Histoire socialiste/Consulat et Empire/13

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Jules Rouff (p. 204-225).

CHAPITRE II

TROISIÈME ET QUATRIÈME COALITIONS

« Les guerres du Premier Empire, voilà les guerres qui ont enfanté le militarisme moderne avec toutes ses conséquences ruineuses et son avenir plein de menaces[1] ». Nous entrons, en effet, dans la tourmente qui, pendant dix ans, va dévaster l’Europe, ruiner la France et déchaîner, avec toutes les haines, les appétits de domination et de gloire qui ne peuvent se satisfaire que dans la guerre, l’incendie, le pillage, le meurtre. L’armée est le seul soutien d’un pareil régime. C’est d’elle que tout dépend. Napoléon, de 1800 à 1815, a levé en France seulement 3 153 000 hommes, et le directeur de la conscription impériale, M. d’Hargenvilliers, estime officiellement à 1 750 000

La Thilorière.
(D’après un document de la Bibliothèque Nationale.)


le nombre des victimes françaises. Au début, le recrutement s’opérait de façon à peu près normale. Le remplacement (1800), le tirage au sort (1804), permettaient la création de soldats de métier, de gens destinés uniquement à la guerre, qui donnèrent ces fameux grognards dont on ne cesse de vanter les vertus, et qui, en réalité, n’étaient que des pillards et des brigands professionnels dont toute canaillerie est intitulée exploit. La bourgeoisie restait loin des camps, grâce à l’achat d’un remplaçant, qui partait au lieu et place du fils de bourgeois. Les nobles ralliés donnaient les officiers. Mais la régularité dans les levées fut vite abandonnée. À partir de 1800, on voit appeler les classes un an ou deux avant leur départ normal, et rappeler les classes libérées ! Dès lors, les déserteurs, les réfractaires se multiplient. La gendarmerie ne cesse de les chasser, les rapports de police ne s’occupent que d’eux. On cherche partout de la chair à canons. Il y avait sur tout le territoire des gens faisant profession de mutiler les hommes valides, et ils s’enrichissaient dans leur métier. Voici, par exemple, en 1807, c’est-à-dire avant même les plus grandes consommations d’hommes, avant les revers qui portèrent l’empereur à édicter de terribles mesures pour s’assurer des soldats, ce qu’on lit dans un rapport[2] : « La préfecture de police rapporte qu’elle a fait arrêter le sieur Taissère, élève en médecine, qui faisait métier de causer des infirmités à des jeunes gens pour les soustraire à la conscription. Il introduisait dans les yeux une poudre dont l’effet était si actif que plusieurs ont été en danger de perdre la vue. On lui a trouvé 10 000 francs, tant en or qu’en billets de banque, un superbe mobilier, des vases de vermeil, produits des bénéfices que cette manœuvre lui a procurés. Ses papiers et ses aveux fournissent d’autres moyens de conviction ». Celui-ci, on le voit, s’attaquait à la vue, ce qui était fréquent, mais pas autant peut-être que la mutilation d’un membre. Le nombre d’hommes qui se firent sauter un pouce pour ne pas partir est incalculable. Au moment de la rupture de la paix d’Amiens (mai 1803), six camps de 30 000 hommes chacun furent formés en vue de la guerre contre l’Angleterre, à Deventer, Gand, Saint-Omer, Compiègne, Saint-Malo et Bayonne. Les 200 000 hommes ainsi obtenus furent répartis en « corps d’armée de 20 000 à 35 000 hommes, comprenant deux ou trois divisions d’infanterie, une division de cavalerie à trois ou quatre régiments, une réserve d’artillerie, un détachement de sapeurs du génie et tous les services analogues à ceux d’une armée[3] ». Le corps d’armée formait donc une armée autonome et, cependant, tous les corps d’armée étaient concentrés sous le commandement de Napoléon, et constituaient ce que l’on appelle la Grande Armée. Cette grande armée était destinée à porter la guerre en Angleterre. » Napoléon reprenait, en effet, le plan de descente dont la paix d’Amiens avait arrêté la réalisation. On revit, comme alors, une activité prodigieuse régner dans tous les ports du Pas-de-Calais. Partout on construisait des bateaux pour transporter des troupes, à Boulogne, à Sangatte, à Ambleteuse, à Étaples. Les barques de pêche, les barques de pilotes sont aménagées, transformées, des chantiers innombrables apparaissent, tandis que des quais sont créés, des chenaux creusés. Pendant ce temps, les troupes s’entraînaient dans les camps sous le commandement de Davout, de Soult, de Ney, de Lannes, de Murat. Pour faire passer en Grande-Bretagne toute cette armée, c’était très bien de disposer de 2 500 bateaux, mais encore fallait-il qu’ils fussent protégés par une escadre, et que les Anglais fussent mis hors d’état d’empêcher le débarquement. C’est pourquoi Napoléon avait établi un plan gigantesque : Villeneuve, qui avait succédé à Latouche-Tréville, mort à Toulon après avoir dirigé l’organisation des flottilles du Pas-de-Calais, devait déjouer la surveillance de Nelson qui croisait dans la Méditerranée, aller prendre, à Cadix, la flotte espagnole de l’amiral Gravina, flotte que Junot avait obtenue de la cour de Madrid en promettant l’aide de la France pour la conquête du Portugal, et cingler vers les Antilles. Nelson devait être persuadé que Villeneuve voulait débarquer des troupes en Égypte et, par conséquent, il s’immobiliserait dans la Méditerranée. Pendant ce temps, aux Antilles, la flotte de Toulon et la flotte de Cadix devaient se réunir à l’escadre de l’amiral Missiessy et à celle de Gantheaume et tous ensemble devaient revenir en toute hâte dans la Manche. Le nombre des navires de guerre français serait tel, que le passage des troupes en Angleterre serait assuré. « Le but principal de toute l’opération, écrivait Napoléon, est de nous procurer la supériorité pendant quelques jours devant Boulogne. Maîtres du détroit pendant quatre jours, 150 000 hommes, embarqués sur 2 000 bâtiments, achèveraient entièrement l’expédition. » Il est permis de se demander ce qu’auraient fait 150 000 hommes en Angleterre. Il est plus que probable qu’il n’en serait pas sorti un seul vivant. Du reste, la complication même du plan maritime le condamnait plus encore que l’impéritie des amiraux sur qui Napoléon fit toujours retomber la responsabilité des désastres. Villeneuve s’échappa de Toulon, rallia, comme il était convenu, l’escadre espagnole, mais ne trouva ni Missiessy, ni Gautheaume aux Antilles. Le premier en était déjà reparti. Le second restait bloqué à Brest par l’amiral Cornwallis. Villeneuve revint donc vers le Ferrol où une flotte de renfort l’attendait ; mais Nelson, qui avait navigué en vain dans la Méditerranée à la recherche des Français, était remonté vers Cadix et avait eu le temps d’avertir l’amirauté anglaise du danger d’une concentration française. L’amiral Calder attaqua Villeneuve en vue du cap Finisterre, avant qu’il ait pu rallier la flotte du Ferrol, et, si la victoire ne fut nettement marquée ni d’une part, ni de l’autre, l’escadre française reçut de telles avaries que la confiance de l’amiral Villeneuve dans la solidité de sa flotte disparut à peu près entièrement. Aussi, le 17 août 1805, lorsqu’il voulut quitter le Ferrol pour cingler vers le Nord, il suffit de la fausse annonce de voiles anglaises à l’horizon pour qu’il abandonnât définitivement le projet de paraître dans la Manche. Il alla se réfugier à Cadix.

