Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne/Texte entier
PRÉFACE
Les Archives Nationales, à Paris, renferment un document inappréciable pour l’histoire de la seconde moitié du xvie siècle : ce sont les Comptes de la Reine de Navarre, Marguerite de Valois, première femme d’Henri IV.
Sous ce titre, Trésorerie et Recepte générale des finances et maison de la Reine de Navarre, ils comprennent, sous la cote KK, vingt-huit volumes grand in-4o, du no 158 au no 186 inclusivement, s’étendant de l’année 1572, date du mariage de Marguerite, à l’année 1611, qui ne précède que de quatre ans celle de sa mort.
Tenus avec la plus scrupuleuse exactitude par les controleurs généraux, nommés à cet effet par la Reine, ces comptes établissent année par année, mois par mois, jour par jour, d’abord les recettes advenues, puis, beaucoup plus nombreuses et aussi détaillées que possible, les dépenses, dépenses générales, avec « l’estat des gaiges des dames, damoiselles, gentilhommes et aultres officiers de la Royne de Navarre, seur unique du Roy », dépenses privées, relatives à l’entretien journalier de ladite dame et de sa suite, à ses toilettes, à ses menus plaisirs, etc., principalement à ses déplacements et à ses voyages.
C’est cette dernière partie qui, incontestablement, offre le plus grand intérêt, d’autant que, à peine indiquée par un très petit nombre d’écrivains qui se sont occupés de cette princesse, elle n’a encore jamais été publiée in-extenso. Et pourtant on y trouve l’énumération, sûre et précise, de chacune de ses étapes, avec le nom du lieu où elle dîne, où elle soupe, où elle couche.
On comprend quelle utilité s’attache à la publication d’un semblable document, qui, s’il avait été plus souvent consulté, aurait évité à bien des auteurs, passés et présents, des erreurs souvent grossières, qui se sont glissées dans leurs ouvrages. Aussi que de contradictions n’aurons-nous pas à relever ! Quel jour nouveau ces pièces ne vont-elles pas jeter sur les faits et gestes de Marguerite, sur ceux de sa mère, alors qu’elle séjourne auprès d’elle, sur ceux de son mari surtout, dont l’itinéraire, depuis longtemps publié, va se trouver quelquefois modifié, très souvent complété.
« Pour fixer l’itinéraire d’Henri IV, écrit Berger de Xivrey dans sa préface, j’ai trouvé des secours, que rien n’aurait remplacés, dans le journal de sa dépense, conservé à Pau et embrassant les années écoulées de 1576 à 1589[1] ». Dignes pendants des comptes du Roi de Navarre, ceux de sa femme constituent les plus solides jalons d’une histoire au jour le jour de cette aimable princesse, que puisse rencontrer celui qui tenterait encore de l’écrire et que ne rebuteraient pas les nombreuses pages qui déjà lui ont été consacrées.
Cette tâche, un instant, nous avons songé à l’entreprendre, ayant pendant plus de dix ans amassé à cet effet tous les matériaux nécessaires. Des circonstances, indépendantes de notre volonté, nous ont empêché de la mener à bonne fin.
Néanmoins, comme il serait regrettable que les historiens futurs de la Reine Marguerite ne profitassent pas des ments que nous possédons, nous croyons utile de livrer aujourd’hui, une fois de plus, à la publicité la plupart de ceux qui concernent plus spécialement son séjour en Gascogne. C’est l’époque qui pour nous offre un attrait tout particulier et que ses panégyristes, comme elle-même d’ailleurs dans ses charmants Mémoires, ont le plus négligée.
L’itinéraire de la Reine Marguerite durant cette période, que nous allons publier in-extenso d’après ses livres de comptes, formera donc une suite aux Lettres inédites d’elle que nous avons déjà fait connaître[2], en attendant peut-être qu’un jour nous publions toute sa correspondance.
Nous allons la prendre au mois d’août 1578, alors qu’elle quitte la Cour de France et que Catherine de Médicis la ramène officiellement à son époux. Mais durant ces dix mois qu’elle demeure avec elle, elle s’efface totalement devant la Reine-Mère, dont la curieuse correspondance, que vient de publier M. le comte Baguenault de Puchesse dans le tome vi des Lettres de Catherine de Médicis[3], nous sera pour cette période d’un précieux secours.
La Reine de Navarre n’entrera véritablement en scène qu’après sa séparation d’avec sa mère, en mai 1579. Nous la suivrons, accompagnant son mari à Pau, le soignant malade à Eauze, et venant prendre possession, dans l’été de cette année, de son château de Nérac.
Mais, comme le long séjour qu’elle y fera durant deux ans, pourrait paraître par trop monotone, nous aurons pour l’égayer la chronique scandaleuse de cette époque et les Mémoires des principaux personnages, chefs des deux partis rivaux, relatant les plus petits détails de la vie du couple royal, ses brouilles, ses réconciliations, les intrigues amoureuses de chacun, leurs visées politiques, les causes si diversement appréciées de la guerre des Amoureux, les exploits d’Henri de Navarre, les négociations de la paix de Fleix auxquelles Marguerite prit une si importante part, le séjour à Coutras et à Cadillac, le retour à Nérac, la passion d’Henri pour Fosseuse, le voyage à Bagnères, la rupture entre les deux époux et finalement le retour de Marguerite à Paris.
Ce sera, jusqu’en ce milieu de l’an 1582, ce que nous appellerons l’époque heureuse de son existence, celle où encore respectée de tous les partis la Reine de Navarre en impose à son entourage et joint à sa réputation de politique habile, qui a su rendre à son mari plus d’un signalé service, celle de protectrice des Lettres et des Arts, où elle excellait elle-même. Sa correspondance, du reste, en grande partie inédite, viendra à l’appui de ces multiples révélations.
Si son éloignement de la Cour de Nérac nous fait passer rapidement sur les derniers mois de l’année 1582 et les sept premiers de l’année suivante, en revanche, une abondante moisson de documents nouveaux viendra éclairer les causes de son départ subit en août 1583, sa querelle avec le Roi son frère, l’insulte qu’elle reçut de lui, et les longues et délicates négociations qui s’engageront entre la Cour de Navarre et la Cour de France au sujet de sa réconciliation avec son mari. Chacune de ces pénibles étapes sera marquée soit par quelqu’une de ses lettres, soit par les relations diplomatiques des ambassadeurs étrangers, notamment celles des envoyés Toscans et Vénitiens, qui remettront plus d’une fois au point les dires souvent erronés et jusqu’ici seuls accrédités des chroniqueurs du temps.
L’année 1585 ne sera point la moins intéressante. Aux nombreux documents déjà publiés sur Marguerite durant cette année néfaste, nous en ajouterons quelques autres que nous fourniront, soit ses missives de plus en plus douloureuses, soit les Archives municipales des villes qu’elle traversera. À Agen notamment, qu’elle habitera plus de six mois, la série est loin d’être épuisée. Et nous verrons, pièces en mains, ce qu’il faut accepter des versions plus ou moins fantaisistes qui jusqu’à ce jour ont raconté le siège de Villeneuve, l’émeute de septembre dans les rues d’Agen, la fuite précipitée et misérable de la malheureuse Reine vers les montagnes d’Auvergne. Nous la suivrons avec tout son train d’Agen à Carlat, de Carlat à Ibois, et d’Ibois au château d’Usson, ne la laissant qu’au moment où les portes de cette sombre forteresse se refermeront sur elle pour plus de vingt années.
De même que dans les comptes d’Henri IV à Pau, quelques lacunes se rencontrent dans ceux de la Reine de Navarre, qui s’arrêtent brusquement souvent à une date des plus intéressantes de son existence. D’autres documents heureusement nous permettront de les compléter. Ainsi, le volume 163, comprenant l’année 1578, finit au 23 novembre. Les lettres de Catherine de Médicis, que sa fille accompagnait à cette date, se substitueront facilement aux pages envolées. Une autre fois, les Comptes de la Reine et avec eux son itinéraire s’arrêtent au 9 juillet 1579 pour ne reprendre qu’au 12 août. La correspondance des deux époux nous viendra à ce moment en aide. Enfin la partie relative aux différents séjours de Marguerite durant toute l’année 1581 fait totalement défaut au volume 168 des Archives nationales. En revanche, nous avons été assez heureux pour retrouver une bonne partie de ce registre, égarée aux manuscrits de la Bibliothèque Nationale, dans le volume 11 494 du fonds français.
Ainsi, malgré ces quelque vides faciles à combler, vivrons-nous, durant huit années, dans l’intimité de la Reine Marguerite. Ainsi la suivrons-nous jour par jour et pour ainsi dire pas à pas dans ses longues pérégrinations à travers notre pays, tantôt heureuse et fière, insouciante, amoureuse, tantôt remuante, capricieuse, aspirant à jouer un rôle politique, désabusée, tombant de chute en chute, délaissée par sa mère, par son frère et par son mari, et à ce point abandonnée de tous « que sa vie, écrit-elle, est réduite à la condition de celle des esclaves » et qu’elle préfère la mort aux malheurs qui l’accablent ; mais avec cela, toujours captivante, toujours charmeuse, et, malgré tout, jetant sur la Cour de Nérac, en ces heures où l’histoire de la Gascogne devient une vraie page de l’histoire de France et où tous les regards sont tournés vers ce petit coin de terre, un éclat impérissable.
Mais auparavant, pour l’intelligence même des textes qui vont suivre, jetons un rapide coup d’œil sur l’état de cette province, au moment où, par sa présence et celle de son escadron volant, la Reine-Mère entreprend de la pacifier ; cherchons à démêler le fil de ses intrigues ; transportons-nous au Louvre et voyons la situation respective de chaque parti ; démasquons les visées ambitieuses de leurs chefs ; pénétrons-nous du mouvement général des esprits ; et, nous attardant un peu sur leurs jeunes années, dévoilons, en soulevant indiscrètement le rideau de leur alcôve, les relations plus ou moins intimes qu’ont pu avoir ensemble le Roi et la Reine de Navarre.
INTRODUCTION
Marguerite avait vingt-cinq ans, lorsque, en 1578, elle accompagna sa mère, la reine Catherine, en Gascogne.
Elle était alors dans tout l’épanouissement de son opulente beauté. Brantôme, dans sa Vie des Dames illustres, porte aux nues ses qualités physiques. Tous ses contemporains sont d’accord avec lui. Brune comme son père Henri II, le front très découvert, les yeux expressifs, pleins d’intelligence et de malice, la lèvre inférieure un peu forte, le menton charnu, la taille bien prise, la peau d’une blancheur d’albâtre, la gorge admirablement moulée, les pieds petits, Marguerite était bien cette beauté sensuelle, « plus divine qu’humaine, disait don Juan d’Autriche en la voyant au Louvre, plus faite pour perdre et damner les hommes que pour les sauver. » Et ce n’est pas à tort que les capitaines espagnols répétaient en leurs propos soldatesques « que la conquette d’une telle beauté valait plus que celle d’un royaume et que bien heureux seraient les soldats qui, pour la servir, pourroient mourir sous sa bannière[4]. »
À la fête qui fut donnée au Louvre aux ambassadeurs de Pologne, chargés d’apporter la couronne au duc d’Anjou, elle apparut « si belle et si superbement et richement parée et accoutrée, avecques si grande majesté et grâce, que tous en demeurèrent perdus », et que l’un d’eux, Laski, le paladin de Siradie, s’écria : « Non ; je ne veux rien plus voir que telle beauté[5]. »
Marguerite ajoutait à ses charmes physiques une rare culture intellectuelle. Amyot lui avait donné de sérieuses notions de style et dans la fréquentation de Ronsard elle avait contracté le goût de la poésie. Dans ses Lettres, comme dans ses Mémoires, on retrouve la marque de leurs doctes leçons. En outre, la société de sa mère l’avait tout naturellement disposée aux finesses diplomatiques ; et elle se serait montrée bien peu la fille de la rusée Florentine, si elle n’avait acquis d’elle la souplesse d’esprit, l’élégance de la forme et cette séduction irrésistible qui se dégageait de toute sa personne.
Ce n’était pas la première fois que Marguerite de Valois venait dans le Midi de la France. Déjà, en 1564, elle y avait suivi sa mère, au cours de cette longue pérégrination, entreprise par toute la Cour de France à travers les provinces du Lyonnais, de la Provence, du Languedoc et de la Guienne et qui la faisait ressembler à une immense caravane. Vains efforts tentés pour pacifier le royaume et dont le résultat ne répondit guère à l’attente de Catherine.
Née à Saint-Germain-en-Laye le 14 mai 1553[6], Marguerite n’avait alors que onze ans. Elle était toute enfant, rieuse, insouciante, ne songeant qu’aux plaisirs. Peu à peu cependant, en grandissant, elle devint auprès de sa mère, qui jusqu’à ce moment avait négligé son éducation morale, un facile instrument de gouvernement. Ses frères aussi commencèrent à rechercher son appui. Il faut voir dans ses Mémoires comment le duc d’Anjou la prit un jour dans une allée du parc de Plessis-les-Tours, et, l’initiant à la politique, l’arracha le premier à son ignorance heureuse. « Ce langage me fut fort nouveau, écrit-elle, pour avoir jusques alors vescu sans dessein, ne pensant qu’à danser ou aller à la chasse, n’ayant mesme la curiosité de m’habiller ny de paroistre belle, pour n’estre encore en l’aage de telle ambition[7]… » Elle lui promit de seconder ses desseins auprès de la Reine-Mère et de lui demeurer toujours fidèle. Un an ne s’était pas écoulé que ce versatile prince la prenait en aversion et lui vouait une haine qui deviendra le principal malheur de sa vie.
C’est que Marguerite atteignait dix-sept ans et que son cœur avait parlé. Toute jeune elle n’avait pas joué impunément avec Henri de Guise, ne l’avait pas vu grandir à ses côtés, ne l’avait pas accompagné aux conférences de Bayonne, ne s’était pas trouvée avec lui au Louvre, à chacune de ses villégiatures, sans être touchée de sa supériorité intellectuelle sur celle de ses frères et sans s’être laissée prendre à sa réputation de bravoure, à son élégance, à ses charmes physiques, qui faisaient de lui un des plus beaux gentilshommes de la Cour de Charles IX. Henri de Guise fut le seul amour sérieux de la Reine Marguerite, celui de sa prime jeunesse, amour contrarié et pour cela peut-être toujours durable, dont elle se plaira à évoquer le souvenir aux heures tristes de son existence. Découvert par du Guast, l’insolent confident du duc d’Anjou, c’est cet amour qui exaspèrera le fils chéri de Catherine et qui, précipitant la disgrâce du futur chef de la Ligue, aliénera à tout jamais à Marguerite le cœur vindicatif de son frère.
Atteinte d’une maladie contagieuse, contractée sous les murs de Saint-Jean d’Angély pendant l’automne de 1569, Marguerite avait à ce point inquiété sa mère que celle-ci écrivait à cette date à la duchesse de Guise « Ma fille m’a fait belle peur, lui voyant le pourpre, que Chapelain et Castela en estoient morts, n’ayant que Milon qui l’a bien guérie et sauvée. Elle est bien faible et bien maigre[8]. » Sitôt remise, on songea à la marier au roi de Portugal.
Mais l’habileté de Fourquevaux, ambassadeur auprès du roi d’Espagne, ne parvint pas à vaincre les hésitations de ses ministres ni celles du gouvernement Portugais[9]. Le rapprochement entre Catherine et les chefs réformés, scellé par la paix de Saint-Germain (1570), fit échouer définitivement ce projet d’union. Un moment le cardinal de Lorraine espéra, grâce à la connivence des deux jeunes gens, unir son neveu à la sœur du roi de France et asseoir ainsi sur une base plus solide la fortune de sa maison. La colère de Charles IX déjoua cet audacieux projet. Chassé du Louvre, Guise dut dévorer son affront en silence ; et, comme chez lui l’ambition passait avant le sentiment, il s’en consola en épousant peu de temps après Catherine de Clèves. Union aussi malheureuse que devait l’être celle de Marguerite.
