Instruction concernant la propagation, la culture en grand et la conservation des pommes de terre/Troisième partie - Chapitre II

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Société royale et centrale d’agriculture
Madame Huzard (née Vallat la Chapelle) (p. 123-155).


CHAPITRE II.

DESSICCATION DES POMMES DE TERRE APRÈS UN ÉCHAUDAGE OU UNE CUISSON PRÉALABLE.


§ 1. Essais en ce genre, et mode que l’on doit préférer.


Tout le monde connaît les moyens usités dans l’économie domestique pour faire cuire les pommes de terre soit à l’eau comme les légumes ordinaires, soit à la vapeur de l’eau bouillante dans des vases clos, soit dans un four ou sous les cendres suffisamment échauffées.

Cependant, comme de cette première cuisson dépend la qualité des préparations alimentaires, il n’est pas inutile d’observer que souvent la négligence, dans l’emploi des bons procédés,’altère les résultats et nuit à leur conservation.

Parmentier, qui avait reconnu l’abondance de l’eau de végétation que renferme la pomme de terre [1] et ses mauvais effets, avait pensé que l’on pouvait les neutraliser en faisant blanchir les tubercules, coupés par rouelles, dans l’eau bouillante, puis sécher dans un four ou dans une étuve : mais comme en séchant elles devenaient transparentes et dures comme de la corne ; qu’il était alors difficile de les ramollir complètement ; que, réduites même en farine à l’aide des meules, celle-ci conservait toujours un grain sec, qui ne se prêtait pas parfaitement au pétrissage, Cadet de Vaux pensa qu’il valait mieux faire cuire les tubercules, et après avoir enlevé leur pellicule, les émietter et les faire sécher. Ce procédé offrait encore, surtout pour des conservations un peu étendues, de graves inconvéniens : la division, la dessiccation ne pouvant s’opérer ni assez promptement ni assez complètement, on était exposé à perdre beaucoup de matière par la viscosité et l’altération spontanée qui survenaient dans le cours de la préparation ; mais, en faisant ces essais, on a appris qu’après la cuisson sous la cendre, qui n’est praticable que pour satisfaire des goûts particuliers, la cuisson à la vapeur était celle qui rendait la pomme de terre plus savoureuse, et qu’elle pouvait être employée avec succès dans les ménages et dans les fabriques : c’est pourquoi il n’est pas inutile d’entrer dans quelques détails sur la manière de pratiquer cette cuisson.

Mais, avant de les faire connaître, il est bon d’avertir que souvent les pommes de terre provenant de terrains humides, ou récoltées pendant une saison pluvieuse, contiennent une si grande proportion d’eau, que celle-ci suffit pour les réduire en pâte, et qu’alors on dit qu’elles ne sont pas farineuses, parce qu’elles ont un goût fade, âcre, ou désagréable. Eh bien ! on diminue ces inconvéniens en les faisant cuire sans eau dans un vase fermé, c’est à dire dans une sorte de marmite propre à cet usage ; elle est en fonte, peu épaisse, île forme elliptique ; son couvercle, en cloche, est de même matière, il l’enveloppe et la recouvre dans toute sa hauteur, en posant sur un rebord établi à sa base ; ce qui ferme le tout hermétiquement. Lorsque la marmite est remplie de tubercules, on pose le couvercle, et on amasse, autour, des cendres chaudes, mêlées de braises incandescentes ; la température s’élève graduellement dans l’intérieur de la marmite, et les pommes de terre perdent leur eau de végétation, qui se réduit en vapeur, et avec elle leur âcreté. Ce mode de cuisson, bien préférable surtout pour les pommes de terre de qualité inférieure, s’applique aussi avec avantage à celles de qualité supérieure ; il produit les bons effets de la cuisson sous la cendre, et évite la carbonisation.

On supplée à cette marmite à cloche, en faisant usage d’une marmite de fonte ordinaire, au fond de laquelle on met un peu d’eau pour commencer la vaporisation. On la recouvre, après l’avoir presque remplie de pommes de terre, avec son couvercle renversé sens dessus dessous, appuyé fortement sur un bourlet de chiffons, à l’aide d’un poids ou d’un pavé [2]. Cependant, si une consommation considérable exigeait que l'on fît cuire à la fois une très grande quantité de pommes de terre, il faudrait se procurer une chaudière d'une contenance proportionnelle aux besoins, disposée de manière à introduire la vapeur dans le réservoir où seraient déposés les tubercules; et pour en donner l'idée, on ne peut mieux faire que d'extraire la description donnée par M. Bottin, membre de la Société royale et centrale d'agriculture, dans le LXVe. tome des Annales de l’Agriculture française.

On profite de la chaudière d'un alambic, que

l’on remplit d’eau, environ aux sept huitièmes de sa capacité ; on la surmonte de son chapiteau ; ce chapiteau communique par un tuyau à la bonde d’un tonneau placé sur fond, à côté de la chaudière, et qui est aux trois quarts plein de pommes de terre crues, préalablement lavées et dessablées ; on scelle hermétiquement, avec du vieux linge ou des étoupes, l’extrémité du tube engagée dans la bonde, et lorsque l’eau est en ébullition, la vapeur est contrainte de passer de la chaudière dans l’alambic et de se jeter ensuite dans l’intérieur du tonneau, où elle pénètre et. cuit les pommes de terre d’une manière parfaite en quelques heures [3].

