Instruction concernant la propagation, la culture en grand et la conservation des pommes de terre/Première partie - Chapitre II

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Société royale et centrale d’agriculture
Madame Huzard (née Vallat la Chapelle) (p. 38-75).


CHAPITRE II.

CHOIX DES PLANTS.


§ 1. Quels sont ceux que l’on doit préférer.


Il est certain que la plantation des tubercules entiers est préférable, quel que soit le nombre des yeux d’une fraction[1] ; mais si l’on est forcé de couper les plus gros, on doit faire la section en biseau et non par rouelles, attendu que, sous la dernière forme, la chair reste à nu par dessus et par dessous, que l’œil est moins environné de pulpe, et plus exposé aux accidens.

La coupure en biseau se fait en amenant le couteau de la circonférence au centre, en conservant le plus de pulpe possible, et afin de recréer, s’il est permis de s’exprimer ainsi, une sorte de pellicule aux surfaces tranchées. Il convient de laisser un ou deux jours les morceaux se ressuyer, afin que les, pores se resserrent et qu’ils soient moins attaquables par les insectes et par la pourriture.

Cependant, ce n’est que lorsqu’une consommation extraordinaire n’a pas permis de réserver autant de tubercules que l’on en a besoin pour planter, qu’il convient de recourir à ces sections, toujours préjudiciables à la végétation, attendu que la chair ou pulpe est le véritable et premier aliment dont se nourrit le germe, et

que l’en priver en tout ou en partie, c’est nuire à son développement et altérer ses forces.

Toutefois, comme nécessité ne connaît pas de loi, et que l’on peut être contraint de recourir à des moyens supplétifs, il est bon de faire connaître toute l’étendue de la faculté végétative que possède le solanum tuberosum [2] ; non seulement il se reproduit par la plantation de morceaux garnis d’yeux, mais encore les germes détachés, les boutures, les marcottes, les tiges, les peaux, fournissent les moyens de perpétuer les races, et de conserver quelques variétés rares. Chacun de ces moyens de reproduction n'offre cependant pas des résultats aussi nombreux que le mode habituel; celui des germes n'est guère évalué par les agronomes qu'à un quart ou à un tiers de ce que donne une plantation ordinaire [3].

Mais comme chacun des procédés à suivre pour réussir dans ce genre de culture va être successivement développé, ceux qui voudront les essayer seront à portée de se convaincre eux-mêmes de la vérité.

1°. Si l'on veut opérer par les tiges, on doit choisir les surabondantes, qui ont acquis une certaine force ; on les détache de la touffe, et on les dépose à distance convenable dans des trous ou rigoles préparés et fumés ; on les préserve le plus tôt possible du hâle en les couvrant de terre, puis on les arrose.

2°. Si c’est par marcotte, on couche les branches latérales, que l’on recouvre de terre, et à mesure qu’elles s’alongent on continue l’opération, pourvu que les marcottes soient suffisamment écartées.

3°. On a souvent remarqué que les germes se développent et poussent des tiges lors même que les pommes de terre ne sont pas enterrées, et des essais ont fait connaître qu’en cassant ces pousses et en les plantant au plantoir, ou en les couchant dans une terre bien meuble, on obtenait des tubercules ; M. de Chancey a eu un double motif pour provoquer et hâter ce développement ; il a désiré multiplier les moyens de reproduction et en accélérer le résultat. Au printemps, il porte dans un endroit sec et éclairé les tubercules les plus gros, il en fait une couche assez mince, de manière qu’aucun ne soit sur les autres. Les germes sortent aisément et acquièrent de la consistance, puis se colorent en vert, condition utile à toute végétation active. Dans cet état, il les plante entiers, ayant soin de ne pas rompre les tiges et de les recouvrir légèrement de terre et de fumier. Bientôt elles se montrent au dehors, et la végétation se trouve avancée de plusieurs jours, en sorte que la formation des tubercules et leur maturité eh seront d’autant plus accélérées, que l’on profitera des avantages d’une culture tardive et des bénéfices de la précocité.

4°— La reproduction que l’on obtient par les yeux confiés à la terre, soit qu’ils soient isolés ou restés attachés aux pelures, réussit d’autant mieux, qu’une plus grande portion de pulpe y est adhérente, et on en conçoit la raison ; cependant, à l’égard de l’une ou de l’autre méthode, il se présente une foule d’observations.

L’enlèvement des yeux, même avec un instrument disposé à cet effet, et celui de la peau, exigent des soins surtout lorsque les yeux sont enfoncés ; en outre, pour opérer sur des masses, il faut un grand nombre de personnes : or tout ce qui fait éprouver des retards devient préjudiciable ; car si on laisse les yeux et les pelures isolés à l’air, ils se dessèchent en peu de temps : si, au contraire, on les met en tas, ils moisissent ou fermentent, de sorte que les germes sont exposés à périr lorsqu’on ne les plante pas immédiatement.

5°. C’est pourquoi quelques personnes pensent que la méthode ardenoise, également fondée sur la végétation des germes, et sur la division en morceaux serait plus convenable. Le morceau qu’il faut conserver dans ce cas est la sommité des pommes de terre, où se trouvent un plus grand nombre d’yeux réunis : or cette sommité, pouvant être détachée avec une plus forte masse de pulpe qu’un seul œil, elle doit produire des pousses plus vigoureuses et en plus grand nombre [4].