Car c’est à ce moment que furent entamées les premières négociations avec le Roi de Navarre et que Jeanne d’Albret, il est bon de le signaler ici, en rappelant à Charles IX la promesse que Henri II avait faite à son époux, prit l’initiative de ce funeste mariage. Certes, elle le regretta dès qu’elle se fut rendu compte des embûches semées sous ses pas, et alors qu’avant de mourir elle conseillait à son fils d’emporter, aussitôt après son mariage, sa jeune femme dans l’air plus pur de la Navarre et du Béarn : « Elle est belle et bien advisée et de bonne grâce, lui écrivait-elle après sa première entrevue avec sa future belle-fille, mais nourrie en la plus maudite et corrompue compagnie qui fut jamais… Je ne vouldrais pour chose du monde que vous y fussiez pour y demeurer… Voilà pourquoi je désire vous marier et que vous et vostre femme vous vous retiriez de cette corruption ; car, encore que je la croyais bien grande, je la trouve encore davantage. Ce ne sont pas les hommes ici qui prient les femmes, ce sont les femmes qui prient les hommes. Si vous y étiez, vous n’en échapperiez jamais sans une grande grâce de Dieu[10]. »
Jeanne mourut à Paris le 9 juin et le mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite fut célébré en grande pompe le 18 août 1572. Triste union, contractée malgré le non consentement des époux, malgré les défenses de l’Église et qu’éclairaient déjà, allumées dans l’ombre, les sanglantes lueurs de la Saint-Barthélemy[11].
Il semble que Marguerite ait porté malheur à tous ceux qu’elle a aimés. La vie d’Henri de Guise n’est qu’une émouvante tragédie. Son frère d’Alençon, sur qui elle reporta de bonne heure sa plus tendre affection, meurt misérablement, jeune encore, après sa pitoyable expédition des Flandres. La Môle est décapité sur la place de grève ; et Bussy d'Amboise, sans parler de tous ceux ensuite qui défrairont la chronique scandaleuse, après de nombreuses tentatives d’assassinat, trouve la mort dans le château de Montsoreau.
Dupleix affirme que Marguerite n’aima jamais son mari. Elle-même du reste l’avoue plus tard dans une de ses lettres : « J’ai reçeu du mariage tout le mal que j’ai jamais eu, et je le tiens pour le seul fléau de ma vie. Que l’on ne me dise pas que les mariages se font au ciel ; les cieux ne commirent pas une si grande injustice[12]. » Néanmoins l’heure n’a pas sonné encore de cette désunion complète. Et, bien qu’Henri de Navarre soit pris pour le moment dans les filets de l’astucieuse Madame de Sauves, bien que Marguerite, l’âme de toutes les fêtes du Louvre, se montre plus que coquette avec de très nombreux adorateurs, les apparences sont conservées. Malgré quelques brouilles passagères, suscitées par la méchanceté du Roi et la haine de du Guast, la politique, à défaut de l’amour, réunit souvent les deux époux ; et, ce n’est pas sans une certaine tristesse qu’un matin de février 1576 la reine de Navarre apprend la fuite de son mari. On sait comment le Béarnais parvint à tromper la surveillance d’Henri III et de Catherine et comment, sous le prétexte d’une chasse dans la forêt de Senlis, il s’échappa du Louvre avec quelques amis fidèles, gagna Alençon et, après mille dangers, se retira dans ses États. « Et, se levant avant que je fusse éveillée, écrit Marguerite dans ses Mémoires, pour se trouver, comme j’ay dict cy-devant, au lever de Madame ma mère où Madame de Sauve alloit, il ne se souvenoit point de parler à moy, comme il avoit promis à mon frère, et partit de ceste façon sans me dire à Dieu[13]. »
Restée seule au Louvre, « suspecte aux Huguenots parce que j’estois catholique et aux catholiques parce que j’avois espousé le roy de Navarre, » ses Mémoires nous apprennent ce qu’elle eut à souffrir de l’animosité de sa mère et des violences du Roi son frère, rejetant sur elle, non sans quelque raison, toute la responsabilité de cet évènement qui contrariait si fort leurs projets. Vainement Marguerite se défend de n’avoir été pour rien dans l’évasion de son mari, qui, ne cesse-t-elle de le répéter, est parti sans rien lui dire : « Ce sont petites querelles de mary à femme, répond Catherine ; mais on sçait bien qu’avec doulces lettres, il vous regaignera le cœur, et que, s’il vous mande l’aller trouver, vous y irez, ce que le roy mon fils ne veult pas[14]. »
Pour occuper sa solitude, Marguerite s’adonna aux Lettres : « Je receus ces deux biens de la tristesse et de la solitude, à ma première captivité, de me plaire à l’estude et m’adonner à la dévotion, biens que je n’eusse jamais goustés entre les vanitez et magnificence de ma prospère fortune[15]. »
Henri de son côté, à peine arrivé en Guienne, envoya Jean de Durfort, vicomte de Duras, à la Cour, avec mission de lui ramener sa femme (20 septembre 1576). Le Roi refusa brutalement et congédia l’ambassadeur. Il voulait garder sa sœur comme otage entre catholiques et réformés. Marguerite ne se découragea pas : « Je représentay au Roy, écrit-elle, que je ne m’estois pas mariée pour plaisir ny de ma volonté ; que ç’avoit esté de la volonté et auctorité du roy Charles mon frère, de la royne ma mère, et de luy ; que puisque ils me l’avoient donné, qu’ils ne ne pouvoient point empêcher de courre sa fortune ; que j’y voulois aller ; que s’ils ne me le permettoient, que je me desroberois et y irois de quelque façon que ce fut, au hazard de ma vie. » Mais Henri III demeura inflexible et la repoussa, lui disant « que depuis que le roy de Navarre s’etoit refaict huguenot, il n’avoit jamais trouvé bon que, catholique, sa sœur alloit le rejoindre[16]. »
Aussi ne voulant et ne pouvant plus rester dans une Cour qui venait de déclarer la guerre au roi son mari, Marguerite prit le prétexte de sa mauvaise santé pour aller aux eaux de Spa. Au fond, elle voulait recruter des partisans à son frère bien-aimé d’Alençon, qui avait pris le titre de duc d’Anjou depuis l’avènement au trône d’Henri III et qui convoitait ardemment la couronne ducale des Flandres.
Il faut lire dans les Mémoires de Marguerite les deux jolis chapitres, dignes pendants des lettres qu’elle écrira plus tard de Bagnères, consacrés à ce voyage mouvementé. Il faut voir comment, partie avec l’insouciance de ses jeunes années, elle courut au retour les plus grands dangers, guettée par don Juan d’Autriche à la tête des bandes espagnoles, suivie de près par les protestants et parvenant à grand peine à gagner La Fère, où l’attendait son frère d’Alençon. « Nous passâmes près de deux mois, qui ne nous furent que deux petits jours, en cet heureux estat… La tranquillité de nostre Cour, au prix de l’agitation de l’aultre d’où il partoit, luy rendoit tous les plaisirs qu’il y recepvoit si doux qu’à toute heure il ne se pouvoit empescher de me dire : « Ô ma royne ! qu’il fait bon avec vous ! Mon Dieu, ceste compagnie est un paradis comblé de toutes sortes de délices, et celle d’où je suis party un enfer remply de toutes sortes de furies et tourmens[17]. » Ce que Marguerite ne dit pas, c’est qu’à la Fère elle vit pour la première fois, à côté du duc d’Anjou dont il était un des favoris, le bel Harlay de Chanvallon, et que là débuta sans doute cette passion pour lui qui devait lui susciter de si cruelles infortunes.
Marguerite rentra à Paris à la fin de l’année 1577, « voulant faire mon voiage de Gascogne, écrit-elle, et ayant préparé toutes choses pour cest effect. » Mais cette fois encore le Roi la berça de vaines promesses ; et elle dut assister, pendant les six premiers mois de 1578, au règne insolent des Mignons, à leurs sanglantes querelles, à la nouvelle fuite du duc d’Anjou qu’elle favorisa de toutes ses forces, aux caprices de sa mère, à la faiblesse et à la conduite ignominieuse du Roi son frère, objet pour tous de moqueries et de dédain, aux sourdes rumeurs de la Ligue déjà menaçante, et par dessus tout à l’élévation de la maison de Lorraine par la popularité toujours croissante dont jouissait son ami d’enfance, Henri de Guise, le vainqueur de Dormans, le glorieux Balafré.
— En s’enfuyant du Louvre le 3 février 1576, Henri de Navarre, malgré les attaches amoureuses qui pouvaient l’y retenir, obéit moins à ses secrets pressentiments qu’il y courait les plus graves dangers qu’à sa mystérieuse destinée et aux supplications de son parti, désemparé depuis l’assassinat de Coligny par la défection du duc d’Anjou, la faiblesse du prince de Condé et la diplomatie de Catherine qui paralysait tous ses efforts. Aussi est-ce avec joie qu’après avoir repris publiquement la religion de sa mère il fut salué par tous le chef des Réformés.
La Cour de France prit peur. Catherine commença par détacher d’Alençon du parti des Politiques ; puis, par la paix de Beaulieu, dite aussi « de Monsieur », signée en mai 1576, elle octroya à son fils rebelle l’Anjou, la Touraine et le Berry, à Condé la Picardie, au roi de Navarre le gouvernement de Guienne, aux protestants le libre exercice de leur culte dans toutes les villes du royaume sauf Paris, la création de chambres mi-partie, l’abandon de quelques places de sûreté, l’admission de leurs enfants dans toutes les écoles ; enfin elle convoquait à Blois les États-Généraux.
Jamais le nouveau parti, après seize années de luttes sanglantes et quatre édits de pacification, n’avait obtenu semblable satisfaction. La Reine-Mère pouvait donc espérer voir ses vœux réalisés ; et, en mettant sur la même ligne catholiques et protestants dont elle pensait devenir le suprême arbitre, croire à l’apaisement définitif du royaume. Mais elle comptait sans les Guise et leur insatiable ambition. Ceux-ci soulevèrent la Picardie, pays très catholique, qui refusa de livrer Péronne à Condé ; et ils jetèrent dans tout le royaume les bases de cette redoutable association, dite la Ligue, qui devait les pousser jusque sur les marches du trône. Vainement Henri III, justement effrayé, chercha à déjouer leurs projets en s’en faisant proclamer le chef. Cet acte, contraire à l’esprit du dernier édit, ne servit qu’à mécontenter les Réformés et à tenir en éveil leur jeune prince.
Tour à tour à Pau, à Nérac, à Agen, à La Rochelle, partout expédiant des ordres, relevant par sa présence le moral de ses troupes, et gagnant à lui, plus par son affabilité et sa bonne grâce que par des sièges en règle, la plupart des villes de la Gascogne et de la Guienne, Henri de Navarre, à peine âgé de vingt-trois ans, sut, en cette année 1576, non seulement faire reconnaitre son autorité dans ses États, mais, en recommandant publiquement à ses lieutenants la stricte observation de l’édit, donner des preuves de ce grand sens politique, qui sera sa maîtresse qualité.
À cet effet, il s’entend avec Damville, gouverneur du Languedoc et chef militaire du parti des Politiques, reçoit dans sa ville d’Agen, devenue sa principale résidence, toute la noblesse catholique et à sa tête le vieux Monluc qui vient, à la veille de sa mort, prendre ses ordres, gagne Villeneuve-sur-Lot, place très importante, et établit des gouverneurs à ses gages dans toutes les villes de la province. Cependant Bordeaux refuse de lui ouvrir ses portes, et il ne peut obtenir des États réunis à Blois en décembre 1576 la confirmation de la paix de Beaulieu. Bien au contraire, cette assemblée où la Ligue dominait, supplia le Roi « d’ordonner que l’exercice de la R. P. R. fut défendu tant en public qu’en particulier » et décida « qu’on inviterait le Roi de Navarre, le prince de Condé et le maréchal de Damville à venir en personne à Blois, afin qu’ils consentissent à cet article et donnassent l’exemple à leur parti en rentrant eux-mêmes dans le sein de l’Église catholique. »
C’était provoquer la reprise des hostilités. Repoussant l’invitation des États, Henri de Navarre y répondit en lançant d’Agen, le 21 décembre 1576, un manifeste « à la Noblesse, Villes et Communautez de son gouvernement de Guyenne, » où il se plaignait du manque de foi de ses adversaires. Il terminait par ces belles paroles :
« La religion se plante au cœur des hommes par la force de la doctrine et persuasion et se confirme par l’exemple de vie et non par le glaive. Nous sommes tous Français et concitoyens d’une même patrie : partant il nous fault accorder par raison et douceur et non par la rigueur et cruaulté qui ne servent qu’à irriter les hommes… Prenons donc ceste bonne et nécessaire résolution de pourveoir à nostre conservation générale contre les pratiques et artifices des ennemys de nostre repos ; et je proteste devant Dieu, qui est nostre juge et qui pénètre jusqu’au plus profond de noz cœurs, que soubs l’auctorité du Roy mon seigneur, je vous maintiendroy tous en ma protection ; j’empescheray de tout mon pouvoir et par vostre advis et conseil des Officiers de la Couronne et principaulx seigneurs amateurs de la paix et tranquillité, qui sont en ce dict pays, toutes violences, foules et oppressions ; je feray rendre également justice à un chascun, tant de l’une que de l’aultre religion et avec pareil traictement ; je vous tiendray tous chers comme ma propre vie, courray sus avec vous à tous ceulx qui entreprendront de troubler nostre concorde publique. En quoy je n’espargneray ma vie, en tous les moyens que Dieu m’a donnez[18]. »
La campagne ne fut pas heureuse pour les protestants, durant la première moitié de l’année 1577. Au nord, le nouveau duc d’Anjou s’empara sur eux de la Charité-sur-Loire, une de leurs meilleures places fortes ; en Languedoc, Catherine gagna définitivement le maréchal de Damville qui trahit pour le marquisat de Saluces la cause du roi de Navarre ; et, en Guienne, ce dernier ne put, malgré le coup d’audace d’Eauze, s’emparer ni de Mirande, ni de Jegun, ni de Beaumont de Lomagne. Il est vrai que le capitaine Fabas et Rosny lui ouvrirent à ce moment les portes de La Réole ; mais ce succès fut atténué par l’échec de Langoiran sous les murs de Saint-Macaire, où d’Aubigné tomba grièvement blessé d’une arquebusade[19]. Henri de Navarre essaya bien de relever le moral de ses troupes en mettant le siège devant Marmande. Mais là encore, malgré sa bravoure et celle de Lanoue, il dut se contenter d’un succès relatif et signer avec le maréchal de Biron, qui arrivait avec des forces imposantes, une trêve nécessaire aux deux partis[20]. Les insuccès réitérés de Condé, obligé de lever le siège de Saintes, puis peu après de rendre à Mayenne le port de Brouage, joints à sa mésintelligence avec le roi de Navarre dont il jalousait la supériorité, faillirent faire perdre aux protestants ce qu’ils avaient péniblement gagné par la trêve de Monsieur. Aussi accueillirent-ils favorablement les propositions de paix de la Cour de France et signèrent-ils, le 15 septembre 1577, la trêve de Bergerac, confirmée le 5 octobre suivant par l’édit de Poitiers. Ils obtenaient comme par le passé le libre exercice de leur religion dans tout le royaume, la restitution de leurs charges, la création de nouvelles chambres mi-partie, enfin un plus grand nombre de places de sureté dont Périgueux, La Réole et le Mas-Verdun pour le gouvernement de Guienne.
