Ingres d’après une correspondance inédite/LXXXIII

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LXXXIII
13 juillet 1862.

Mon cher Cambon, c’est bien moi, qui ai trop lardé à vous écrire et à vous remercier toujours de tous vos soins pour moi et de tout ce qui me touche dans ma très regrettable patrie, où il ne m’est pas possible de revenir, encore du moins, par toutes les raisons que vous connaissez et malgré des désirs contraires. Au moment de quitter Paris pour trois mois, j’ai le très grand regret de ne pas vous y revoir, pour moi et Mme Ingres. Nous vous en prions, il faudra le faire à notre retour, vers l’époque du 30 octobre. Nous sommes à Meung, sur le chemin de Paris. Le chemin de fer s’y arrête et repart, à toute heure, de cette résidence. Adressez-vous-y chez M. Ingres et M. Guille, notaire. Là, nous pourrions vous posséder, au moins un jour, si ce n’est plus. Nous serions enchantés de cet arrangement, car nous avons, je crois, bien des choses à nous dire.

À propos, M. le Maire est venu, le mois dernier, nous voir et n’a pas laissé son adresse, ce qui nous a beaucoup contrariés. Nous avons encore une maison pour le recevoir, mais elle a été démantelée par le départ à la campagne.

Faites-moi l’amitié de me rappeler au souvenir de votre famille que nous croyons en meilleur état de santé, et à tous nos bons amis, à Debia surtout, à qui je veux écrire pour le remercier de son bon souvenir d’amitié.

Vous êtes trop modeste, cher ami. Ce dont je ne puis vous assurer, et vous n’en douterez jamais c’est que je ne fais jamais de grimaces et que je suis franc, comme l’or. Je pense ce que je dis de votre mérite artistique, malgré (et entre nous) des qualités à compléter sous le rapport de certaines idées qui influent sur votre beau talent et que vous regagnerez quand vous le voudrez. Personne ne vous rend meilleure justice. J’ai profité, pour la manifester, de cette branche de laurier où je suis fâché qu’elle ne soit pas restée. Adieu, cher ami, et à bientôt, j’espère. N’oubliez pas de vous arrêter à Meung, ne fût-ce que pour quelques moments.