6°. Culture dans un lieu privé de lumière, l’expérience a été faite dans une cave où l’on avait mêlé à un tiers de sable de rivière deux tiers de terre, et dans lequel mélange on a planté, au mois d’avril, trente-deux tubercules de pommes de terre jaunes de moyenne grosseur : ils germèrent promptement, et en novembre ils avaient produit un demi-boisseau de tubercules moyens, dont la peau était mince, la pulpe féculente et le goût agréable. Ils étaient restés en terre six mois à végéter sans culture et sans le concours de la lumière. Ne pourrait-on pas faire l’essai de ce moyen dans des lieux souterrains, et particulièrement dans ceux que renferment les places de guerre ?

§ 2. Des semis.

Parmi les facultés nombreuses dont la nature a enrichi la pomme de terre, on ne doit pas oublier celle qui lui est commune avec les autres végétaux, c’est à dire sa multiplication par graines[5], encore que l’usage de les semer n’ait pas encore été beaucoup pratiqué, soit parce que tous ses avantages ne sont pas connus, soit qu’il ne procure pas dans la même année, des produits comestibles aussi nombreux que par la plantation des tubercules. Il a cependant une utilité fort importante, attendu que c’est par les semis que l’on peut renouveler, varier, améliorer les races de cette précieuse plante, qui, comme on l’a remarqué dans plusieurs pays, semble dégénérer lorsque sa reproduction est long-temps continuée par la seule voie des tubercules. Or, comme il est prouvé que l’on doit au renouvellement par semence la plus grande partie des variétés que nous possédons, il y a donc lieu d’espérer que les souches épuisées seront remplacées par de nouvelles races qui jouiront de toute la vigueur de leur jeunesse. Néanmoins, il ne faut pas croire que cette régénération s’opère par masse et avec régularité : l’expérience a fait connaître que, quand on sème des graines d’une espèce quelconque de pomme de terre, les produits sont extrêmement variés de forme, de couleur et de qualité : une partie est hâtive et l’autre est tardive ; une portion se trouve inférieure à l’espèce semée, tandis que d’autres l’égalent ou la surpassent, et ce sont ces dernières qui, animées d’une végétation plus robuste, n’ayant point changé de climat, remplaceront les races affaiblies.

Telles furent les prévisions de Parmentier et de Thoüin sur les moyens de renouveler les races et d’en obtenir de plus appropriées aux localités que celles tirées des pays dont la température est essentiellement différente ; c’est aussi par le semis que l’on peut suivre le perfectionnement d’une variété d’une qualité déterminée. Ainsi, en Angleterre, on est arrivé successivement à créer des races tellement hâtives qu’elles sont complètement mûres dès la fin de juin ; tandis qu’en France le grand intérêt de posséder des variétés de longue garde a excité le désir d’améliorer la Tardive d’Irlande, dont les produits du semis de ses graines se ressentent de leur origine, et donnent presque toujours des tubercules tardifs.

Une communication faite à M. Vilmorin vient à l’appui des expériences qui précèdent et donne lieu de penser que si, pendant une longue suite d’années, on recueille constamment de génération en génération des graines sur des individus d’une qualité plus parfaite, il se fait un accroissement et un perfectionnement successifs de ces mêmes qualités [6]. La propagation des pommes de terre par la.voie des semences a encore l’avantage de pouvoir s’effectuer lors même qu’une trop grande distance s’opposerait au lourd transport des caisses destinées à les contenir, et dans lesquelles elles pourraient fermenter, germer ou se détériorer ; elle obvierait à l’inconvénient de les voir détournées de leur destination, et d’être consommées sans espoir de reproduction. Elle sera enfin utile dans les cas rares, mais possibles, où des gelées excessives, et quelquefois le manque de subsistance, auraient détruit ou

forcé de consommer tout ou partie des tubercules réservés pour les plantations.

L'emploi des graines offrirait alors des ressources qui, malgré leur infériorité, pourraient, entre les mains d'une population active, intelligente et soigneuse, fournir, dès la première année, une certaine quantité de produits propres à la consommation [7]. Mais avant d'entrer dans le détail des opérations qu'exige le semis, on doit examiner une question faite par des agronomes et des praticiens éclairés : il leur semble que le semis sur place et à demeure entraîne avec lui beaucoup d'inconvéniens difficiles à prévenir, surtout lorsqu'il s'agit de couvrir un grand espace dans lequel il faudra ensuite enlever ou détruire une partie des plants levés, pour établir des distances convenables entre ceux qui devront être réservés;, ces considérations, et celles des dépenses à faire, les déterminent à préférer le semis en pépinière.

D’autres cultivateurs non moins instruits estiment, au contraire, que la nécessité de repiquer, d'arroser et d'attendre la reprise, occasione des frais et des retards [8] qui portent plus de préjudice que le semis sur place, qui n'exige que le sacrifice de quelques plants en herbe et de peu de valeur.

Toutefois on n'entrera point dans cette discussion, il suffit d'avoir fait connaître les deux opinions, pour que chacun adopte la méthode qui lui paraîtra la meilleure, puisque toutes deux peuvent se pratiquer. La Société, désirant que le travail de sa commission pût s’appliquer à toutes les convenances, a pensé qu’elle devait indiquer les différentes méthodes en prévenant des objections à mesure qu’elles se présenteront.


§ 5. Semis en pépinière.


Pour semer en pépinière, on peut profiter d’une couche de jardin, ou même de châssis ; mais, à leur défaut, on peut très bien semer en plein air, sur une terre douce, légère et meuble, exposée au midi, afin d’accélérer la germination.