On produirait le même effet à moins de frais.

Un simple tonneau, ajusté sur une chaudière de manière à ce que la vapeur ne puisse s’échapper par la jonction, procurera également la cuisson à une masse de pommes de terre, et suppléera à des appareils plus coûteux ; il servira lui-même de couvercle à la chaudière, et son fond inférieur étant percé d’un grand nombre de trous, la vapeur de l’eau bouillante s’introduira de même au milieu de la masse des tubercules, qui auront été mis dans ce tonneau par une porte pratiquée au fond supérieur, que l’on aura soin de refermer et de bien boucher avec des linges et des étoupes.


§ 2. Du vermicelle et des pâtes fabriquées avec de la pomme de terre cuite.


On a vu que la cuisson à la vapeur était préférable pour toute préparation alimentaire, elle l’est surtout lorsqu’il s’agit de confectionner des pâtes de longue conservation ; mais il existe une autre difficulté à vaincre lors de la manipulation des pâtes, c’est celle de les préparer complètement avant le refroidissement des tubercules cuits.

M. Grenet, qui le premier a eu l’idée de mettre les pommes de terre sous une forme analogue à celle du vermicelle, les épluchait soigneusement, les plaçait dans des pots, portés de suite au four pour opérer la cuisson ; celle-ci étant effectuée, il écrasait les pommes de terre à l’aide d’un rouleau, d’une passoire et d’un pilon, puis il les étendait sur des châssis couverts d’un canevas, qu’il portait dans une étuve, pour enlever l'excès d'eau restant. Enfin, il introduisait cette pâte dans un cylindre creux, en tôle, en fer-blanc ou en cuivre, perforé de trous à sa base et dans ses parois, et terminé en entonnoir, enfin soutenu à sa partie inférieure par un trépied.

Un levier articulant à l'aide d'un tourillon scellé dans le mur, ou même à la main, comprime fortement la pâte au moyen d'un cylindre plein, en bois, qui entre dans le cylindre creux, et celle-ci s'échappe en filets à travers les trous du cylindre. Ces filets sont reçus dans des caisses plates de fer-blanc ou de papier, sur lesquels on les étale avec une baguette. On les porte ensuite, au fur et à mesure dans un four dont on vient de retirer le pain et, mieux encore, dans une étuve; ce vermicelle se conserve dans des sacs de papier ou dans des caisses, pourvu qu'il soit dans un lieu sec.

Pour le convertir en grains d'égale grosseur, il ne s'agit que de le concasser avec un rouleau, et de le tamiser à travers des cribles de différentes grosseurs.

On doit, autant que possible, choisir les meilleures espèces pour la préparation de ce vermicelle, destiné à faire des potages; pour lui donner la ténacité et l'apparence du vermicelle ordinaire, on peut y ajouter, en faisant la pâte, une certaine quantité de farine de froment, et ainsi le préparer économiquement pour la consommation journalière.

Mais ces pratiques de ménage sont longues, et dans une fabrique le bénéfice dépend de l'accélération du travail : pour y parvenir, on a essayé de réduire en pâte les pommes de terre, en les jetant, après les avoir fait cuire à la vapeur, dans une trémie, d'où elles passent rapidement entre deux cylindres rapprochés, auxquels des roues d'engrenage communiquent des vitesses inégales, et dont les surfaces inférieures sont continuellement nettoyées par deux racloires. Quelque ingénieux que soit ce mécanisme, on n'en obtient cependant pas tout le succès que l'on pourrait désirer, parce que les pommes de terre, exposées à l'air sur presque tous leurs points, perdent une grande quantité de chaleur et se durcissent ensuite; que la pâte détachée des cylindres est encore plus exposée au refroidissement, d'où il suit qu'elle n'a plus assez de liaison. Pour remédier à ces inconvéniens, MM. Payen et Chevalier pensent que les cylindres malaxeurs agiraient plus efficacement s'ils étaient renfermés au milieu d'une cuve parfaitement close, au dessus de laquelle des pommes de terre seraient d’abord exposées à l’action de la vapeur, jusqu’à ce que la cuisson fût portée au point convenable.

Ce serait alors qu’on imprimerait un mouvement aux cylindres, afin d’écraser les tubercules sans le moindre refroidissement, puisque dans le fond de la cuve l’eau de condensation serait encore à un degré voisin de celui de l’ébullition.

Mais MM. Payen et Chevalier n’ayant point fait exécuter cet appareil, ils ont cru devoir y suppléer par la description d’une machine, qui leur a été communiquée par M. Schwartz, Suédois, professeur de technologie, témoin de ses bons résultats dans la pratique en grand. Cette machine est composée d’une chaudière à vapeur, munie d’une soupape de sûreté, d’un tube indicateur, d’un entonnoir à robinet pour la remplir, et d’un ou plusieurs ajutages à bride, pour émettre la vapeur ; un tuyau porte la vapeur dans un cylindre fermé, lequel est en bois d’épaisseur, doublé en cuivre.

