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Itinéraire de Bretagne en 1636/Chemin de Rennes à Dol, par Hédé et Combourg

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III
Chemin de Rhennes à Dol par Hedé et Combourg

D. Rhennes à Dol[1], 10 lieues du pays. La moitié chemin est Hedé[2], gros bourg qu’ils appellent ville, à cause qu’elle a autrefois esté murée, et y avoit chasteau dont le circuit reste encor tout muraillé, ayant veüe sur une trés-belle et large vallée. — Il estoit tres fort à coups de trait. — Il commande sur la petite rivière qui, commançant demi lieue au dessus de Hédé, comme un petit ruisselet marescageux, influe dans l’estang qui costoye le fauxbourg de Hedé, d’où sortant, elle tombe en un profond et estroit vallon, le long du fauxbourg et bourg de Hedé, où elle fait moudre 7 moulins de suite, et passe enfin au pié de la pointe élevée où le chasteau est planté ; puis ruisselant à travers de ceste grande vallée boisée, passe à Tintiniac[3] et tombe en la riviére de Linon[4].

Il y a Hedé, qui est au roy, un séneschal, office qui vaut 12 cens escus d’achat, et procureur du roy, C’est une des 4 Chambres ducales[5]. Les 3 autres sont Ploërmel[6], Jugon[7] , et St Aubin du Cormier[8], qui ont perdu leurs privileges, Hedé seul les a conservés ct confirmés de roy en roy. A 2 lieues bien grandes de Hedé est Combourg[9], partage d’un cadet des comtes de Dol ; — Traité des Estats de Bretagne. p. 9[10]. — à moitié chemin duquel vous passez l’eau de la Aulte Planche, aprez avoir, sur un petit pont, passé le ruisseau ou doué de l’estang de la Bézardiére, à quart de lieue de Hedé.

Comme vous arrivez à Combourg, vous trouvez l’estang qui est tres long et fort beau, et, passant sur Ja bonde, vous voyez comme, a la sortie d’elle par un aixeau, cest estang, laschant son eau, fait moudre un moulin ; puis va passer au prieuré de Combourg, possédé par un chanoine de St Malo, et tire à Trévrien[11], recevant les doués de la Aulte Planche, de la Bézardiére et de Hedé, lesquels elle charrie à Evran[12], où ayant passé, elle entre en Rance[13], sous le nom de Linon qu’elle porte dez sa source, qui est de la fontaine de Linon, au bout de la lande de Rochefort, joignant celle de St Pierre, dans le territoire de la Haye Combourg[14], paroice de Combourg, distant d’une lieue. Ceste eau donc, sortant de la fontaine de Linon, coule bien une lieue, recevant d’autres petits ruisseaus, et influe en l’estang de Combourg, d’où elle sort ainsy que j’ay dit cy-dessus.

Combourg[15] est un bourg ayant un séneschal et son alloué, il y a un chasteau de bonne pierre de grais, à quatre tours rondes, situé sur une motte et bien fermé.

C’est au sr marquis de Kouetkim dont le frére cadet porte le nom de comte de Combourg ; et est un comté, membre de la maison de Chasteaugyron et d’Assigné[16] ; à cause de quoy la livre, aussy bien qu’à Chasteaugyron, y est de 24 onces, quoy qu’au territoire de Rhennes et de St Malo elle ne soit que de 16, en celuy de Dol de 18, et qu’il soit entre ces deus.

Il se boit a Combourg d’excellent cidre et citrei vere coloris[17].

La seigneurie vaut 12 mil livres de rente et fut donnée en mariage la grand mère dudit marquis, qui estoit de la maison d’Assigné, a faculté de rachapt pour 50 mille livres ; à cause de quoy le duc de Brissac, Francols de Cossé[18], qui represente ce droit comme héritier d’Assigné et par sa mère, est en procez avec le susdit marquis.

C’est une très grande paroice, qui a plus de 2 lieues de diamètre et bien 7 à 8 lieues de circuit.

