Hokousaï (Goncourt)/Chapitre 12

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Charpentier (p. 44-52).
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XII

Avec les livres et les sourimonos mis au jour par Hokousaï, depuis 1778 jusqu’à la fin du siècle, il est de toute nécessité de cataloguer les planches publiées séparément, par l’artiste, pendant ces vingt années.

D’abord dans ces planches publiées séparément — quoique souvent réunies en albums — ce sont vers 1778, avons-nous déjà dit, des impressions d’acteurs, ressemblant tout à fait à des Shunshô, et tirées dans des tons jaunes avec un rien de coloration rosâtre, d’une harmonie un peu triste.

Et parmi les rarissimes estampes de ces années, il y a un Kintoki entre un singe et un chien portant son coffre ; un petit Japonnais riant d’un pêcheur, auquel une pieuvre s’est attachée ; des têtes caricaturales, destinées à être découpées pour l’amusement des enfants ; des promenades de Japonaises dans des campagnes désagréablement coupées par ces nuages rouges, qui sont des imitations malheureuses des bandes de poudre dorée des anciens rouleaux. Au fond des reproductions assez grossières de dessins, que ne recommande pas encore aux éditeurs, un nom connu.

Vers 1793, une belle planche représentant le corps à corps de deux lutteurs, aux anatomies éléphantines.

Dans les années suivantes, un bateau de bonheur sur lequel l’Olympe japonais pêche à la ligne ; deux diptyques, l’un représentant une procession d’enfants, l’autre, une réunion d’enfants dessinant d’après des images ; un triptyque de l’attaque du château de Kôzouké par les ronins.

Parmi ces compositions, un dessin tout à fait capital, signé Shunrô, et où s’annonce la maîtrise future de l’artiste. Un dessin, où Kintoki est représenté une main autour du cou d’un ours, un aigle sur l’épaule, et où le corps couleur de brique de l’enfant herculéen, entre le noir de l’aigle et le fauve de l’ours, fait de la coloration toute-puissante.

Une autre impression d’un grand caractère, représentant l’impératrice Dakki, qui d’après une légende japonaise, serait un renard à neuf queues : cette impératrice ayant le goût du sang faisant ouvrir le ventre des femmes enceintes, et que l’on voit à une fenêtre, regardant un enfant, qu’un bourreau tient suspendu en l’air par le collet de sa robe, prêt à lui couper la tête avec son sabre.

Une autre impression vous montre la déesse du Soleil, née du mariage de Isanagui et de Isanami, les premières divinités mâles et femelles créatrices du Japon, retirée dans la grotte fermée par un immense rocher, et laissant le ciel et la terre plongés dans les ténèbres, au moment où le dieu Tatikara aux bras puissants, va la tirer, charmée qu’elle est par le chant d’Ousoumé, va la tirer hors de sa grotte.

En 1796, Hokousaï apprend la perspective de Shiba Kôkan, qui la tenait des Hollandais, et cette étude amène, cette année, la publication d’une suite de douze paysages, qui ont, sous le pinceau du maître japonais, comme un sentiment hollandais, et où Hokousaï signe son nom horizontalement, ainsi que dans l’écriture de l’Europe.

De cette série qui renferme la première idée de « la Vague », M. Mauzi possède un tirage extraordinaire, qui a l’air d’une suite d’aquarelles tirée sur un papier torchon.

Vers cette époque, Hokousaï publie encore une série de huit feuilles, représentant huit vues du lac Biwa, dans une teinte de grisaille violacée, où bien certainement existe une influence européenne.

Ici, il faut énumérer les séries de Tôkaïdô, la route principale reliant Yédo à Kiôto, et qui traverse les villes servant de stations. De là le nom des 53 stations qui, ajoutant celles de Yédo et de Kiôto, forme une suite de 55 planches.

On compte cinq séries, car cette route de Tôkaïdô a été un des sujets préférés par le pinceau d’Hokousaï, qui, d’après Hayashi, en aurait dessiné quatre, avant 1800.

Une première série est du format in-4, en largeur avec un médaillon :

De petits croquetons spirituels.

Une deuxième série également du format in-4 en largeur, tirée sur le papier des sourimonos, et où, comme ton, domine le bistre.

Une jolie impression : un enfant faisant du trapèze à la branche d’une ancre.

Une troisième série d’un petit format carré, et où Yédo et Kiôto font des diptyques.

Coloriage d’une publication à bon marché.

Une quatrième série in-12 en hauteur. De beaux dessins anatomiques.

Une cinquième série de format in-12, tirée en sourimono, et qui a paru seulement en 1801.

Dans cette série il y a sept planches en format double, et en largeur. Série d’une grande finesse dans le trait et d’une remarquable douceur de couleur.