Ce cylindre, qui a la forme d’un tonneau debout, est séparé en deux par un diaphragme en fonte, percé, comme une écumoire, de trous coniques.

Un agitateur en fer tourne à frottement dans une boîte garnie d’étoupe adaptée au fond supérieur, et, à sa partie inférieure, il est soutenu par un pivot dont la tige porte un moulinet près du fond.

Plus haut, quatre ailes en fer, perforées de trous elliptiques, sont fortement fixées sur la tige de l’agitateur ; et à quelques lignes au dessus du diaphragme, une manivelle, commandée par une roue d’engrenage, le fait tourner.

On introduit les pommes de terre dans la partie supérieure par une ouverture ; on n’emplit que les huit dixièmes de la capacité, afin de laisser de la place pour le gonflement ; on referme l’ouverture au moyen d’une plaque serrée par des brides ; enfin, on fait arriver la vapeur dans le cylindre en ouvrant le robinet. Une petite cannelle, placée en haut du cylindre, permet d’en laisser échapper l’air ; on n’ouvre ou ne referme son robinet qu’après avoir laissé sortir une certaine quantité de vapeur, afin d’être assuré que tout l’air est épuisé.

Une heure ou une heure et demie après que l’on a commencé à introduire la vapeur, suivant la masse à échauffer, les tubercules doivent être cuits, on s’en assure en essayant de faire tourner l’agitateur, qui ne doit pas éprouver une trop forte résistance. A mesure qu’on imprime le mouvement de rotation, les pommes de terre s’écrasent et passent à travers les Irons du diaphragme et tombent dans la partie inférieure du cylindre : là, elles sont délayées par les quatre ailes fixées sur le prolongement de l’agitateur,. qui les réduit complètement en bouillie, que l’on fait ensuite sortir par une large vidange, pour recommencer une nouvelle opération.

Le même M. Schwartz a encore indiqué un ustensile moins compliqué, que l’on préfère dans son pays, et qui pourrait convenir à des établissemens peu étendus : c’est un cylindre en bois épais qui présente un tonneau couché, il est traversé par un axe et hérissé à l’intérieur de pointes de fer.

Un des bouts de l’axe est creusé d’un trou cylindrique, dans lequel est adapté extérieurement un tube avec sa boîte garnie d’étoupes ; ce tube sert à amener la vapeur dans l’intérieur du cylindre. On emplit le cylindre aux huit dixièmes par une ouverture à bride que l’on tourne vers la partie supérieure et que l’on ferme ensuite. Lorsque la cuisson est complète, on fait tourner le cylindre sur son axe : les tubercules, en tombant sur les pointes, se divisent, et lorsqu’ils sont réduits en bouillie, on fait arriver l’ouverture à bride vers la partie inférieure ; on enlève la plaque qui la fermait, et la bouillie tombe dans une cuve disposée à cet effet. On imprime un mouvement de va et vient au cylindre, afin de faire sortir le plus possible cette bouillie épaisse. On ferme l’ouverture et on recommence une autre opération.

Ces descriptions démontrent suffisamment que, dans les deux appareils, on évite le refroidissement, et elles éclaireront, on l’espère, ceux qui voudraient confectionner des pâtes faites avec des pommes de terre cuites à la vapeur. On a vu plus haut la possibilité de faire du vermicelle avec ces pâtes ; mais, pour la fabrique en grand, on devra consulter l’Art du vermicellier, dont les procédés s’appliquent à la pâte des pommes de terre comme à celle des céréales.


§ 3. Préparations de plusieurs substances alimentaires ayant pour base la pomme de terre cuite, dues aux recherches de M. Ternaux, et offertes à la consommation sous les noms de polenta, de gruau, de semoule, de farine et de terouen
.


Ces substances alimentaires sont peu coûteuses et sont susceptibles de se conserver longtemps. Pour les obtenir, après avoir lavé soigneusement et à grande eau les pommes de terre, on les fait cuire à la vapeur, soit dans la chaudière ordinaire, soit à l’aide d’un appareil conçu dans le système, de ceux décrits précédemment page 32. Dès que les tubercules ont été exposés pendant environ trente minutes à la vapeur, on les dépouille facilement de la pellicule qui les enveloppe, et à mesure qu’ils en en sont privés on les écrase en les frappant légèrement avec une pelle [4] ; on les étend ensuite sur des nettes de laine, et la pâte : reste exposée pendant douze heures à l’air libre pour qu’elle éprouve un premier degré de dessiccation.

Lorsqu’elle est ressuyée, on la passe dans un vermicelloir, afin de la diviser plus également et de multiplier, les surfaces. Dans cet état, on l’étend légèrement et de peu d’épaisseur sur des châssis recouverts de canevas, qui sont portés à l’étuve, où ils sont-posés sur des tasseaux et superposés à six pouces (environ seize centimètres) de distance les uns des autres, en sorte que, dans un espace de quatorze pieds (quatre mètres deux tiers) de largeur, dix-huit pieds (six mètres) de longueur et huit pieds (six mètres deux tiers) de hauteur, on peut placer trois cents châssis, sur lesquels se trouve étendu le produit en pâte filée de cinq setiers de pommes de terre.