Tout faisait croire à une paix durable. Mais comme toujours les deux partis se montrèrent mécontents. La Ligue trouva outrées les concessions faites aux Réformés et devint de plus en plus menaçante. De leur côté, les religionnaires ne désarmèrent pas.
Laissant sa jeune sœur Catherine de Bourbon le représenter à Pau et à Nérac, Henri de Navarre s’était retiré à Agen, poste avancé, d’où il surveillait plus facilement la basse Guienne, le Périgord et le pays Toulousain. Ayant à se plaindre de l’amiral de Villars que la Cour lui avait imposé comme lieutenant en Guienne, Henri avait à la conférence de Bergerac demandé son remplacement. On lui envoya le maréchal de Biron, Armand de Gontaud, rude soldat, médiocre diplomate. Nous verrons dans la suite que le roi de Navarre ne gagna pas au change.
Tout d’abord leurs relations furent presque amicales. Les lettres qu’écrivit Biron aux Consuls d’Agen en septembre 1577 le prouvent suffisamment[21]. Ceux-ci, on le sait, commençaient à supporter difficilement dans leurs murs la présence du jeune prince et de son turbulent entourage[22]. Malgré les sages édits que depuis un an il avait promulgués dans l’intérêt de cette ville, soit pour faire observer la discipline, soit pour empêcher les pillages, maintenir l’exercice des deux cultes, et procurer par ces moyens une aisance et une sécurité relatives, ils voyaient d’un mauvais œil leurs charges s’aggraver chaque jour davantage par l’entretien des troupes de plus en plus nombreuses qui formaient dans la ville garnison, par la multiplicité des emprunts forcés ordonnés par le jeune prince, et surtout par la construction de deux forts que celui ci, contrairement aux anciens privilèges, avait voulu élever, l’un à l’ouest de la ville, sur l’emplacement même du couvent des Jacobins, l’autre à l’est, à la porte du Pin[23]. Aux plaintes réitérées des autorités agenaises, Biron répond « qu’il a trouvé le Roy de Navarre en fort bonne disposition », et il les assure « que ledit Roy est tout plein de très bonne volonté, dont nous ne pouvons espérer que toute bonne yssue de son bon zèle[24]. » Malgré ces assurances, le Béarnais maintenait ses dispositions défensives et évitait pour ce motif de revenir à Agen.
Biron eut le dernier mot. Il obtint que les garnisons seraient retirées de cette ville, le jour on y installerait la chambre de l’Édit ; et, le 30 mai 1578, les nouveaux conseillers ayant fait leur entrée, le roi de Navarre, arrivé la veille, remit aux Consuls les clefs de la cité, leur demandant toutefois de lui rester fidèles. Henri n’avait pas regagné Lectoure, où il s’établissait plus solidement encore, que « tous les forts et marques de guerre » étaient déjà rasés dans Agen.
En même temps que la seconde ville de Guienne reprenait sa liberté, ses habitants recevaient la nouvelle que par Lettres patentes du 18 mars 1578 Henri III, pour payer à sa sœur Marguerite la dot promise lors de son mariage, lui cédait « en échange des soixante sept mille cinq cens livres de rante qu’elle devoit prandre par chascun an sur lesdites receptes générales, son domaine d’Agenois, Rouergue, Quercy et les quatre jugeries de Verdun, Rieux, Rivière et Albigeois, sises en la sénéchaussée de Tholoze, etc[25]. »
C’était donner aux Agenais un nouveau maître, avec lequel ils eurent, nous le verrons dans la suite, plus à compter qu’ils ne le croyaient tout d’abord et qui fut la cause de nouvelles divisions dans cette malheureuse cité. Car, si le roi de Navarre n’y faisait plus que de rares apparitions, il y avait laissé d’assez nombreux partisans, se trouvant sans cesse aux prises avec le restant de la population catholique, divisée elle-même en deux tronçons, les ultras, affiliés à la Ligue et non les moins turbulents, et les modérés, c’est-à-dire les consuls, les jurats, les bourgeois, les financiers qui, fidèles avant tout à leur roi, ne demandaient que la paix et la tranquillité.
Et ce n’était pas seulement Agen qui présentait ce lamentable spectacle. Toutes les villes de la province, grandes ou petites, étaient divisées comme elle, les unes où le parti protestant dominait, comme à Nérac, Clairac, Monflanquin, etc., les autres, et c’était le plus grand nombre, où les catholiques, mécontents des concessions toujours plus considérables accordées aux réformés par la faiblesse du monarque, ne supportaient qu’avec peine leur audace et leur insolence, et, comme à Langon notamment, à Bazas ou à La Réole, en venaient chaque jour aux mains avec eux.
Enfin, pour comble d’infortunes, des bandes indépendantes, composées de gens sans aveu, parcouraient sans cesse le pays, et, arborant tour à tour les couleurs des deux partis, ne vivaient que de pillage, se livrant aux pires actes de violence et de brigandage. Vainement le roi de Navarre en Armagnac, Biron à Bordeaux et à Agen, Damville en Languedoc, se multiplient et échangent de continuelles missives pour réprimer ces désordres et, avec plus ou moins de bonne foi, faire respecter l’édit de pacification ; ils n’y parviennent qu’à grand peine et souvent reconnaissent leur impuissance.
La situation, au milieu de cette année 1578, restait donc fort troublée en Guienne et en Gascogne. Il ne fallait qu’une étincelle pour rallumer partout la guerre. La Reine-mère, tenue très exactement au courant des évènements, s’en rendait aisément compte. Aussi, malgré sa santé déjà chancelante, malgré les inquiétudes que lui donnait son fils le duc d’Anjou, poursuivant follement la conquête du royaume des Flandres, malgré l’influence néfaste des mignons sur son autre fils Henri III, malgré surtout les sourdes menées de la maison de Lorraine, résolut-elle d’entreprendre un second voyage dans tout le midi de la France. Dans son désir d’asseoir une paix durable, Catherine était alors réellement sincère. Ses lettres en font foi. Contrairement à ce que l’on a écrit jusqu’à ce jour sur elle, elles nous prouveront par les nombreux extraits que nous en donnerons avec quel zèle elle poursuivait l’apaisement du royaume et travaillait, sans arrière pensée aucune à ce moment, à la grandeur et à la prospérité de la France.
Catherine amenait avec elle sa fille Marguerite. Les deux reines se faisaient suivre de toute leur maison. Le prétexte du voyage était de conduire sa femme à Henri de Navarre, qui, à plusieurs reprises on le sait, avait manifesté le désir de l’avoir auprès de lui. Le but réel, de chercher par sa présence, en s’abouchant directement avec les chefs des principaux partis, d’abord son gendre, puis Condé, Damville et plus loin Lesdiguières, Bellegarde et le duc de Savoie, à réviser quelques articles douteux de l’édit de Bergerac, et, soit en jetant entre eux des germes de division, comme on l’a écrit, soit plutôt en s’efforçant de les contenter par de larges concessions, à pacifier définitivement les provinces rebelles.
Quant aux moyens, ils ne manquaient jamais à la fille des Médicis. Elle comptait sur sa vieille expérience, sur la séduction encore très grande de sa personne, sur son ascendant incontesté d’ancienne régente du royaume, sur son habileté diplomatique, sur la rivalité qui existait entre les principaux meneurs. Elle escomptait aussi les charmes irrésistibles que ne pouvaient manquer d’exercer sur ces jeunes et bouillants capitaines les plus belles de son escadron volant, ces superbes créatures qui, au dire de Brantôme qui se plaît à les énumérer[26], étaient apparues naguère, à cette fête toute païenne donnée par elle sur la terrasse de Chenonceau en l’honneur de la dernière victoire du duc d’Anjou, « demi-nues, les cheveux épars comme des épousées, faisant le service. » Plus encore que sur elles, elle comptait sur sa fille Marguerite, sur sa soumission, sur sa jeunesse, sur sa beauté.
Bien que plusieurs écrivains aient soutenu le contraire[27], nous croyons que Marguerite suivit sa mère sans tristesse aucune, ni regrets de quitter la Cour. Dans ses Lettres comme dans ses Mémoires, elle le proclame hautement. « Revenues que nous fusmes d’Alençon, ayant toutes choses prestes pour mon partement, je suppliay encore le Roy de me laisser aller. Lors la Royne ma mère, qui avait aussi un voiage à faire en Gascogne pour le service du Roy (ce païs-là ayant besoin de luy ou d’elle), elle se résolut que je n’irois pas sans elle[28]. » Sans sa mère, que serait-elle devenue au Louvre ? Henri III, malgré ses caresses apparentes, la détestait. Son frère aîné, le duc d’Anjou, combattait dans les Flandres. Aussi est-ce avec joie qu’elle entreprit ce voyage, où, novice encore dans les ruses de la politique, elle comptait prendre quelque ascendant sur l’esprit, sinon sur le cœur, de son mari et retrouver à la Cour de Nérac le prestige et la considération auxquels lui donnait droit son titre de Reine de Navarre.
ITINÉRAIRE RAISONNÉ
DE MARGUERITE DE VALOIS EN GASCOGNE
(1578-1586)
ANNÉE 1578
« Maison de la Royne de Navarre. — Trésorerie et recepte généralle des finances et maison de la Royne de Navarre. — Estat des gaiges des dames, damoiselles, gentilshommes et aultres officiers de la Royne de Navarre, sœur unique du Roy, pour l’année commençant le premier jour de Janvier et finissant le dernier jour de décembre 1578[29].
Mme de Picquigny, dame d’honneur |
333 éc. 1 l. | |
Mme de Curton |
100 éc. | |
Mlle d’Atrye d’Aquaviva |
— éc. | |
Mme la marquise de Canillac |
100 éc. | |
Mme d’Estissac |
— | |
Mlle de Tournon la jeune |
133 éc. | |
Mlle de Picquigny |
— | |
Mlle de Saville |
— | |
Mme de Seignes |
100 éc. | |
Mme de Florac |
— | |
Mme de Thignonville |
— | |
Mme de Pibrac |
— | |
Mme de Béthune |
— | |
Mlle du Gauguier |
— | |
Mlle du Rezé |
— | |
Mme de Cheverny |
— | |
Mme de La Cappelle |
— | |
Mlle de Picquot |
— |
Thorigny |
83 éc. 1 l. | |
Rebours |
— | |
La petite fille de Mme de Curton |
— | |
Fousseuse |
83 éc. 1 l. | |
Boisbenet |
— | |
Béthune |
— | |
Aulnay |
— | |
Marguerite Burgensis |
56 éc. | |
Mlle de La Vernay, gouvernante desdites filles |
100 éc. |
Mme de Riberac |
1 éc. 2 l. | |
Mme de Sainte-Geme |
— | |
Mme de Bourgon |
— | |
Mlle d’Épernay |
— | |
Mlle de la Martonie |
— | |
Mlle Myron |
50 éc. |
Jehanne Bussière |
56 éc. 2 l. | |
Barbe Chausson |
— | |
Jehanne Martin |
— | |
Marie Lebel |
33 éc. 2 l. | |
Loyse Lebel |
— | |
Loyse Chausson |
— | |
Du Verger |
— | |
Burgensis |
— | |
Anne du Haier |
— | |
Renée Bourgeois, lingère |
26 éc. |
Sœur de Jehanne |
33 éc. | |
— de Corbie |
— |
Renée Molinau |
33 éc. 1 l. | |
Claude du Rube |
— |
Hirma Girard et Guill. La Flaiche, son mari, pour le corps et bouche |
40 éc. | |
Marguerite Lafleiche pour la panneterie et tous les offices |
— |
Le sieur du Lys |
133 éc. 1 l. | |
Hector de Maniquot |
— | |
Le Sr de Rupéreulx |
— | |
Le Sr de Masparault |
— | |
Le Sr du Bosq |
— | |
Guill. Arthur Sr de Faiguerolles et vicomte de Caen |
— |
Le Sr d’Auranches |
100 éc. | |
Le Sr de Boullons |
— | |
Le Sr de St-Pons, le jeune |
— | |
Le Sr de La Migernier |
— | |
Le Sr du Conte |
— | |
Richard de La Vernay |
— | |
Le Sr de la Tronche |
— | |
Le Sr de Beaumesnil, le jeune |
— |
Le Sr de Chadière |
100 éc. | |
Ludovic Miliorin |
— | |
Monthigny |
— | |
La Bussière |
— |
Le Sr d’Anthérac |
100 éc. 1 l. | |
Le Sr du Plessis |
— | |
Le Sr de Penacore |
— |
Le chevalier Salviati |
200 éc. | |
Le Sr de Vermont |
100 éc. | |
Le Sr de Matha |
— | |
Le Sr de Crécy |
— | |
Le Sr de La Plaigne |
— |
Me Gilbert de Beaufort, grand aulmonier |
1 éc. 2 l. | |
Me Henry Le Meignan, évêque de Digne |
— | |
Me François Dasquanel, abbé du Mont St-Quentin |
1 éc. 2 l. | |
Me Jacques du Val, abbé de Nogent |
— | |
Me Claude Cocquelet |
21 éc. |
Michel Ferré |
133 éc. |
Me Firmin Morran |
40 éc. 1 l. | |
Me Guérin de Mizan |
— |
Nicolas Cocquelet |
20 éc. | |
Jehan Cocquelet |
— | |
Jehan Bazoches pour l’entretenement du sommier de la chappelle |
— |
Le Sr de Saint Pons |
156 éc. 2 l. | |
Raphaël La Mezure |
100 éc. | |
Jehan Landre, dict de La Magdeleine |
133 éc. | |
Choisnyn |
— | |
Lefebvre |
100 éc. |
Charles Merays |
56 éc. 2 l. |
Nicolas Ferrand |
53 éc. 1 l. |
Jehan Petit frère, au lieu de Moyse Crosnier |
53 éc. 1 l. | |
Audit Moyse Crosnier, pour l’entretenement du jardin de la maison de la Royne, à Paris |
50 éc. | |
À luy encore pour l’estat de garde des meubles de lad. maison |
33 éc. 1 l. | |
Jehan Dureau |
53 éc. | |
François Chausson |
— | |
Pierre Lory, au lieu de Pierre Paillès |
— | |
Estienne Le Haier |
— | |
Anthoine Le Bel |
— | |
Fraire de Mortures |
— | |
Jehan Dagan, dict Pacollet |
— | |
Gabriel Balbo |
— | |
Charles Bessac |
— | |
René du Vau |
— | |
Manault Raspault |
— |
Bon Bousset |
53 éc. | |
Jehan Mathey |
— | |
Burgensis |
— | |
Laporte, violon |
— | |
