis on jugea Jean Huss qui avait été arrêté dès son arrivée au Concile, malgré le sauf-conduit de l’empereur Sigismund.

Voici le résumé de la doctrine pour laquelle Jean Huss fut brûlé vif.

« L’Église n’est qu’un corps mystique dont Jésus-Christ est le chef et dont les prédestinés sont les seuls membres ; d’où l’inutilité des excommunications, ainsi que des papes et des évêques qui ne peuvent discerner les élus des réprouvés. Jésus a seul le droit de lier et de délier ; donc, le péché est remis par la contrition, non par l’absolution du prêtre. L’Écriture, non l’autorité de l’Eglise, est la seule règle de conduite. La communion sous les deux espèces du pain et du vin doit être donnée à tous et non aux prêtres seulement. »

Cette doctrine fut déclarée hérétique et abominable, et on brûla Jean Huss le 6 juillet 1414. Jérôme de Prague, son disciple, subit héroïquement le même supplice en 1416.

Après la double déposition de Benoit XIII et de Jean XXIII et la cession volontaire de Grégoire XII, le Concile élut pour pape unique le cardinal Colonna, qui prit le nom de Martin V. Quant à Balthazar Cossa, le pape le fit doyen des cardinaux. Cependant les Hussites se soulevèrent sous la conduite de Jean de Trosnow, surnommé Zisca ou le Borgne. Monastères et moines, églises et prêtres, villes entières avec leurs populations, tout s’abîma dans le sang et dans les flammes. Zisca battit onze fois les armées impériales et mourut de la peste en 1424. Il ordonna qu’on fît de sa peau un tambour. Procope Raze, ou le Rasé, lui succéda dans le commandement des Taborites, nom que prirent les Hussites, de Tabor, qui signifie tente en bohémien, et non de Thabor, comme on l’écrit ordinairement.

Dans l’intervalle, Benoît XIII refusant absolument de se démettre, Martin V le fit empoisonner avec des confitures.

Martin V mourut le 20 février 1431. Eugène IV lui succéda. En 1436, le Concile de Bâle accorda la communion sous les deux espèces aux Hussites, ce qui mit fin à la guerre ; puis, dans sa trente-quatrième session, il déposa Eugène IV comme simoniaque et hérétique, et nomma à sa place Amédée, duc de Savoie, qui prit le nom de Félix V. À la mort d’Eugène, en 1447, on lui donna pour successeur Nicolas V. La cession de Félix mit fin au schisme, en 1449.

Les Turks de Mohhammed II prirent Constantinople en 1453. L’empire d’Orient avait duré onze cent vingt-trois ans.

Le pape Nicolas V mourut le 24 mars 1455. Calixte III lui succéda. Celui-ci étant mort en 1458, Æneas Sylvius lui succéda sous le nom de Pie II.

Il y eut une contestation, en 1462, entre les Cordeliers et les Dominicains, touchant le sang de Jésus-Christ au tombeau. Les premiers soutenaient que le sang avait été séparé de la divinité, et les seconds soutenaient le contraire. Cette importante question est toujours en suspens.

Le pape Pie II mourut le 14 août 1464. Paul II lui succéda. Celui-ci étant mort en 1471, on élut Sixte IV. Ce pape nomma archevêque de Saragosse, en 1473, un enfant de six ans, bâtard de Ferdinand d’Aragon.

La contestation entre Cordeliers et Dominicains se ralluma en 1483. Le pape, qui avait été cordelier, donna raison aux premiers, puis il décida que les seconds n’avaient point tort, ce qui accommoda les choses.

Sixte IV mourut le 13 août 1484. Innocent VIII lui succéda.

En 1486, la Faculté de Paris censura les propositions de lehan Laillier, licencié en théologie, qui soutenait que les commandements de l’Église n’étaient que de la papaille et qu’elle ne canonisait que les riches. Lallier prétendait aussi qu’il n’y a que saint Yves de sauvé parmi les avocats ; mais la Faculté trouva ceci raisonnable. Cependant, Laillier ayant dit que les apothicaires n’iront au paradis que s’ils y sont portés sur la queue d’un mulet, la Faculté trouva cette proposition présomptueuse.

Innocent VIII mourut le 25 juillet 1492. Borgia lui succéda sous le nom d’Alexandre VI. Ce pape est très-célèbre comme empoisonneur, simoniaque et incestueux. Il commit généralement tous les crimes connus et ceux qu’il est impossible d’imaginer.

Jérôme de Savonarole, dominicain, fut brûlé à Florence, en 1498, pour avoir voulu réformer les mœurs chrétiennes et avoir censuré particulièrement celles du pape.



Fin du quinzième siècle.