Histoires incroyables (Palephate)/50

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CHAP. L.

De Ladon (1).

La Terre ayant eu la fantaisie d’avoir commerce avec le fleuve Ladon, eut pour fille Daphné, dont Apollon devint amoureux : le Dieu adressait de galants propos à la jeune fille ; mais, comme elle était sage, il dut recourir à d’autres moyens et se mit à la poursuivre ; Daphné fatiguée de fuir et craignant de succomber, invoqua le secours de sa mère et la pria de la recevoir et de la protéger dans son sein comme elle l’avait portée avant sa naissance : la Terre exauça les vœux de sa fille et la reçut dans ses entrailles. Du lieu qui venait de la recevoir naquit aussitôt un arbre : le Dieu, emporté par son amour, se précipita sur cet arbre et ne pouvait s’en détacher ; d’abord il entrelaça ses bras dans les branches de l’arbre chéri, puis il orna sa tête de ses rameaux : on ajoute qu’en Béotie, jamais le trépied ne peut être disposé sans laurier devant l’antre prophétique.

(1) Le Ladon était un fleuve d’Arcadie (Dion Chrysosth. orat. 33, p. 11, tom. 1, Reiske, et Pomponius Méla, liv. II, chap. 3, p. 167, Varior. de 1748). La fable 203 d’Hyginus (p. 334 des mythographes latins de Van Staveren) est le résumé de ce chapitre, si ce n’est qu’Hyginus fait Daphné, fille du fleuve Pénée, comme Lactance (sur le v. 554 du 1er chant de la Thébaïde, tom. 2, p. 97 du Stace de Lemaire), et comme Ovide lui-même, dont le brillant récit nous retrace les progrès rapides de l’amour du Dieu, la cruelle indifférence de la belle Daphné, ses charmes plus attrayants encore par la pudeur qui les anime, lorsqu’elle fuit pour échapper à la poursuite d’Apollon, les vaines prières du fils de Latone cherchant à rendre la nymphe sensible à son amour, et enfin la métamorphose de la jeune vierge en laurier (Métam. liv. 1, v. 452-567). Stace (v. 290 du IVe chant de Thébaïde) suit, comme notre auteur, la tradition qui donnait le Ladon et non le Pénée pour père à Daphné, en disant à Apollon :

                ........ et qui tibi Pythie, Ladon
                Penè socer, etc.

Muncker, sur la fable 203 d’Hyginus a remarqué que Nonnus, dans ses Dionysiaques, Aphthonius, Tzetzès sur Lycophron, le Scholiaste d’Homère, l’auteur des Géoponiques et Servius sur l’Énéide ont adopté la même tradition.