Les Anglais ne comptaient pas seulement, pour leur défense, sur leur marine très puissante, sur Nelson, le plus grand capitaine des mers, sur les vents et les circonstances de toutes sortes qui rendaient fort aléatoire la réussite de projets aussi compliqués que l’étaient ceux de Napoléon, Pitt, remonté au pouvoir, se dressait devant l’empereur français, et il était de taille à lutter avec lui. M. Sorel a marqué, de la manière la plus nette, quels moyens avait le premier ministre anglais pour paralyser son adversaire. Pitt, dit-il, pour prévenir l’invasion, « peut tout demander aux Anglais, et, avec ce qu’ils donnent, tout payer en Europe[4] ». C’est bien, en effet, ce qui se produisit. Secondé par lord Harrowby, secrétaire d’État aux affaires étrangères, il entame une prodigieuse croisade diplomatique, agissant partout à la fois, aussi bien chez des ennemis à peu près déclarés de la France, comme les Russes, que chez ses amis et alliés, les Hollandais et les Espagnols. Le premier appui trouvé par Pitt fut l’empereur Alexandre, qui se fit le porte-paroles des offres anglaises à Vienne et à Berlin. Les rapports entre la Russie et la France étaient devenus particulièrement tendus après le meurtre du duc d’Enghien. Alexandre, en effet, avait affecté une violente colère à la suite de ce meurtre et parlé de rompre toutes relations avec « un gouvernement qui ne connaît ni freins ni devoirs d’aucun genre, et qui, entaché d’un assassinat atroce, ne peut plus être regardé que comme un repaire de brigands[5] ». La cour de Pétersbourg avait pris le deuil, et le mot d’ordre fut de se détourner de l’ambassadeur français, Hédouville. À cette attitude, Napoléon avait répondu cruellement, en rappelant les conditions dans lesquelles Alexandre était monté sur le trône[6] : « La plainte que la Russie élève aujourd’hui conduit à demander si, lorsque l’Angleterre méditait l’assassinat de Paul Ier, on eût eu connaissance que les auteurs du complot se trouvaient à une lieue des frontières, on n’eût pas été empressé de les faire saisir ? » Comme, parmi les « auteurs du complot », il y avait Alexandre lui-même, et qu’il était, non à une lieue de la frontière, mais à Pétersbourg, on devine quel put être l’effet de cette réplique. Alexandre ne reconnut pas l’Empire, et, en octobre 1804, l’ambassadeur russe Oubril quitta la France, sans qu’il y eût, du reste, guerre déclarée. L’empereur Alexandre s’employa dès lors à nouer la coalition, tout en activant ses préparatifs. Cette coalition existait, pour ainsi dire, « en puissance ». Il est évident que l’Europe entière tremblait de crainte devant le nouvel empire d’Occident, car, pour tout le monde, l’Empire, c’était autre chose qu’un mot. Il y avait derrière ce mot un symbole évident, et le souvenir de la puissance romaine hantait tous les esprits, à commencer par celui de Napoléon. En principe donc, tous les États européens étaient bien d’accord sur ce point, qu’il fallait élever une barrière devant l’ambition française, et qu’il fallait, pour que l’équilibre fût rétabli, enfermer les Français en France, les ramener aux anciennes limites.

C’est sur cette base que la nouvelle coalition va se faire, et, jusqu’en 1815, c’est à cette fin que va tendre tout l’effort de l’Europe.

Mais si le désir d’arrêter l’ambition de l’empereur était le même partout, il ne pouvait pas s’affirmer également dans chaque État. La Suède fut seule à se joindre à la Russie explicitement, et Gustave IV rompit tous rapports avec Monsieur Napoléon. L’Autriche, travaillée par les Russes et les Anglais, hésita. François II, qui n’était plus empereur d’Allemagne, mais simplement empereur d’Autriche[7], n’était pas encore assez certain du succès d’une coalition nouvelle, et il tremblait trop, dans la crainte de voir encore ses États réduits et le roi de Prusse prendre la tête de l’Allemagne, pour se décider nettement contre la France. Il voulait attendre. Mais Napoléon s’impatientait, menaçait, et c’est à Mayence, où Napoléon tenait alors sa cour (septembre 1804), que la reconnaissance autrichienne parvint à l’empereur. Les craintes de François II du côté de la Prusse étaient assez fondées. Frédéric-Guillaume était l’ami personnel du tzar, mais il craignait tout de Napoléon. Il joua un double jeu extraordinaire, s’engageant secrètement à s’unir à la Russie et à l’Angleterre pour une entente éventuelle contre la France, et, le même jour, donnant à Napoléon sa parole sacrée qu’il ne connaissait aucun projet de coalition destiné à lutter contre la puissance française, qu’il n’entrerait dans aucune alliance faite dans ce but, et reconnaîtrait l’empire si les troupes qui occupaient le Hanovre n’étaient pas augmentées, et si l’effort de la guerre future ne devait pas porter sur l’Allemagne. Napoléon promit, et la Prusse attendit les événements pour savoir de quel côté elle se porterait : ce devait être, bien entendu, du côté du vainqueur.

Ainsi qu’on le voit par ce résumé, il y avait donc à la suite de la proclamation de l’Empire et pendant l’état de guerre déclarée entre la France et l’Angleterre une activité considérable déployée dans toutes les diplomaties européennes. Les amis se cherchent, s’interrogent, les peureux ou les prévoyants se cachent, attendent, mais il est de toute évidence que Napoléon ne se maintient déjà que parce qu’il fait peur et que des forces matérielles et morales considérables s’accumulent autour de lui pour tâcher de l’abattre. Sa personne est tout, ce n’est pas la France qui fait peur. Pitt ne craint plus, comme il y a peu d’années, l’esprit révolutionnaire qui va s’épandant largement sur le monde, secouant les monarchies, affranchissant les esprits, libérant les consciences, portant partout les idées nouvelles de liberté et d’égalité, non, ce qu’il craint, c’est Napoléon dont l’ambition insatiable est à la vérité un danger incomparable pour la paix du monde. Et lorsque l’envoyé russe Novossiltsof eut commencé à Londres à entamer les préliminaires qui devaient aboutir au traité d’alliance du 11 avril 1805, ce n’est pas tout d’abord sur la réorganisation de l’Europe ni sur le futur gouvernement de la France que les discussions portèrent, mais uniquement sur « l’anéantissement de Bonaparte ». Ce traité du 11 avril unissait dans une action commune contre la France, l’Angleterre, la Russie, la Suède. L’Autriche, la Prusse, l’Espagne, le Portugal devaient être invités à y accéder. Il avait pour objet apparent d’obliger la France à respecter les traités d’Amiens et de Lunéville, c’est-à-dire que Napoléon devait renoncer à s’occuper des affaires de Hollande, de Suisse, d’Allemagne et d’Italie. Dans le cas où la guerre se généraliserait par le refus de la France à accepter ces « bases de pacification », 500 000 alliés l’y obligeraient. C’est l’Angleterre qui fournissait tous les subsides, et ainsi se trouve vérifié le mot de M. Sorel : l’Angleterre allait tout payer en Europe !