Cette pâte, dans l'état humide où elle est, présentée à l'étuve, exige beaucoup de précautions, afin de s'opposer aux fermentations, qui lui feraient contracter un mauvais goût.

Le plus sûr moyen de s'y opposer est de hâter la dessiccation, et à cet effet d'élever la température de l'étuve jusqu'à soixante ou soixante-dix degrés, et de l'y entretenir malgré le renouvellement continuel que l'air éprouve.

L’air chaud est envoyé dans l'étuve de M. Ternaux par un calorifère de Désarnod ; et l’air chargé d'humidité, après avoir circulé dans l'étuve, trouve des issues disposées autour des murs latéraux près du carrelage.

Elles avaient d'abord été ouvertes à la partie supérieure; mais alors l'air échauffé s'y rendait directement par le plus court chemin, en se mettant en contact seulement avec une petite partie de la surface de la pâte. Maintenant il est lancé dans l'étuve par sa légèreté relative, puis chassé par l'air que le même courant fait succéder ; enfin il est forcé de redescendre avec une plus grande quantité d’eau pour rejoindre les issues ouvertes par le bas.

De ces procédés il résulte, 1°. économie d’un tiers environ sur le combustible, 2°. diminution dans le prix de près de moitié, à cause du moins de temps employé à la dessiccation, 3°. la certitude presque complète d’éviter les pertes résultantes de la fermentation de la pâte dans l’étuve.

Lorsque la dessiccation de la pâte est terminée, on porte cette substance dite polenta au moulin [5] ; et suivant qu’on la moud plus ou moins fine, et qu’on en passe le produit dans des tamis ou blutoirs dont les toiles sont plus ou moins serrées, on obtient de la farine, de la semoule ou du gruau [6].
§ 4. Fabrication du terouen.


Quoique cette préparation, dont la dénomination désigne le lieu où elle a été d’abord établie, à Saint-Ouen près Paris, et le nom de celui aux soins duquel elle est due, M. Ternaux, ne soit pas uniquement composée des produits de la

pomme de terre, néanmoins, comme ils en font la base spéciale, elle mérite d’être connue, par son économie et par l’utilité dont elle peut être dans beaucoup d’occasions.

La polenta moulue est incorporée dans un sirop gélatineux ; on ajoute du sel, des carottes, des panais cuits et des clous de girofle ; on délaie toutes les parties de ce mélange, et la pâte qui en résulte est étendue sur des châssis garnis de canevas, portés ensuite à l’étuve, où la dessiccation est bientôt opérée. On peut, en tous lieux, préparer avec le terouen une sorte de potage, en le faisant bouillir pendant quinze minutes dans un demi-litre d’eau pour chaque ration, et même le rendre plus agréable en y ajoutant la cinquième partie d’un litre de bouillon frais [7]. Un kilo ou seize potages de terouen coûtent au consommateur un franc cinquante-deux centimes, et chaque potage un peu moins de dix centimes.


§ 5. Du grecin.


M. Fouques fils, dont le père est connu avantageusement par divers procédés économiques, a pensé qu'on pouvait suppléer à la fermentation panaire que n'éprouvent point les pommes de terre cuites, en profitant du gonflement qui résulte de la dilatation de l'eau contenue dans cette pâte lorsqu'elle est saisie par l'action de la chaleur du four.

Il a présumé que si l'on combinait le volume de la pâte de manière que la cuisson s'opérât au moment même qu'elle se gonfle, le pain ou gâteau qui en résulterait, au lieu d'être lourd et mat, serait délicat et léger. M. Fouques se rappela en même temps qu’il avait vu fabriquer, en Italie, dans la partie située entre les Alpes et la Sesia, une espèce de gâteau ayant la forme du macaroni, mais un peu plus gros et cuit au four, connu dans le pays sous le nom de grecino. Ce souvenir, en le confirmant dans son opinion, lui suggéra l’idée d’en confectionner du pareil avec de la pulpe de pommes de terre. A cet effet, il fit cuire des tubercules à la vapeur, lesquels, après avoir été pelés, furent écrasés sur un tour à pâte, et fortement travaillés au rouleau. La pâte ainsi malaxée fut divisée et introduite par portions dans un cylindre d’étain ou de fer-blanc, dont l’extrémité se trouve réduite à deux lignes de diamètre (un peu plus de deux millimètres).

Si la pâte tient trop aux doigts, on la sèche avec de la fécule, de la farine de parenchyme ou même de grecin pilé.

Lorsque le cylindre est plein, on presse le piston ; la pâte sort par filets, et on l’étend sur des plaques de tôle : dans cet état, on la met au four à une chaleur de quatre-vingt-cinq degrés, la cuisson s’opère en cinq à six minutes ; à quatre-vingt-trois, en sept ou huit minutes ; et à quatre-vingts, eu neuf minutes.