Eustache Grinoise, tailleur d’habillement de la Royne, tant pour ses gages et façons d’habillement de la Royne que pour le fournissement du fil de soye à couldre, crochets et toutes sortes de doubleures qui ne sont pas de soye |
400 éc. |
Guillaume Raspault, joueur de luth |
100 éc. | |
Jehan Paulle, aussi joueur de luth |
53 éc. 1 l. | |
François Baillon, joueur de musette |
53 éc. | |
Jehan Godefroy |
— | |
René Le Grand |
— | |
Alain Beluche, au lieu de François de La Floxillière |
— | |
Honoré Beaujouan |
— |
Pierre Morin |
56 éc. 1 l. | |
Pierre Girau |
— |
Jacques Hanne |
20 éc. |
Jehan Halligre le jeune, au lieu de Jehan Halligre l’aisné, son frère |
53 éc. 1 l. | |
Charles Lasserre |
— | |
Pasquier Le Vavasseur |
— |
Jehan Descosse |
53 éc. 1 l. | |
Jacques Yvon |
40 éc. | |
Nicolas Putel |
— |
Georges Rondellet |
16 éc. 2 l. | |
Germain Ferron |
20 éc. | |
René Poullain |
16 éc. 2 l. |
Allard, au lieu de Pierre Buccan, décédé |
40 éc. | |
Maurice Baudouyn, qui soulloit estre garçon de la chambre, au lieu de Nicolas La Falloys |
40 éc. | |
Jullian Blanchart, porte-table et chaise |
50 éc. |
Pierre Foucquet |
16 éc. 2 l. | |
La Royne veult et ordonne que la somme de seize escus, deux livres soit payée à la vesve et enfans dud. sieur Buccand, jusqu’à ce qu’ils soient en aige de pouvoir servir aud. estat, duquel elle leur faict don, ayant neantmoins ordonné que led. Allard fera le service et si obligera sans pouvoir avoir ny demander lesd. 16 escus 2 liv., ne aulc. augmentation de gaiges. |
Jehan Malletin |
13 éc. 1 l. | |
Balthazard Gremoise |
— | |
Pierre Prelat |
— |
Monsieur de Pibrac, conseiller du Roy en son privé conseil, président en sa court du parlement de Paris et chancelier de la Royne de Navarre |
656 éc. 2 l. |
Monsr D’Estors, général des finances |
400 éc. |
Me Nicolas Aurillot |
156 éc. 2 l. | |
Me Michel Erard |
256 éc. | |
Me Anthoine Arnault |
100 éc. | |
Me Anthoine Seguier |
16 éc. 2 l. | |
Me Anthoine Parmentier |
8 éc. 1 l. | |
Me Nicolas Tanneguy |
— | |
Me Denis Tronne |
3 éc. 1 l. | |
Me Pierre Tronne |
— |
Me Loys Le Court |
100 éc. | |
Me Jacques Biart |
— | |
Me Hierosme Seguier |
— | |
Me Hector Chouayne |
— |
Me Loys Vernes |
56 éc. 2 l. | |
Me Guillaume Lebel |
33 éc. 1 l. | |
Me Jehan de la Brosse, architecte |
— | |
Me Nicolas Bouchard |
— | |
Me Jehan Erard |
— | |
Me Martin Vernes |
16 éc. | |
Me Raoul Ollié |
8 éc. | |
Me Jehan Gaillard |
6 éc. | |
Me Jacques Goury |
— | |
Florent Chouayne |
— | |
Michel Pommereu |
— | |
Benigne Leragout |
— | |
Me Vignere |
— | |
Me Carloys |
— | |
Me Martin Sainct |
— | |
Ph. Lesourd |
— | |
Marc Manault, au lieu de Figon |
1 éc. 2 l. |
Jehan Chouayne, contrerolleur général |
256 éc. 2 l. | |
Jehan Beloys |
56 éc. 2 l. | |
Jacques Breton |
56 éc. | |
Symon Huguerie |
— | |
Jehan Bourgeois |
— |
Pierre Duchesne |
100 éc. | |
Pons du Marchant |
— | |
Claude Patin |
— | |
Jacques Crochut |
— | |
Pichery |
— |
André de Bresme, au lieu de Gilbert Lucas |
50 éc. | |
Petit Jean Houblet |
— | |
Robert de Vignolles |
— | |
Jehan Chartier dict Lespine |
— | |
Françoys Hanri pour les villages |
— |
Jacques Mousset |
53 éc. 1 l. | |
Pregent Popine |
— |
Jehan Volton |
40 éc. | |
Loys Pillon, au lieu de Jehan Mareschal |
— | |
Symon Radix décédé la Reine accorde une pension à sa veuve et à ses enfants |
— | |
Jehan de Coutran, au lieu de Nicolas Violier |
40 éc. | |
René Aubert, au lieu de Jehan Robiot |
50 éc. | |
Jehan de Bray qui soulloit estre garcon de la pannetterie |
23 éc. 1 l. |
Claude Aulde |
53 éc. | |
Claude Panguot |
— |
Mathurin le 1er |
40 éc. | |
Loys Mauvoisin |
— | |
Françoys Mangourt dict Fichu |
— | |
Claude Le Grand |
— | |
Claude Oudart, sommier des bouteilles |
50 éc. | |
Pasquier Morin, sommier de la vaisselle |
— |
N |
8 éc. 1 l. |
Marc Virlu |
50 éc. | |
François Bourgeois, au lieu de Poisson |
— |
Guillaume Cornu, au lieu de Pascal Proudhomme |
53 éc. 1 l. | |
Arthur Belin |
— | |
Martin Maillot |
— |
Jehan de Lespine |
40 éc. | |
Jehan Bonadjude |
— |
Pierre Maucourt |
40 éc. | |
Jehan Augier, dict la Haye |
— |
René Poullain, au lieu de Jehan Bonadjuge |
16 éc. 2 l. | |
Estienne Buisson |
— |
Guillaume Gousset |
8 éc. 1 l. | |
Jehan de Couldray |
— | |
Jacques Cadisc |
— |
André Jamet |
20 éc. | |
Frans Gaultier, au lieu de René Poulain |
— |
Michel Drouyn |
20 écus. | |
Pierre Broche, en la place de Baptiste Villeroy |
— |
Claude Perriau, au lieu de Jacques des Quillars |
20 éc. | |
Nicolas Brissot, au lieu de Guillaume de la Flèche |
— |
Cartoys, tant pour ses gages que pour l’entretenement du sommier de lad. vaisselle |
100 éc. | |
Maurice Marchant, aussy garde vaisselle |
40 éc. | |
François Gavroche, pour l’entretenement du sommier du garde manger |
50 éc. | |
Loys Virlu, au lieu de René Aubiet, pour l’entretenement du sommier des broches |
— |
Jehan Carré |
16 éc. 2 l. | |
Albret Cassier |
— |
Symon Cahourt |
16 éc. 2 l. |
Charles Marie |
4 éc. 1 l. | |
Nicolas Fillastre |
— |
Jehan Pineau |
33 éc. 1 l. | |
Nicolas Fillastre |
— |
Michel Mehun |
20 éc. | |
René Maurice |
— | |
Françoys Marchant pour l’entretenement du sommier |
50 éc. |
Toussaint Hedouyx |
33 éc. | |
René Turges |
— |
Guillaume Fournier |
20 éc. | |
Pierre Jusguran |
— | |
Jullien Gault |
— | |
Claude Janet |
— |
Marc Huchelon |
16 éc. 2 l. | |
Vincent Suroin |
— |
Nicolas Dauvergne |
16 éc. 2 l. |
Marc Gouvieulx, au lieu de Claude Dumont |
33 éc. 1 l. | |
Jehan Machot |
— |
René Foussart, mercier |
3 éc. 1 l. | |
Jehan Du Bour, menuisier |
33 éc. | |
Estienne Chery, orfèvre |
3 éc. 2 l. | |
Pierre Dumont, vertugadier |
3 éc. |
Me Loys Hubault, 866 éc. 2 l., pour la valleur de 2600 livres à luy ordonnés par lad. dame chascun an pour tous gaiges, etc. |
Gaiges d’officiers |
À Estienne Bailly, qui va à cheval avec lad. dame pour tous ses gaiges, entretenement et despenses de son cheval |
400 liv. | |
Michel Fraugerie |
144 liv. | |
Pierre Mizère |
— | |
Jacques Geouffroy |
— | |
Remond Vedel |
— |
Nicolas Rochon |
144 liv. | |
Jehan Lajonie |
— |
Guyon du Hocquet |
70 liv. |
Dominique Sansac |
144 liv. | |
Charlot Rodin |
— |
Anthoine Charret |
144 liv. | |
Estienne Damures |
— |
Jehan Gousse, dict Malherbe, pour la litière du corps |
144 liv. | |
Sanson Hadrot, mulletier de la seconde litière |
— | |
Françoise Gonsse, ayde pour la lictière du corps |
72 liv. |
René Balleran |
140 liv. | |
Nicolas Baron |
— |
Olivier Chevalier |
90 liv. | |
Claude Vallon |
— |
Ph. de Fontaine, mareschal de forge |
80 liv. | |
François Mathieu, tailleur |
10 liv. | |
Jacques Dollives, barbier du commun pour faire les cheveulx des paiges |
25 liv. | |
Jehan Grin, scellier |
10 liv. | |
Claude Dasquoys, lavandier |
— | |
Estienne Richomme, esperonnier |
— |
Jehan Baron |
10 liv. | |
Goriot Traboullet |
— |
Guillaume Fleury, cocher du corps |
120 liv. | |
Jehan Mizère, cocher du 2e coche |
50 liv. | |
Pierre Coutin, pour le coche des femmes |
— | |
Nicolas Galloys pour le charriot de poste |
— |
Anthoine La Mère, capitaine de six mullets de la chambre |
120 liv. | |
Jehan Thiou, pour les besongnes de la chambre |
15 liv. | |
Jehan Vioche pour l’escurie |
7 liv. |
Loys Hubault, receveur en lad. escurie |
2 liv. | |
Jehan Chouayne, controleur |
4 liv. | |
Marc Cavalier, tailleur |
50 liv. | |
Roy, palefrenier |
— | |
Lubin du Pré, sellier[30] |
100 liv. |
« Dépense des journées payées par ledit sieur Loys Hubault, maître de chambre aux deniers de la Reine de Navarre[31].
Août 1578
Le vendredy, premier jour dudict mois d’aoust, ladicte dame Royne de Navarre et son train à d’Ollainville. 25 éc. 12 s. 18 d.
« Et partans de Paris, écrit Marguerite dans ses Mémoires, le Roy nous mena à son d’Ollinville, où, après nous avoir traictez quelques jours, nous prismes congé de luy… » L’Estoile nous apprend dans son Journal que la terre d’Ollainville, aujourd’hui canton d’Arpajon, arr. de Corbeil (Seine-et-Oise), était un des séjours favoris d’Henri III. Il l’avait achetée 60 000 livres, donnée à sa femme et meublée avec une richesse inouïe. C’est de ce lieu que partirent Marguerite et la Reine-Mère, le 2 août au matin.
Le samedi, 2e jour dudict moys et an, ycelle dame et partie de son train disne à Dollainville, et le reste disne à Chastre[32], souppe et couche à Estampes… 518 éc. 19 s. 7 d.
Le dimanche, 3e jour dudict moys, ladicte dame et son train disne à Angerville[33] et souppe et couche à Artenay… 57 éc. 2 s. 7 d.
Le lundi, 4e jour dudict mois, ladicte dame et son train disne aux faulxbourgs d’Orléans et souppe et couche à Cléry[34]… 74 éc. 3 s. 8 d.
Le mardi, 5e jour dudict mois, ycelle dame et son train disne souppe à S. Dye[35] et couche à Blois… 47 éc. 12 s. 9 d.
Le mercredi 6e jour dudict mois, ladicte dame et son train à Chenonceaux… 43 éc. 14 s. 10 d.
Du 7 au 10, séjour à Chenonceaux[36].
Le lundy, 11e jour dudict mois, ladicte dame et son train tout ce jour à Tours.
Le mardy 12, ladicte dame et son train disne à Tours, souppe et couche à Azé-le-Rideau.
Le mercredy 13, ladicte dame et son train disne à Azé-le-Rideau, souppe et couche à Chinon.
Le jeudy 14, ladicte dame et son train disne à Chinon, souppe et couche en l’abbaye de Fontevrault.
Le vendredy 15, tout le jour en l’abbaye de Fontevrault.
Le samedy 16, ycelle dame et son train disne à Chinon, souppe et couche à Champigny[37].
Le dimanche 17, tout le jour à Champigny.
Le lundy 18, ladicte dame et son train disne à Mont-sur-Guêne, souppe et couche à Mirebeau.
Le mardy 19, ladicte dame et son train disne au Pont-d’Oranse, souppe et couche à Poictiers.
Le mercredi 20, tout le jour à Poictiers.
Le jeudi 21, ladicte dame et son train disne à Poictiers, souppe et couche à Vyvonne.
Le vendredi 22, ladicte dame et son train disne à Vyvonne, souppe et couche à Couay[38].
Le samedi 23, ladicte dame et son train disne à Couay, souppe et couche à Civray.
Le dimanche 24, tout le jour à Civray.
Le lundi 25, ladicte dame et son train disne à Ruffec, souppe et couche à Verteuil.
Le mardi 26, ladicte dame et son train disne à Renay[39] et couche à Nègre[40].
Le mercredi 27, ladicte dame et son train disne à Anville, souppe et couche à Neufvy[41].
Le jeudi 28, ladicte dame et son train disne et souppe à Cognac.
Du 29 au 31 août, séjour à Cognac.
Total des dépenses pour le mois d’août : 2 617 écus, 8 sols, 6 deniers.
Septembre 1578
Du 1er au 5, séjour à Cognac.
« Je me souviens, car j’y estois, écrit Brantôme, que lorsque la Royne, mère du Roi, mena ceste Royne sa fille au roy de Navarre, son mary, elle passa par Coignac où elle fit quelque séjour ; et là, plusieurs grandes, belles et honnestes dames du pays les vindrent voir et leur faire la révérence ; que toutes furent ravies de voir la beauté de cette royne de Navarre, et ne se pouvoient saouler de la louer à la Royne sa mère qui en estoit perdue de joie, etc.[42] »
Catherine espérait, en s’arrêtant à Cognac, que le prince de Condé, gouverneur d’Aunis et de Saintonge, viendrait la saluer en ce lieu. Mais Condé, jaloux de plus en plus du roi de Navarre, n’en eut garde ; si bien qu’après l’avoir attendu cinq jours, la Reine-Mère, dépitée profondément, dut continuer son chemin.
Le samedi, 6e jour de septembre, ladicte dame et son train disne et souppe à Pons.
Du dimanche 7 au mardi 9, séjour à Pons.
Le mercredi 10, ladicte dame et son train disne à Plassac, souppe et couche à Mirambeau.
Le jeudi 11, ladicte dame et son train disne à Tollyer[43], souppe et couche à Blaye.
Le vendredi 12, ladicte dame et son train disne à Blaye, souppe et couche à Bourg.
Le samedi 13, tout le jour à Bourg.
Le dimanche 14, disne à Bourg, souppe et couche à Lybourne.
Du lundi 15 au mardi 16, séjour à Lybourne.
Le mercredi 17, disne et couche à Créon.
Le jeudi 18, disne à Créon, souppe et couche à Bordeaux.
Du vendredi 19 au lundi 29, séjour à Bordeaux.
Jusqu’à ce moment, aucun incident n’avait marqué le voyage des deux Reines. Les lettres de Catherine, écrites à son fils Henri III soit de Chenonceaux, soit de Cognac, n’ont trait qu’aux affaires générales du royaume. Le temps était chaud, les routes mal entretenues. Les étapes ne pouvaient être bien longues. Il fallait laisser à la suite si nombreuse des deux princesses le temps de les rejoindre. De là ces arrêts forcés. Mais une fois arrivée à Bordeaux, Catherine reprend son rôle de reine et de médiatrice.
Cette ville avait, peu de temps avant, refusé d’ouvrir ses portes au roi de Navarre. Celui-ci, blessé dans son amour-propre, répondit à l’appel de Catherine qu’il ne la rejoindrait qu’ailleurs. La Reine-Mère exigea, pour ces motifs, que la capitale de la Guyenne fît à la Reine de Navarre une entrée solennelle. Bordeaux le comprit et n’y manqua point.
Le maréchal de Biron, gouverneur de la province, y avait devancé la Cour.