De là à Dol il y a encore 3 lieues, et comme vous arrivez à quart de lieue prez, passant un hameau de la paroice de Kerfantel ou Kerfantain[19], vous voyez un chemin pavé, conduisant de Dol aus Ormes[20], belle maison des évesques de Dol, à une lieue et demie de là ; et joignant iceluy chemin pavé, un rocher haut d’une pique, gros comme un tonneau, et finissant en cône ou mête[21], enraciné, au moins enterré là dans un champ appellé Champ Dolent, où la tradition et l’invention journalière d’armes en terre, en labourant, forcent de croire que là il y a eu autrefois une bataille. Cela est en la paroice de Kerfantain et Argentré, au chapitre de Tréguer, dit qu’estoit l’Evesché, auparavant St-Samson,

De Champdolents il y a beaucoup en France, et en un, sur la rive droite du Cher, prez Tésé[22], au-dessus de Montrichard[23], la tradition porte qu’il y a eu aussy une bataille.

Ce terrein est haut, et de ce costé Dol est commandée ; c’est le costé du Midy. De l’autre, qui est celuy du Septentrion, Dol est bon, à cause du marais qui est bien bas ; au dessous duquel marais, au dessous de Ia ville, sourt une riviére qu’ils nomment la Banche[24], laquelle tire vers Est, puis vers le Nord, passant vers St-Marcan sur Roulade[25], où elle reçoit diverses eaus qui la grossissent et la rendent, comme le bié Guyou[26] cy aprez ; puis tourne court et vers l’Occident, passe entre la mer et le Mont Dol[27] ou Petit Mont St-Michel, ainsy dit pour estre un mont au milieu d’un marais tout seul, ayant un bourg avec son église tout autour, et sur le sommet un ermitage avec un puits. Au bas c’est le bourg épandu tout autour et qui a des fontaynes. A cent pas prez tout autour, c’est marais, et puis, du costé du Nord, la Banche et la mer.

Or la Banche, suivant son chemin à l’Occident, tourne enfin au Septentrion, et aprez 2 ou 3 lieues au plus de chemin qu’elle a fait, se rend au Bec à l’Asne[28], qui est un pont a pales ainsy nommé, et, une Mousquetade au dessus, entre en mer, tout proche de la bouche du bié Guyou dont je veux vous parler. Car arrivant à demi quart de lieue de Dol, aprez avoir passé Champ Dolent, vous descendez en un fond ou vallon où, par dessous un petit pont a 2 trous quarrés au lieu d’arcades, passe une rivière large de 25 piés environ, assez limpide, laquelle ils appellent Bié Guyou ; ce mot de bié signifiant non une riviére légitime, mais un canal estroit d’eau, principalement s’il est fait ou remparé à la main, comme cestui cy est, au dessous de Dol, ayant les deux rives rehaussées, comme deux douves, pour empescher l’inondation, comme nous dirons tantost. Car ils ont, par tradition, que la marée anciennement donnoit dans ledit bié ou canal jusques audit pont, qu’ils appellent Pont Limier, à cause de quoy les arches sont basses et quarrées, comme pour les fermer a pales, afin de retenir la marée et l’empécher de monter plus outre.

Ceste eau vient de 2 lieues de là, d’une source appellée Fontaine Guyou, au territoire de Landal[29], maison noble et célébre apartenant à la marquise de Mortemar[30], ou un peu plus ault ; et s’enflant des eaus de Ja Vieuville, abbaye Bernadite[31] appartenant au fils de Mr de Pontchasteau et des estangs de la Mancelliére[32], gentilhommière d’un noble qui en porte le nom et a 15 mille livres de rente, de là l’eau Guyou vient vera l’Occident au-dessous de Dol, au Pont Limi ou Limier, et de là tourne le long du fauxbourg où est le prieuré, dit l’Abbaye, qui est de 6 mil livres de rente et appartient a M. de Révol, chantre de Dol et neveu du dernier évesque[33] décédé 1629 ; et revient sur soy, retournant vers Septentrion et Orient, jusques au bout d’un autre fauxbourg contigu ct fort court ; tellement que, à 300 pas hors la porte de la ville, vous le retrouvez reprenant tout court son chemin vers Ouest et Nord-Ouest, comme nous dirons sur le chemin de Cancale[34].