En général, on peut cuire le grecin à une chaleur égale à celle du four, un peu avant que l'on en retire le pain.

Après sa cuisson, le grecin présente une couleur blonde plus ou moins foncée, et une consistance pareille à celle du gâteau.

De deux lignes de diamètre qu'il avait avant d'entrer dans le four, il se gonfle jusqu'à trois lignes et demie (huit millimètres), et on trouve dans son intérieur de petits filets comme dans les yeux du pain; plus au centre, un vide qui permet d'aspirer les liquides, ainsi qu'à travers un chalumeau. Il présente un léger goût de pommes de terre rôties, et offre un aliment sain, économique, sans addition de farine ni de ferment; enfin il se conserve bien dans un lieu sec. On pourrait en accélérer la fabrication en se servant d'une boîte à plusieurs orifices, dans laquelle la pâte serait refoulée par un tampon. Son prix est subordonné à la valeur des pommes de terre, du bois et de la main-d'œuvre, qui varie selon les localités et les époques. Avec cinq setiers de pommes de terre, on peut faire cinq cents livres de grecin, et ce serait beaucoup si on employait un cinquième de voie de bois.

Si on compare cet essai de M. Fouques avec les essais de M. Parmentier, qui le premier avait tenté la panification des pommes de terre sans autre addition que celle d’une petite quantité de levain de froment, pour donner le premier mouvement à la fermentation, on verra que tous deux ont eu la pensée de dilater la pâte, et de la faire saisir en même temps par la chaleur. Parmentier, par son procédé, était parvenu à fabriquer du pain, et, comme M. Fouques, il n’a pu réussir que sur un petit volume, puisqu’au dessus d’une demi-livre la pâte s’affaissait, faute d’élasticité [8] : en sorte qu’il était difficile d’en faire l’application à l’économie domestique, qui a besoin d’opérer sur de plus grandes masses à la fois.


§ 6. Panification des pommes de terre seules ou associées avec des farines de céréales et autres.


Peut-être aura-t-on trouvé extraordinaire qu’une fabrication à laquelle les Français attachent tant d’importance [9] n’ait pas précédé {2) les procédés divers qui viennent d’être décrits.

Cet étonnement cessera, cependant, si l’on veut considérer que, pour déterminer utilement l’emploi d’une substance, il faut observer d’abord les élémens dont elle se compose, et ensuite les modifications dont ils sont susceptibles.

Or, c’est ce travail préparatoire que l’on a eu dessein d’offrir, en décrivant, au commencement de ce chapitre, les moyens pratiques qui permettent de jouir des produits de la pomme de terre sous différentes formes, et de les introduire dans la fabrique du pain ; introduction qui se serait peut-être plus étendue si les habitans des campagnes s’étaient appliqués davantage à soigner le travail de la panification.

Ce travail est souvent si négligé, que la bonne qualité des farines, même de celle du froment, disparaît sous une manipulation insuffisante et que n’active pas même un levain de bon choix ; et certainement il se perdrait beaucoup moins de subsistance, principalement lorsque des circonstances désastreuses forcent de recourir à l’emploi de farines médiocres, ou à des mélanges qu’un bon travail seul peut rendre supportables [10].

Quoique les pommes de terre semblent offrir, au premier coup-d’œil, après leur cuisson, une grande analogie avec les pâtes qui servent à confectionner le pain, néanmoins on ne peut dissimuler qu’isolément elles sont peu susceptibles d’éprouver la fermentation panaire ; de sorte que tant que l’on ne parviendra pas à vaincre cet état d’inertie, il faudra bien se contenter de les manger cuites, et de les considérer ainsi comme un pain tout fait.

Le nombre des essais faits pour parvenir à faire du pain de pommes de terre est très grand ; car chacun s’est créé une méthode, et toutes ont procuré un bien momentané, c’est à dire qu’elles ont contribué à satisfaire en partie aux besoins du moment ou calmé les inquiétudes [11].

1°. On a voulu ajouter à la pâte formée par des farines de céréales des pommes de terre cuites 2°. On a cherché à y introduire le parenchyme cru, râpé et lavé, afin d’enlever l’eau de végétation.

3°. On a essayé les pommes de terre coupées par rouelles, blanchies dans l’eau bouillante, puis desséchées et passées sous les meules : cette farine s’associa bien aux farines de céréales, et eut plus de succès que les farines de légumes.

4°. La fécule et le parenchyme réunis offrent un résultat encore meilleur ; mais pour éclairer autant que possible sur ces diverses manipulations, on croit essentiel de joindre un extrait de l’Instruction de janvier 1816, déjà citée, parce qu’elle contient des préceptes sur la panification en général, et sur l’emploi des pommes de terre, que l’on ne saurait trop faire connaître.

La bonté du pain dépend, on n’en peut douter, des soins apportés à sa fabrication, soit que l’on

emploie des céréales de première qualité, ou que l’on soit forcé de faire des mélanges de farines inférieures. Ainsi, prévenir la négligence des ménagères sera un premier pas de fait vers l’amélioration.