Aussitôt qu’il n’y aura plus de gelée à craindre, ou que la végétation commencera à s’établir, c’est à dire en mars, si on sème sur couche, et vers la seconde moitié d’avril si on sème en planche de pleine terre [9], soit dans un jardin, soit dans un lieu clos, soit derrière un ados bien abrité, on établira une couche ou seulement une planche de trois à cinq pieds (quatre-vingt-dix-sept centimètres à un mètre soixante-deux centimètres) de largeur en terre passablement légère, débarrassée de pierres, de mauvaises herbes et bien amendée. On y sèmera la graine très clair [10] par rayons de deux pouces (cinq centimètres de profondeur, espacés l'un de l'autre de six à douze pouces (de seize à trente-deux centimètres). La graine sera recouverte d'environ deux lignes (un millimètre) d'épaisseur de terreau ou de terre légère et meuble, et le tout sera ensuite foulé ou marché modérément.

Si le temps n'est pas pluvieux, il sera bon d'arroser, mais avec réserve.

Quand la saison est favorable, la graine lève au bout de dix à quinze jours ou de trois semaines; elle se fait cependant quelquefois attendre plus long-temps.

On aura aussi soin d'abriter le semis avec des paillassons pendant les nuits si l'on est menacé de la gelée.

De même, si avant que les pousses se montrent le terrain se couvrait de mauvaises herbes il faudrait sarcler avec précaution ; mais, à moins de nécessité, il sera mieux d'attendre la levée complète pour cette opération, qu'il faudra renouveler autant de fois qu'il en sera besoin, en continuant les arrosemens en cas de sécheresse.

Lorsque l'on sème en rayons un peu espacés,

on a l’avantage de pouvoir rechausser les plantes, ce qu’il faudra faire lorsqu’elles auront acquis trois pouces (huit centimètres) de hauteur, en rapprochant seulement la terre autour du pied avec la main ou avec un petit outil.

Cependant, si à cette époque le plant était trop dru, on pourrait en arracher une partie et le repiquer ailleurs ; mais il vaudrait mieux qu’il fût plus fort, si cela est possible, et préparer et amender dans cet intervalle, par un ou plusieurs labours, le terrain destiné à recevoir le jeune plant, qui exige beaucoup de soin : c’est pourquoi les terres légères et en même temps substantielles, à l’abri des eaux, non recouvertes d’arbres ou qui n’en portent qu’une petite quantité, sont plus favorables au succès.

Lorsque le jeune plant aura acquis cinq à six pouces de hauteur (treize à seize centimètres), et au fur et à mesure qu’il aura assez de force, on le lèvera avec précaution et avec toutes ses racines, et il sera repiqué dans le terrain disposé pour le recevoir, et sur lequel on aura tracé des rayons à deux et presque à trois pieds (un mètre) l’un de l’autre, dans lesquels il sera planté à une égale distance et enfoncé jusqu’au collet, même à quelques lignes (ou millimètres) au dessus, en observant que plus le plant sera fort, plus chaque pied devra être éloigné de son voisin, afin qu’il acquière plus de vigueur et donne plus de produits.

Pour cette plantation, on devra préférer un temps couvert et pluvieux ; par un temps contraire, il faudra arroser, même à plusieurs reprises, si la saison le demande. Au bout de huit à quinze jours, les plantes doivent être reprises, et alors on remplacera celles qui auront manqué, puis on donnera un binage léger si elles sont faibles ; si elles sont fortes, on pourra donner un premier butage de trois ou quatre pouces (huit à dix centimètres) de hauteur. Quelque temps après, suivant la saison, la force des plantes et l’état du terrain, on donnera un dernier binage, on rechaussera, ou enfin on fera le dernier butage. 11 n’y aura plus ensuite qu’à parcourir le champ de temps en temps pour arracher les mauvaises herbes qui repousseront. Enfin la récolte n’aura lieu que lorsque les fanes jauniront et seront à peu près desséchées, à moins que le mauvais temps ne force de se hâter ; car les tubercules commençant à mûrir, les pluies pourraient les faire germer, ce que l’on doit prévenir par l’arrachement.

On conseillera aussi au cultivateur de conserver toute cette récolte pour la plantation de l’année suivante, attendu que la saveur des tubercules n'est bien déterminée qu'à la seconde année, et que ce n'est qu'après qu'elle est révolue que l'on peut faire un choix et les classer suivant leur qualité et l'époque de leur maturité.

Cependant, en cas d'un extrême besoin, les plus grosses pommes de terre pourront être mangées et les petites conservées; car si les soins n'ont pas été ménagés et que la saison ait été favorable, le produit pourra être évalué au quart et même à moitié d'une plantation de tubercules; dans tous les cas, si le produit en volume est moins considérable, celui en nombre le sera davantage.


§ 4- Semis sur place ou à demeure.


On doit choisir une terre légère, douce, suffisamment amendée et bien préparée à l'avancé; il serait même à désirer qu'elle fût à la portée de l'eau, pour que l'on pût, dans les commencemens, arroser les plants lorsqu'il ne pleut pas ; cependant, on a plus d'une preuve que des semis qui n'ont pas eu ce secours ont réussi [11]. Si donc on ne néglige aucune des façons préparatoires, et qu’ensuite on ait soin de biner et sarcler à mesure que les plantes grandiront, on pourra espérer des succès, et quoique l’on se soit affranchi des inconvéniens et des longueurs du repiquage, les produits seront plus gros et plus abondans. Le semis en place peut se faire de plusieurs manières, à la volée, en rayons ou par poquets.

Mais comme il doit avoir lieu en plein champ et sans abri, il faudra attendre qu’il n’y ait plus à craindre ni gelée ni neige, et profiter au contraire d’un temps doux et un peu humide.

Sans doute, si l’on sème à la volée, on emploiera inutilement beaucoup de graine, encore qu’on puisse la mêler avec du sable, puisqu’il faudra, après qu’elle aura levé, extraire tout ce qui sera surabondant, et ne laisser qu’un certain nombre de pieds espacés en quinconce, ce à quoi on parviendra aisément, en enlevant avec la charrue tous les intervalles que l’on croirait utile de former.