« Au mois de septembre 1578, écrit de Lurbe dans sa Chronique Bordelaise, fut donné advis à Messieurs les Jurats de l’arrivée prochaine de la Reyne, mère du Roy, et de la Reyne de Navarre, et furent aprestées incontinent deux maisons navales ; et leurs Majestés estans à Bourg, deux de Messieurs les Juratz y furent députéz, ensemble le procureur de la Ville, chargés de mémoires pour faire entendre à leurs Majestés. Cependant ledit sieur maréchal de Biron arrive qui fit son entrée à Bordeaux, comme lieutenant du Roy, le mardy 18 septembre 1578. L’une des maisons navales, préparée pour la Reyne, lui fust emmenée au port de la Bastide par deux de Messieurs les Jurats, l’artillerie rangée sur la rivière, les habitans aussi tous en armes et en ordre[44]. »
Et Jean de Gauffreteau, ajoute : « Le dimanche 21 septembre, la Royne de Navarre alla descendre aux Chartreux, où les Jurats de Bourdeaux luy avoient faict dresser une maison en laquelle tous les ordres de la ville la vindrent saluer, et chacun d’eux luy fit sa harangue. De là, elle alla à la porte du Caillau, là où le poësie luy fust présenté par les Jurats, qui de là la conduisirent, avec les compaignies de la ville en armes, dans l’église Saint-André, où elle presta le serment, en tel cas accoustumé, entre les mains du seigneur archevêque[45]. Sa Majesté fust logée en la maison du Président Villeneuve, sur les fossés appelés du Chapeau Rouge[46]. »
« Le 18 septembre, dit l’abbé O’reilly, dont la version diffère quelque peu, la Reine-Mère fut reçue sur le port, au Portau-Barrat, par les autorités de la ville : elle fut conduite avec pompe chez M. de Pontac, trésorier, d’autres disent chez M. de Villeneuve, président au Parlement ; on lui présenta un dauphin de huit pieds qu’on venait de pêcher. La Reine de Navarre logea chez M. Guérin, conseiller, près du Palais[47]. »
C’est bien le 18 septembre qu’eut lieu l’entrée des deux Reines à Bordeaux ; car cette date concorde, d’abord avec celle de l’itinéraire, puis avec celle d’une lettre adressée, le soir même, de cette ville par Catherine à M. de Bellièvre[48].
Tous les honneurs furent pour la Reine de Navarre. « La Reine sa mère, écrit Brantôme qui s’y trouvoit, le voulut ainsy, car elle l’aimoit infiniment et l’estimoit fort. Elle étoit montée sur une belle haquenée blanche, harnachée fort superbement, et elle estoit vestue toute d’orangé et de clinquant, si somptueusement que rien plus, laquelle le monde ne se pouvoit assez saouler de voir, la regarder, l’admirer et l’exalter jusqu’au ciel. »
Aux discours de l’Archevêque pour le clergé, du maréchal de Biron comme maire et lieutenant général, de M. Lagebaston premier président pour le Parlement[49], Marguerite, toujours d’après Brantôme, « qui estoit près d’elle sur l’eschaffaut par son commandement, leur respondit à tous les uns après les autres, si éloquemment, si sagement et si promptement, et avecques telle grâce et majesté… que je vis le soir ledit sieur président qui me vint dire, et à d’autres en la chambre de la reyne, qu’il n’avait jamais ouy mieux dire en sa vie[50]. »
Nous ne raconterons pas ici les multiples détails des réceptions, fêtes, réjouissances, négociations qui marquèrent le séjour des deux Reines dans la capitale de la Guyenne. Tous les chroniqueurs locaux les ont suffisamment narrés[51]. La lettre de Catherine au Roi, du 29 septembre, en dit plus long du reste que n’importe quel document[52].
Rappelons seulement que le Parlement se tint sur une grande réserve, se trouvant depuis quelque temps en lutte ouverte avec la Cour, que les Jurats au contraire assurèrent les Reines de leur inébranlable fidélité et leur firent présent « d’un pentagone d’or massif, bien élaboré, avec certaines inscriptions diverses et chifres à leur louange », qu’il fut fait « un reiglement concernant le gouvernement de la ville et la nomination des Intendants », et que les capitaines renouvelèrent tous leur serment en présence du maréchal de Biron, etc.
« J’espère partir demain de cette ville, écrit à la fin de cette lettre du 29 septembre la Reine-Mère au Roi son fils, y laissant toutes choses si bien ordonnées que j’estime, comme aussy font tous lesdicts seigneurs ceux de vostre Conseil qui sont icy auprès de moy, que tout y continuera en repos et union. J’iray, Dieu aidant, ledict jour de demain coucher à Cadaillac et le jour d’après qui sera mardy, j’irai de bonne heure à Saint-Maquaire, ny aiant que la rivière de Garonne entre ledict Saint-Maquaire et Langon, où se doibt trouver le Roi de Navarre, vostre frère, vers lequel j’ay renvoié ce matin les sieurs de Pibrac et de La Mothe-Fenélon, pour luy faire entendre ma délibération, afin que ce jour-là nous nous puissions voir, et dès le lendemain, je ne fauldrai de vous faire une ample despêche du tout. »
Rencontrer enfin le roi de Navarre, lui remettre son épouse et assurer la paix, tel est le but que poursuit ardemment Catherine et pour lequel elle ne craint d’affronter ni les dangers, ni les fatigues de ce long voyage.
« L’entrevue des deux Reines et du Roi de Navarre, écrivait à cette date l’ambassadeur Saracini à son maitre le grand duc de Toscane, est encore retardée pour divers obstacles, notamment à cause de M. le maréchal de Biron. Néanmoins, à Bordeaux, où elles sont, les Huguenots leur ont fait un bon accueil[53]. ».
Enfin le départ eut lieu le 30 septembre.
Le mardi, 30e jour de septembre, ladicte dame et son train disne à Bordeaux, souppe et couche à Cadillac.
Total des dépenses en ce mois de septembre pour la maison de la Reine Marguerite qui seule doit nous occuper : 2 983 écus, 4 sols, 3 deniers.
Il ne put être payé que 2 646 écus.
Octobre 1578
Le mercredi 1er jour d’octobre 1578, la dame royne de Navarre disne à Cadillac, souppe et couche à Sainct-Macaire.
Le jeudi 2, ladicte dame et son train disne à Sainct-Macaire et couche à la Réole.
C’est dans cette journée, et entre ces deux villes, « en une maison seulle, écrit Catherine à son fils, qui est sur le chemin, appelée Casteras, où nous sommes descendus » que le Roi de Navarre, rencontra enfin sa femme Marguerite ainsi que sa belle-mère. « Il estoit escorté, écrit-elle, d’une fort belle trouppe de gentilshommes qui estoient au nombre d’environ cent cinquante maistres, fort en ordre et bien montez. Il m’a trouvée et la royne de Navarre vostre sœur, vostre nepveu, et mes cousines les princesses de Condé et Montpensier, l’attendant en une salle haulte de ladite maison, nous ayant fort honnestement de très bonne grâce et, ce semble, de très grande affection et avec fort grand aize salué ; le vicomte de Tourenne est entré avec luy et quelques ungs des principaulx ; et, après le bon accueil que vous pouvez bien penser que nous luy avons faict et nous estans entretenus ung peu de temps de propos commungs, nous sommes descendus de ladicte salle et montez en mon chariot, où il est aussi entré et venu avec nous jusques en ce lieu, faisant toujours, et nous à luy, la plus grande démonstration d’aize et de contentement qu’il est possible[54]. »
La lettre entière est à citer. Sa longueur nous force de la résumer brièvement. Et d’abord, il accompagne la Reine-Mère chez elle, dans sa chambre ; puis « il a voulu mener votre sœur la Royne de Navarre, en son logis, qui est de l’austre costé de la rue, où ils logeront et coucheront ensemble ; mais de peur de luy donner peyne, vostre dicte sœur n’a poinct été plus loing que mondit logis ; et luy, qui avait fort grand chault et pour ce aussy qu’il a faict aujourd’huy très grande challeur, s’est allé rafreschir ; et madicte fille et luy sont revenuz en ma chambre. » Là, sans plus tarder, Catherine engage les négociations. Elle lui dit que le Roi Henri III « l’aime parfaictement, comme s’il estoit son frère et comme celuy qui est non seulement son beau-frère, mais son héritier après son frère. » La rusée Florentine manœuvra si bien dans cette première entrevue qu’Henri de Navarre consentit à tout. Se réservait-il de prendre plus tard sa revanche, ou ne pensait-il en ce moment qu’à sa femme Marguerite, dont il était séparé depuis deux ans et huit mois et qui lui revenait dans tout l’éclat de son opulente beauté ?
Dans ses Mémoires, la reine de Navarre ne consacre qu’une ligne à l’entrevue de La Réole. Henri est plus explicite : « Je m’en viens, écrit-il de Nérac le 10 octobre à M. de Montesquiou, de recueillir la Royne-Mère et ma femme à la Réole, où toutes choses se sont passées au souhait et contentement d’un chascun, mesme pour l’establissement et entretenement de la paix, dont nous avons déjà commencé à traicter, et l’on fera, Dieu aydant, une bonne résolution à l’Isle en Jourdain où je les iray retrouver, et partiray d’ici le xve du mois[55], »
Les deux reines restèrent cinq jours à la Réole.
Du 3 au 6 octobre, séjour à La Réole.
Si Marguerite et Henri de Navarre furent, durant ces cinq jours, tout à la joie de se revoir, Catherine de son côté ne perdit pas son temps. Elle assembla Conseils sur Conseils, entreprit de réconcilier le Roi de Navarre avec le maréchal de Biron, ce en quoi elle fut fort aidée par la Reine sa fille, Henri se montrant très courroucé contre lui, et finalement arrêta, avec son gendre, la nomination de commissaires spéciaux chargés dans chaque ville importante de la province de faire exécuter l’édit de pacification précédemment signé à Poitiers, en septembre 1577. Leur liste, fort intéressante pour l’histoire locale, ainsi que l’énoncé des articles conclus entre les deux partis, ont été déjà publiés[56]. Nous n’y reviendrons pas. Disons seulement que le tout fut arrêté solennellement en Conseil, se trouvant du côté de la Reine-Mère,MM. le cardinal de Bourbon, le duc de Montpensier, de Saint-Sulpice, d’Escars, de La Mothe-Fénélon, de Pibrac, de Foix et Jean de Monluc, évêque de Valence, tandis que du côté protestant signèrent le Roi de Navarre, le vicomte de Turenne, Gratin, Montguion, Guitry, Lusignan et Ségur-Pardaillan[57].
On ne peut douter, en lisant ces pièces, de la sincérité réelle des deux partis et de leur désir d’arriver à une paix durable. Les nombreuses correspondances échangées de chaque côté en font foi. Rien donc ne résistait en ce moment à l’habile diplomatie de Catherine, encore moins aux charmes de ses filles d’honneur, au premier rang desquelles se remarquait la Cypriote Dayelle, dont la beauté avait déjà subjugué le Vert-Galant, et l’espiègle Anne d’Atri, plus tard comtesse de Château-Vilain, qui, en se jouant de lui, faisait tomber à ses pieds, le vieux d’Ussac, gouverneur de La Réole et huguenot endurci.
Le mardi 7, ladicte dame et son train disne à La Réolle, souppe et couche à Saincte-Bazeille.
Le mercredi 8, tout le jour à Saincte-Bazeille.
De cette ville, Catherine écrit une longue lettre à M. de Pailhès, gouverneur du comté de Foix, pour lui intimer l’ordre, ainsi qu’aux autres commissaires nommés, d’assurer au plus vite la paix dans son gouvernement[58].
Puis, elle réinstalle les prêtres catholiques dans l’exercice de leur culte et leur promet au nom du Roi, son fils, aide et protection. Enfin elle met en présence, pour la première fois depuis longtemps, le Roi de Navarre et le maréchal de Biron, arrivé, sur son ordre, l’après-dîner de ce jour : « Où il trouva en ma chambre mondict fils le Roy de Navarre, qui luy parla plus brusquement que nous ne pensions, vostre sœur la Royne de Navarre et moy, pour ce qui s’est passé entre eulx, dont ledit mareschal montra d’estre fort en collère. Et vous asseure, Monsieur mon filz, que je feuz aucunement en peyne comme je rabillerois le tout. Mais les bons offices de vostre sœur et de mon cousin le cardinal de Bourbon, et la peine que j’y prins envers l’ung et l’aultre pour le bien de vostre service fut cause de les accorder, tellement quellement. Toutefoys j’espère qu’en continuant comme nous ferons ils se remecteront du tout au bon mesnaige que je désire pour le bien de vostre service[59]. »
Le jeudi 9, ladicte dame et son train disne à Marmande, souppe et couche à Thonnynx.
Ce jour-là le roi de Navarre se sépara, à Marmande, des deux reines.
« J’ay accompagné lesdites dames Reynes jusqu’à Marmande, écrit-il de Nérac, le 23 octobre, à M. le baron d’Uhard[60] et m’en suis venu de là icy. Elles sont à présent à Agen sur le poinct de partir pour aller à L’Isle en Jourdain et là y séjourner. Et moy j’ai délibéré de les y aller retrouver et partir dans quelques jours. Et d’autant que j’ay congédié la plupart des sieurs gentilhommes qui m’ont accompagné, j’escrips à d’aultres que je sçais m’estre amys et affectionnés et les prie de m’accompagner audict voiage. »
Henri de Navarre fut fort bien reçu par les Jurats de Marmande, qui, sur les prières de Catherine « promirent d’oublier ce qui s’était passé durant les troubles. Aussy leurs a-t-il faict fort bonne chère ; et leurs ay commandé qu’ils eussent à y recepvoir et laisser entrer suivant votre édit de paciffication ceulx de la religion prétendue réformée qui y avoient leurs maisons et qui avoient accoustume d’y demeurer[61]. »
Henri de Navarre précéda les deux Reines à Tonneins, ville protestante qui tenait pour lui.
« Je suis venue couscher en ce lieu de Thonnins, écrit Catherine, qui tenoit pour ceulx de lacdite religion, où mon dict fils le roy de Navarre est venu disner et faire pourveoir à ce qui estoit necessaire pour mon arrivée en ce dict lieu, où j’espère, avant en partir, restablir avant toute œuvre nostre religion catholique[62]. »
Nous ne savons si elle y réussit. Toujours est-il qu’elle en repartit le lendemain.
Le vendredi 10, ladicte dame et son train disne à Esguillon, souppe et couche au Port-Saincte-Marie.
Pourquoi Marguerite ne suivit-elle pas son mari à Nérac, comme son devoir le lui dictait, et resta-t-elle avec sa mère, l’accompagnant dans toutes les étapes de son voyage ? C’est que la Reine-Mère tenait avant toutes choses à la garder auprès d’elle pour l’utiliser dans ses diplomatiques négociations avec le Roi de Navarre. Elle n’eut pas à se plaindre, on le verra, de cette combinaison.
En arrivant au Port-Sainte-Marie, Catherine fit exécuter l’édit de pacification, comme partout où elle passait, c’est-à-dire « par acte publicqs enregistrés au registre du greffe de la justice de chascun d’iceux lieux. » C’est elle-même qui l’écrit au roi son fils[63].
Les deux reines, en se promenant rencontrèrent M. de Turenne qui leur était envoyé par le Roi de Navarre, « lequel n’estoit pas loing de nous de l’austre costé de la rivière où il estoit venu à la chasse. » Turenne avait mission de les entretenir de l’affaire du château de Beaucaire en Languedoc et de celle des châteaux de Montaignac et Nontron en Périgord[64].
En même temps, Catherine écrivait une longue lettre à Damville, pour le prévenir de son arrivée prochaine à Toulouse.
