Illyrine/3/Chapitre 21

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(3p. 297-318).



LETTRE CL.

Lise à Julie.


Ma chère Adèle, dans quel moment ta lettre m’est-elle arrivée ? Mon père venait d’expirer, et mon époux était agonisant. Me voici orpheline et veuve ; une maladie épidémique, que l’on nomme Millet, règne ici depuis quinze jours : tout le monde meurt en foule. Ne m’écris plus ici, j’en pars à l’instant ; je ramasse à la hâte mes effets, et je me sauve de ce pays de morts et de mourans. Je m’éloigne des tristes débris qui affligent mon ame : puisque je n’ai pu suivre au tombeau mes bons amis, mon père et mon époux, c’est dans le sein de mon amie que je vais répandre mes larmes ; elle saura les rendre moins amères : elle a connu ceux que je regrette, j’aurai le douloureux plaisir d’en parler encore avec elle. Je pars, je pars ; mais je ferai la quarantaine à St,- Germain avant que de me rendre à Paris. Je ne veux pas vous porter un air pestilentiel, mes bons amis. Je vous embrasse, Adèle et Séchelles.

Tu connais assez mon cœur pour savoir que ma douleur est sincère. Eh bien ! je n’ai pu m’empêcher de rire de l’espièglerie de ton roué de d’Espagnac : cet homme est intéressant. Adieu : voici les chevaux ; je coucherai après demain, jeudi soir, à St.- -Germain, à l’Écu de France, chez le T. R…,

Ta Lise.



CHAPITRE XXI.

Emprisonnement d’Adèle.


C’est enfin ici, ma chère amie, où finit ma correspondance ; car Lise que je fus trouver le jeudi soir, et que je ramenai le lendemain coucher au pavillon de l’Amitié, ne nous quitta plus : vous savez qu’elle est blonde ; combien son habit lugubre ajoutait à la blancheur de son teint ! Elle était superbe ! Nous employâmes tout pour adoucir son chagrin ; les larmes sont bientôt taries lorsque c’est dans le sein de l’amitié qu’on les verse. Elle avait de la philosophie, et savait que de pleurer les morts, cela ne les rendait pas à la vie ; d’ailleurs, quelle est la douleur que le tems ne calme pas ? D’Espagnac était aimable, il en devint éperdument amoureux ; elle répondit à sa flamme ; et nous jouissions tous quatre de toute la plénitude du bonheur. Que de fois Séchelles, d’Espagnac Lise et moi, entrâmes dans cette jolie Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/302 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/303 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/304 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/305 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/306 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/307 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/308 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/309 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/310 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/311 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/312 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/313 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/314 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/315 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/316 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/317 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/318 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/319 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/320