Histoire posthume de Voltaire/Pièce 37

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Garnier
éd. Louis Moland


XXXVII.

TRANSLATION
DU CŒUR DE VOLTAIRE À LA BIBLIOTHÈQUE IMPÉRIALE[1].

À la mort de Voltaire, à la suite de l’autopsie du corps, son cœur en fut extrait, le 31 mai 1778, par l’ordre du marquis de Villette, dans l’hôtel duquel Voltaire était descendu à son retour à Paris et chez qui il mourut. L’ami, l’admirateur du grand écrivain voulut que ce cœur fût sauvé de la destruction produite par la mort, et il fut mis dans un vase de métal, baignant dans une préparation chimique propre à en perpétuer la conservation.

Après que fut intervenue la loi du 30 mai 1791, qui ordonna que « les cendres de Voltaire seraient transférées dans l’église Sainte-Geneviève, où elles recevraient les honneurs décernés aux grands hommes », quand cette loi fut exécutée, le 11 juillet suivant, le cortége officiel qui traversait Paris s’arrêta devant l’hôtel de M. de Villette, au coin de la rue de Beaune et du quai Voltaire, et le Moniteur du 13 juillet constate que cette station eut lieu parce que le cœur de Voltaire s’y trouvait.

Peu après, le cœur de Voltaire fut transporté au château de Villette, canton de Pont-Sainte-Maxence (Oise), où il a reposé depuis et a été gardé avec vénération.

Mais le marquis de Villette, sa veuve et son fils, sont morts, et leurs héritiers ayant regardé comme un devoir de rendre ce dépôt à l’État, leur représentant, M. Léon Duval, membre de l’ordre des avocats de la Cour impériale de Paris, a fait demander les ordres de l’empereur, qui a voulu qu’un asile national fût donné dans la Bibliothèque impériale au cœur de Voltaire, pour qu’il appartînt désormais à la France, comme l’a voulu la loi du 30 mai 1791.

En conséquence des ordres de Sa Majesté, vendredi dernier, 16 de ce mois, S. Exc. M. Duruy, ministre de l’instruction publique, s’étant transporté à la Bibliothèque impériale, en présence de l’administrateur général de cet établissement, accompagné des membres du comité consultatif, a reçu des mains de M. Léon Duval le cœur de Voltaire enfermé dans un récipient en métal doré sur lequel sont écrits ces mots : Le cœur de Voltaire, mort à Paris le XXX may MDCCLXXVIII, a déclaré prendre possession de ce précieux dépôt, et a arrêté qu’il serait provisoirement conservé avec le respect que commandent les restes mortels de ce grand homme, dans le local le mieux gardé de la Bibliothèque impériale, c’est-à-dire à son département des médailles, jusqu’au moment où l’état d’avancement des travaux permettra de l’installer définitivement entre les départements des manuscrits et des imprimés, au premier étage de la rotonde qui se trouve à la jonction des rues de Richelieu et Neuve-des-Petits-Champs, pièce qui sera disposée à l’effet de recevoir, avec le cœur de Voltaire, l’Original de sa statue par Houdon, les médailles frappées en son honneur et les correspondances manuscrites et œuvres imprimées de l’immortel écrivain.

Procès-verbal a été dressé de cette remise et de cette réception.


  1. Extrait du Moniteur universel du 22 décembre 1864 (Partie non officielle).
Pièce 36

Pièce 37

Pièce 38