C’est également ce jour là, au Port-Sainte-Marie, que la Reine-Mère reçut pour la première fois le sénéchal de Bajaumont, qui vint la saluer avec une escorte de vingt-cinq gentilshommes et l’assurer de sa fidélité. Elle les remercia de leurs offres et leur promit sa protection ainsi que celle du Roi son fils[65].
Le samedi 11, ladicte dame et son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Agen.
Les deux Reines étaient à peine sorties du Port-Sainte-Marie qu’elles eurent la surprise de rencontrer le roi de Navarre. Il vint fort galamment les saluer « allant, écrit Catherine à son fils, à la chasse à Lézignan[66], qui est icy auprès. J’ay esté bien aize de ce qu’ainsy librement il commence à se comporter envers moi. » Néanmoins il ne lui donne rendez-vous à l’Isle en Jourdain que vers le 15 de ce mois d’octobre, ce dont elle se plaint fort. On verra qu’elle dut attendre un mois encore, les protestants cherchant le plus possible à retarder le jour de la conférence.
Avant d’arriver à Agen, Catherine eut une longue conférence avec le maréchal de Biron, qui l’accompagnait, à propos de la garnison de cette ville. Elle lui donna des ordres précis pour son entrée solennelle et lui exposa comment elle entendait qu’elle et sa fille, la Reine de Navarre, fussent officiellement reçues.
Catherine entra seule à Agen, le soir du 11 octobre, par la porte Saint-Georges. Bien que l’itinéraire indique le même jour, Marguerite n’y fit son entrée que le lendemain 12 (jour de dimanche) par la porte du Pin. Catherine fut logée à l’Évêché, Marguerite dans la maison de Pierre de Nort, seigneur de Naux[67].
Du 12 au 14, séjour à Agen.
Le 16 septembre déjà, de Bordeaux, le maréchal de Biron écrivait aux Consuls d’Agen : « Messieurs, je voy bien que la Reyne mère du Roy et la Reyne de Navarre s’en iront jusques en vostre ville d’Agen, et pour ce advisés de bien tenir toutes choses en bon estat pour les bien recevoir et accueillir, ainsi qu’il leur appartient. Il fauldra faire quelque belle entrée à la Reyne de Navarre, comme on l’a accoustume de faire à toutes les filles de France. Je n’ay poinct oblyé de faire entendre à la Reyne la bonne volonté que vous avez au service du Roy. Je vous prie n’estre point nonchallans à bien préparer ceste entrée et y pourvoir[68]. »
Ainsi prévenue, la municipalité Agenaise se mit en devoir de recevoir le mieux possible les deux Reines. Elle leur prépara une magnifique entrée. Tous les honneurs furent pour la Reine de Navarre. Les mémoires du Consul Trinque (1570-1615) que nous a conservés la chronique du Frère Hélie[69], sont les seuls, avec le Journal des Consuls, qui nous en ont transmis le souvenir.
« Et le 12 octobre 1578, feust faite l’entrée à la Reyne de Navarre Marguerite de Valois. On lui fist une maison à la Porte-du-Pin ; on lui porta un pavillon de damas blanc. La mère de la Reyne estoit entrée dans Agen le samedy devant, accompagnée du cardinal de Bourbon, de M. de Montpensier et des deux frères du prince de Condé. » Un emprunt de 800 livres fut contracté à cet effet par la municipalité[70].
Le Parlement de Toulouse envoya une députation à Agen, afin que dès ce moment, elle offrit aux deux Reines ses services. Catherine la reçut et s’entretint longtemps avec les divers délégués des affaires du Languedoc.
Puis, elle réunit dans la grande salle de l’Évêché, où elle logeait, tous les gentilshommes de la province, qui étaient venus la saluer. Elle prononça un grand discours.
« Voyant ici tant de noblesse assemblée, écrit-elle au Roi son fils à la date du 15 octobre, combien que j’eusse parlé à eulx en diverses foys et particulièrement, toutesfoy je feiz assembler tous ceulx qui estoyent icy dimanche au matin à ma salle, où ilz se trouvèrent fort grand nombre et des plus grands de toute ceste Guienne, je parlay longuement à eulx et vous asseure que je n’oubliay rien de tout ce qu’il m’a semblé leur devoir dire pour le bien de vostre service[71]. »
Dans ce discours, dont le texte a été conservé et publié récemment[72], Catherine proclame avant toutes choses la paix nécessaire à la France ; elle assure tous les seigneurs Gascons de la bonne volonté et des bons offices du Roi son fils ; elle leur présente tout particulièrement sa fille Marguerite, devenue comtesse de l’Agenais[73], « que j’ay chèrement nourrye et instruicte à honorer et recognaistre le Roy son frère et singulièrement à avoyr soing du bien et conservacion de ses bons subjects, comme je m’asseure qu’elle aura de vous… M’asseurant que Dieu luy fera ceste grâce de se conduire si saigement que pourrez mectre vostre entière confiance en elle. » Elle leur recommande enfin d’obéir au maréchal de Biron, « personnaige duquel la valleur bonne et droicte affection au service du Roy est assez congneue pour tenir la main et pourveoir à tout ce qui appartiendra au bien et conservation de ceste province. »
Marguerite d’un autre côté s’emploie de toutes ses forces à seconder la politique de sa mère, et elle ne néglige rien pour convaincre et ramener son époux.
« Le Roi de Navarre, écrit toujours Catherine au Roi son fils, continue à montrer de désirer bien fort l’exécution de la paix, se comportant envers ma fille la royne de Navarre, et elle envers luy, aussi heureusement et bien que nous sçaurions désirer ; ma dicte fille m’aiant dict que résolument son dict mary veult la paix, mais que ceulx qui sont auprès de luy ne la désirent pas. »
Le mercredi 15, ladicte dame et son train disne à La Fox, souppe et couche à Vallance.
En quittant Agen le 15 octobre au matin, les deux Reines s’arrêtèrent pour dîner au château de Lafox, situé au confluent de la Garonne et de la petite rivière de la Séoune à dix kilomètres au sud-est d’Agen. Ce château appartenait au sénéchal de Bajaumont, Catherine le connaissait bien. Elle s’y était arrêtée, également pour dîner, treize ans auparavant, le 23 mars 1564-1565, avant de faire son entrée dans Agen, alors que, parcourant pour la première fois ce pays en sens inverse, elle venait de Toulouse et descendait la Garonne avec toute la Cour de France, le roi Charles IX et Marguerite sa fille, âgée seulement de onze ans.
Le château de Lafox avait joué un rôle important dans les annales du pays. Au xiiie siècle, il appartenait à la grande famille des Alaman ; puis il passa à la maison de Lévis. Deux fois assiégé à l’époque des guerres anglaises, il fut plusieurs fois rebâti. En 1562, son propriétaire Armand de Durfort, seigneur de Lafox et de Bajamont y provoqua une réunion de tout le parti catholique sous les ordres de Monluc. Plus tard, il fut pris par Charles de Monluc à la tête de ses ligueurs et en partie dévasté. Il devint dans les derniers temps la propriété des Montpezat, puis des Monestay de Chazeron, enfin des Turenne et des Sinéty. Il appartient aujourd’hui à M. Henri de Brondeau.
Du vieux château, tel qu’il existait à l’époque où les deux Reines vinrent y dîner, il ne reste qu’une tour carrée à fenêtres à plein cintre, paraissant remonter au xiie siècle. L’élégant corps de logis, situé au Midi, et qui renferme ces grandes salles aux cheminées monumentales, éclairées par de hautes fenêtres à meneaux doubles, ne date que de l’extrême fin du xvie siècle ou plutôt du commencement du xviie siècle. Il dut être bâti après les dégâts qu’y commit Charles de Monluc, postérieurement, par suite, aux séjours qu’y firent Catherine et Marguerite.
Ce jour-là, 15 octobre, le Roi de Navarre vint les y trouver, pour les accompagner jusqu’à Valence d’Agen, « où il a cousché, combien qu’il eust délibéré de s’en retourner à Nérac, d’où il doibt passer à Agen et à Florence[74]. »
Le jeudi 16, ladicte dame et son train disne et souppe à Mouassac.
Toute la noblesse du Quercy vint y saluer les deux Reines, le sieur de Vesin, sénéchal du pays, et l’évêque de Cahors, en tête. Catherine les harangua comme ceux de l’Agenais et leur demanda de l’aider à établir la paix. Une indisposition passagère l’empêcha de repartir le soir même : « Je me trouvay hier mal de ma collique, écrit-elle le lendemain à son fils ; mais, graces à Dieu, je me porte à présent bien[75]. »
Le vendredi 17, ladicte dame et son train disne à Mouassac, souppe et couche à Chasteau-Sarrazin.
« Je disnerai à Moissac et j’iray couscher à Castel-Sarrazin ; et, demayn, Dieu aidant, qui est samedy, je serai à Toulouze, qui est où vostre sœur fera le lendemain son entrée, qui sera dimanche. » Marguerite, en effet, s’arrêta une nuit à Saint-Jorry.
Le samedi 18, ladicte dame et son train disne à Montèche, souppe et couche à Sainct-Jorry.
Le dimanche 19, ladicte dame et son train disne à Sainct-Jorry, souppe et couche à Tholouze.
Il semble, d’après la correspondance de Catherine que les deux Reines firent leur entrée simultanée dans Toulouse seulement ce jour de dimanche, 19 octobre. Elles ne devaient y rester que « quatre ou cinq jours » ; elles y restèrent, la Reine-Mère dix-huit jours, Marguerite vingt-trois jours.
Du lundi 20 au vendredi 31, séjour à Toulouse avec tout son train.
Dépenses de la Reine de Navarre pour ce mois d’octobre : 2 986 écus, 15 sols, 10 deniers. Payé seulement, 2 560 écus.
Novembre 1578
Du samedi 1er au dimanche 9, séjour à Toulouse avec tout son train.
Ce n’est guère que la correspondance de Catherine qui nous donne, comme toujours, des détails précis sur le séjour des deux Reines dans la capitale du Languedoc et sur ses occupations politiques.
Et d’abord, elle écrit le 20 octobre, lendemain de son arrivée, qu’elle a trouvé les gens de ce pays bien disposés pour la paix, souffrant tous de la guerre, « qui se faict jusqu’aux portes de la ville. » Aussi a-t-elle de suite conféré avec Joyeuse, en attendant le maréchal de Damville, et ayant retardé volontairement l’entrée officielle de la Royne de Navarre, sa fille[76].
Le 24, elle commence à se plaindre des lenteurs voulues, apportées par le Roi de Navarre et surtout par son parti, pour se trouver à la réunion projetée de l’Isle-en-Jourdain. Il est vrai que Turenne qui vient d’arriver lui a dit que « l’occasion de ce retardement dudict sieur Roy de Navarre estoit le furoncle qu’il avoit eu à la fesse, pour lequel il gardoit encore le lict, le jour qu’il partit de Nérac. » Des deux côtés, du reste, on commence à s’accuser de mauvaise foi. Et les raisons invoquées par le Vicomte ne convainquent plus la Reine-Mère, qui voit juste et comprend que les chefs du parti protestant, sinon le Roi de Navarre, cherchent à la leurrer.
L’entrée de la Reine de Navarre est encore remise au dimanche 26.
Elle eut lieu en effet ce jour-là au milieu d’un immense concours de peuple. Dom Vaissette dans son Histoire du Languedoc[77], Lafaille dans les Annales de la ville de Toulouse[78] et tous les chroniqueurs modernes nous fournissent à cet égard, à défaut des lettres de la Reine-Mère, les détails les plus circonstanciés. Le maréchal de Damville, plus tard duc de Montmorency et gouverneur du Languedoc, vint à leur rencontre, escorté de toute la noblesse de la province, des capitouls et des membres du Parlement. Les deux Reines entrèrent par la porte Saint-Étienne et furent conduites sous des arcs de triomphe et par les rues jonchées de fleurs jusqu’au palais archiépiscopal où elles logèrent. Une magnifique procession eut lieu ce jour-là, que suivirent les princesses ainsi que tous les gens de leurs maisons. Enfin une fête splendide fut offerte par Damville en leur honneur. L’accueil de la population fut des plus enthousiastes.
Le lendemain, 27 octobre, tomba malade Marguerite, sans doute des suites de la fatigue qu’elle avait endurée le jour de son entrée. « Je suis en grande peine, écrit Catherine le 29 octobre au Roi, son fils, de la malladie survenue à vostre sœur la Royne de Navarre, qui, depuis deux jours, a eu la fiebvre, et crains bien que sa dicte malladie nous arreste ici plus que nous ne pensions. »
Néanmoins elle espère partir quand même dans deux ou trois jours, après la fête des Morts, pour L’Isle-en-Jourdain, bien que le Roy de Navarre lui ait écrit « qu’elle ne trouverait pas en ce lieu grande commodité de vivres et de logis, » proposant de revenir à Castelsarrasin, « qui est, ajoute Catherine, ung aussi maubvais logis que L’Isle en Jourdain. » Aussi, puisque cela est décidé, ira-t-elle en ce dernier endroit et lui envoie-t-elle à Nérac, où il est toujours, le sieur de La Mothe Fénélon pour le prévenir qu’elle sera sans faute à L’Isle-en-Jourdain le 6.
Catherine quitta en effet Toulouse le jeudi 6 novembre au matin et arriva ce jour-là à L’Isle-en-Jourdain, d’où elle écrivit le soir même au Roi son fils pour lui dire qu’elle attendait le lendemain vendredi le roi de Navarre. Elle passa par Pibrac, où elle s’arrêta juste le temps d’écrire une courte lettre à sa cousine la duchesse d’Uzès[79], restée à Toulouse auprès de sa fille encore malade.
Marguerite demeura en effet, ainsi que nous l’apprend son livre de dépenses, dans la capitale du Languedoc trois jours encore. Elle n’en repartit que le lundi 10 novembre[80].
Le lundi 10, ladicte dame et son train disne à Tholouze, souppe et couche à Pibrac.
Le château de Pibrac, à 23 kilomètres ouest de Toulouse, venait d’être rebati à neuf et contenait un splendide mobilier. Il appartenait à Gui du Faur de Pibrac, conseiller au Parlement, conseiller d’État et chancelier de la Reine de Navarre. Quoique âgé à ce moment de cinquante-quatre ans, il subissait, l’accompagnant depuis Paris, le charme irrésistible de la beauté de Marguerite, passion qui devait lui susciter dans la suite, comme nous le verrons, tant d’embarras. Aussi fut-elle splendide la réception que « ce vieux fou de Pibrac » eut la joie de pouvoir faire en son propre château à l’objet encore inavoué de sa naissante flamme[81]. Marguerite en repartit le lendemain pour rejoindre sa mère à L’Isle en Jourdain.
Le mardi 11, ladicte dame disne à Pibrac, souppe et couche à l’Isle en Jourdain.
Du 12 au 18, séjour à l’Isle en Jourdain avec tout son train.