Mais il y aura moins de perte si l’on sème en

rayons; dans ce cas, la terre étant bien préparée et hersée, on tracera au cordeau des rayons de trois à quatre pouces de profondeur (huit à dix centimètres), à la distance, entre eux, de deux ou trois pieds (un mètre); on fera bien, si la terre est forte et compacte, de garnir le fond des rayons d'un pouce (deux centimètres) de terreau ou de terre légère ; la graine sera ensuite semée très clair et recouverte avec de la terre ou du terreau, comme on a fait pour le fond du rayon [12], et s'il fait sec et que l'on n'espère pas de pluie, on fera bien d'arroser doucement.

Les sarclage, binage et butage, après que les plantes seront suffisamment élevées, auront lieu comme à l'ordinaire et devront être répétés à mesure que le terrain se salira, se durcira, et que les plantes prendront de la force. Cependant, à chaque fois que l'on donnera une façon, on retranchera les plus faibles et on ne laissera sur la ligne que des pieds suffisamment écartés l'un de l'autre pour former échiquier, et permettre aux racines de s'étendre et aux tubercules de grossir [13]. Ordinairement le dernier butage a lieu lorsque les plants paraissent avoir acquis la plus grande partie de leur développement; et si la saison est favorable et que le travail ait été bien suivi, on peut espérer qu'un certain nombre de pommes de terre se montreront aussi fortes que si elles étaient venues de tubercules [14].

Le semis en poquets ne diffère de celui par rayons qu'en ce que, au lieu de semer dans toute la longueur de la ligne, on ne dépose la graine que dans des fossettes ou poquets pratiqués environ à deux pieds (soixante-quatre centimètres) l'un de l'autre sur les lignes. Ils sont creusés de quatre pouces (dix centimètres) et garnis de terreau comme les rayons, semés également très clair, et recouverts de même. Après la levée du plant et lorsqu'il a une force suffisante, il ne faudra laisser subsister dans chaque poquet qu'une ou deux ou au plus trois plantes sur les rayons; on pourra les laisser espacées depuis six pouces (seize centimètres) jusqu’à un ou deux pieds (trente-deux à soixante quatre centimètres), suivant leur force, la bonté du terrain et la faveur de la saison. Les plantes surnuméraires pourront être repiquées ailleurs, même dans une saison assez avancée ; mais alors il faudra leur donner moins d’espacement.

Afin de distribuer régulièrement les poquets et de ménager les graines, il serait peut-être convenable d’imiter le mode de plantation par carrés : on rayonnerait alors, dans les deux sens, à la charrue, et ensuite à chaque section ; on aurait bientôt creusé le poquet avec une pioche, puisque le sol serait déjà entamé ; enfin, à la main, ou à l’aide du tube imaginé par M. Riolt, que l’on pourrait faire plus petit, on distribuerait la semence.

Quelle que soit, au reste, la méthode que l’on suive pour opérer le semis, toujours à l’époque de la maturité, il ne faudra négliger aucune des précautions que l’on est dans l’usage de prendre lors de l’arrachement et du transport des produits ; et en outre il sera essentiel d’observer que les pommes de terre provenues de semence sont plus tardivement mûres que celles qui sont issues de tubercules plantés ; que, la première année même, on ne peut juger parfaitement de la faveur de ces jeunes produits, qui sont encore herbacés ; que dès lors ils doivent être arrachés le plus tard possible et à l’approche des gelées, si ce n’est les hâtives, qui doivent l’être les premières, et que l’on reconnaît à la sécheresse du feuillage, qui se manifeste plus tôt. Ainsi, après avoir sorti de terre les tubercules nouveaux, on fera une vérification provisoire, et ceux qui n’offriront rien d’intéressant seront mis au rebut ; au contraire, ceux qui annonceront une supériorité décidée par leur précocité, leur nombre, la beauté et la bonne apparence des tubercules, seront recueillis séparément et numérotés pour, l’année suivante, être replantés selon les méthodes ordinaires, et ce sera sur la récolte qui suit cette plantation que l’on choisira définitivement les lots qui mériteront d’être conservés comme souches, à moins qu’on ne veuille pousser la comparaison jusqu’à la troisième année et même au delà.


§ 5. De la récolte des graines et de leur conservation.


Tout le monde connaît ces globules qui succèdent à la fleur des pommes de terre, ce sont les baies ou fruits qui renferment la graine de cette plante : on en fait la récolte lorsqu’ils sont prêts à se détacher ou qu’ils sont déjà tombés : sans ce soin, ils deviendraient promptement la proie des insectes ; les plus mûrs sont les meilleurs, et ils se reconnaissent à leur couleur blanche-grisâtre, et à une odeur assez agréable qu’ils exhalent alors. On suspend ces fruits par la queue dans un lieu sec et à l’abri de la gelée, ou bien on les étale sur des tablettes, afin qu’ils achèvent doucement leur maturité. Lorsqu’elle est arrivée, on les écrase dans les mains ; puis, par des lavages réitérés à grande eau, on fait disparaître la viscosité de la pulpe qui enveloppe les graines, et lorsque l’eau est bien claire et que celles-ci sont bien nettes, on les ramasse au fond du vase, et on les étale sur des toiles ou sur des feuilles de papier gris, afin de les faire sécher à l’air ou dans un endroit sec, à l’abri des souris, qui en sont très friandes ; enfin, on les conserve dans un sac jusqu’au moment de les semer [15]. Si les fruits étaient desséchés avant que l’on ait pu en extraire la graine, on les diviserait avec un marteau ; puis on les amollirait dans l’eau, et le lavage s’opérerait comme lorsque les fruits sont frais.

