Histoire universelle de l’Église (Alzog)/Préface 1

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PRÉFACE DE L’AUTEUR POUR LA PREMIÈRE FOIS


Ce n’est pas sans crainte ni sans de profondes réflexions que j’ai entrepris de donner à la littérature catholique un livre à la fois élémentaire et scientifique sur l’histoire de l’Église chrétienne, qui pût servir de base à un cours universitaire. C’est la première tentative de ce genre qui ait été faite depuis Dannenmayer. Les difficultés inhérentes à un travail qui embrasse tant de choses, celles plus grandes encore, qui résultaient des faibles secours dont j’ai été entouré, devaient souvent me détourner d’une pareille entreprise. Mais, d’un autre côté, dans le cours de mes leçons historiques, j’ai senti de plus en plus le besoin d’un précis préparé d’avance et fait pour accompagner l’enseignement oral. Je me suis donc décidé à cette œuvre, dans l’espoir d’épargner en partie à mes auditeurs le pénible travail des rédactions écrites, de leur rendre plus attrayante l’étude de l’histoire, et de leur en offrir en même temps les avantages pratiques.

Dans mon introduction, j’ai exposé, d’une manière plus étendue que ce n’est l’usage dans ces sortes d’ouvrages, les principes qui m’ont servi de guide ; aussi me bornerai-je en ce moment aux observations suivantes :

J’ai constamment eu devant les yeux mon but primitif, qui était de composer un précis destiné à préparer, à fortifier le cours principal, et non à le remplacer ; destiné à soutenir l’attention de l’auditeur dans certains moments, et à le porter à des recherches approfondies et complètes. Il y avait aussi un écueil à éviter, et je m’y suis appliqué : c’était de ne point se contenter d’une longue, sèche et fatigante liste de noms et de faits. Pour y arriver, il fallait faire ressortir certaines circonstances particulières ; dessiner avec vigueur les imposantes figures de l’Église ; grouper avec netteté les divers phénomènes de la vie chrétienne ; indiquer le vrai caractère des temps et l’esprit de chaque époque. C’était l’unique moyen de présenter un tableau vrai et fidèle. Si parfois, lorsqu’il s’agit de raconter les grands événements de l’Église, de peindre les admirables individualités qu’elle a produites, l’expression s’anime et s’échauffe sous ma plume ; ou bien encore, si, lorsqu’il s’agit de flétrir certaines personnes, de signaler certains faits honteux, ma parole devient, incisive et dure, il faut en accuser la nature même des choses. D’un côté, en effet, l’historien chrétien ne peut jamais ressentir un trop vif intérêt pour la dignité, l’éclat, l’élévation du Christianisme et de l’Église ; de l’autre, il ne saurait s’appliquer avec trop de soin à inspirer, par des récits authentiques, par des tableaux copiés d’après nature, au cœur de l’élève, l’amour ardent et énergique de la vérité.

Quant à la partie matérielle de cet ouvrage, je crois devoir déclarer que j’ai eu l’insigne bonheur de profiter pendant dix années des travaux que l’immortel Mœhler avait réunis sur l’histoire ecclésiastique. Ils m’ont servi de point fixe, de base dans mes propres études, et plus particulièrement dans mes écrits. J’ai aussi mis à contribution les ouvrages les plus récents sur cette matière ; les publications si substantielles de Dœllinger, de Ruttenstock et de Katerkamp ; celles des protestants Gieseler, Engelhardt, Néander, Guérike, et de Carl Hase. J’ai donné une attention toute particulière aux nombreuses monographies des temps modernes, et aux travaux spéciaux, souvent excellents, que renferment les revues théologiques. Je crois avoir mis à ces recherches un soin peu ordinaire ; aussi, tout ce que je désire, c’est de voir ce simple essai de littérature ecclésiastique accueilli sur les bords de l’Oder, du Rhin, du Danube, de l’Ems et du Necker, avec une faible partie de l’intérêt que j’éprouvais sur les rives de la Wartha, quand y arrivaient les publications de notre patrie allemande. Cependant, pour rester fidèle à mon plan primitif de rédiger un précis scientifique, il m’a fallu faire un choix dans ces travaux et me contenter d’indiquer, aussi complètement que possible, les sources. Au contraire, s’agissait-il de préciser les faits, ou les vérités dogmatiques du catholicisme que l’on s’était plu à altérer, à montrer sous un faux jour, et auxquels on refusait une origine qui remontât aux premiers siècles, alors j’ai cru devoir suivre le plan indiqué dans l’introduction et citer dans les notes de nombreux extraits, fournis par les sources originales. Il faut espérer aussi que les deux cartes qui accompagnent cette histoire auront leur utilité pour le lecteur, quelque incomplètes qu’elles puissent être.

À l’égard de l’histoire ecclésiastique qui remplit l’époque comprise entre la révolution française et nos jours, je déclare expressément n’en avoir voulu tracer qu’une esquisse rapide. Cependant, je n’aurais point voulu en priver cet ouvrage ; car notre temps a été fécond en événements importants pour l’Église ; de plus, toute notre vie religieuse est tellement liée à ce temps, que le théologien a besoin de le comprendre, pour remplir pleinement son devoir et exercer une influence légitime. Que si l’on considère les difficultés toutes spéciales que j’ai eues à surmonter pour rassembler tant de documents épars, cette tentative rencontrera peut-être quelque indulgence aux yeux de la critique, dont toute censure fondée me trouvera aussi reconnaissant que docile.

L’expérience a démontré que nos plus grands théologiens catholiques, et tout récemment encore Mœhler, ont puisé dans l’étude de l’histoire ecclésiastique et dans la patrologie les plus solides éléments de leur instruction théologique ; aussi, mon vœu le plus ardent et le plus sincère serait d’exercer à cet égard une influence non moins heureuse, non moins utile, sur les jeunes théologiens, surtout dans nos jours de vive polémique. Rien de plus propre à porter la conviction dans l’âme, à diriger, à inspirer les mesures les plus convenables, dans chaque circonstance donnée, que la connaissance des phénomènes si variés, des luttes si importantes qui signalent le développement de l’Église. Honneur donc à cette histoire ! elle est le flambeau de la vérité, la vraie maîtresse de la vie. Mais si, après tout, ce livre n’obtenait qu’une approbation restreinte, je m’efforcerais encore de le perfectionner, Dieu aidant, et avec une ardeur d’autant plus grande qu’il a fait naître un lien intime entre l’auteur et les nobles jeunes gens qu’il a initiés aux études théologiques. Il sera de plus un gage de ses efforts, dans l’avenir, pour les conduire heureusement dans la vie scientifique où il s’engage avec eux.