Deux planches charmantes : une femme se coiffant accroupie à terre, et tenant d’une main derrière elle sa natte, qu’elle peigne de l’autre, tout en se regardant dans un miroir ; et une femme faisant du filet, qui se retourne dans sa marche vers un petit enfant se traînant derrière elle, attaché par une corde à sa robe.

Il y a encore des séries de paysages.

La série des six Tamagawa, série de six paysages d’un faire un peu brutal.

Une seconde série des six Tamagawa, avec le médaillon.

Une série des trois Soirées, série de trois petits paysages, animés par des promenades de femmes.

Une grande vue panoramique des deux rives de la Soumida (H. 25, L. 65), aux maisons et aux arbres minuscules, commençant à la fin d’un pont qui réunit les deux rives, et où se voit dans le haut du ciel un imperceptible cerf-volant.

Et sans doute il existe d’autres, bien d’autres de ces feuilles de passages séparées, que peut-être la publicité donnée au nom d’Hokousaï, fera retrouver au Japon ou ailleurs. Pour ma part, je possède seize de ces paysages en largeur, réunis en un album, qui porte sur la couverture le titre écrit à la main : Tôto Meisho shû, Collection des endroits célèbres de Yédo, illustrés par des poésies : seize feuilles au tirage le plus rapproché des sourimonos, et qui ont dû être publiés à la fin du dernier siècle, ou au commencement de celui-ci.

1. Le coucher du soleil sur la mer à l’embouchure de la Soumida.

2. Dans la campagne, un grand cercle en paille entre deux bambous, un cercle sacré, où un prêtre fait passer les enfants, d’après la croyance que ce passage évite aux enfants les épidémies.

3. Un coup de vent forçant deux femmes à ramener sur elles leurs robes, enroulées dans un enveloppement plein de grâce.

4. Admiration de Japonais et de Japonaises devant les pruniers en fleurs de l’autre côté de la Soumida.

5. Terrasse de Ouyéno, où un enfant laisse tomber des feuilles de papier en bas.

6. Japonais flambant le fond d’un bateau, qu’il vient de construire.

7. Promenade de trois femmes de la société, suivies d’un serviteur au bord de la Soumida.

8. Le grand sapin sacré du temple de Miôkén à Yanaghishima, entouré de paille.

9. Terrasse du temple d’Inari à Mimégouri, où un Japonais porte sur ses épaules son petit garçon.

10. Maison de paysan à Sékiya, un endroit renommé pour la quantité de ses lucioles, que les Japonais s’amusent à enfermer dans une petite cage de soie.

11. Deux femmes, suivies d’un serviteur porteur d’une plante et de deux bouteilles de saké, se promenant au bord de la Soumida, en vue d’un grand bateau, d’où un homme puise de l’eau avec un seau.

12. Jardinier arrosant des légumes à Ayasé, près d’un petit pont, sur lequel sèchent des bottes de paille de riz.

13. Une femme apportant une tasse de thé à un Japonais, jouissant à l’endroit, appelé autrefois Mattiyama, de la belle vue de la rivière.

14. Une barque, où sont embarquées deux Japonaises.

15. Effet de neige à Mouméwaka.

16. Et la promenade se termine, comme pas mal de promenades de Hokousaï, par la descente de deux Japonais dans une « Maison Verte » du Yoshiwara.

Parmi d’autres impressions de collections parisiennes.

Une promenade dans le Yoshiwara.

Une vue de l’entrée d’un théâtre, avec les têtes de la foule d’hommes et de femmes, rassemblés pour entendre le boniment des acteurs sur l’estrade.

Des teinturières, cette composition de deux femmes coupées par une bande d’étoffe, qui a tenté successivement Outamaro, Toyokouni.

Des bûcheronnes, la tête chargée de fagots.

Une série de caricatures, amusantes par le changement de place du nez, de la bouche, des yeux.

Une série de Six poètes, série de six feuilles, avec le portrait du poète, accompagné d’un paysage ou d’une fleur. Imagerie un peu vulgaire.

Une représentation d’un théâtre chantant, où les acteurs ne font que les gestes, et où les paroles sont dites par des récitateurs, aux bouches immenses.

Une planche de trois musiciennes l’une jouant du koto, l’autre du schamisén, la dernière du kokû (espèce de violon).

Une planche d’une femme passant en barque sous un pont.

Une planche d’une femme se promenant sur un bœuf, dans la province de Yénoshima.

Deux planches d’hommes et de femmes, la marée retirée, pêchant avec des paniers, le poisson resté dans les anfractuosités de la plage.

Une planche représentant la réunion des six poètes sur une terrasse.

La plantation du riz.

La cueillette du thé.

Une charmante impression est une impression, où un amoureux joue de la flûte à la porte d’une habitation, et où l’on voit une servante, envoyée par sa maîtresse qui l’entend de son balcon, traverser le jardin, et lui ouvrir la porte.