Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/II/Monarchie

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Monarchie.


ELle a pour Symbole vne ieune Femme d’vn viſage altier, couronnée de Rayons, & ſur le ſein de laquelle brille vne Enſeigne de Diamants.

I’adjouſte à cecy qu’elle eſt aſſiſe ſur vn Globe, tenant d’vne main trois Sceptres, & de l’autre vn eſcriteau auecque ces mots, Omnibus vnus. Outre qu’à ſon coſté droit, ſont remarquables deux furieux animaux, à ſçauoir vn Lyon & vn Dragon ; Et au gauche des Roys enchaiſnez parmy des Sceptres, des Couronnes, & des Trophées d’Armes.

La Monarchie s’entend de la principauté d’vne ſeule perſonne, pour monſtrer que les ieunes gens, comme le remarque Rhetor. lib. 2 Ariſtote, ſont ordinairement altiers, & veulent auoir l’aduantage ſur tous les autres.

Elle eſt armée, tant pour ſe rendre redoutable, que pour eſtre touſiours preſte à combatre & à faire des nouuelles conqueſtes.

Les Diamants de ſon ſein, ſignifient que comme cette pierre precieuſe eſt indomptable à cauſe de ſa dureté, vn Monarque de meſme taſche à ſe rendre inuincible à toutes ſortes de forces, & de reſiſter à tous ceux qui luy veulent eſtre contraires.

Sa Couronne de Rayons nous apprend, que tout ainſi qu’il n’y a qu’vn Soleil, le Monarque de meſme doit auoir vn empire absolue & ne releuer de perſonne, comme il le declare par ces mots, Omnibus vnus.

Quant aux quatre Sceptres qu’il tient, ils ſont le Symbole d’vn commandement ſouuerain ſur les quatre parties du Monde. Ce que le Serpent & le Dragon denotent encore, ſelon Pierius.

Pour ce qui eſt des Trophées des Roys captifs, & pareillement des Sceptres & des Couronnes, toutes ces choſes ſont des marques de victoires qu’ont accouſtumé de gagner les Conquerans, & de leurs plus celebres triomphes.

I’auois oublié que les rayons dont la Monarchie eſt couronnée, repreſentent encore ce haut luſtre de grandeur & de majeſté, qui brille ſur la perſonne des Monarques. Tel eſtoit, ſelon quelques-vns, l’eſclat extraordinaire qui ſe remarquoit dans le viſage d’Alexandre ; des yeux duquel (ſur tout quand il alloit au combat) s’eſlançoient ie ne ſçay quels traits de lumiere ; ſi vifs, & ſi penetrans, qu’ils faiſoient baiſſer la veuë à ceux qui le regardoient, de ſorte qu’ils en eſtoient comme eſblouys. En quoy veritablement ſe voyoit empreinte en luy naturellement la plus ſublime de toutes les marques de ſouueraineté. Car il eſt indubitable que celuy qui par vn excez d’ambition ſe porte à maiſtriſer tout le monde, peut à peine ſouffrir, non ſeulement qu’on l’approche, mais non pas meſme qu’on le regarde.

Adiouſtez icy qu’en l’vn des coſtez de cette Figure ſont remarquables deux Animaux furieux, à ſçauoir vn Dragon & Hierogl. lib. 15. vn Lyon, à cauſe que l’vn & l’autre, ſelon Pierius, mis enſemble deuant la ſtatuë de la Deeſſe Opis, eſtoient le Symbole de l’Empire du Monde.

Quelques-vns encore repreſentent la Monarchie ayant à ſes pieds des Brodequins d’or tous brillans de pierrerie, pour vne marque de preeminence plus ſignalée ; dautant que cette ſorte de chauſſure ne ſe donnoit autrefois qu’aux Princes & aux Heros.