Catherine attendit quatre jours en ce petit village Henri de Navarre, qui toujours ne venait pas : « Il faut que je vous dye, écrit-elle le 8 novembre au soir au Roi son fils, que je suis merveilleusement faschée et ennuyée d’avoir esté desja icy trois jours sans avoir eu aucunes nouvelles de mon filz le roi de Navarre, ny du sieur de Lamothe-Fenelon que j’ay envoyé vers luy pour le haster de venir. Je leur viens encore de despecher ung lacquais, combien que l’on me dye que ce soir mondict filz vient coucher à Mauvesin, pour estre icy demain à disner. »
Le 13 novembre, Henri n’était point encore arrivé. Son entourage, craignant une surprise, l’empêchait de partir. Il se décida pourtant, sur les instances de M. de La Mothe-Fénélon, à quitter Nérac le 13 novembre, pour venir coucher le 14 à Mauvezin. De là il députe à la Reine-Mère, d’abord M. de Miossens, puis M. de Chaumont-Guitry, afin qu’ils tâtent le terrain, voient si on ne lui ménage pas quelque embûche et proposent pour lieu de conférence la ville de Pamiers, ou bien celle de Nérac. Catherine furieuse de se voir ainsi jouée refusa ces deux villes : « Et sur cela s’est retiré ledict Guitry, après toustefois que je luy ay bien lavé la teste, et fait sentir combien luy particulièrement m’avait d’obligation, voire de sa vie, ce qu’il n’a pas nié. » Puis elle envoya Pibrac à Mauvesin, afin de proposer au roi de Navarre Condom, Auch ou Agen, ou en fin de compte Nérac[82].
Celui-ci fit répondre par Pibrac et le vicomte de Turenne qu’il préférait Castelsarrasin, à condition qu’il eut la garde du château. Un conseil fut tenu, et finalement on accepta de part et d’autre la ville de Nérac.
Henri de Navarre ne vint donc point rejoindre les deux Reines à L’Isle-en-Jourdain, comme presque tous les auteurs l’ont écrit[83].
Catherine et Marguerite se décidèrent aussitôt à quitter ce lieu et à se diriger sur Auch et sur Nérac[84].
Le mercredi 19, ladicte dame et son train disne à L’Isle en Jourdain, souppe et couche à Gimont.
« Dès lundi, écrivait Catherine à son fils, Dieu aydant, je partiray d’icy pour aller coucher à Agimont, de là à Auch et à Condom, où je me délibère séjourner tant que je scaiche au vray que leurs dépputés soient tous ensemble arrivés audict Nérac ou ès environs, et qui seront pretz à commencer nostre dicte conférence. »
Ce jour-là, Henri de Navarre se décida enfin à venir à la rencontre des deux Reines. C’est Catherine qui nous l’apprend dans une de ses lettres, du 22 novembre, écrite d’Auch. « Le Roy de Navarre, dès le jour mesme que je party de l’Isle en Jourdain, vint au devant de moy et m’accompaigna jusqu’à Gimont, où il couscha, et vint encore le lendemain disner avec nous en une petite ville nommé Biet (sic)[85], qui est à deux lieues d’icy, dont il alla couscher à my chemin de Florence, où son train et la plupart de ses gens l’attendaient ; mais pour ce que la Reyne sa femme se trouva ung peu mal au Biet, elle y coucha, qui fut cause que je séjournay hier icy l’attendant[86]. »
Le jeudi 20, ladicte dame et partie de son train à Aubyet et le reste à Aulch.
Le vendredi 21, ladicte dame et tout son train disne à Aubyet, souppe et couche à Aulch.
Du 22 au 23, séjour à Aulch avec tout le train.
À cette date du 23 novembre s’arrête brusquement le livre des comptes de la Reine de Navarre et par suite son itinéraire. La correspondance de Catherine que sa fille ne quitta point jusqu’à son départ du Languedoc, l’année suivante, nous permettra de combler facilement cette lacune de trente-huit jours, le livre de comptes et l’itinéraire reprenant au 1er janvier 1579.
Les deux Reines, contrairement aux prévisions de Catherine qui pensait n’y rester que deux jours, séjournèrent à Auch du 22 novembre au 9 décembre 1578. Des incidents mémorables, que nous allons mentionner rapidement, signalèrent leur séjour dans la capitale de la Gascogne.
Catherine, qui avait dû se séparer de sa fille malade à Aubiet, fit son entrée la première le jeudi 20 novembre. Prévenus par une lettre du maréchal de Biron, du 16 novembre, datée de L’Isle-en-Jourdain[87]. les consuls se mirent en devoir de lui préparer, ainsi qu’à sa fille, une superbe réception. Leurs registres nous apprennent en effet que ce jour-là, cinq d’entre eux, en tête desquels marchait le sieur Vivès, qui la harangua, allèrent à sa rencontre « jusques au-dessus de la tour dicte de Las Lasserres et droict le coffin de la ville qui est auprès d’une grande borde sur le chemin de Toulouse. » La Reine « dans une grande coche, saillie sur le derrière », les remercia et les assura de la bonne volonté du Roi. Puis un enfant de la ville prononça un discours d’apparat. Après quoy la Reine fit son entrée par la porte de La Treille, où les consuls lui offrirent les clefs de la ville qu’elle refusa, disant qu’on les gardast pour le Roy son fils. » Elle fut conduite par toute la population « jusques au grand portail de l’église métropolitaine d’Auch, où elle feust receue avec ung Te Deum laudamus par Messieurs du chappitre honorablement en orgues, sonnant les grandes cloches. »
Le lendemain vendredi, 21 novembre, entrait à son tour solennellement la Royne de Navarre. « Au devant de laquelle, nous apprend le même document, et pour lui offrir la ville, feust Me Anthoine Laburguière, licentié, avec une bonne trouppe d’habitans à cheval ; et arrivés à la porte de La Trille, sur les deux heures après midy, les huict consuls avec leurs livrées virent ladicte Royne dans une litière couverte de velours noir, estant les quatre consuls d’ung cousté et les aultres d’un aultre. » Vivès la harangua et lui présenta les clefs, qu’elle refusa comme avait fait sa mère. Puis le cortège se mit en marche, « les consuls ayant mis le poesle sur la litière, sonnant les trompettes à l’entrée ; et les pièces de canon de la ville commencèrent à lascher sur le chevet de la rue du Puy, près l’Escalier Vieilh. » On se dirigea ainsi vers la cathédrale, au-devant de laquelle attendait le chapitre métropolitain en habit de chœur. « Mais pour ce que ladite Royne se trouvait mal, feust conduicte à son lougis, qui estoit à la Chanoynie, et où est la Mirandole. On avait semé les armoiries par les portals ; on avait faict portals de triomphes ; on luy fist chanter par les enfans de la ville des odes à l’entrée de ladicte ville[88]. »
Enfin le lendemain samedi, 23 novembre, entra le Roi de Navarre, « comte d’Armagnac, qui arriva de bon matin, sur les neuf heures, en Aux, veoir les Roynes, auquel dans le chasteau archiépiscopal et au grand tinel d’iceluy se présantèrent lesdits huict consuls, avec ledit Vivès leur assesseur. » Ces derniers ne purent s’empêcher, dans leur harangue, et en lui offrant les clefs, de regretter ce qui s’était passé deux ans auparavant, alors qu’ils lui avaient fermé les portes de la ville. « Non, non, répondit vivement Henri, je ne me souviens point du passé, mais que vous soiez gens de bien à l’advenir. Et prenant, ajoute le procès-verbal officiel, les clefs des mains dudict Vivès, dict tels mots : « Et bien, baillez les clefs ; » et après les rendit audict Vivès, disant : « Tenez, je vous les rends ; si vous m’estes tels que vous devez, je vous seray aussi tel que je dois estre. » Et le soir mesme, ledict seigneur Roy s’en alla à Fleurance[89]. »
Henri de Navarre ne trouva point la Reine-Mère à Auch, « étant allée, écrit Turenne dans ses Mémoires[90], à une tente de palombes, le maréchal de Biron et autres personnes de qualité estant avec elle. Nous trouvasmes la Reyne Marguerite et les filles. Le Roy de Navarre et ladite Reine se saluèrent et se tesmoignèrent plus de préparation à un accomodement qu’ils n’avoient faict les autres fois qu’ils s’estoient veus. Les violons vinrent, nous commençames tous à danser. »
Ici se place le fameux incident de la prise de La Réole par les catholiques, et, en réponse, de celle de Fleurance par le Roi de Navarre. Tous les chroniqueurs l’ont diversement raconté. La légende même s’en est mêlée. Une lecture attentive des textes et des documents authentiques nous permettra de ramener les choses à leur véritable point.
D’après la légende, que nombre d’auteurs présentent à tort comme fait historique, Mademoiselle d’Aquaviva, Anne d’Atri, plus tard comtesse de Château-Villain, « la bouffonne d’Atri » comme l’appelle d’Aubigné dans ses pamphlets toujours empreints d’exagération, aurait séduit à ce point, par ses charmes provocateurs, le vieux baron d’Ussac, gouverneur de la Réole et calviniste des plus zélés, que celui-ci pour se venger des quolibets à lui adressés par les gentilshommes du roi de Navarre aurait ouvert aux catholiques les portes de La Réole, une des plus fortes places de sureté accordées aux protestants par le traité de paix de Bergerac. Cette nouvelle parvint aux oreilles du Roi de Navarre, alors que le bal qu’une certaine Madame de la Barthe donnait à Auch aux deux Cours battait son plein. Henri fit signe à ses principaux lieutenants, quitta le bal, monta à cheval, se dirigea sur Fleurance, s’empara de cette ville et revint le lendemain à Auch, sans que la Reine-Mère ni personne de la cour ne se fussent doutés de l’aventure[91].
La correspondance authentique de Catherine, d’accord en cela avec les Mémoires du vicomte de Turenne, plus tard le duc de Bouillon, Mathieu dans son Histoire du règne de Henri III, etc., rectifient la plupart de ces erreurs.
Turenne nous apprend en effet qu’on dansait « chez les filles de la Reine Marguerite », en l’absence de la Reine-Mère, qui était allée à une chasse aux palombes, lorsque ce samedi 22 novembre, « la danse continuant », le jeune Armagnac arrive de Nérac et prévient le Roi de Navarre que « la nuit précédente La Réole avait esté surprise par le chasteau. » Tous les chefs protestants crurent à une trahison machinée par la Reine-Mère. Le Roi appelle Turenne. « Le premier mouvement, écrit-il, fut si nous estions assez forts pour nous saisir de la ville d’Aux. Il fut jugé que non. Soudain je dis qu’il nous fallait sortir et qu’avec justice nous pouvions nous saisir du mareschal de Biron et aultres principaux qui estoient avec la Reine pour ravoir La Réole. Nous prenons congé de la compagnie, qui trouva nostre despart plus prompt qu’elle ne se l’estoit promis, n’en sçachant l’occasion. » Le Roi de Navarre et sa petite troupe sortent d’Auch. La proposition de s’emparer de Biron est repoussée. En revanche on accepte celle de prendre Fleurance, puis Lectoure. Mais on décide que le roi de Navarre ira au devant de la Reine-Mère « pour lui tesmoigner son offense et son respect » ; ce qui fut fait. « La Reine fit fort l’estonnée et avec raison et donna quantité de paroles pour asseurer une réparation. » Biron de son côté promit « de faire tout debvoir pour faire rendre la place. »
Néanmoins ce qui avait été projeté fut exécuté. Le Roi de Navarre partit pour Fleurance avec sa petite troupe de gentilshommes, y arriva à trois heures de la nuit, força le poste, essuya quelques coups d’arquebusades, s’empara des tours, se rendit maître de la ville et y établit garnison. Cela fait, ajoute Turenne, « nous nous en allâmes à Nérac où toute la négociation fut en allées et venues pour avoir réparation de La Réole. À la fin, il fut résolu qu’elle seroit remise à ceulx de la religion, mais que le sieur d’Ussac en auroit le gouvernement et le sieur de Favas n’y rentreroit[92]. » Chose qu’on n’aurait certes point fait si d’Ussac avait trahi les intérêts des protestants.
La légende de ses amours séniles avec la bouffone d’Atri est donc inexacte, encore plus celle de sa trahison.
En tous cas, Henri ne revint pas à Auch le lendemain, ainsi que la plupart des auteurs l’ont écrit. Les lettres de Catherine confirment en tous points le récit du vicomte de Turenne. Dès ce soir du samedi 22, elle écrit à Damville : « Mon cousin, je suis en extrême peyne et ennuy de la nouvelle qui est veneue à mon filz le roy de Navarre que la Réolle a esté prinse par les Catholicques… Il est party tout soudain aller coucher à Florance, se délibérant à ce que j’ay sceu de s’acheminer du costé de La Réolle, ou j’ay si tost envoyé Beauregard, guidon de la compaignie de mon cousin le mareschal de Biron… Je n’espargneray rien pour en faire la justice, y aiant bien de quoy, s’ilz ne remectent soudainement la ville par doulceur, la forcer et faire battre de pièces et munitions d’artillerye. Etc[93]. » On le voit, Catherine est sincère dans ses désirs d’établir la paix. Ce contre-temps, qui va enrayer les négociations, la rend fort malheureuse et elle dit bien haut qu’elle veult joindre ses forces à celles du roy de Navarre, afin qu’il veoye de quel pied nous marchons pour reprendre ladicte ville[94]. »
Mêmes regrets, même politique, dans la lettre autographe qu’elle écrit de sa propre main au Roi de Navarre à Fleurance, deux jours après, le 24 novembre. « Cet chause me déplet ynfiniment, de peur que cesi aporte quelque remeument soudeyn… Le maréchal de Biron part demayn au matin pour y aller et, s’il est possible, entrer dedens, pour après la vous remectre entre les mayns, ynsin que le Roy la vous ha ballaye. Et moy je m’i achemine aussy, et m’en voy demayn coucher à Gigun, où je desirerès ynfiniment pouvoyr vous voir ; etc.[95]. »
Enfin ce sont les mêmes sentiments qu’elle exprime dans la longue lettre qu’elle écrit le lendemain 25 novembre d’Auch où elle est toujours, et où elle narre au roi son fils avec d’infinis détails toute cette affaire. La vraie cause de la surprise de La Réole, elle la donne ainsi : « Les habitans de La Réolie, se sentant infiniment oppressez et maltraictez du cappitaine Favas, ayant sceu qu’il estoit allé en une maison là auprès, qu’il a acquise à ce que je puis entendre de rapines, seroient, en aulcuns d’eulx catholiques, saisy dudict lieu et chasteau de La Réolle, sans qu’il y soit mort que deux ou trois hommes de ceulx qui estoient dedans. » Quant à la surprise de Fleurance par le Roy de Navarre, elle en atténue singulièrement l’importance. Sa version diffère en tous points de celle de Turenne[96], de Sully[97], et surtout de d’Aubigné[98]. D’après elle, Henri serait entré paisiblement dans Fleurance à dix heures du soir, aurait demandé les clefs de la ville, ce qu’il ne faisait jamais, et armé cinquante à soixante protestants. Les catholiques occupèrent alors les tours. Henri menaça d’y mettre le feu. Un coup d’arquebuse blessa à la jambe un des siens, chose qu’il s’empressa de faire savoir à la Reine-Mère. Celle-ci donna l’ordre à la garnison qui occupait les tours de se retirer, ce qui était déjà fait quand l’ordre arriva[99]. Ce coup de main sur Fleurance ne fut donc pas aussi hardi, d’après elle, que l’ont écrit les chroniqueurs protestants.
Elle a espoir du reste que tout s’arrangera. Elle renonce à aller à La Réole, où elle a envoyé Biron, et ses négociations avec le roi de Navarre sont près d’aboutir.