Cet acte décisif étant passé, la propagande anti-française reprit avec une nouvelle ardeur en Prusse et en Autriche. Or, que fait Napoléon dans cet instant même, il se rend en Italie, où, le 26 mai 1805, il coiffe la couronne royale, puis, contrairement à la promesse solennelle qu’il avait faite de ne plus agrandir l’Empire, il annexe Gênes et la Ligurie (4 juin 1805). Marie-Caroline, qui régnait à Naples, est avisée qu’elle doit renoncer à ses sympathies anglaises ou à son trône. L’Autriche, cette fois, n’hésita plus à entrer dans la coalition, et le 9 août, elle accédait au traité du 11 avril, d’autant plus persuadée que la victoire resterait à ses armées, que toutes les troupes françaises étaient sur la côte qui regardait l’Angleterre et que le temps qu’il leur faudrait pour revenir sur l’Europe centrale permettrait aux alliés de frapper avec succès les premiers coups qui seraient les coups décisifs. L’archiduc Ferdinand et Mack avaient 90 000 hommes sur l’Inn, l’archiduc Jean avait 40 000 hommes en Italie. Quatre armées russes suivaient. 30 000 Napolitains devaient agir de leur côté. Quant à la Prusse, Alexandre put obtenir qu’elle laissât passer les troupes alliées, et jusqu’au dernier moment, il crut qu’elle entrerait dans l’alliance. Frédéric-Guillaume attendait toujours, pleurant quand le tsar paraissait douter de lui, souriant lorsque Duroc lui offrait le Hanovre. Tandis qu’il s’immobilisait ainsi, l’électeur de Bavière et le duc de Wurtemberg acceptaient l’alliance avec la France contre la promesse du titre royal et d’une extension de territoires. Le 9 septembre 1805 l’attaque autrichienne commença, la Bavière était envahie, Ulm pris, les défilés de la Forêt-Noire gardés.

La puissante diversion à laquelle Pitt travaillait depuis son retour au pouvoir était donc chose faite. Ce fameux camp de Boulogne, où l’on avait vu, le 15 août 1804, l’empereur Napoléon, sur un trône dressé au milieu de 60 000 soldats et gardé par les vingt-quatre grands officiers de la Légion d’Honneur, puiser dans un casque des croix et des rubans qu’il remettait à des hommes fanatisés, allait donc disparaître sans avoir pu véritablement servir de base à cette armée d’Angleterre qui devait se changer en armée d’Allemagne ! Le plan maritime de Napoléon n’avait pu s’exécuter, le plan continental de Pitt, au contraire, se réalisait. Mais, dès le mois d’août 1805, Napoléon savait qu’il devait se tenir prêt à lutter contre une coalition et il écrivait de Boulogne même à Talleyrand : « Plus je réfléchis à la situation de l’Europe, plus je vois qu’il est urgent de prendre un parti décisif. Je n’ai, en réalité, rien à attendre de l’explication de l’Autriche. Elle répondra par de belles phrases et gagnera du temps afin que je ne puisse rien faire cet hiver… et en avril je trouverai 100 000 Russes en Pologne, nourris par l’Angleterre, 15 000 ou 20 000 Anglais à Malte et 15 000 Russes à Corfou. Je me trouverai alors dans une situation critique. Mon parti est pris… Je lève mes camps et fais remplacer mes bataillons de guerre par mes 3es bataillons, ce qui m’offre toujours une armée assez redoutable à Boulogne et, au 1er vendémiaire (23 septembre), je me trouve avec 200 000 hommes en Allemagne et 23 000 hommes dans le royaume de Naples. Je marche sur Vienne et ne pose les armes que je n’aie Naples et Venise, et augmenté tellement les États de l’Électeur de Bavière que je n’aie plus rien à craindre de l’Autriche. L’Autriche sera pacifiée certainement de cette manière pendant l’hiver. » Comme on le voit, Napoléon ne fut pas surpris le moins du monde par l’attaque autrichienne, il l’attendait, au contraire, et, le 25 août, il avait même fait partir Murat avec ordre de reconnaître la Souabe, les débouchés sur Ulm, Ingolstadt et Ratisbonne, la Bavière, où de son côté le général Bertrand devait se rendre pour étudier les routes et les places[8].

Pensant à la prochaine guerre continentale, Napoléon put à son tour déjouer les calculs des coalisés, et, par sa surprenante rapidité, bouleverser toutes leurs combinaisons. En quinze jours (9-24 septembre), toute la Grande Armée fut sur le Mein et le Rhin. Comme on avait fait état de toutes les barques en vue du transport possible de milliers d’hommes en Angleterre, de même on réquisitionna tous les moyens de transport pour que sept corps d’armée fussent en bloc transférés de l’Océan au Rhin. Tandis que Mack demeurait à Ulm en attendant les Russes et s’imaginait Napoléon obligé de fractionner ses troupes dans l’Ouest, à Boulogne et à Paris, afin de se garantir également des Anglais et des insurrections, l’empereur postait Bernadotte à Würtzbourg, Marmont à Francfort, Davout à Manheim, Soult à Spire, Lannes et Ney à Carlsruhe, Augereau à Strasbourg. Son plan est de couper à l’Autrichien toute retraite sur la route de Vienne. Conformément à ses ordres, tous les corps d’armée situés à gauche du Danube se rabattent en aval d’Ulm. Les manœuvres sont précises. En quelques jours, Bernadotte et Marmont sont à Munich, Davout et Soult sont à Augsbourg, Lannes et Ney marchent sur Ulm. Mark se trouve cerné avant même de connaître la situation des forces françaises. C’est en vain qu’il veut s’ouvrir un passage : il est battu à Wertingen (8 octobre), à Memmingen, à Elchingen. Toujours rejeté dans Ulm, il voyait se resserrer autour de lui un cercle qu’il ne pouvait songer à rompre. Il ne pouvait non plus attendre aucun secours : son lieutenant Jellachich était acculé par Augereau dans le Vorarlberg ; l’archiduc Ferdinand, battu par Murat à Neresheim, s’était réfugié en Bohême, les Russes étaient encore à Linz. Dans ces conditions, Mack se rendit le 20 octobre 1805 avec ses 33 000 hommes, 60 canons et 60 drapeaux. Le même jour qui vit ce succès extraordinaire vit l’anéantissement de la puissance maritime française. Villeneuve, qui s’était réfugié à Cadix ainsi que nous l’avons dit plus haut, était rendu par Napoléon responsable de l’échec de la grande combinaison qui aurait permis en cas de réussite le passage du Pas-de-Calais.

L’amiral, affolé par tant de reproches et sans confiance aucune dans une flotte fatiguée et mal armée, se décida à quitter Cadix et à affronter l’ennemi. Il conduisait au feu des marins sans expérience, qu’on avait brutalement ramassés dans toute la France et qu’on avait mis de force sur des vaisseaux, « des matelots paysans qui ne savaient point manœuvrer, point tirer, et que, selon l’ancienne méthode, on faisait viser au mât, au lieu de tirer en plein bois, dans la coque des vaisseaux, comme faisaient les Anglais[9] ». Villeneuve avait prévenu le ministre de la Marine, Decrès, de son infériorité, mais sans succès. À la hauteur du cap Trafalgar, l’escadre franco-espagnole, forte de trente-trois navires, heurta l’escadre anglaise qui n’en comptait que vingt-sept, mais que commandait Nelson. Après un combat acharné, les Anglais demeurèrent victorieux, et treize vaisseaux alliés seulement rentrèrent à Cadix. Nelson était mort. Villeneuve était prisonnier[10]. Désormais l’Angleterre n’avait plus rien à craindre sur mer ; elle pouvait agir en toute liberté.

