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Histoires incroyables (Palephate)/21

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CHAP. XXI.

Scylla (1).

On prétend que Scylla était un monstre de la Tyrrhénie, femme jusqu’au milieu du corps, d’où lui sortaient des têtes de chien, et dont le reste avait la forme des serpents. Imaginer un pareil assemblage est par trop fou. La vérité est que les Tyrrhéniens avaient des vaisseaux qui exerçaient la piraterie sur les côtes de la Sicile et dans le golfe ionien. Ils avaient entr’autres une trirême très-agile nommée Scylla, qui arrêtait souvent les autres vaisseaux pour leur enlever leurs provisions et faisait ainsi beaucoup parler d’elle. Ulysse secondé par un vent rapide et violent parvint à échapper à sa poursuite. Il raconta ensuite à Alcinoüs, à Corcyre, comme il avait été poursuivi, et comme il avait échappé, et fit de ce vaisseau pirate une description qui donna naissance à la fable (2).

(1) Au 12e chant de l’Odyssée (v. 59-125), c’est Circé qui pour prémunir Ulysse contre tous les dangers de la navigation, lui fait la peinture redoutable de Scylla et de Carybde. Dans l’Énéide (chant 3, v. 420-432) c’est le devin Hélénus qui, pour garantir Énée des mêmes périls, décrit également ces deux écueils, mais avec des détails qui ne sont ni tout-à-fait d’accord entr’eux ni conformes à la description de Paléphate. Dans Ovide (liv. XIV, Métam. v. 1-76) Glaucus va trouver Circé, la fille du Soleil, pour obtenir de son art le moyen de rendre la belle Scylla sensible à sa passion ; Circé lui conseille d’oublier l’ingrate et lui offre elle-même son amour : le trop sincère Glaucus avoue à Circé qu’il ne peut aimer que Scylla ; et la jalouse Circé prépare alors ses enchantements pour transformer Scylla en un monstre, que le poète décrit à peu près comme notre archéologue.

Hyginus (fable 151, p. 262) décrit Scylla en quelques mots et résume le récit d’Ovide dans la fable 199 (p. 330, Mythogr. lat. Van Staveren).

(2) Héraclite, fable 2 (p. 69, opuscul. Mytholog. Gale) prétend que Scylla était une jolie courtisane qui toujours entourée d’amants voraces ruinait les étrangers qui allaient la voir. Le Scholiaste d’Apollonius de Rhodes (sur le v. 825 du liv. IV des Argonautes, p. 302-303 du tom. 2 de l’édit. de Schaëfer) et Servius (sur les v. 420-424 du 3e liv. de l’Énéide, tom. 6, p. 195 de l’édition de Lemaire) expliquent cette fable par les dangers que les anciens navigateurs éprouvaient en passant entre les deux écueils de Carybde et de Scylla et par le bruit des vagues qui s’engouffraient dans le creux des rochers.