Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Première partie/06

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Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 16-17).


CHAPITRE VI

DE LA PREMIÈRE PURGATION, QUI EST CELLE DES PÉCHÉS MORTELS


La première purgation qu’il faut faire c’est celle du péché ; le moyen de la faire c’est le saint sacrement de Pénitence. Cherchez le plus digne confesseur que vous pourrez ; prenez en main quelqu’un des petits livres qui ont été faits pour aider les consciences à se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger ; lisez-les bien, et remarquez de point en point en quoi vous avez offensé, à prendre depuis que vous eûtes l’usage de raison jusques à l’heure présente ; et si vous vous défiez de votre mémoire, mettez en écrit ce que vous aurez remarqué. Et ayant ainsi préparé et ramassé les humeurs peccantes de votre conscience, détestez-les et les rejetez par une contrition et déplaisir aussi grand que votre cœur pourra souffrir, considérant ces quatre choses : que par le péché vous avez perdu la grâce de Dieu, quitté votre part de paradis, accepté les peines éternelles de l’enfer et renoncé à l’amour éternel de Dieu.

Vous voyez bien, Philothée, que je parle d’une confession générale de toute la vie, laquelle certes je confesse bien n’être pas toujours absolument nécessaire, mais je considère bien aussi qu’elle vous sera extrêmement utile en ce commencement : c’est pourquoi je vous la conseille grandement. Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent d’une vie commune et vulgaire sont pleines de grands défauts : car souvent on ne se prépare point ou fort peu, on n’a point la contrition requise ; ains il advient maintes fois que l’on va se confesser avec une volonté tacite de retourner au péché, d’autant qu’on ne veut pas éviter l’occasion du péché, ni prendre les expédients nécessaires à l’amendement de la vie ; et en tous ces cas ici la confession générale est requise pour assurer l’âme. Mais outre cela, la confession générale nous appelle à la connaissance de nous-mêmes, nous provoque à une salutaire confusion pour notre vie passée, nous fait admirer la miséricorde de Dieu qui nous a attendus en patience ; elle apaise nos cœurs, délasse nos esprits, excite en nous des bons propos, donne sujet à notre père spirituel de nous faire des avis plus convenables à notre condition, et nous ouvre le cœur pour avec confiance nous bien déclarer aux confessions suivantes.

Parlant donc d’un renouvellement général de notre cœur et d’une conversion universelle de notre âme à Dieu, par l’entreprise de la vie dévote, j’ai bien raison, ce me semble, Philothée, de vous conseiller cette confession générale.