Encore que les graines ne produisent pas toujours la variété dont elles proviennent, et, au contraire, qu’elles en donnent un grand nombre d’autres, le choix des plantes sur lesquelles on les recueille n’est pas indifférent ; les plus vigoureuses fournissent les meilleures, et l’on regarde comme telles, la grosse jaune, la patraque jaune et les analogues, leur produit étant généralement beaucoup plus constant et plus régulier en qualité et en quantité ; ce qui est dit ici n’exclut pas toutefois ce qui est dit, article des Variétés et ailleurs, relativement à la tardive d’Irlande, la schaw et autres, qui seront bonnes à semer selon le but que l’on aura en vue.


§ 6. Des espèces ou variétés.


On se servira indifféremment des deux dénominations pour désigner les différences qui existent entre les pommes de terre, non seulement à cause de leur couleur, de leur forme et de leurs caractères extérieurs, mais encore par rapport à leurs qualités nutritives ou économiques [16].

Le cultivateur ne doit pas laisser au hasard le choix des espèces ou variétés qu’il admet dans ses plantations, et il doit au contraire faire ses recherches avec d’autant plus de soin i que l’influence du sol et du climat sur cette plante est souvent telle, que celle qui sera la meilleure et la plus productive dans un terrain peut ne pas l’être également dans un autre. Mais comme il est également certain que, malgré ces différences, chaque pomme de terre conserve des traces de son origine, il est utile de connaître celles des espèces ou variétés qui méritent plus particulièrement l’attention : tel est le but des notions qui vont suivre.

On s’attachera principalement à l’abondance du produit et à sa bonne qualité, c’est à dire qu’on désignera la nature légère et farineuse de la chair ou pulpe et l'absence d’âcreté dans la saveur.

Néanmoins, comme ces deux genres de mérite se rencontrent rarement à un égal degré dans la même variété, il semble que, dans la culture en grand, il convient de s'attacher à celle qui est la plus abondante, sans négliger la bonté relative, que l'on doit aussi rechercher parmi les races grosses et productives.

Outre ces qualités, deux autres doivent être prises en considération; savoir, la précocité et la faculté de se conserver long-temps sans germer.

Quelques variétés sont tellement précoces, que leur maturité naturelle a lieu à la fin de juin, et que d'autres mûrissent en juillet et en août.

Les premières sont moins productives et ne conviennent guère qu'aux cultures recherchées, qu'on pourrait regarder comme objets de luxe.

Les secondes sont d'un produit beaucoup plus satisfaisant, et peuvent devenir d'une grande utilité pour l'approvisionnement des marchés, sur lesquels elles seront apportées six semaines ou deux mois plus tôt que les espèces ordinaires; elles deviendront, par cette anticipation, un bienfait pour les villes et pour les campagnes, dans les années où lu rareté des légumes, au cœur de l’été, rend la nourriture du peuple, des ouvriers et des moissonneurs très embarrassante et très coûteuse.

A l’égard des variétés de longue garde, leurs avantages ne sont pas moins réels, et chacun sait combien d’embarras, de frais et de pertes occasione la germination prématurée des tubercules dans des temps doux et humides.

Les espèces qui, par la lenteur de leur germination, jouiraienkde la propriété de sommeiller, s’il est permis de s’exprimer ainsi, pendant tout l’hiver, deviendraient donc très précieuses, encore que l’on ne puisse pas taire que quelques unes soient moins productives [17].

On jurait encore pu fonder les différences entre les variétés sur d’autres distinctions ou d’autres rapprochemens, comme seraient, par exemple, la conformation des racines, la situation des tubercules dans le sol, le port et la disposition des tiges, le plus ou moins d’ombrage que les fanes répandent autour d’elles ; mais la plupart de ces distinctions reposent plus sur des raisonnemens que sur des faits pratiques, et l’on a pensé que des considérations de ce genre s’écarteraient du but de cette Instruction. On se borhera donc à indiquer dans quatre divisions [18] ; la nomenclature des pommes de terre qui paraissent mériter particulièrement d’être cultivées.

première série. Pommes de terre spécialement convenables à la grande culture et remarquables par l’abondance de leurs produits, applicables à la nourriture des bestiaux, ainsi qu’à celle des hommes, et dont plusieurs méritent, sous ce rapport, d’être distinguées.

La Grosse blanche commune, dite à vaches, à cochons, désignée à la halle de Paris sous le nom de Patraque blanche (n°. 63 du Catalogue de la Société).

Tubercule blanchâtre, faiblement teint de rose, d’une forme irrégulière, très gros et bosselé.

Autrefois elle a été presque la seule cultivée pour les bestiaux. Aujourd’hui, en beaucoup de lieux, cette pomme de terre est remplacée par la Jaune, que l’on obtient quelquefois farineuse et très bonne, et d’autres fois compacte et de cuisson difficile.

La Bourgeoise ou Divergente (nos. 65 et 52 du Catal.)[19], tout à fait analogue, par la forme et la couleur des tubercules, à la précédente. Dans les plantations de la Société, c’est l’espèce qui, sur une moyenne de quinze années, s’est montrée la plus productive ; supériorité qu’elle a également présentée dans beaucoup d’autres essais. Sa qualité paraît être ordinairement supérieure à celle de la Blanche commune, mais n’égale pas celle des Jaunes ; elle vient de l’ancien département de l’Escaut (aujourd’hui royaume des Pays-Bas), et paraît peu répandue en France, où elle mériterait bien cependant de l’être, à cause de sa grande fécondité.