Ordinairement, elles se servent d’un levain trop ancien, quelquefois même arrivé à un commencement de putréfaction : elles ignorent l’avantage qu’il y a d’employer des levains dits de chef de seconde et de tout point ; elles ont le tort de délayer dans de l’eau presque bouillante et la pâte conservée et la farine qu’elles y mêlent ; enfin, elles pétrissent imparfaitement, enfournent après une fermentation plus ou moins longue, suivant que le four a chauffé promptement ou qu’il a été tardif : aussi le pain est-il tantôt trop apprêté et tantôt ne l’est-il pas assez ; la routine seule sert de guide pour la température de l’eau, pour le pétrissage et pour la cuisson, sans égard pour l’état de l’atmosphère ni pour celui des farines employées, en sorte que le pain est inégal et rarement bon.

Cependant, le levain est le principal agent de la fermentation panaire et le plus important objet de la préparation de la pâte : d’où il suit que le premier conseil à donner est celui de n’employer les levains que récens, c’est à dire qu’ils n’aient pas plus de vingt-quatre heures ; et lorsqu’on n’a pas pu s’en procurer d’aussi jeunes, n’employer au moins que la croûte superficielle des levains conservés. Ou pourrait aussi, à défaut, se servir d’un levain réduit à l’état de siccité ; ce qu’on obtient en le mettant dans le four après la cuisson du pain, et lorsque la chaleur est tombée environ à cinquante degrés [12].

Le premier levain, que l’on appelle levain de chef, doit être de deux kilogrammes (quatre livres) pour vingt kilogrammes (quarante livres) de pain : on le délaie, avec une pinte et demie d’eau [13], à une chaleur un peu supérieure à celle d’un bain, et en y mettant environ trois kilogrammes (six livres) de farine. Ce premier levain doit avoir plus de consistance que la pâte ordinaire, et être tenu eu lieu chaud jusqu’à ce qu’il ait acquis au delà du double de son volume, une odeur légèrement vineuse et de la légèreté. Lorsqu’il est bien préparé, il doit être bombé vers le centre, repousser la main qui presse sa surface, et conserver sa forme sans se rompre ni se fendiller.

On prend alors cinq kilogrammes (dix livres) de farine, au milieu de laquelle on introduit ce nouveau levain, que l'on délaie comme la première fois et au même degré [14]; celui-ci, dit de seconde, doit aussi être maintenu dans un lieu chaud, et lorsqu'il a acquis les caractères d'une bonne fermentation [15], on fait le dernier pétrissage en employant ce qui reste de farine avec de l'eau un peu moins élevée [16].

On partage ensuite la pâte en autant de pains que l'on juge convenable ; cependant il est préférable de les faire de quatre ou six livres. Chacun d eux doit être tourné dans les mains avec un peu de farine pour empêcher l’adhérence de la pâte, et mis dans un panneton, où on le laisse dans un lieu chaud, l’espace d’une demi-heure à trois quarts d’heure, selon la température et les progrès de la fermentation, et de manière à ce que son volume ait augmenté d’un tiers environ : alors on met au four, que l’on a eu soin de chauffer d’avance, et on y laisse le pain pendant une heure à peu près[17], suivant le poids du pain.

Ce qui précède s’applique, comme on l’a déjà

observé, à toutes les espèces de panifications, et doit être observé lorsque l’on voudra augmenter la masse des pâtes par l’introduction des produits de la pomme de terre.

Mais dans quelle proportion peuvent-ils remplacer les farines de froment, et comment doit-on les employer ?

Le pain de pommes de terre dans lequel il entre beaucoup de pulpe, et de la farine de froment, seulement comme levain, doit être tenu d’une pâte plus ferme que les autres. Celui qui est composé de pulpe et de fécule à parties égales, demande un four moins chaud que le pain d’orge. Il faut aussi que la dose des levains soit plus forte, c’est à dire que le levain-chef soit porté au cinquième au moins des farines qui doivent être employées.

En général, la pomme de terre peut entrer dans la fabrication du pain de ménage pour moitié lorsqu’elle est sèche, pour les deux tiers et même pour les quatre cinquièmes lorsqu’elle est fraîche. Cette dernière quantité est la plus forte que la Commission de 1816 ait pu obtenir ; mais ses essais dans cette proportion, répétés sur des fournées entières, ont eu un succès constant.

Le procédé qui lui a paru le meilleur pour parvenir à introduire, avec un heureux résultat, une pareille quantité de pommes de terre dans la fabrication du pain, a été d’employer deux cinquièmes de pulpe cuite à la vapeur ou même de parenchyme, deux cinquièmes de fécule sèche et un cinquième de farine de froment de première ou de seconde qualité ; néanmoins, on doit l’avouer, ce pain a l’odeur et la saveur de la pomme de terre ; mais il est très mangeable et se conserve plus long-temps frais que celui dans lequel il n’entre que de la farine seule.

La fécule unie à la farine d’avoine, d’orge, de seigle ou de maïs, toujours alliée à un levain de froment d’un cinquième du poids total, offre du pain d’une bonne confection : celui dans lequel la farine de sarrasin et la fécule entrent pour moitié, avec un cinquième de levain de froment, est lourd et compacte et d’un goût, passable.

