Illyrine/3/Chapitre 22

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Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/321 fallut encore renoncer l’un à l’autre. Quoique cette séparation me fût cruelle, je commençais à m’accoutumer aux coups du sort, et je m’y résignai.





CHAPITRE XXII.

Nouvel embarras d’Adèle.


Accablée sous le poids de la douleur que me causait la perte de mon amant, mon cœur éprouvait un vuide que toutes les excellentes qualités de mylord ne pouvait remplir. L’habitude d’avoir de grandes passions me devint indispensable.

Comme il fallait que j’aimasse, et que je suis extrêmement difficile dans l’objet de ces passions qui font l’essence de ma vie, mes malheurs avaient presque effacés tous mes avantages personnels ; et si je ne pouvais aimer un être vulgaire, c’était encore moins à un homme médiocre à qui je pouvais faire impression : je tâchais de me procurer des plaisirs dans la société ; et pour dissiper ma mélancolie, j’allai souvent au spectacle.

Un jour, pressée du besoin de me Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/324 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/325 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/326 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/327 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/328 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/329 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/330 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/331 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/332 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/333 trouvé le palais royal et les ponts fermés ; je ne puis me rendre chez moi au F. St.-G. je n’ai d’autre refuge que dans votre commisération. — Je n’ai qu’un lit, lui dis-je, le simple nécessaire d’un philosophe : il m’eût été doux de le partager avec mon cher Auguste ! Hélas ! pourquoi cette affreuse circonstance y met-elle de l’amertume ! — Ma très-chère Olimpe, il m’est cruel de devoir cette première faveur à la terreur générale ! il eût été si doux de ne le devoir qu’au tendre amour !…

Nous entendîmes battre la générale ; la patrie était en danger… Nous nous mîmes au lit, quoique ce fut la seconde fois que nous nous voyions : la circonstance s’opposait à tout cérémonial, et de plaisir, quoique filtré à travers les craintes, nous fit sentir son délicieux empire.

Le jour qui succéda à cette nuit fut moins orageux ; mais je ne voulus pas que mon aimable prisonnier sortît : je le gardai huit jours en charte-privée, après lesquels il reparut tant soit peu au jour. Nous changeâmes de logement ; je fus habiter un hôtel garni où il était protégé, lui et tous ceux de son opinion. Cependant, il n’y eut que moi de nommée, de connue et d’enregistrée. Les maîtres fermèrent complaisamment les yeux sur l’hospitalité que je donnais dans leur maison au plus digne et au plus infortuné des proscrits.

Nous demeurâmes six mois dans cet hôtel : vers le soir, mon amant sortait pour respirer l’air, et à onze heures, j’allais l’attendre dans le jardin du P.-R… ; souvent je passais, j’étais prise pour une fille qui attend le chaland ; même étant reconnue par des gens de mon pays, cela fut rapporté à ma famille, ce qui la fâcha beaucoup ; et quoique mes chers parens me sussent à Paris depuis quatre ans sans un sou de revenu, et notamment depuis la mort d’Hérault de Séchelles, sans aucun moyen d’existence, ils entrèrent en fureur sur les propos que la calomnie, répandait sur mon compte.

Vous allez peut-être croire, mon amie, Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/336 Page:Giroust - Illyrine - t3.pdf/337