Histoires incroyables (Palephate)/19

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CHAP. XIX.

Des Hespérides (1).

Les Hespérides étaient, dit-on, des femmes qui possédaient des pommes d’or, qu’un dragon leur gardait sur l’arbre même, et qui devinrent le but d’une expédition d’Hercule. Voici ce qui en est : Il y avait un Milésien nommé Hespéros qui habitait la Carie et avait deux filles qu’on appelait les Hespérides. Cet Hespéros avait de belles brebis, d’un grand produit, telles qu’il y en a encore à Milet (2). Comme l’or est ce qu’il y a de plus beau, on les appelait les brebis d’or, parce qu’elles étaient très-belles. Or, (en grec) on appelle les brebis, des pommes (3). Après la mort d’Hespéros, mais du vivant de ses filles, Hercule vit paître ces brebis au bord de la mer, les enleva et les emporta dans son vaisseau, emmenant avec lui le berger nommé Dragon. On dit donc alors : « Nous avons vu les pommes d’or qu’Hercule a enlevées aux Hespérides, après avoir tué le dragon qui les gardait : » et voilà d’où est venue la fable (4).

(1) Apollodore nomme quatre Hespérides qui gardaient leurs pommes d’or, sur l’Atlas, avec un dragon à cent têtes, fils de Typhon et d’Échidné. (Liv. 2, chap. 5, $ 1-3, p. 84, édit. in-8o  de Heyne). Diodore de Sicile rapporte une version d’après laquelle il y en avait sept (liv. IV, chap. 27, p. 81, tom. 3, édit. de Deux Ponts.)

(2) Strabon dit, en parlant des pâturages de Laodicée (lib. XII, p. 578, édit. de Casaubon, P. in-fol., 1620), qu’on y élevait des brebis dont la laine avait encore plus de moëlleux que celles de Milet.

(3) La double signification du mot (mêlon) ou en dorien (mâlon) est attestée par une foule d’auteurs. Théocrite (4e idylle, v. 10, p. 55 du tom. 1er de l’édit. variorum de Valpy) s’en sert pour désigner des brebis : Spanheim, dans ses commentaires sur Callimaque (v. 51 de l’hymne à Apollon, tom. 2, p. 111 de l’édition d’Ernesti) en cite une multitude d’exemples, et Diodore de Sicile en fait lui-même la remarque dans l’explication qu’il donne de la fable (chap. 26, p. 80), et qui est tout-à-fait d’accord avec celle de Paléphate. On en trouve encore l’indication au commencement de la longue Scholie du commentateur grec d’Apollonius de Rhodes (sur le v. 1396 du 4° chant des Argonautes, tom. 2, p. 325 de l’édition de Schaefer).

(4) Héraclite donne de cette fable une interprétation toute différente (fable 20, p. 76 des opuscula mythologica de Thomas Gales) : Dragon, selon lui, était un habile horticulteur qui retirait beaucoup d’or de la vente de ses fruits. Les Hespérides l’ayant subjugué par leurs charmes en firent en quelque sorte leur esclave et l’amenèrent à pratiquer à leur profit le talent qu’il possédait de rendre les arbres productifs. (V. au surplus les sources indiquées dans la note 10 de la fable 30 d’Hyginus, p. 87 et 88 des mythographes latins de Van Staveren).