Cependant Napoléon ne perdait pas une journée : il craignait à la fois, s’il tardait, et que les Russes pussent entrer victorieusement en ligne, et que les Prussiens prissent position contre lui. C’est donc en toute hâte qu’il porte l’armée sur Vienne, par la rive droite du Danube, commettant, au reste l’incompréhensible imprudence de laisser sur la rive gauche le corps de Mortier, qui ne pouvait en aucune façon communiquer avec le gros de l’armée, car le Danube est large et rapide, et, dans tout son cours supérieur, impraticable. Cette faute faillit avoir de graves conséquences, car les Russes de Koutouzof, repoussés par la Grande-Armée le long de la rive droite, franchirent le Danube à Krems et se portèrent alors contre Mortier, qui se battit vigoureusement entre Stein et Diernstein, mais qui, cerné, allait succomber, lorsque, fort heureusement, la division du général Dupont vint le dégager. C’est pendant cette marche au pas de course à travers l’Allemagne que l’indiscipline la plus éhontée commença à se faire jour, transformant en détrousseurs,

Le duc d’Enghien.
(D’après un document de la Bibliothèque Nationale.)


en voleurs et souvent en meurtriers les soldats répandus sur un territoire ennemi, et qui, à défaut de rations régulières vivaient sur le pays. Aux lamentations des paysans dépouillés, dit M. Bonnal[11], aux plaintes proférées par des conscrits épuisés, on répondait stoïquement : « C’est la guerre ». Ces trois mots, écrit encore M. Bonnal, ont une profonde signification philosophique. » Nous y voyons, quant à nous, une dégradante et abominable parole qui cache toutes les oppressions, toutes les violences, tous les crimes. Les soldats battaient les paysans et leur prenaient leur argent : c’est la guerre ! — ils brûlaient les maisons, ravageaient les campagnes : c’est la guerre ! — ils violaient les femmes, violentaient les enfants : c’est la guerre ! Profonde philosophie, en effet, que celle cachée sous ces trois mots. Napoléon, lui, voyait dans tous les actes ignobles que nous énumérons « un mal inévitable, résultat nécessaire des marches forcées et subites », et, comme il n’était pas homme à s’attarder dans des considérations très vaines, puisque, en fin de compte, il ne s’agissait que de vies humaines, il avançait toujours vers son objectif principal : Vienne. Il y entra, sans trouver de résistance, le 13 novembre 1803, mais il ne put empêcher les Russes d’aller se concentrer sous Brunn. Alexandre et François II disposaient de 90 000 hommes et songeaient à enfermer Napoléon dans Vienne, comme lui-même avait enfermé Mack dans Ulm. L’archiduc Charles pouvait, en effet, accourir d’Italie et garder le sud, tandis que l’archiduc Ferdinand, avec l’appui escompté des Prussiens, pouvait paraître au nord. Napoléon ne s’arrête pas ; il détache Marmont pour surveiller Charles, Bernadotte pour surveiller Ferdinand, laisse Mortier à Vienne et marche sur les alliés. Il tient enfin la bataille qu’il désirait depuis longtemps. Elle se déroula au sud de Brunn, dans l’angle formé par la route qui va de Brunn à Vienne et celle qui va de Brunn à Olmutz. Les Austro-Russes avaient leur quartier général dans le petit village d’Austerlitz. Ils occupaient, en avant de ce village, un plateau appelé plateau de Pratzen. Au sud de ce plateau, se trouvent les étangs de Sokolnitz, Zatchan et Mœnitz. Devant Pratzen, et entre le plateau et la route de Brunn, à Vienne, coule une petite rivière, la Goldbach. Napoléon plaça ses troupes de telle sorte que les alliés devaient être tentés de lui couper la route de Vienne. En effet, à gauche, c’est-à-dire vers Brunn, étaient Lannes et Murat ; au centre, en face de Pratzen, Soult et Vandamme disposaient de troupes superbes ; à droite, par conséquent du côté de Vienne et vers les étangs, Davout était seul, et c’est vers lui que l’attaque russo-autrichienne devait porter. C’est du moins ce qu’espérait Napoléon, car son objectif était d’occuper la forte position de Pratzen, et, pour cela, il fallait en faire descendre les ennemis. Le 2 décembre 1805, au matin, les Russes, commandés par Buxhœwden, commencèrent à quitter le plateau de Pratzen pour marcher sur Davout qui battit lentement en retraite. Quand le mouvement de descente russe fut bien accentué, Soult s’élança sur Pratzen et s’y installa pendant que Lannes et Murat, opérant contre Bagration et Lichtenstein, les empêchaient de gagner le plateau. L’artillerie française s’étant installée à Pratzen balaya bientôt le champ de bataille, défonçant la glace des étangs sur laquelle des milliers de Russes étaient maintenus par un retour offensif de Davout. Les coalisés perdaient 15 000 tués ou blessés, 20 000 prisonniers, 45 drapeaux et 146 canons. François II demanda à signer un armistice qui devait bientôt se changer en traité de paix, car, en Italie, ses troupes étaient battues également : Charles n’avait pu tenir devant Masséna, Jean avait péniblement échappé à Ney, Jellachich avait capitulé à Füssen, Gouvion Saint-Cyr tenait Venise. Austerlitz avait brisé la troisième coalition : les Russes se retiraient, Pitt agonisait, Frédéric-Guillaume félicitait Napoléon. Haugwitz, qui avait été envoyé vers Alexandre et François II pour les assurer du prochain concours de son maître, se hâta d’aller présenter ses hommages au vainqueur. C’était le digne couronnement de toute la politique suivie par la Prusse depuis le début de la coalition, politique d’attente, d’expectative. La police, à Paris, notait l’anecdote suivante[12] : « On est… assuré qu’avant-hier Mme de Lucchesini[13] marquait quelqu’inquiétude à une personne de son intimité. Ces mots lui sont échappés : « Ayez donc des victoires ! Pour Dieu ! Des victoires ! — Mais, madame, est-ce que votre cabinet dépendrait de tel ou tel événement ? — Que voulez-vous, a répliqué Mme Lucch…, la politique des cabinets… Enfin, je vous en prie, des victoires ! » C’est, en effet, tout ce qu’on attendait à Berlin pour se prononcer.