La Grosse jaune de Paris ou Patraque jaune (n°. 79 du Catalogue).

Le Bloc ou la Dunkerquoise (n°. 79 du Catalogue).

L’Auxnoble (n°. 128 du Catalogue).

La Jaune de New-York ou Reinette (n°. 190 du Catalogue).

La Philadelphie (n°. 148 du Catalogue). Cette dernière, ensuite le Bloc, sont plus hâtives que les trois autres.

La Rouge de l’Ile-Longue, Patraque rouge de la halle de Paris (n°. 54 du Catalogue). Autrefois plus cultivée qu’aujourd’hui ; quelquefois de très bonne qualité, fréquemment médiocre. Tubercule susceptible d’acquérir un volume énorme, surtout en terres humides, pour lesquelles cette espèce paraît, ainsi que toutes les Rouges en général, convenir mieux que les Jaunes…

La Coton (n°. 42 du Catalogue) vient des environs de Douai. Rouge-pâle, ronde, de moyenne grosseur ; s’est montrée constamment très productive dans les plantations de la Société, en même temps d’assez bonne saveur.

La Benarde (n°. 78 du Catalogue). Rouge, ronde, venue du pays de Vaud ; très bonne qualité.

deuxième série. Pommes de terre remarquables par leur bonne qualité.

Cette série se compose à peu près exclusivement de pommes de terre de table. Ces espèces sont inférieures en produits aux précédentes ; plusieurs d’entre elles sont cultivées avec avantage aux environs des grandes villes, eu raison de leur prix élevé sur les marchés.

La Decroizille (n°. 61 du Catalogue). Rouge-pâle, oblongue, petite, mais excellente ; se conserve long-temps sans germer. Dans l’analyse faite par M. Vauquelin, sur quarante-six espèces, toutes cultivées dans le même terrain, celle-ci s’est trouvée la plus riche en fécule. Elle a d’à bord été cultivée aux environs de Dieppe, sous le nom de Catherinette [20].

Le Cornichon rouge, ou Vitelotte (n°. 6 du Catalogue). Très commune à Paris, et estimée hâtive.

La Rouge longue de Hollande, ou Hollande rouge de la halle (n°. 1 du Catalogue). Forme un peu aplatie, surface très unie, qualité au moins égale à la précédente.

La Jaune longue de Hollande, dite Parmentière. Cornichon jaune, ou Hollande jaune de la halle (n°. 107 du Catalogue). Aplatie, alongée, très lisse, chair très légère, farineuse et excellente ; produit plus considérable que dans la plupart des pommes de terre fines.

La Chave ou Shaw (n°. 129 du Catalogue). On en reparlera aux hâtives.

La Violette de Paris (n°. 113 du Catalogue). Elle a la chair jaune, sucrée, de bonne qualité et de bonne conservation ; elle est très sucrée quand elle a germé.

La Rheinoise ou Bleue du Valais (nos. 115 et 217 du Catalogue).

Plusieurs petites Jaunes, notamment la Schourn (n°. 134 du Catalogue) ; la Chinoise ou Surin de Hanovre (n°. 100 du Catalogue) ; la Petite Hollandaise (n°. 92 du Catalogue).


troisième série. Pommes de terre hâtives.


La Truffe d’août (n°. 37 du Catalogue). Rouge-pâle, ronde, très bonne, passablement productive. Sa maturité naturelle est indiquée par son nom ; mais au moyen de plantations hâtives et abritées, on apporte sur les marchés de Paris des tubercules incomplètement mûrs, à la vérité, mais mangeables dès la fin de mai ; ils ne sont parfaitement mûrs qu’à la fin d’août.

La Chave ou Shaw (n°. 129 du Catalogue). Jaune, ronde, très bonne, plus productive que la Truffe d’août et plus hâtive d’environ quinze jours. C’est celle qui, d’après l’expérience, peut être recommandée avec le plus, de confiance dans les exploitations rurales et dans les cultures particulières.

La Naine hâtive ou à châssis (n°. 130 du Catalogue). Jaune, ronde, plus remarquable — encore que les deux précédentes par sa précocité ; car, en terre légère, elle est, dans certaines années, éteinte et complètement mûre dès la fin de juin, dans le climat de Paris. Quoique moins farineuse et moins productive que la Chave, sa plus grande précocité la fait quelquefois préférer à cette dernière [21].
quatrième série. Pommes de terre de longue garde.


Les pommes de terre offrant un caractère très prononcé en ce genre sont en très petit nombre.

La Tardive d’Irlande (n°. 125 du Catalogue) est la première, et après elle, on peut encore citer la Decroizille, déjà mentionnée.

La Blanche longue (n°. 146 du Catalogue).

La Rose-Œil (n°. 88 du Catalogue).

La Rouge longue de l’Indre (n°. 16 du Catalogue).

L’épais Buisson (n°. 96 du Catalogue).

Mais aucune ne peut *être proposée pour la grande culture ; on insistera donc en faveur de la seule Tardive d’Irlande. Elle est connue sous plusieurs noms. En Angleterre et en Irlande, on l’appelle potatoe ; américaine, à Neufchâtel en Suisse, et pomme de terre suisse, à Valenciennes.

Elle possède, plus qu’aucune autre, la faculté de produire ses germes extrêmement tard ; et, à cet égard, on a cité des exemples de sa parfaite conservation non seulement jusqu’après l’hiver, mais encore pendant plus d’une année [22].