Les farines de pommes de terre obtenues par la macération avec moitié de farine de froment fournissent des pains bien levés, d’assez bon goût, mais qui conservent un peu l’odeur contractée pendant la macération ; cependant il y a lieu de croire que si celle-ci n’était pas portée à un trop haut degré, et que l’on se bornât à faire ramollir dans l’eau, pendant un temps modéré, les tubercules coupés par tranches, puis, qu’on les fît sécher à l’étuve et moudre ensuite, on éviterait probablement l’effet désagréable d’une trop longue décomposition.

Quoi qu’il en soit, les mélanges variés tant par rapport à l’espèce des farines employées, que par rapport à la proportion respective des différentes substances entre elles, ont aussi montré qu’on ne pouvait, sans altérer la bonté du pain, diminuer la quantité de farine de froment indiquée pour chaque mélange ; et, au contraire, que l’augmentation de cette farine, avec une manipulation convenable, ne pouvait que l’améliorer. La Commission croit encore de son devoir de prévenir que, loin d’approuver l’introduction de substances étrangères dans le pain, telles que seraient l’alun, le carbonate de soude, la magnésie, l’acide sulfurique étendu dans l’eau, le sel de tartre, le sulfate de fer (vitriol martial), quelquefois indiqués, pour faire lever la pâte, elle en blâme l’usage comme dangereux.

Elle regarde aussi comme inutile, quoique innocente, l’addition du lait, des blancs d’œufs, de la colle de poisson, des gommes, pour procurer aux farines la portion de gluten qui pourrait leur manquer, attendu que plusieurs de ces substances ont été essayées par la Commission à la Boulangerie des Hospices de Paris, et qu’elles ont paru n'avoir, qu'à un très faible degré, les qualités qui leur étaient attribuées.

Mais elle a une autre opinion des tentatives ayant pour objet d'associer la gélatine aux pommes de terre dans la fabrication du pain, encore que les premiers essais n'aient pas eu un succès complet. La Commission fonde ses espérances sur les dernières expériences de M. Darcet, qui veut toutefois les renouveler et les perfectionner avant de leur donner de la publicité.

Il paraît que si jusqu'à présent il n'a pas été possible de faire de bon pain avec de la pomme de terre cuite et de la gélatine, on peut cependant en fabriquer de très bonne qualité avec un vingtième degélatine et quatre cinquièmes de farine sur la masse totale.

On prend cette farine, on la délaie avec quantité suffisante de dissolution degélatine; on y ajoute petite proportion de sirop de fécule ou autre matière sucrée; on pétrit la pâte, on la fait lever, et on cuit le pain comme de coutume.

Or, par la facilité avec laquelle M. Darcet extrait en grand et par de nouveaux procédés cette gélatine, il y a lieu de croire que cette substance et par suite le pain à la confection duquel elle contribuera pourront être fournis à un prix modéré.



  1. Elle en contient de soixante-dix à quatre-vingts centièmes.
  2. Si, malgré la bonté reconnue de ces procédés, on persistait, dans l'économie domestique, à faire cuire les pommes de terre à l'eau et dans des vases découverts ou mal fermés, il faudrait avoir soin de maintenir les tubercules entièrement et constamment plongés sous le liquide : sans cela, les portions qui seraient en dehors se refroidiraient, seraient mal cuites, ou lors même que leur cuisson aurait été complète, elles durciraient par la coagulation de la pâte amilacée. Enfin, lorsqu'après la cuisson on se propose de diviser et de malaxer les pommes de terre, il faut éviter soigneusement qu'elles ne se refroidissent. Dans l'usage ordinaire, on peut, en les prenant une à une, les triturer dans un mortier échauffé d'avance avec de l'eau bouillante, puis forcer la pâte à sortir à travers les trous d'une passoire.
  3. On trouvera dans l’ouvrage de MM. Payen et Chevalier la description d’une chaudière à vapeur, munie d’une soupape de sûreté et de tous ses accessoires, avec la figure, qu’on pourra consulter, page 5l, si on voulait faire un établissement spécial.
  4. Cependant si on s’est servi d’une machine, et que l’on veuille ôter la pellicule après la coction, on doit enlever l’agitateur et faire l’épluchage à la main. Cet épluchage n’est cependant pas indispensable on peut l’éviter sans que la quantité des produits soit sensiblement détériorée, seulement la nuance serait un peu plus foncée ; et alors le travail serait moins long en broyant les tubercules dans la machine même.
  5. M. Ternaux donne la préférence aux moulins de Dronsart ; cependant d’autres moulins à bras pourraient y être employés.
  6. La polenta convertie en farine ou gruau de première qualité coûte soixante centimes par kilogramme fournissant seize potages. Chaque potage revient donc à moins de quatre centimes, et au plus à cinq en portant la dose au dessus de la quantité suffisante pour un potage ordinaire ; la farine ou gruau de deuxième qualité ne revient qu’à quarante centimes les seize potages, par conséquent un seul à deux centimes un douzième, ou trois centimes au plus.

