Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Merite

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Merite. XCVIII.


CEt Homme ſi richement veſtu, & qui ſe tient debout ſur la pointe d’vn rocher, repreſente le Merite. Il a ſur la teſte vne couronne de Laurier, l’vn des bras armé, l’autre tout nud, & ſe fait remarquer par le Liure & par le Sceptre qu’il porte.

3. P. ſum qu. 4. 6. Le Merite, qui ſelon ſainct Thomas, eſt une action vertueuſe, à qui l’on doit pour reonnoiſſance quelque choſe de haut prix, eſt dépeint ſur vn lieu rude & inacceſſible, pour la difficulté qui ſe rencontre à ſe rendre digne de quelque choſe ; Tellement que les Poëtes n’ont pas feint ſans raiſon, que l’ancien Hercule qu’ils nous ont propoſé pour vn exemple de gloire, & d’vne haute reputation, quitta le chemin le plus facile, à ſçauoir celuy des voluptez, pour ſuiure le plus mal-aiſé ſur le ſommet des montagnes, où il ſemble que la Vertu ſe retire ; Ce qui fut cauſe que pour recompence de tant d’actions, & de trauaux memorables, il merita d’eſtre mis au nombre des plus renommez Heros de l’Antiquité.

Son riche habillement ſignifie la diſpoſition & l’habitude des Vertus, par qui l’homme s’accouſtume à faire des actions honorables, & d’immortelle loüange.

Or pource que le Merite a de la relation auecque les choſes grandes ; afin de le rendre plus recommandable, on luy donne pour marque d’honneur le Sceptre & la Couronne, qui ſont des prix legitimement deubs aux belles actions, puis qu’il eſt vray, comme dit S. Paul, Qu’on ne couronnera que celuy qui aura bien combattu.

Le Sceptre, & le Liure qu’il porte differemment, ayant l’vn des bras armez, & l’autre nud, ſignifient deux ſortes de merites, qui ont pour ſources les Armes & les Lettres : car il eſt certain, que par leur moyen, l’homme ſe donne du commandement ſur autruy ; le Laurier n’eſtant pas moins conuenable aux ſçauans hommes, qu’aux grands & ſignalez Capitaines.