Les négociations pour la paix — qui aboutirent au traité de Presbourg, le 26 décembre 1805 — furent conduites par Giulay et Lichtenstein, au nom de l’Autriche, par Talleyrand, au nom de la France. Talleyrand ne voulait pas que l’Autriche fut démantelée, amoindrie définitivement. « L’Autriche, écrit-il à Napoléon, le 5 décembre, sous le coup des défaites se disloque : un politique prévoyant devrait, en s’alliant à elle, la fortifier, lui rendre confiance, et l’opposer comme un boulevard nécessaire aux Barbares, aux Russes ». Talleyrand prêchait la modération, songeait à l’avenir menaçant, parce qu’il savait que le pays français voulait bien des victoires, mais voulait aussi et de plus en plus la paix, une bonne paix sérieuse, définitive. Or, écraser l’Autriche, ce serait la laisser en état permanent d’hostilité contre nous. Mais qu’importait à Napoléon la paix, la France, la modération ! Il est vainqueur, il est le maître ; ni Talleyrand, ni François II, ni personne ne l’empêcheront d’user — et d’abuser — de sa victoire. Les Habsbourgs perdent le Tyrol, le Vorarlberg, le Brigsau, l’Ortenau, Constance, c’est-à-dire la plupart de leurs provinces allemandes ; en Italie, ils doivent donner au royaume de Napoléon la Vénétie, la Dalmatie, l’Istrie, sauf Trieste, reconnaître la souveraineté italienne de l’empereur français et la légitimité de l’incorporation de Gênes, du Piémont, de Parme et de Plaisance à l’empire. L’ancien empire romaingermanique était définitivement scellé dans son tombeau. Avec ses dépouilles, Napoléon s’empressa de récompenser ses alliés. « Les électeurs Maximilien-Joseph (Bavière) et Frédéric (Wurtemberg) prenaient le titre de rois ; la Bavière, agrandie du Tyrol, du Vorarlberg, de Lindau, d’Augsbourg et de la principauté d’Ansbach enlevée à la Prusse, était richement dédommagée de la perte du grand-duché de Berg, et même de celle de l’évêché de Wurzbourg[14], qu’elle regrettait davantage ; elle gagnait environ 600 000 habitants, et comptait bien ne pas s’arrêter là. Le Wurtemberg recevait dans le Brisgau et la Souabe quelques 200 000 nouveaux sujets. Pour rattacher plus étroitement l’Allemagne à ses intérêts, Napoléon introduisait parmi ses souverains son beau-frère Murat, qu’il nommait grand-duc de Berg, et son oncle, le cardinal Fesch, que Dalberg[15] choisissait pour coadjuteur ; il mariait au prince héritier de Bade la nièce de Joséphine, Stéphanie Beauharnais… Il désirait, depuis plusieurs années, pour Eugène Beauharnais[16], la main de la princesse Augusta de Bavière ; Maximilien jugeait le prétendu un peu léger de fortune et d’aïeux ; on le menaça de faire enlever la princesse par les grenadiers de la garde[17] ». C’est donc la curée qui commence, la famille qui se case, les princes de la parenté qui se multiplient, imposés en tous pays par l’extraordinaire aventurier qui taille dans l’Europe comme à sa guise.

En Italie, en effet, comme en Allemagne, la famille impériale reçoit des territoires. La reine Caroline de Naples avait eu l’imprudence d’entrer dans l’alliance anglaise quelques jours avant Austerlitz : Masséna et Gouvion Saint-Cyr reçurent mission de la punir, et les Bourbons de Naples durent aller se réfugier à Palerme (13 janvier 1806), tandis que Joseph Bonaparte prenait le titre de roi de Naples et des Deux-Siciles. Elisa Bacciochi, sœur de Napoléon, devint princesse de Lucques et de Piombino et bientôt grande-duchesse de Toscane ; Pauline Borghèse, autre sœur de l’empereur, devint princesse de Guastalla. En somme, Napoléon tenait à ce moment toute l’Italie, sauf les États du pape qui, avec Rome, restaient indépendants au centre. Mais il faut s’entendre sur la valeur de ce mot indépendance ! Pie VII, lorsqu’il avait enfin pu rentrer sain et sauf en Italie, après le sacre, avait rapporté de son séjour à Paris la certitude que Napoléon ne souffrirait jamais de sa part le moindre acte hostile. Il ne lui avait rien accordé de ce qu’il demandait, avait refusé d’abolir les articles organiques, et avait maintenu le divorce dans le Code civil. L’empereur ayant pris la couronne d’Italie, les craintes romaines eurent tout lieu d’augmenter encore. Napoléon, en effet, s’empressa de nommer des évêques à son gré, sans respect pour le Concordat passé entre la papauté et la République cisalpine, et, comme Pie VII refusait d’annuler le mariage contracté par Jérôme Bonaparte avec une Américaine, miss Patterson, les troupes impériales occupèrent Ancône, ville pontificale (septembre 1805). Le pape, on le voit, avait pour voisin, après le traité de Presbourg, un homme décidé à agir contre lui, tout pape qu’il était. Il le lui fit bien voir : en janvier 1800, Napoléon demandait à Pie VII de fermer ses ports aux Anglais, et de chasser les Russes, les Anglais et les Suédois de ses États ; le pape voulant entrer dans des explications sur la neutralité traditionnelle du Saint-Siège, vit ses provinces envahies par le général Lemarrois (août 1807), et, au début de 1808, Rome même tombait entre les mains du général Miollis.

La puissance de Napoléon après le traité de Presbourg, cet immense empire qui partait de la Hollande, où Louis Bonaparte était roi, et finissait à la Sicile portait en lui-même des causes évidentes de faiblesse. Napoléon avait remanié l’Allemagne et créé, pour remplacer l’ancien empire germanique, la Confédération du Rhin, où seize princes figuraient et qu’il présidait en personne, mais il restait en Allemagne un État qui n’avait pas encore pris définitivement parti et qui se trouvait dans une situation tellement fausse que tout restait à craindre de son côté. La Prusse, ou tout au moins le roi de Prusse, avait salué le vainqueur d’Austerlitz. Haugwitz avait signé, à Schœnbrunn, un traité qui enlevait quelques petits territoires à la couronne prussienne, mais lui donnait le Hanovre, possession du roi d’Angleterre. Le roi Frédéric-Guillaume III, l’homme le moins militaire qui fût dans un temps où l’on ne voyait que sabres, canons et fusils, s’estimait très heureux d’avoir évité de participer à des guerres terribles ; mais il y avait en Allemagne, et surtout en Prusse, un mouvement national qui, de plus en plus, allait s’accentuant. Geutz, Ardndt faisaient campagne contre l’invasion française et Napoléon s’émut à tel point de la propagande antifrançaise entreprise au delà du Rhin, qu’il fit fusiller un libraire de Nuremberg, nommé Palm, coupable d’avoir vendu une mauvaise brochure où la domination française était attaquée. Les Prussiens, du reste, devaient avoir bientôt sujet de se plaindre de la France. En février 1806, Haugwitz dut signer, à Paris, un traité par lequel la Prusse s’engageait à fermer au commerce anglais l’Ems, le Weser et l’Elbe. C’était la ruine de la Silésie, et on vit bien les conséquences des exigences napoléoniennes lorsque les Anglais eurent, en peu de jours, confisqué trois cents navires prussiens. En outre, Fox, ayant pris le pouvoir à Londres, fit quelques ouvertures de paix à la France, en tâchant de savoir si le Hanovre pourrait revenir à la couronne anglaise. L’effet de cette négociation fut énorme. On apprit soudain à Berlin, au commencement du mois d’août 1800, que Napoléon consentait à retirer le Hanovre à la Prusse pour le rendre au roi George ! C’était faux ou tout au moins prématuré, mais le coup avait porté. De ce jour, Frédéric-Guillaume III fut littéralement submergé par le parti de la guerre. Haugwitz était hué par la foule, méprisé par tout le monde, et, au contraire, Hardenberg qui poussait à la guerre, ainsi que la reine Louise et le prince Louis, neveu du roi, voyait monter vers lui la confiance de la nation. La Confédération du Rhin comprimait totalement la Prusse : elle pouvait, en quelque sorte, craindre d’être étouffée, d’autant plus que Napoléon, tout en conseillant à Frédéric-Guillaume de constituer une confédération de l’Allemagne du Nord, défendait aux États susceptibles d’y entrer de donner leur adhésion et travaillait au contraire, à les attirer vers lui. La situation était, en somme, intolérable pour la Prusse. Napoléon agissait de plus en plus comme le despote universel et n’ayant, sur les limites de son empire même, que des royaumes dont il était le suzerain, le maître, il en arrivait à considérer la Prusse comme un autre satellite de sa puissance. Il avait pourtant un ennemi toujours prêt à recueillir les plaintes des mécontents. L’Angleterre offrit à la Prusse et à la Russie de refaire une coalition. Six millions de livres sterlings vinrent appuyer ces offres, et, le 15 septembre 1806, la Russie, la Suède, l’Angleterre et la Prusse avaient conclu la quatrième coalition.

