Initiation musicale (Widor)/ch06

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Librairie Hachette (p. 29-30).


CHAPITRE VI

LE TIMBRE

LE TIMBRE DÉPEND DES HARMONIQUES MAIS NON DE LA MATIÈRE DE L’INSTRUMENT.



Il résulte de la forme des vibrations d’après l’émission du son. ↔ Le timbre est cette coloration particulière du son qui, sans que nous puissions voir l’instrument, nous fait distinguer une flûte d’un hautbois, un violon d’une clarinette, est dû au degré d’intensité de tel ou tel harmonique. Séparez ces harmoniques de leur fondamentale, celle-ci perd son caractère.

La forme de l’ébranlement de la colonne d’air dans un tube, dépend de l’attaque à l’embouchure ; de cette forme résulte la prédominante de tel ou tel harmonique.

Prenez deux embouchures, celle d’une trompette (très courte : une sorte de petit godet qui se colle à la lèvre) et celle d’un cor (longue de près de 8 centimètres), substituez l’une à l’autre pour constater le changement de caractère des deux instruments, l’adoucissement du timbre métallique du premier, le contraire chez le second.

Les harmoniques que dégage la voix humaine le distinguent d’autant mieux que la voix est plus grave. Pour peu que nous sachions écouter, nous entendons l’octave et la douzième d’une voix de basse.

Les voyelles, elles aussi, dépendent de l’intensité de tels ou tels harmoniques.

« Dans la construction des pianos, l’expérience de deux siècles a conduit à des règles empiriques qui se trouvent aujourd’hui justifiées par la théorie. Ainsi le marteau frappe au septième ou neuvième de la longueur des cordes moyennes : le choix de cette place a été déterminé par le timbre qui en résulte. Or, la théorie démontre que, par cet artifice, on supprime les harmoniques 7 et 9, les premiers qui soient en dissonance avec les fondamentales » (Radau).

Jusqu’ici, il n’y a que l’orgue qui ait réalisé les harmoniques et les ait enregistrés à côté des fondamentales, sous le nom collectif de mutations ou mixtures (cornets, fournitures, cymbales et nazards). Nous disposons ainsi des premiers échelons de la série, y compris la septième, — cristallines sonorités d’où l’orgue de Bach tirait force et clarté, que l’on dédaigna longtemps chez nous, et dont Aristide Cavaillé-Coll fit comprendre et reconnaitre la valeur. À l’orchestre, nul encore n’en a usé. Au piano, Saint-Saëns en a fait une heureuse application dans son Cinquième Concerto : le timbre produit par ces « quintes et dixièmes » rappelle la percussion du Xylophone.

La matière dont est fait l’instrument ne joue qu’un rôle secondaire. ↔ Quant à la matière de l’instrument, bois ou métal, argent ou cuivre, elle a bien moins d’effet que la forme de l’onde produite. Flûtes de bois ou d’argent ou d’airain, le timbre n’est pas sensiblement différent. De même, pour les parois d’une salle, la pierre, le verre, le bois sont également favorables, pourvu que ces parois soient justement proportionnées, rectilignes et lisses de surface.