Le tubercule est rouge, panaché de jaune, d’une forme arrondie, quoique un peu irrégulière et un peu bosselée ; sa maturité parait n’être jamais complète au moment de l’arrachage, car la plante est presque tous les ans surprise par la gelée, étant encore en pleine végétation. C’est sans doute pour cette raison qu’elle n’est savoureuse que long-temps après la récolte ; mais au milieu de l’hiver, et surtout à la fin de cette saison, elle devient beaucoup meilleure. Malheureusement, son produit est sensiblement inférieur à celui des espèces marquantes. Cependant, il n’est pas tellement faible, que ce défaut puisse balancer les avantages qu’offre cette espèce, si on l’admet en proportion

(1) convenable dans la grande culture, où elle formerait une réserve qui ne serait entamée qu’à la fin de la saison, lorsque les autres pommes de terre se trouveraient consommées ou détériorées.

La Tardive d’Irlande, en raison de son extrême lenteur à germer, doit être plantée deux ou trois semaines plus tôt que les autres espèces ; elle a aussi besoin, plus qu’aucune autre, d’être fumée, ce qui contribue à accélérer la sortie des germes, à préserver les tubercules des gelées, et à augmenter les produits.

Un procédé peut-être préférable, pour les cultures de peu d’étendue, serait d’exciter la sortie des germes par l’exposition des tubercules, quelque temps avant leur plantation, à une température à la fois humide et chaude, telle que celle d’une étable ou d’une écurie [23].

Enfin, la Tardive d’Irlande donnant des fleurs et des graines en abondance, on aurait encore le moyen très probable d’augmenter son produit en supprimant les fleurs à mesure de leur développement [24].

Au reste, de toutes les améliorations que l’on pourrait tenter par la voie du semis, aucune ne présenterait autant d’intérêt que celle qui aurait pour but d’obtenir une variété tardive, issue de la Tardive d’Irlande, et qui serait beaucoup plus productive que la race actuelle. En effet, une pomme de terre qui, au mérite d’une très longue conservation, joindrait celui de donner des récoltes égales aux meilleures races ordinaires, deviendrait infiniment précieuse.

Ce serait là un essai digne des amis éclairés de l’agriculture, et qui n’est peut-être pas éloigné du succès ; car, encore que la Tardive d’Irlande, ainsi que toutes les autres variétés, joue par le semis, cependant plusieurs expériences prouvent qu’une partie des plants obtenus de ses graines conservent le caractère de la race primitive, c’est à dire celui d’une germination tardive ; la persévérance seule apprendra si l’espérance que l’on a conçue est fondée.

Bien que, dans les quatre séries que l'on vient de parcourir, on n’ait indiqué qu’un certain nombre de variétés particulièrement recommandables, on n’a pas prétendu néanmoins exclure celles qui, localement, pourraient satisfaire les cultivateurs, ni celles qui paraîtraient ailleurs mériter leur attention.



  1. Telle est la conséquence tirée d’une expérience faite sur une plantation de trois grosseurs par un cultivateur éclairé, M. Fessart. (Voyez les Mémoires de la Société d’agriculture de Versailles, année 1828.)
  2. Deux faits plus curieux peut-être qu’utiles ont prouvé, cette année, l’extension de cette faculté à toutes les parties de cette plante.

    1°. On a vu ses tiges et ses rameaux couverts de tubercules poussés entièrement, et dont plusieurs étaient assez gros pour être mangés ; on attribue ce luxe de végétation à l’excès de la température humide qui a existé l’été dernier.

    2°. M. Fourquet, chef des pépinières du Jardin « le Fromont à Ris (Seine-et-Oise), a greffé sur des pommes de terre, solanum tuberosum, des tomates, solanum lycopersicum, et il a obtenu une récolte simultanée de pommes de terre et de tomates ; en terre l’abondance des tubercules, et à l’air la quantité des fruits ne laissaient rien à désirer, ni sous le rapport du volume ni sous celui de la saveur.

  3. M. Polonceau, correspondant de la Société royale et centrale d'Agriculture, et membre de celle de Versailles, inventeur d'un instrument pour détacher les germes en les laissant environnés d'un peu de pulpe et réservant le surplus du tubercule pour la consommation, a fait trois expériences comparatives des produits de pommes de terre évidées et entières sur trois variétés, et il a trouvé que la différence en faveur des pommes de terre entières était, dans la première expérience, d'un trente-deuxième, dans la seconde d'un vingt et unième, et dans la troisième d'un vingt-sixième. (V. les Mémoires de la Société de Versailles, année 1828.) Or, l'été de 1827 était très défavorable pour cette expérience, et a dû donner le maximum des différences.
  4. Dans les Ardennes, pour conserver ces bouts, on les laisse simplement dans un panier à l’abri de la gelée ; peut-être vaudrait-il mieux les laisser un peu dessécher et les mettre ensuite dans du sable bien sec ou dans de la menue paille, attendu qu’il est à craindre qu’ils ne s’échauffent.
  5. Quelques variétés semblent être privées de ce don, ou au moins n’en profitent que rarement ; on ne connaît pas encore la cause de cette stérilité réelle ou apparente, peut-être aussi ne l’a-t-on pas suffisamment observée.
  6. En partant de ce principe, on a présumé que pour se procurer des espèces hâtives il fallait semer des graines recueillies sur les sujets les plus hâtifs, et M. Sageret s’est rappelé qu’en 1793 il sema des graines de la truffe d’août à peine mûres, attendu qu’elles mûrissent difficilement, quoique le feuillage se dessèche promptement. De ce semis il a recueilli quelques variétés plus hâtives encore que la truffe-mère, puisqu’une d’entre elles mûrit complètement au commencement de juin.