Les Prussiens n’étaient en rien préparés à la guerre qu’ils allaient affronter contre une armée de métier entraînée et victorieuse. Sans entrer dans les détails de l’organisation des troupes prussiennes, nous pouvons noter quelques traits caractéristiques : les capitaines étaient propriétaires de leur compagnie et, par conséquent, ils l’exploitaient pour en retirer des bénéfices, c’est ainsi qu’ils n’armaient point leurs hommes et en restreignaient le nombre pour éviter des dépenses ; les soldats étaient, pour la plupart, mariés, et s’ils étaient prêts à parader, ils ne l’étaient guère à combattre ; les chefs étaient âgés, Brunswick avait soixante et onze ans ; 28 colonels sur 66 avaient plus de soixante ans, 86 majors sur 281 avaient plus de cinquante-cinq ans, et 190 en avaient cinquante ; l’armement était piteux, à telle enseigne qu’on n’osait pas essayer les fusils tant ils étaient usés… Mais, comme il convient, le peuple se répandait dans Berlin en criant : « À Paris ! à Paris ! » La reine Louise, à cheval, passait des revues. Des officiers allaient aiguiser leurs sabres sur les marches de l’escalier de l’ambassade de France.

C’est Frédéric-Guillaume III qui attaquait, c’est lui qui avait sommé Napoléon d’évacuer l’Allemagne et de renoncer à la Confédération du Rhin, c’est donc de ses troupes qu’allait venir le premier coup : les Russes achèveraient l’affaire. Brunswick, secondé par le duc de Saxe-Weimar, s’avança en Thuringe avec la plus forte armée. Il s’installa à Erfurt, tandis que ses premiers corps touchaient à Eisenach, c’est-à-dire à la frontière de Hesse. Plus à l’est, sur la ligne de la Saale, une seconde armée prussienne, rangée sous le commandement du prince de Hohenlohe, occupait Iéna et s’avançait jusqu’à Saalfeld, regardant la Franconie. Les Prussiens avaient ainsi en ligne 150 000 hommes. Ils s’avançaient sans plan arrêté, ou plutôt avec trop de plans, car il n’y avait aucune unité dans l’état-major. Une seule chose était certaine, c’est que les Français seraient balayés à la première rencontre. En attendant, les troupes étaient embarrassées par une multitude de bagages, et ne recevaient pas les rations nécessaires à leur subsistance, tant le désordre était complet.

Napoléon, sans hâte apparente, réunit en Franconie 175 000 hommes et, selon sa tactique habituelle, au lieu d’attendre le choc prussien, il pousse vivement son attaque, et, tandis que Brunswick l’attend au nord-ouest, il descend au contraire au sud-est, pour remonter vers l’armée de Hohenlohe qui est la plus faible, la déborder si possible, et menacer Berlin. Il débouche en effet en Thuringe par les défilés du Frankenwald, Soult et Ney formant sa droite, Davout, Bernadotte et Murat tenant le centre, Lannes et Augereau se rabattant par la gauche sur les positions prussiennes de Saalfeld. Le centre français avait déjà refoulé le corps prussien de Tauenzien à Schleitz, lorsque Lannes remporta la victoire de Saalfeld, où mourut le prince Louis de Prusse, victoire qui installait les Français sur la Saale, et apprenait aux Prussiens que Napoléon allait, par le nord, les enfermer en Thuringe, les couper de Berlin, et les écraser comme Mack avait été écrasé à Ulm. Le roi Frédéric-Guillaume et le vieux duc de Brunswick tinrent conseil pendant neuf heures pour savoir ce qu’ils devaient faire. Ils ne pouvaient, selon toute évidence, que venir en hâte joindre Hohenlohe pour arrêter la marche de Napoléon. Ils se résolurent donc à abandonner la ligne Erfurt-Eisenach pour gagner Weimar. Il était trop tard : Davout les arrêta à Auerstaedt. Napoléon, en effet, s’étant avancé jusqu’à Iéna, s’était trouvé en contact avec l’armée de Hohenlohe, qu’il pensait être la principale armée prussienne, aussi avait-il fait ses plans pour l’accabler et la réduire. Dans ce but, il avait détaché Davout et Bernadotte vers le Nord avec mission de revenir sur Iéna, c’est-à-dire de prendre Hohenlohe entre deux feux. Or, en réalité, Davout se trouva en présence des 60 000 Prussiens qui, sous Brunswick et le roi, rétrogradaient sur la route de Berlin.

Il y eut donc, le 14 octobre 1806, deux batailles. A Iéna, Napoléon, secondé par Lannes, Soult, Ney, Augereau et Murat, écrase le corps de Hohenlohe qui ne savait pas du tout avoir affaire à l’empereur. À Auerstaedt, Davout seul — car Bernadotte lui refusa ses services et se retira à Dornburg — avec 26 000 hommes commandés par les divisionnaires Gudin, Friant, Morand, tient tête à un ennemi infiniment supérieur en nombre et, par des mesures stratégiques très remarquables, remporte la victoire décisive[18]. C’est à Auerstaedt que Brunswick fut frappé à mort. Frédéric-Guillaume, en retraite, voulut rejoindre Weimar, mais Davout, qui pensait que Napoléon s’avançait, poussa devant lui vigoureusement l’armée qu’il venait de battre. Soudain les fuyards d’Iéna rejoignirent les fuyards d’Auerstaedt, et ce fut une mêlée insensée, une débandade extravagante d’hommes valides désarmés et de blessés, de canons et de bagages. L’armée prussienne s’anéantissait dans la débâcle. Napoléon passa d’abord sous silence la bataille d’Auerstaedt qu’il n’avait pas prévue, et il la réduisit ensuite au rang d’un simple épisode, n’accordant à Davout le titre de duc d’Auerstaedt que plus tard, lorsqu’il n’eut plus à craindre, selon le mot de Michelet[19], d’être diminué aux yeux de l’armée par ce succès.

L’occupation militaire de la Prusse se fit sans aucune difficulté et, au témoignage de tous les historiens, les vaincus accablés laissèrent sans résistance les vainqueurs user de leur victoire avec une indifférence et un découragement sans égal. « Le lendemain d’Iéna, écrit M. Denis, 8 000 soldats capitulèrent à Erfurt, sans essayer de résistance ; Kalckreuth, qui dirigeait la retraite sur Magdebourg, ne parlait que de se rendre avant d’avoir aperçu les Français ; les hussards de Murat enlevaient les forteresses de Stettin et de Custrin, et Magdebourg, le donjon de la monarchie, avec une garnison nombreuse et des ressources considérables, ouvrait ses portes à la première sommation[20] ». Napoléon fit à Berlin une entrée triomphale le 27 octobre et son armée put défiler dans les rues de la ville au milieu d’une foule qui se pressait curieusement, sans haine. Les journaux s’occupaient de l’empereur, notaient ses moindres faits et gestes. Les théâtres n’étaient point fermés. Il n’y avait pas de deuil. Peut-être même Napoléon aurait-il pu tirer parti des sentiments de surprise admirative ou encore d’abrutissement qu’il inspirait alors à la nation prussienne. Il aurait pu arrêter la guerre, il aurait pu tempérer la victoire. Il ne songea au contraire qu’à accabler les vaincus ; il lui sembla que le peuple prussien serait taillable et corvéable à merci, il fit tant et si bien que sa domination effrénée fut prise en horreur et que le roi même, qui ne demandait que la paix, fut acculé à ne songer qu’à la guerre. Les soldats français répandus sur l’Allemagne réquisitionnaient, volaient, pillaient. Les administrateurs français venus de Paris levaient des contributions de guerre, percevaient les impôts, pressuraient les riches et les pauvres. Il fallait à l’empereur des hommes pour les envoyer se faire tuer, de l’argent pour lui, pour ses maréchaux, pour les fournisseurs. Jérôme Bonaparte attendait un royaume : il fallait le lui trouver et, pour cela, déposséder des princes. Le délire du pouvoir gagne de jour en jour plus de terrain. De Berlin, Napoléon parle au monde entier. Les bulletins des armées remplissent l’Europe de stupéfaction. Le 21 novembre 1800, un acte gigantesque, destiné à bouleverser l’économie de tous les peuples est promulgué. Par lui, l’empereur ordonnait à l’Empire français, au royaume d’Italie, à l’Espagne, à Naples, à Rome, à la Toscane, à la Hollande, à l’Allemagne[21] de se fermer à tout commerce anglais. Au blocus fictif des côtes françaises par la flotte de

