Hokousaï (Goncourt)/Chapitre 15

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Charpentier (p. 56-58).
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XV

En 1801, Hokousaï qui quitte la signature Shunrô, pour prendre la signature Goummateï, publie :

Un Téngou tombé du haut de son nez dans le monde bête d’ici-bas, un petit livre fantaisiste, dont le texte est de Jakouseï. C’est l’histoire d’un de ces esprits aériens, de ces génies bons ou mauvais à l’interminable nez pointu, aux ailes de chauve-souris, si souvent représentés dans les albums japonais.

Du haut du ciel, un Téngou aperçoit une Japonaise, en devient amoureux, descend sur la terre, et, tant bien que mal, dissimulant son nez sous l’envolée d’un cache-nez, file le parfait amour avec elle, est réduit à vendre ses ailes à un marchand de plumes, pour subvenir aux caprices de la femme, enfin tout à fait ruiné devient un vendeur de sarasins (de pâtes en forme de macaronis et de nouilles), tombe malade, a la vision, en un rêve, d’un acteur représenté dans un kakémono, qui a un nez comme les Téngou, obtient qu’il le soigne, le médicamente, lui fasse revenir le pouvoir mystérieux qu’il avait autrefois comme Téngou, et qu’il a perdu dans le commerce de la courtisane, retourne enfin chez les Téngous, inquiets de sa disparition, et qui lui ont dépêché un messager pour le ramener.

Et la dernière planche le représente écrivant les Mémoires de sa vie, sur la terre.

La même année paraît le Onna Sanjû rokkasén, Les trente-six Poétesses, illustrées par Yeishi : un album renfermant peut-être les plus originales impressions en couleur, existant dans les livres japonais, et au milieu d’une calligraphie, jetée sur des espèces de nuages, teintés des nuances du ciel, de l’aube au coucher du soleil. Et Hokousaï peint, en tête de l’album, une promenade de personnages de la cour dans la campagne.

La même année, paraît encore Hitori Hokkou, Chacun une pensée, deux volumes contenant, en leurs cent pages et leurs cinquante dessins, de la littérature et des croquis de presque tous les lettrés et les artistes du temps.

Hokousaï n’a qu’un croquis, mais un croquis merveilleux : une oie sauvage, volant la tête en bas, une aile repliée, une aile éployée, les pattes rebroussées sur le ventre. C’est, pour ainsi dire, un instantané, dont le cliché a été gardé au fond d’une mémoire.