Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Première partie/18

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Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 45-47).


CHAPITRE XVIII

Méditation X
PAR MANIÈRE D’ÉLECTION ET CHOIX QUE L’AME FAIT DE LA VIE DÉVOTE


Préparation

1. Mettez-vous en la présence de Dieu.

2. Abaissez-vous devant sa face ; requérez son aide.

Considérations

1. Imaginez-vous d’être derechef en une rase campagne, avec votre bon ange toute seule, et à côté gauche, vous voyez le diable assis sur un grand trône haut élevé, avec plusieurs des esprits infernaux auprès de lui, et tout autour de lui, une grande troupe de mondains qui tous à tête nue le reconnaissent et lui font hommage, les uns par un péché, les autres par un autre. Voyez la contenance de tous les infortunés courtisans de cet abominable roi : regardez les uns furieux de haine, d’envie et de colère ; les autres qui s’entretuent ; les autres hâves, pensifs et empressés à faire des richesses ; les autres attentifs à la vanité, sans aucune sorte de plaisir qui ne soit inutile et vain ; les autres vilains, perdus, pourris en leurs brutales affections. Voyez comme ils sont tous sans repos, sans ordre et sans contenance ; voyez comme ils se méprisent les uns les autres et comme ils ne s’aiment que par des faux semblants. Enfin, vous verrez une calamiteuse république, tyrannisée de ce roi maudit, qui vous fera compassion.

2. Du côté droit, voyez Jésus-Christ crucifié, qui, avec un amour cordial, prie pour ces pauvres endiablés, afin qu’ils sortent de cette tyrannie, et qui les appelle à soi ; voyez une grande troupe de dévots qui sont autour de lui avec leurs anges. Contemplez la beauté de ce royaume de dévotion. Qu’il fait beau voir cette troupe de vierges, hommes et femmes, plus blanche que le lys ; cette assemblée de veuves, pleines d’une sacrée mortification et humilité ! Voyez le rang de plusieurs personnes mariées qui vivent si doucement ensemble avec respect mutuel, qui ne peut être sans une grande charité : voyez comme ces dévotes âmes marient le soin de leur maison extérieure avec le soin de l’intérieure, l’amour du mari avec celui de l’Époux céleste. Regardez généralement partout, vous les verrez tous en une contenance sainte, douce, amiable, qu’ils écoutent Notre Seigneur, et tous le voudraient planter au milieu de leur cœur. Ils se réjouissent, mais d’une joie gracieuse, charitable et bien réglée ; ils s’entr’aiment, mais d’un amour sacré et très pur. Ceux qui ont des afflictions en ce peuple dévot, ne se tourmentent pas beaucoup et n’en perdent point contenance. Bref, voyez les yeux du Sauveur qui les console, y et que tous ensemblement aspirent à lui.

3. Vous avez meshui quitté Satan avec sa triste et malheureuse troupe, par les bonnes affections que vous avez conçues, et néanmoins vous n’êtes pas encore arrivée au Roi Jésus, ni jointe à son heureuse et sainte compagnie de dévots, ains vous avez été toujours entre l’un et l'autre.

4. La Vierge sainte avec saint Joseph, saint Louis, sainte Monique, et cent mille autres qui sont en l'escadron de ceux qui ont vécu emmi le monde, vous invitent et encouragent.

5. Le Roi crucifié vous appelle par votre nom propre : « Venez, o ma bien aimée, venez afin que je vous couronne ».

Élection

1. O monde, o troupe abominable, non, jamais vous ne me verrez sous votre drapeau : j’ai quitté pour jamais vos forceneries et vanités. Roi d’orgueil, o roi de malheur, esprit infernal, je te renonce avec toutes tes vaines pompes ; je te déteste avec toutes tes œuvres.

2. Et me convertissant à vous, mon doux Jésus, Roi de bonheur et de gloire éternel, je vous embrasse de toutes les forces de mon âme, je vous adore de tout mon cœur, je vous choisis, maintenant et pour jamais, pour mon roi, et par mon inviolable fidélité je vous fais un hommage irrévocable ; je me soumets à l’obéissance de vos saintes lois et ordonnances.

3. O Vierge sainte, ma chère Dame, je vous choisis pour mon guide, je me rends sous votre enseigne, je vous offre un particulier respect et une révérence spéciale. O mon saint ange, présentez-moi à cette sacrée assemblée ; ne m’abandonnez point jusques à ce que j’arrive avec cette heureuse compagnie, avec laquelle je dis et dirai à jamais pour témoignage de mon choix : « Vive Jésus, vive Jésus ! »