(D’après un document de la Bibliothèque Nationale).


la Grande-Bretagne, Napoléon répondait par le Blocus continental. Ce décret du 21 novembre « déclarait que tout commerce avec l’Angleterre était interdit, que toute marchandise provenant de la fabrique anglaise ou de colonies anglaises serait confisquée, en quelque lieu qu’on pût la saisir, que toute lettre venue d’Angleterre ou destinée à l’Angleterre serait détruite, que tout Anglais arrêté serait traité comme prisonnier de guerre, que tout bâtiment convaincu d’avoir touché aux côtes d’Angleterre ou aux colonies anglaises ne serait, quelle que fut sa nationalité, reçu dans aucun port et que, s’il y entrait sur une fausse déclaration, il serait considéré comme étant de bonne prise[22]. » Il appartiendra à notre ami Turot de mettre en relief l’importance de cette folle mesure qui devait ruiner le pays, enrichir l’empereur, ses parents, ses alliés, ses généraux devenus tous entrepreneurs de contrebande. Le décret de Berlin domine toute l’histoire de l’Empire à partir de 1807. Pour assurer son exécution, Napoléon a été conduit aux pires mesures, pour se soustraire au fardeau qui pesait sur eux, les peuples ont été conduits aux mouvements les plus désespérés et le rêve de gloire universelle s’est effondré lamentablement ; la France a été écrasée, des milliers et des milliers de vies humaines ont été détruites, des villes ont été brûlées, saccagées, des richesses de toutes sortes anéanties, en grande partie parce que l’Europe asservie n’avait plus de sucre, plus de chandelle, plus de coton… Le blocus continental, qui ruinait l’Angleterre, a vaincu Napoléon.

Le fait seul que c’est de Berlin que l’empereur datait son décret fameux montre assez qu’il ne songeait guère à cesser la lutte. Il songe au contraire que d’autres ennemis l’attendent et, tandis qu’il regarde avec envie les richesses entassées par le commerce britannique dans les ports allemands et pense à s’en saisir, il se retourne vers la Russie où il y a tant et tant de terres à conquérir. Il se mit en marche vers la Pologne, en plein hiver. Les soldats, au travers des plaines boueuses et marécageuses, avançaient péniblement. Les Polonais, lassés et torturés par un long esclavage russe, acclamaient l’empereur. Ils commettaient à leur tour la faute française : par derrière Napoléon, par dessus lui, ils acclamaient la Révolution. Ils croyaient que le libérateur s’avançait vers eux. Ivres de liberté, ils se ruaient dans les bras du tyran comme avaient fait les Français républicains et révolutionnaires. Napoléon se souciait peu de la Pologne et il « ne craignait qu’une chose, c’est l’enthousiasme qui le forcerait de se prononcer. » Notre Michelet a retracé avec une vigueur saisissante l’attitude de l’empereur en face des malheureux Polonais qui l’acclamaient à la suite de Dombrowski. « Il arrive à Varsovie, dit-il[23], comme un coupable, dans l’ombre d’une soirée d’octobre[24]. Vu aux flambeaux, il était, non plus le Bonaparte jauni et travaillé de flammes des batailles d’Italie, mais blême et qui déjà tournait à la graisse pâle. Tous pleuraient. Lui, il passe, sombre, silencieux. Descendu à l’hôtel de ville, pour réponse aux harangues émues, il parle du climat : « Qu’il y a de la boue dans ce pays ! » Puis brusquement : « Messieurs, il me faut pour demain tant de blé, tant de riz. » À quoi il ajouta une parole terrible, qu’on a rapportée diversement, mais qui serra le cœur : « Point d’excuse. Sinon, je vous laisse au bâton russe. Je mets le feu et je m’en vais ! »

La Pologne lui donna du blé, du riz, des hommes, mais elle n’évita ni le bâton, ni le feu. Les Russes, sous le commandement de Bennigsen et de Kamenski, avec l’appui d’un corps prussien sous Lestocq, s’avançaient dans les vastes plaines parcourues par la Narew et ses affluents Omulef, Orzec, Ukra. Il s’agissait de les refouler au nord. Ce fut l’effet d’une série de combats gagnés par Lannes à Czarnowo, par Ney à Soldau, par Davout à Golymin, par Lannes, encore, à Pultusk (décembre 1806). Les troupes étaient lasses, la boue, ce « cinquième élément » disait Napoléon, gardait pour toujours les blessés, recouvrait les cadavres et retenait aussi, dans un enlisement effroyable, les malheureux épuisés par les marches, par la faim, par la lutte, le froid, la pluie, la neige. Sur le sol mouvant que ses soldats venaient de conquérir, c’est-à-dire entre Osfrolenka et Varsovie, Napoléon résolut d’attendre que l’hiver fut fini. Du reste, le maréchal Lefebvre assisté de Chasseloup-Laubat et de Lariboisière faisait avec 40 000 hommes le siège de Dantzig, et il convenait assez à l’empereur d’attendre la fin de ses opérations pour renforcer ses troupes avec cette armée. Mais soudain, en plein hiver, Bennigsen se précipite sur les cantonnements français. Bernadotte, assailli ainsi à l’improviste, tient pied à Mohrungen, Napoléon accourt et veut aller se poster derrière Bennigsen pour lui couper la retraite, mais celui-ci prévenu peut rétrograder sur Kœnisberg. Le 8 février 1807, Napoléon rejoint les Russes à Eylau. Une épouvantable bataille s’engage au milieu de la neige, un massacre odieux laisse sur la glace des étangs, parmi la neige sanglante, 40 000 victimes tant russes que françaises ! Napoléon avait failli être enlevé par la cavalerie ennemie près du cimetière d’Eylau. Murat, Davout et Ney avaient assuré une victoire qui laissait les Français maîtres d’un « champ de cadavres ». Ney ayant rejoint Napoléon et considérant la boucherie humaine qui venait d’être faite, haussa les épaules et dit : « Tout cela pour rien ! » — M. Bonnal, nous le savons, dit, avec plus de philosophie : « C’est la guerre[25] ! »

Eylau secoua l’Europe. Les Russes en firent une victoire et l’on désirait tant qu’elle en fût une qu’on se hâta de la croire telle. Frédéric-Guillaume de Prusse et Alexandre s’engagèrent à Bartenstein à poursuivre la lutte jusqu’à ce que la France fût ramenée au Rhin (25 avril 1807) et les peuples opprimés sans oser encore se lever songèrent que peut-être l’heure de la délivrance allait sonner. Le frisson d’Eylau est précurseur de celui de Baylen. Napoléon comprit qu’il devait frapper un grand coup, remporter un succès incontestable s’il voulait détruire l’effet de la bataille du 8 février. Il renforça donc ses troupes de corps venus d’Italie avec Masséna et de l’armée du général Lefebvre et attendit l’occasion favorable. Il la trouva à Friedland le 14 juin 1807. Bennigsen, qui disposait de 100 000 hommes, s’était posté dans une situation défavorable qui ne lui laissait pour toute retraite sur Kœnigsberg que les ponts de Friedland jetés sur l’Alle. Il appartint à Ney de tourner l’armée russe tandis que Lannes et Mortier lui tenaient tête. Lorsqu’après une longue bataille Ney parut derrière Bennigsen et coupa les ponts de Friedland, une affreuse panique s’empara des soldats d’Alexandre qui laissèrent encore 25 000 des leurs sur le terrain.