    Il est encore un autre rapport entre les graines et les tubercules, que l’on a été à portée de remarquer cette année, c’est que le produit des baies a été médiocre et celui des tubercules abondant : ne peut-on pas en conclure que le défaut de développement et de maturité des baies a profité aux tubercules ? Dès lors ne serait-il pas possible d’obtenir une plus grande masse de pommes de terre en coupant les fleurs aussitôt qu’elles paraissent sur les tiges, et réciproquement pour faire fructifier la fleur né devrait-on pas affaiblir le pied en réduisant le nombre des tubercules ?

  7. A l'appui de cette assertion, on pourrait citer les succès de plusieurs agronomes distingués ; mais on se bornera à rappeler ceux de M. Sageret, obtenus en pleine terre. En 1813, il présenta à la Société une issue jaune de semis ayant vingt-sept tubercules dont un seul pesait dix onces (305,94 gr.) et la totalité quatre livres et demie (deux kilogrammes et demi). Plusieurs autres pieds tant jaunes que rouges rivalisaient avec les précédens : en 1814, sur six perches de terre il a recueilli, de semis, deux setiers (3hect.,12) de tubercules d'une bonne grosseur, et il en eût récolté davantage si l'on eût laissé plus d'espace entre les pieds. En 1816, dans un domaine appartenant à M. Vilmorin, et de concert avec lui, sur un champ d'un demi-hectare (un arpent) qui avait rapporté du blé l'année, précédente, une légère addition de fumier fut répandue avant de labourer à la charrue, et nos confrères obtinrent de ce semis cinquante setiers (environ soixante-dix à quatre-vingts hectolitres) de pommes de terre, dans lesquelles un bon nombre étaient comestibles, et les plus petites jouissaient d'une telle énergie vitale, qu'elles ont été employées avec avantage à la plantation suivante. Cette année, M. Sageret a eu le même succès.
  8. On évalue à plus de quinze jours la différence de la pousse du plant venu sur place-à celui qui est repiqué.
  9. Cette époque ne peut être déterminée exactement que sur les lieux et selon la saison.
  10. Si l’on craignait de ne pas semer assez clair, on pourrait mêler avec la graine de la cendre ou du petit sable) car une graine sur dix peut procurer abondamment du plant l'année suivante.
  11. Les tubercules provenant de semis sont souvent petits, mais nombreux, et ils sont doués d'une très grande force végétative ; le produit d’une perche de terre ensemencée suffit pour planter un quart d’arpent au moins.
  12. Si la terre était douce et légère, on pourrait sans doute se dispenser de cette addition de terreau, et alors celle sortie du rayon pourrait être répandue légèrement à la main sur la semence.
  13. Les plants arrachés, surtout les premiers, pourraient être repiqués, en observant ce qui a été dit à l'égard du semis en pépinière; mais on doit remarquer que le repiquage privant la plante de son pivot, la végétation en est retardée de plus de quinze jours.
  14. Voyez, plus haut, les expériences de M. Sageret.
  15. On pourra abréger cette manipulation en écrasant les fruits bien mûrs sur une toile ou une feuille de papier, et en les y étendant par couches menues ; la peau et la viscosité se sécheront promptement, et la graine se conservera très bien. Au moment de semer, on coupe les feuilles par morceaux et on les dépose en terre dans la proportion que l’on veut et où l’on veut, et la graine germe et lève aussi promptement que lorsqu’elle a été recueillie par-l’autre procédé.
  16. Non seulement à cause de l’embarras qu’il y a de déterminer exactement les qualités qui constituent l’espèce ou la variété, mais encore pour ne pas contrarier l’habitude des habitans des campagnes que de si nombreuses distinctions pourraient embarrasser.
  17. A l’égard de la Tardive d’Irlande, on verra plus tard qu’elle fait une heureuse exception.
  18. La Société royale et centrale d’agriculture a réuni en 1813 une collection très étendue de variétés de pommes de terre qui s’accroît chaque année ; depuis ce temps, elle en suit la culture et en distribue gratuitement les produits aux cultivateurs qui désirent essayer des espèces autres que celles qu’ils possèdent chez eux : la distribution s’en fait chez M. Vilmorin : c’est aussi à M. Vilmorin qu’il faut s’adresser pour avoir communication du Catalogue dès espèces ou variétés, attendu qu’ayant été imprimé en tableaux, le nombre des exemplaires est épuisé, et que désirant y comprendre les espèces ou variétés qui sont connues depuis, ce travail ne peut se faire qu’après la récolte ; en attendant, on peut consulter les tableaux que la Société de Versailles a fait imprimer et ceux de MM. De Candolle et Martinet.
  19. A l’époque de l’impression du Catalogue de la Société, les deux nos. 65 et 52 étaient regardés comme différens ; leur identité ayant été reconnue depuis, ils ont été réunis.
  20. Elle grossit dans les terres de bonne qualité et perd de sa saveur.
  21. M. Mathieu de Dombasle la cultive depuis longtemps à Roville, et en fait cas ; toutefois, ses observations, ainsi que celles consignées ici, doivent la faire regarder comme plus propre à être cultivée dans les jardins que dans les champs. Les variétés citées dans cette série sont dans le même cas.
  22. M. le comte de Bussy a présenté à la Société royale et centrale une pomme de terre assez belle, qui approche beaucoup de la Violette et dont il annonce la conservation comme se prolongeant beaucoup au delà du terme de la Tardive d’Irlande ; elle vient de Chandernagor, il la cultive depuis trois ans ; la distribution qu’il a faite aux membres de la Société d’un certain nombre de tubercules, pour en faire l’essai dans différons terrains, mettra à portée d’en apprécier les qualités.
  23. Ce procédé a beaucoup d’analogie avec celui de M. de Chancey, voyez p. 35.
  24. Voyez la note de la page 39.