Ingres d’après une correspondance inédite/XX

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XX
Mardi, 7 novembre 1826.

Mon tendre ami, je reçois à l’instant ta dernière qui vient d’éveiller mon extrême sensibilité, par tout ce que tu m’annonces du cœur de mes chers compatriotes et surtout du tien. Tu sais ce qu’est le mien pour toi.

Mais c’est trop pour moi ! Pourquoi faire tant de frais ? Attendez que j’aie fini ma carrière et que je sois couvert de cheveux blancs, pour mieux et tout-à-fait mériter tant d’honneurs. J’en suis confus d’avance, croyez-le bien, mon très cher. Sois adroitement mon interprète auprès de ceux qui me voyent plus haut que je ne suis certainement. N’éveillons pas l’envie, qui est toujours prête à tout empoisonner. Enfin, je pars jeudi, à six heures du soir, de Paris, par le courrier. Je ne sais où je vais descendre. Est-ce au Tapis Vert ? J’espère n’être pas longtemps sans t’embrasser. Je suis plein de la plus sensible émotion. Fais-moi le plaisir de voir mon beau-frère, concertez-vous ensemble. Si le tableau est chez le préfet, ayez soin qu’il soit simplement dégagé de ses rubans et, un peu relâché, sans le dérouler, (pour Dieu, que je sois là !) qu’il soit mis, les deux bouts sur deux chaises, dans une chambre basse du rez-de-chaussée plutôt un peu humide, sans humidité partout, pour faciliter le déroulement ; attendu que le tableau est dur de toile. Je t’embrasse, etc.