  1. Ch. l. de cant. arr. de St Malo, I. et V.
  2. Ch. l. de cant. arr. de Rennes ; sénéchaussée royale. V. « Grandes seigs de Hte Bret. : Hedé, chatelenie » (Soc. archéol. d’I.-et-V., XXII, 1894, p. 239).
  3. Tinténiac, ch. l. de cant. arr. de St Malo, [-et-V.
  4. Petite rivière qui naît dans l’étang de Combourg et se jette en Rance près d’Evran.
  5. Nous ne savons pas ce que Dubuisson entend par Chambres ducales. Il est vrai que les quatre villes bretonnes qu’il cite ont été chacune le chef-lieu d’un domaine ducal. Mais il y eut bien d’autres domaines ducaux. V. « Essai sur la géographie féod. de la Bret. » ; consulter Ia carte qui accompagne cet ouvrage et son explication. Notre auteur veut dire sans doute que la sénéchaussée de Hédé relevait directement du roi, suns passer par l’intermédiaire d’une autre juridiction.
  6. Ch.-l. d’arr., Morbih. Sénéchaussée royale, ressortissant au présidial de Vannes.
  7. Ch.-l. de cant, arr. de Dinan, C.-du-N, Juridiction royale unie à Dinan.
  8. Ch.-l. de cant., arr. de Fougéres, I.-et-V, Juridiction royale unie à la sénéchaussée de Rennes en 1564.
  9. Ch.-l. de cant, arrondissement de St-Malo, I.-et-V. V. Du Paz : « Hist. généal. des srs de Dol et Combourg ».
  10. Vide supra p. 6, note 1.
  11. Trévérien, comm. du cant. de Tinténiac, arr. de St-Malo, I.-et-V.
  12. Ch.-l. de canton., arr. de Dinan, C.-du-N.
  13. Voir le cours de la Rance dans l’« Hist. de Bret. » de M. de la Borderie, I, p. 19.
  14. La Haye, village de la paroisse de Combourg.
  15. Philippe d’Acigné (fille de Jean VII et d’Anne de Montejean, dame de Combourg} apporta Combourg à son mari, Jean, premier marquis de Coëtquen et seigr du Vauruffier, mort en 1604, V. « Grandes sr de Hte Bret : Acigné » (Revue de Bret. et de V., octobre 1892) ; — « Combour, comté » (Ibid., mai 1894) ; — « Origines paroissiales de Combour », par le méme (Mélanges histor., II, p, 167) ; — Du Paz, op. cit ; — Chateaubriant, « Mém. d’Outre-tombe » (édit. Garnier, I, p. 6) : « Plusieurs branches de ma famille, écrit-il, avaient possédé Combourg par des mariages avec les Coétquen. … Le maréchal de Duras qui tenait Combourg de sa femme, Maclovie de Coëtquen, née d’une Chateaubriant, s’arrangea avec mon père qui désirait rentrer dans les biens où ses ancetres avaient passé. » La baronnie de Combour, en la baillie de Rennes, se composait de 15 paroisses. Ce fief fut créé de 1015 à 1030, par Jungonoë, év. de Dol, pour son frére Riwallon. C’est par erreur que Yon a souvent écrit qne les sires de Combour avaient été comtes de Dol. Il n’y eut jamais d’autres comtes de Dol que les évéques de cette ville, et les sires de Combour n’étaient que leurs premiers barons. V. « Essai sur la géogr. feod. de la Bret. », pp. 11, 15, 89 ; — « Le régaire de Dol et la baronnie de Combour », par le même (Soc. archéol. d’I.-et-V., 1862) ; — « Anc. évéchés de Bret. » I, p. LXXI, note 1.
  16. V. Du Paz : « Hist. généal, des sr de Chasteau Giron, et des srs puis marquis d’Acigné, »
