Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Quatrième partie/09

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Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 301-303).


CHAPITRE IX

COMME IL FAUT REMÉDIER AUX MENUES TENTATIONS


Or donc, quant à ces menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d’envie, d’amourettes, et semblables tricheries qui, comme mouches et moucherons, viennent passer devant nos yeux, et tantôt nous piquer sur la joue, tantôt sur le nez, parce qu’il est impossible d’être tout à fait exempt de leur importunité, la meilleure résistance qu’on leur puisse faire, c’est de ne s’en point tourmenter ; car tout cela ne peut nuire, quoiqu’il puisse faire de l’ennui, pourvu que l’on soit bien résolu de vouloir servir Dieu.

Méprisez donc ces menues attaques et ne daignez pas seulement penser à ce qu’elles veulent dire, mais laissez les bourdonner autour de vos oreilles tant qu’elles voudront, et courir çà et là autour de vous, comme l’on fait des mouches ; et quand elles viendront vous piquer, et que vous les verrez aucunement s’arrêter en votre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les ôter, non point combattant contre elles, ni leur répondant, mais faisant des actions contraires, quelles qu’elles soient, et spécialement de l’amour de Dieu. Car si vous me croyez, vous ne vous opiniâtrerez pas à vouloir opposer la vertu contraire, à la tentation que vous sentez, parce que ce serait quasi vouloir disputer avec elle ; mais après avoir fait une action de cette vertu directement contraire, si vous avez eu le loisir de reconnaître la qualité de la tentation, vous ferez un simple retour de votre cœur, du côté de Jésus-Christ crucifié, et par une action d’amour en son endroit, vous lui baiserez les sacrés pieds. C’est le meilleur moyen de vaincre l’ennemi, tant ès petites qu’ès grandes tentations ; car l’amour de Dieu contenant en soi toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mêmes, il est aussi un plus souverain remède contre tous vices ; et votre esprit s’accoutumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous général, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a ; mais simplement se sentant troublé, il s’accoisera en ce grand remède, lequel outre cela est si épouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent à ce divin amour, il cesse de nous en faire.

Et voilà quant aux menues et fréquentes tentations, avec lesquelles qui voudrait s’amuser par le menu, il se morfondrait et ne ferait rien.