Hokousaï (Goncourt)/Chapitre 17
XVII
En 1803, au commencement de l’année, c’est encore un petit livre jaune que publie Hokousaï, et qui a pour titre : Boutchôhô Sokouséki-riori, La Cuisine improvisée, une histoire de ménage, éditée en 3 volumes, dont le peintre fournit encore une fois et l’illustration et le texte et la préface, que voici :
Cette année, vous avez bien voulu me commander un livre, mais vous savez bien que je ne suis pas habile, et ça n’a pas marché, d’autant plus que vous m’avez pressé. J’ai commencé par le dessin, et seulement après, j’ai écrit le texte, ce qui pourrait bien avoir amené du décousu dans certaines parties du livre. Toutefois, si vous trouvez l’ouvrage présentable au public, je vous serais obligé de le faire graver.
Le volume est curieux, parce qu’il traite d’une manière fantaisiste des choses de la cuisine : Du riz. — Des soupes. — Des sakés. — Du thé et des gâteaux. — Des légumes frais. — Des légumes secs. — Des crustacés. — Des œufs. — Des plats au vinaigre. — Des rôtis. — Des bouillis. — Des poissons grillés. — Des sarasin, macaroni, vermicelle.
Il est aussi question de choses qu’on ne mange pas en France, de pommes de caladium, de sésame brûlé, d’aubergine salée, d’ignames, de pieuvre, de bêche de mer, d’algues, de pousses de bambou, de racines de lotus.
Et voilà le morceau humoristique jeté par Hokousaï, en tête du chapitre du saké :
S’il y a le moraliste qui dit, qu’à la première coupe, c’est l’homme qui boit le saké, qu’à la seconde coupe, c’est le saké qui boit le saké, qu’à la troisième coupe, c’est le saké qui boit l’homme, il en est d’autres moins sévères, qui déclarent qu’il n’y a pas de limite pour boire du saké, tant que ça n’amène pas du désordre. C’est ainsi, que nous avons les gens qui avalent une grande quantité de saké, pour se vanter de leur capacité, aussi bien, que nous avons les gens qui se retiennent, pour vanter leur modération, et proclamer qu’une petite quantité de saké est le meilleur des médicaments. Et nous avons les gens, qui succombent tout de suite, et les gens, qui se grisent indéfiniment. Au fond, la limite est le mal de cœur, aussi bien pour les grands buveurs que pour les apôtres de la modération. L’équilibre du buveur, qui tient debout, le ventre vide de saké, n’est-ce pas l’inverse de l’équilibre de la bouteille, toute droite quand elle est pleine, et qui chute à terre quand elle est vide ?
Puis Hokousaï décrit les différentes qualités des boissons fermentées, depuis l’esprit d’alcool qui brûle, jusqu’au mirin qui est doux comme du muscat.
La même année Hokousaï publie sous la signature de Tokitarô Kakô L’Inventaire des Mensonges, Mouna-zanyô Ousono Tana-oroshi, un livre ironique, où le texte et l’illustration, qui sont tous deux encore du peintre, semblent se moquer des affirmations mathématiques, et qui pourraient bien être exagérées, et aller au delà de la vérité, dans l’arpentage d’un champ, le mesurage d’un arbre, le pesage d’un éléphant. Et cela sous une forme blagueuse, dont voici un échantillon, à propos d’une planche toute noire de rats : « Il est établi, qu’un ménage de rats met au monde douze rats dans un mois, et au bout du douzième mois, chaque couple produisant 12 rats, il en existe 908, et la naissance continuant dans la même proportion, on arrive à la fin de la seconde année, au chiffre colossal de 27 682 574 402.
Enfin la même année, Hokousaï illustre encore Adadéhon Tsoushin-mouda, Allusion à la pièce des 47 ronins. Deux volumes contenant de petits bois sans importance.