Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Première partie/08

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Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 20-21).


CHAPITRE VIII

DU MOYEN DE FAIRE CETTE SECONDE PURGATION


Or, le premier motif pour parvenir à cette seconde purgation, c’est la vive et forte appréhension du grand mal que le péché nous apporte, par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde et véhémente contrition ; car tout ainsi que la contrition, pourvu qu’elle soit vraie, pour petite qu’elle soit, et surtout étant jointe à la vertu des sacrements, nous purge suffisamment du péché, de même quand elle est grande et véhémente, elle nous purge de toutes les affections qui dépendent du péché. Une haine ou rancune faible et débile nous fait avoir à contrecœur celui que nous haïssons et nous fait fuir sa compagnie ; mais si c’est une haine mortelle et violente, non seulement nous fuyons et abhorrons celui à qui nous la portons, ains nous avons à dégoût et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliés, parents et amis, non pas même son image, ni chose qui lui appartienne. Ainsi, quand le pénitent ne hait le péché que par une légère, quoique vraie contrition, il se résout voirement bien de ne plus pécher, mais quand il le hait d’une contrition puissante et vigoureuse, non seulement il déteste le péché, ains encore toutes les affections, dépendances et acheminements du péché. Il faut donc, Philothée, agrandir tant qu’il nous sera possible notre contrition et repentance, afin qu’elle s’étende jusques aux moindres appartenances du péché. Ainsi Madeleine en sa conversion perdit tellement le goût des péchés et des plaisirs qu’elle y avait pris, que jamais plus elle n’y pensa ; et David protestait de non seulement haïr le péché, mais aussi toutes les voies et sentiers d’icelui : en ce point consiste le rajeunissement de l’âme, que ce même prophète compare au renouvellement de l’aigle.

Or, pour parvenir à cette appréhension et contrition, il faut que vous vous exerciez soigneusement aux méditations suivantes, lesquelles étant bien pratiquées déracineront de votre cœur, moyennant la grâce de Dieu, le péché et les principales affections du péché ; aussi les ai-je dressées tout à fait pour cet usage. Vous les ferez l’une après l’autre selon que je les ai marquées, n’en prenant qu’une pour chaque jour, laquelle vous ferez le matin, s’il est possible, qui est le temps le plus propre pour toutes les actions de l’esprit, et la ruminerez le reste de la journée. Que si vous n’êtes encore pas duite à faire la méditation, voyez ce qui en sera dit en la seconde Partie.