Images de la vie/25

La bibliothèque libre.
Chez l'auteur (p. 73).

LA GRÈVE


Un voyageur de commerce arrête à un restaurant où il a l’habitude de vendre des produits. Avec surprise, il constate que la grande vitre de la montre est brisée et il voit les éclats de verre sur le trottoir.

— Vous avez là un vrai dégât, remarque-t-il au patron, d’un ton apitoyé.

— C’est la grève.

— Vous connaissez ceux qui ont démoli votre vitrine. Vous pouvez les faire arrêter, les faire payer.

Alors, l’homme d’un ton résigné :

— Les faire arrêter ? Les faire payer ? Ce sont mes garçons. Leur mère est contre la grève, les garçons sont pour. Ils se sont disputés. Et le résultat, vous le voyez. Mais ce n’est pas tout. Venez voir en arrière.

Alors, le voyageur suivant le patron pénètre dans la cuisine. Ce qu’il voit, ce sont des chaises cassées, des assiettes en morceaux sur le plancher, un poêle renversé, des boîtes de tomates et autres légumes défoncées à coups de marteau.

— Ce sont de vrais vandales, vos garçons, déclare le voyageur.

— Que voulez-vous ? Ils font la grève. Ce sont des grévistes et de voir leur mère dénoncer la grève, ça les a mis en fureur. Ma femme, elle, tient son restaurant. Elle veut vendre et elle veut être payée. Si les ouvriers ne reçoivent pas de salaire, elle ne peut pas vendre ni être payée. Alors, elle est contre la grève. Les garçons, eux veulent faire augmenter leurs salaires. Alors, ils font la grève. Pris comme ça entre les deux, que voulez-vous que je fasse, moi, dans cette dispute ?

Et le pauvre homme courba la tête, une tête grisonnante et une figure chargée de soucis et d’ennuis.