  17. Jeu de mot qui semblerait indiquer une fausse étymologie. Cidre vient de sicera, mot indéclinable.
  18. Fils de Charles II de Cossé duc de Brissac et de Judith d’Acigné. Vide supra p. 17, note 6.
  19. Carfantin, jadis en breton : Kerfunteun, anc. paroisse, auj, réunie à la comm. de Dol.
  20. V. « Pouillé histor, de Rennes », I, P 444.
  21. V. « Guide du touriste archéologue à Dol ; 1a cathédrale, le Mont-Dol, 1a pierre du Champ-Dolent », par M. l’abbé Ch. Robert, de l’Oratoire de Rennes (Dol, 892), p. 57.
  22. Thésée, comm. du cant. de St-Aignan, arr. de Blois, Loir-et-Cher.
  23. Ch.-l. de cant., arr. de Blois.
  24. Petite rivière ou ruisseau d’écoulement des marais de Dol, qui se jette dens la Manche au Vivier. Dubuisson prend un des ruisseaux affluents de la Banche pour la source de cette rivière.
  25. Saint-Marcan est comm. du cant. de Fougères, arr. de St-Malo, I.-et-V, Cette paroisse ne s’est jamais appellée sur Roulade. Le nom de Saint-Brotadre, par. et comm. voisine, doit-étre cause de cette erreur.
  26. Auj. le Guilloul, bief Guilloul ou bief de Guillou ; dans Ogée : la Guioute. On écrit généralement Guyoul ou Guioul. En latin : Guviolus.
  27. Mont-Dol, par. et comm. du canton de Dol, arr. de S-Malo, I.-et-V. V. « Guide du tovriste archéol. à Dol », par M. l’abbé Robert, p. 445 — « Rapport sur une excursion au Mont-Dol », par M. Audren de Kerdret (Assoc. Bret., congrès de St Servan, 1891).
  28. Nous ne retrouvons plus ce nom sur la carte. Peut-être faut-il lire : Bac-à-l’Asne.
  29. Landal, en la par. de la Boussac, est une chatellenie et comté qui appartint successivement aux Montsorel, Aubigné, Monteuban, Rohan, Maure, de France. V. Du Paz : « Hist. généal. des seign de Landal » ; — « Grandes seignrs de Hte-Bret, : Landal, comté » (Rev. de Bret. et de V., nov, 1895).
  30. Louise comtesse de Maure, dame de Landal, qui épousa en secondes noces, le 5 aout 1600, Gaspard de Rochechouart, marquis de Mortemart, mort à Paris le 25 juillet 1643. Elle mourut l’année suivante, V. « Réception d’une grande dame dans le monastére des RR. PP. Carmen, à Dol et à Rennes », par M, l’abbé Guillotin de Corson (Récits de Bretagne, I, p. 84) ; — « Grandes seig de Ht-Bret, : Parigné » (Soc. arch, d’I.-et-V., XXIV, p. 92) et « Bréal » (ibid., XXII. p. Bo).
  31. Abbaye Bernardine, en la par. d’Epiniac, à Francois du Cambout, aussi abbé de Geneston et de Villeneuve, au diocèse de Nantes, mort en 1690. V. « Gallia Christ. », XIV, col. 1079 ; — Du Paz : « Hist. généal. des seign. de Landal » ; — « Pouillé histor. de Rennes », If, p. 755.
  32. Maison noble et seigneurie en 1a paroisse de Baguer-Pican (auj. comm. du cant. de Dol, arr. de St-Malo, I.-et-V.), évéché de Dol, possédée par les familles de Chasné et Rahier, V. « Pouillé histor. de Rennes », I, pp. 752, 753 ; — « Grandes seign. de Hte-Bret. : la Mancellidre » (Soc. archéol, d’I.-et-V., XXIV, 1895).
  33. Antoine de Révol, év. de Dol 1604-1629, Sur I’évêché et les évêques de Dol, voir « Pouillé histor. de Rennes », I, pp. 373 et suiv.
  34. Ch.-l. de cant., arr. de St Malo, I.-et-V.