    D’ailleurs ces prix varient selon les localités, et chacun pourra aisément s’en rendre compte et même faire les changemens que le cours des matières premières, du combustible et de la main-d’œuvre nécessitera.

    On doit aussi prévenir que l’épluchage diminue de dix-huit à vingt centièmes le produit, et augmente de près de moitié la dépense. On n’en sera pas étonné si l’on réfléchit qu’en enlevant la pelure on enlève une certaine quantité de chair, enfin que le temps employé à cette opération doit aussi être évalué.

    Des potages ainsi préparés n’exigent que l’addition d’un demi-litre environ d’eau et une ébullition d’un quart d’heure ; on peut les rendre plus agréables en y ajoutant du sel, un peu de beurre, d’œufs, de légumes r de bouillon, ou de lait et de sucre.

    On peut encore leur communiquer une saveur agréable par l’addition d’un huitième de leur poids de farine d’avoine grillée, connue en Suisse sous le nom d'Abermuss.

  7. Si l’on emploie de la gélatine que l’on achète toute préparée, elle doit être presque insipide, surtout exempte de mauvais goût, et en outre privée de tout excès d’acide et d’alcali ; pour s’en servir, on doit la faire tremper pendant trois ou quatre heures dans l’eau froide et la faire fondre en portant la température à l’ébullition.

    Si au contraire on veut préparer la gélatine soi-même, il faut l’extraire des os à l’aide de la marmite de Papin,

    et on trouvera cette fabrication détaillée dans l'ouvrage de MM. Payen et Chevalier.

    On trouvera aussi dans la même collection une espèce de polenta analogue à celle qui vient d'être indiquée, et dont M. Schoenbert de Dresde est l'auteur; on ne l'a point rapportée ici, parce qu'il entre dans sa composition des graines de cumin, de gingembre et autres, qui ne sont pas du goût des Français.

  8. Voyez le Rapport fait à la séance publique de la Société royale et centrale d’agriculture, le 29 mars 1818, par M. Challan ; et aussi l’ouvrage de Cadet-de-Vaux, Sur les moyens de prévenir les disettes, imprimé en 1802, chez Colas.
  9. La plupart ne se croient pas suffisamment nourris si le pain ne fait pas partie des alimens qu’ils consomment.
  10. Ces vérités sont prouvées dans les ouvrages de Parmentier, et dans l’Instruction concernant la panification des blés avariés, rédigée en 1816 par des observateurs habiles et publiée par ordre de Son Excellence le Ministre de l’Intérieur.
  11. Elles ont surtout été d’un grand secours pour la composition des soupes économiques, la recette s’en trouve dans les ouvrages du savant médecin Helvétius, à l’eau ou à la vapeur dans une proportion égale quant au poids ; mais on a reconnu que l’on doublait la masse sans doubler la qualité nutritive. dont on doit regarder comme un devoir de rappeler le nom, puisque l’on paraît ne plus se" souvenir qu’il est l’auteur de cette conception philantropique, et qu’on en fait souvent honneur à un étranger, de mérite sans doute, pour lequel cependant il ne fallait pas oublier notre bienfaisant compatriote.
  12. Ainsi desséché, ce levain doit être employé en même poids relatif que le levain ordinaire.
  13. Toutes les eaux potables sont bonnes à employer dans le pétrissage. La meilleure farine boit environ moitié de son poids d’eau, la médiocre du cinquième au quart.
  14. La chaleur de l'eau doit être en raison inverse de la température de l'air, c'est à dire d'autant plus froide que l'air est plus chaud, et vice versâ.
  15. En été, le levain doit former le tiers total de la pâte et la moitié en hiver; il faut aussi d'autant plus de levain, et un pétrissage d'autant plus ferme que les blés sont plus tendres ou plus humides.
  16. Si un dégel inopiné, un orage, un froid excessif, une vapeur nauséabonde, ou toute autre circonstance retardent ou précipitent la fermentation des levains, il faudrait les délayer et les travailler de nouveau avant de les employer. L'eau, le sel, le travail de la pâte, la division de la masse en petites portions, et l'exposition à l'air frais rétablissent les levains et enlèvent l'aigreur qu’ils pourraient avoir contractée. Si le travail a été suspendu, on emploiera une eau plus chaude pour rendre la pâte plus liquide, et l’on déposera les pannetons près du four, en les couvrant d’une double couverture de laine. En général, les opérations du pétrissage doivent être faites avec rapidité, et ce n’est que lorsque la pâte a été bien maniée et battue avec force qu’il convient d’y introduire l’eau salée. On la manie alors de nouveau, on l’enlève et on la laisse retomber à. plusieurs reprises, on la sépare ensuite en morceaux, qu’on retourne et que l’on bat encore avant de les placer dans les corbeilles.
  17. Les fours sont aussi d’une mauvaise construction dans les campagnes ; cependant la bonne cuisson et l’économie du combustible dépendent de cette construction. L’âtre est mal fait, il se délite facilement au feu, et les fours ne ferment pas hermétiquement ; la voûte est trop élevée, et il conviendrait que sa courbure fût telle que toutes ses parties pussent être échauffées également.