C’était la fin. Alexandre découragé demanda la paix, et une entrevue eut lieu à Tilsitt entre les deux empereurs, sur un radeau au milieu du Niémen. Les tueries sauvages, les misères de toutes sortes, les crimes de toute nature aboutirent à l’accolade des deux autocrates qui décidèrent de se partager l’Europe. Ce fut l’objet du traité de Tilsitt le 7 juillet 1807.

Le royaume de Prusse que Napoléon voulait anéantir fut réduit à quatre provinces : Silésie, Brandebourg Poméranie et Prusse. L’occupation française des terres qui restaient à Frédéric-Guillaume devait se prolonger jusqu’au paiement d’une contribution de 100 millions. Ce qui était enlevé à la Prusse servit d’une part à constituer un grand duché de Varsovie donné à l’électeur de Saxe qui devint roi, d’autre part à créer, avec la Hesse, le Brunswick et une partie du Hanovre, un royaume de Westphalie pour Jérôme Bonaparte. Dantzig devenait ville libre. Le tsar promettait l’observation du blocus continental et par conséquent se retournait contre l’Angleterre qui lui avait fourni les moyens de lutter, qui l’avait assisté de son or. Il est vrai que les Anglais avaient surtout fait agir les continentaux pour se sauver eux-mêmes et qu’ils avaient, après Eylau, refusé de garantir un emprunt russe. Mais si Alexandre abandonnait l’Angleterre, Napoléon laissait Alexandre libre du côté de l’Orient, du côté de la Turquie et de la Perse. Or, précisément, Sébastiani venait de travailler à resserrer notre vieille alliance avec le Sultan, et le général Gardane poussait le Shah à combattre le Tsar. En outre, Napoléon était décidé à laisser les Russes libres d’agir en Finlande, aux dépens de la Suède. En somme, l’empereur français prenait pour lui le midi et l’ouest de l’Europe, l’empereur russe prenait le nord et l’orient.

Napoléon rebâtissait l’Europe, mais à sa guise, sans nul souci des peuples, sans nul souci des lois économiques, politiques et sociales. Au gré de sa fantaisie, pour punir les uns, pour récompenser les autres, il taillait dans les montagnes, divisait les fleuves, ajoutait 100 000 âmes à l’un et les retirait à d’autres. Il croit organiser, il détruit, en réalité, matériellement, et l’organisation se fait moralement derrière lui, en dehors de lui. S’il a cru véritablement que par l’alliance russe il pouvait tout bouleverser sans rien avoir à craindre, il était fou. « La Russie, grandie et défiante, maintenait sur la Prusse une main protectrice et encourageait ses haines, en lui laissant entrevoir pour les jours du danger une ressource suprême. Les petites souverainetés que l’on organisait dans l’Allemagne du nord n’avaient ni puissance réelle, ni raison d’être ; la Saxe, discréditée par la médiocrité de ses souverains et usée par sa longue abdication, n’avait ni ressources ni volonté et on l’affaiblissait en la soudant à des peuples dont tout la séparait, l’origine, la religion, la langue et la géographie. Au milieu de ces fantômes d’États, la Prusse seule, malgré ses revers, vivait d’une vie réelle… elle cessait d’être une puissance hybride, à demi-slave, reprenait la liberté de ses allures et la maîtrise de sa pensée : Napoléon l’avait, en quelque sorte, rendue à l’Allemagne[26] ».

La puissance apparente de Napoléon porte donc en elle, dans l’instant même qu’elle apparaît comme le plus considérable les causes inéluctables de son effondrement.

  1. Raiga, « La Révolution et l’Église » dans la Revue socialiste, t. X, p. 723.
  2. 15 juin 1807 Archives nationales, F7 3713.
  3. Général Bonnal, L’esprit de la guerre moderne : de Rosbach à Ulm, p. 158. Il nous est impossible de donner ici des détails fastidieux sur toute l’organisation militaire de l’Empire, nous nous bornons donc à l’essentiel.
  4. o. c, p. 372.
  5. Martens, Traités de la Russie, t. II, p. 402.
  6. On se souvient que c’est après l’assassinat de Paul Ier. Voir supra, pp. 122-123.
  7. 10 août 1804.
  8. Voir l’ouvrage cité du général Bounal, chapitre intitulé : « La manœuvre d’Ulm ».
  9. Michelet, Histoire du XIXe siècle, III, 171.
  10. Villeneuve remis en liberté fut traduit par Napoléon devant un conseil de guerre. Il se coupa la gorge dans sa prison.
  11. O. c, p.203
  12. Archives nationales. F7 3704, 1er brumaire XIV. — Napoléon dit à Haugwitz : « Voici un compliment dont la fortune a changé l’adresse. » Le 3 novembre, en effet, un traité avait lié à Postdam la Prusse et la Russie.
  13. Femme du ministre de Prusse à Paris.
  14. Napoléon transporta à Wurzbourg l’archiduc Ferdinand, frère de François II à qui il enleva Salzbourg.
  15. Archevêque de Ratisbonne. Voyez supra, 175.
  16. Fils de Joséphine et par conséquent beau-fils de Napoléon.
  17. Denis. L’Allemagne 1789-1810.
  18. Les Prussiens perdirent 22 000 hommes le 14 octobre.
  19. Michelet, Histoire du XIXe siècle, III, 210, note 2.
  20. Denis. L’Allemagne, 1789-1810, p. 250.
  21. Et au Danemark, allié de l’empire.
  22. Levasseur. Histoire des Classes ouvrières et de l’Industrie en France, de 1789 à 1870, t. I, p. 470 de la 2e édition.
  23. Michelet. Histoire du XIXe siècle, t. III. p. 219-220.
  24. Le 19 décembre 1806, Murat y était depuis la fin novembre.
  25. Il y eut à Paris, au mois de mai, une « exposition d’esquisses de la bataille d’Eylau » et voici à son sujet une note inédite de Lacretelle : « Le public s’est porté avec intérêt à la salle où sont exposées les esquisses du champ de bataille d’Eylau. Les artistes y ont accumulé tous les genres de mutilation et toutes les variétés d’une vaste boucherie comme s’ils eussent eu à peindre précisément (sic) une scène d’horreur et de carnage et à rendre la guerre exécrable. À cette impression générale s’est jointe l’idée particulière des dangers auxquels S. M. a été exposée dans cette journée. Quant au trait du soldat russe qui promet de se faire tuer pour l’empereur Napoléon comme il l’a fait pour l’empereur Alexandre, on a cherché la nuance d’héroïsme et d’intérêt qu’il pouvait présenter et l’esprit français a repoussé naturellement l’expression du sentiment d’un stipendié et non d’un vrai soldat. » Archives Nationales F7 3713.
  26. Denis, o. c, p. 264.