« Ma fille, la reyne de Navarre, ajoute-t-elle dans la même lettre, faict toujours les meilleurs offices en toutes ces affaires pour le bien de vostre service. » Néanmoins, bien que servant d’instrument docile aux vues de Catherine, Marguerite semble s’être assez désintéressée de la politique durant toute cette première partie du voyage. Son rôle est d’amuser la suite de la Reine, de présider aux fêtes, de faire avec ses dames et ses filles assaut de coquetterie et peut-être aussi de galanterie. « Un jour, écrit Brantôme, elle parut vestue fort superbement d’une robe de toile d’argent et coulombin à la Bolonaise, manches pendantes, coiffée si très richement, et avec un voile blanc, ny trop grand ny trop petit, et accompaignée avec cela d’une majesté si belle et si bonne grâce, qu’on l’eust plustot dicte déesse du ciel que Reyne de la terre[100]. »
À Auch, du reste, écrit Sully dans ses Œconomies royales, « on n’oyait plus parler d’armes, mais seulement de dames et d’amour ; nous devimmes tout à fait courtisant et faisant l’amoureux comme les autres ; ne nous amusans tous à autre chose qu’à rire, danser et courir la bague[101]. » Le temps se passa ainsi jusques au 9 décembre, non toutefois sans que Catherine ait eu le samedi 29 novembre une entrevue avec le roi de Navarre à Jegun, place assez forte, à 17 kilomètres au nord-ouest d’Auch. Après quelques récriminations, il fut décidé de part et d’autre que la conférence, si souvent annoncée, se tiendrait dans la première quinzaine de décembre à Nérac. Catherine rend compte de cette entrevue d’abord au maréchal de Damville[102], puis au Roi son fils, dans une lettre datée de Jégun du pénultième novembre, d’une longueur démesurée[103]. L’affaire de La Réole, celle de Fleurance, les préparatifs de la conférence en font tous les frais.
Marguerite n’accompagna pas sa mère à Jégun. « Et, après tout ce que dessus faict, le Roy de Navarre, s’estant retiré en son logis, m’a soubdain faict dire qu’il desiroit faire acte de bon mary et aller veoyr la reyne sa femme à Auch, dont j’ay esté bien aise, et est à l’instant monté à cheval luy quatre cinquième seullement, et s’y s’en sont allés au galop, m’asseurant qu’il sera demain matin de retour icy. »
Le 4 décembre, Henri se rendit de nouveau et pour la dernière fois à Auch, toujours, disait-il, pour voir sa femme. Il en profita pour signer ce jour-là avec la Reine-Mère un « acte public », en vertu duquel celle-ci s’engageait à restituer La Réole aux Protestants, et Henri de son côté Fleurance aux Catholiques[104].
La Cour allait enfin quitter Auch le lendemain, quand Marguerite retomba malade. Il fallut rester quelques jours encore. « Aussy, comme j’ay dit au Roy de Navarre, écrit Catherine, faut-il donner loisir à madicte fille de se bien guérir, de peur des inconvéniens quy adviennent ordinairement de telles maladies[105]. »
Enfin Marguerite se rétablit, et les deux Reines quittèrent Auch le 9 décembre pour prendre la direction de Valence, Condom et Nérac.
Décembre 1578
Le 9 décembre, ladicte dame disne à Auch, souppe et couche à Condom.
Du 10 au 15 décembre, séjour à Condom avec tout son train.
Les deux Reines arrivèrent à Condom avec tout leur train, le mardi 9 décembre au soir. Elles y séjournèrent près d’une semaine, jusqu’au lundi suivant, 15 de ce mois.
Dès son arrivée, Catherine envoie Pibrac au Roi de Navarre pour qu’il lui fixe le jour exact où elle pourra commencer la fameuse conférence, et aussi pour l’entretenir de l’affaire de La Réole, qui est loin d’être terminée[106]. En même temps, « elle donne charge auxdicts sieurs de Pibrac et de La Mothe, saichans bien que Nérac et les environs ne pourraient pas longuement suffire à la nourriture de tant de gens et de chevaulx qui y seroient, de regarder d’accorder quelque lieu, comme ceste ville (Condom), ou Agen, ou bien le Port-Sainte-Marie, qui n’est pas loing dudict Nérac, pour faire nostre dicte conférence[107]. » Au fond Catherine n’a pas grande confiance en la foi du Béarnais. Elle redoute de s’enfermer dans Nérac, ville huguenote, et si elle ne partage pas les mêmes craintes qu’Henri de Navarre, lors de son séjour à Toulouse et à L’Isle en Jourdain, elle a peur surtout qu’on lui force la main. Aussi, après y être restée deux ou trois jours, espère-t-elle que la conférence se tiendra ailleurs. Ces craintes nous expliquent le long séjour qu’elle va faire au Port-Sainte-Marie, où elle se trouvera plus en sûreté qu’à Nérac même.
En attendant, elle profite de son séjour à Condom pour mettre un peu d’ordre dans les affaires de cette ville. « Car, dit-elle, les querelles d’entre le lieutenant-général et le lieutenant-particulier ont tellement brouillé les habitants qu’ils sont tous divisez, et, oultre cela, soubz coulleur de la confrairie Saint-Pierre, qui y est il y a desja quelque temps, et d’ung aultre de Saint-Arnault qui s’y commance, la noblesse catholique, au moings une bonne partye, y sont attirez, de la sorte que la fin n’en pourrait estre que préjudiciable à vostre service[108]. » À cet effet, elle a réuni les principaux de la ville, les a harangués et leur a demandé « de se despartir desdites confréries, n’y proceddant pas du zèlle qu’ils eussent de prier Dieu, mais pour faire des menées et s’en servir bien souvent à de très maulvaises choses, comme ils avoient bien congneu par ces meurtres qui sont advenus en cette ville, et la hayne si grande que l’on veoit entre lesdits habitans, tous catholiques ; car ceulx qui sont huguenotz ont leur aultre passion à part. » Elle va en référer à la Chambre tripartie d’Agen[109].
Ce court tableau ne nous édifie-t-il pas sur les mœurs étranges et les usages, encore bien peu civilisés, des petites villes de la Gascogne, à la fin du xvie siècle ?
Le 15 décembre, départ de Condom, arrivée à Nérac.
Le 15 décembre au matin, les deux Reines quittèrent Condom et arrivèrent « d’assez bonne heure » à Nérac.
« Le Roy de Navarre, écrit le lendemain Catherine à son fils, s’est accompaigné le plus qu’il a peu, faict et faict faire tout ce qu’il se peult envers nous et ceulx de nostre suitte de bon accueil et de chère, monstrant d’estre infiniment aize que soions venu icy si franchement que nous avons[110]. »
Dès le 6 décembre en effet, Henri de Navarre se préoccupait de l’arrivée et du séjour des deux Reines, et il écrivait ce jour là une lettre à M. de Bourrouillan, gouverneur d’Eauze, pour le prier, lui et M. de Mauhy, de lui envoyer à Nérac tout le gibier qu’ils pourraient prendre[111].
C’est le 15 décembre, nous apprend la lettre de Catherine, rectifiant ainsi les nombreuses erreurs commises par la plupart des chroniqueurs[112], qu’eut lieu officiellement l’entrée de la Reine de Navarre dans sa bonne ville de Nérac. Comme à Bordeaux, comme à Agen, à Toulouse, à Auch, elle fut splendide. Pour un moment se turent tous les dissentiments politiques. Les deux partis mirent bas les armes ; et le peuple, espérant voir surgir, avec le Roi et la Reine de Navarre dans les murs de la capitale de l’Albret, une ère de prospérité et de grandeur, s’associa pleinement à la joie générale.
Les trois Cours, celle de la Reine de Navarre, qui partout passait la première, celle de Catherine, et enfin celle du Roi de Navarre, étaient au complet.
Il serait trop long d’énumérer ici les noms de ces personnages plus ou moins célèbres, qui tous jouaient ou jouèrent plus tard un rôle dans l’histoire politique ou scandaleuse de la Cour de Nérac. Aussi bien a-t-on vu en tête de notre chapitre l’état complet de la maison de la Reine de Navarre. Autour de Catherine étaient groupés les grands conseillers de la couronne et tout l’escadron volant, Madame de Sauves, Dayelle, Anne d’Atri, Hélène de Surgères, de la Vergne, etc. ; et à côté du Roi de Navarre et de sa sœur, la douce et mélancolique Catherine de Bourbon, cette glorieuse phalange de Gascons dont l’intrépidité et l’audace allaient le porter sous peu sur le trône de France, et au premier rang desquels se remarquaient Turenne, Lanoue, Favas, Miossens, de Batz, d’Aubigné, Frontenac, Duplessis-Mornay, Pardaillan, Lusignan, Roquelaure, Lavardin et tant d’autres encore, sans oublier Maximilien de Béthune, baron de Rosny, plus tard duc de Sully.
De tous les écrivains qui ont raconté l’entrée de Marguerite dans Nérac, le comte de Villeneuve-Bargemont est encore celui qui, dans sa Notice historique sur la ville de Nérac[113], nous fournit les renseignements les plus précis. Marguerite fit son entrée, montée sur une haquenée blanche, entre son époux et sa belle-sœur Catherine de Bourbon. « Des poèmes, des vers de tous genres, écrit M. de Villeneuve, exprimèrent à l’envi l’allégresse commune. Salluste du Bartas, qui habitait alors le château d’Hordosse, ne laissa pas échapper cette occasion de mettre ses talens en évidence. Il composa un dialogue en trois langues, qui fut récité à la Reine par trois demoiselles du pays qui représentaient, l’une la Muse Gasconne, l’autre la Muse française, la troisième la Muse latine. » Chacune se dispute la faveur de souhaiter à la Reine la bienvenue. La Muse Gasconne l’emporte ; et son discours en vers est si bien accueilli que Marguerite ravie « s’empresse de détacher de son cou un mouchoir de gaze et l’offre à la demoiselle Sauvage, comme un gage de satisfaction. Longtemps, ajoute M. de Villeneuve, on a conservé dans la famille Sauvage le cadeau que la Reine avait fait à la Muse Gasconne[114]. »
Les deux Reines furent logées au château de Nérac, nouvellement achevé, dont les vastes salles pouvaient facilement contenir tout leur train.
Le château de Nérac, décrit déjà par M. de Villeneuve-Bargemont[115] et par nous[116] tel qu’il se trouvait à la fin du xvie siècle, grâce au plan en relief en liège qui, très exact, est pieusement conservé au Musée de Nérac, affectait la forme d’un vaste quadrilatère. L’aile occidentale, la plus ancienne, flanquée de quatre tours rondes, remontait à la fin du xive siècle. L’aile septentrionale, la seule conservée de nos jours et qui présente encore cette élégante galerie en arceaux surbaissés, soutenus par des colonnes ornées de chapiteaux curieusement ouvragés, date de la seconde moitié du xve siècle. L’aile orientale, donnant sur la Baïse, était l’œuvre d’Alain d’Albret, qui vivait de 1471 à 1522. L’aile méridionale enfin, qui comprenait au rez-de-chaussée la salle des Gardes de vingt mètres de long sur six de large, au-dessus les grands salons de réception, et à l’extrémité, au coin oriental, la chambre du Roi, avait été la dernière construite, les uns disent par Henri d’Albret, d’autres seulement par la mère du futur Henri IV. Un large perron donnait de ce côté sur le jardin du Roi, qui se déroulait, planté d’ifs et de lauriers, sur la rive gauche de la Baïse, tandis que de l’autre côté, sur la rive droite, venait d’être plantée cette magnifique Garenne, qui subsiste encore, et dont Marguerite nous entretient dans ses Mémoires avec tant de complaisance.
C’est dans ce cadre que vont se dérouler pendant sept ans les évènements dont nous avons entrepris de rappeler le souvenir. C’est là qu’au moment même de l’arrivée des deux Reines s’engagèrent ces fameuses négociations, but du voyage de Catherine et si ardemment désirées par elle.
La Reine-Mère cependant ne les mena point avec autant de célérité qu’elle l’aurait voulu. Il lui fallut attendre encore près de deux mois avant d’arriver à ses fins.
Mais reprenons sa correspondance, qui est le guide le plus sûr que nous puissions trouver ; et, résumant le plus sommairement que nous pourrons ses lettres d’une prolixité extrême, arrivons à demêler pendant ces quinze derniers jours de décembre son itinéraire, en même temps que celui, un peu plus difficile à déterminer, de sa fille Marguerite.
Du 16 au 22 décembre, séjour à Nérac avec tout son train.
L’affaire de La Réole n’est point terminée, celle de Lauzerte non plus. En outre Catherine se préoccupe de ce qui est advenu à Périgueux « où Vivans a faict tuer à coup de dague, puis jeter dans la rivière cinq ou six catholiques et sans occasion[117]. » Elle a eu la veille au soir une longue entrevue avec Henri de Navarre, Turenne et Guitry, à la suite de laquelle elle a signé avec son gendre, à l’égard de La Réole, ce qu’elle appelle « des promesses réciproques[118]. » Néanmoins elle craint que la reddition de cette ville ne traîne bien en longueur[119].
Le 18, Catherine écrit, toujours de Nérac où elle est avec sa fille, une lettre à Monsieur de Bellièvre au sujet des affaires de Normandie[120].
Le 20, jour de samedi, elle prévient Damville que « Dieu aydant, elle partira de Nérac lundi prochain pour aller faire sa feste à Agen[121]. »
Elle quitta en effet Nérac ce jour là, mais ne dépassa pas le Port-Sainte-Marie.
Si, pendant ces huit jours passés à Nérac, la politique fut contraire à Catherine, sa fille Marguerite, ses dames d’honneur, le Roi de Navarre, ses courtisans, s’en consolèrent plus facilement qu’elle, en ne songeant qu’aux fêtes, qu’aux bals, qu’aux réjouissances, et disons-le aussi qu’à l’amour.
Jusqu’à ce jour en effet Henri de Navarre et ses amis n’avaient fait qu’entrevoir à La Réole, à Agen, et quelques heures à peine à Auch, le brillant cortège dont s’étaient entourées les deux Reines. À peine le temps pour chacun de jeter leur dévolu sur quelqu’une de ces jolies filles.
Cette première semaine passée ensemble à Nérac aviva leurs flammes ; si bien qu’il faut voir peut-être uniquement dans les sentiments de ces jeunes hommes, aux passions violentes, et dans leur désir de prolonger autant que possible ces heureux moments, les seuls motifs du retard apporté par eux à la fameuse Conférence. À la chronique politique et diplomatique force nous est donc d’associer dès ce moment la chronique amoureuse, et, sans donner la moindre foi aux exagérations du Divorce Satyrique, de nous faire à notre tour l’écho de ce qui se disait sous ce rapport à Nérac.
C’est le sage Sully qui, dans ses Mémoires, nous en apprend déjà fort long : « Le mélange des deux Cours, qui ne cédaient en rien l’une à l’autre du côté de la galanterie, produisit l’effet qu’on devait en attendre. On se livra aux plaisirs, aux festins, ballets et fêtes galantes. Mais, pendant que l’amour étoit devenu l’affaire la plus sérieuse de tous les courtisans, Catherine ne s’occupait que de sa politique. Pour ceste fois elle ne réussit point… De cette bigarrure de politique et de galanterie, il y aurait de quoi grossir considérablement ces Mémoires, etc.[122] »
C’est Marguerite elle-même qui, dans ses Mémoires, proclame hautement les infidélités de son mari, mais non les siennes. « La Reyne ma mère pensait demeurer peu de temps en Gascogne ; mais il survinst tant d’accidents, et du costé des Huguenots et du costé des Catholiques, qu’elle fust contrainte d’y demeurer dix-huit mois ; et, en estant faschée, elle vouloit quelquefois attribuer que cela se faisait artificieusement pour voir plus longtemps ses filles, pour ce que le Roy, mon mary, estoit devenu fort amoureux de Dayelle, et M. de Thurene de La Vergne ; ce qui n’empeschoit point que je ne reçeusse beaucoup d’honneur et d’amitié du Roy, qui m’en tesmoignait aultant que j’en eusse peu désirer[123]. »
Il est donc bien avéré, sans aller plus loin, que le Roi de Navarre, dédaignant Mme de Sauves, brûlait d’amour pour Dayelle, la belle Grecque, échappée miraculeusement d’après d’Aubigné au sac de Chypre en 1571 et sœur de l’historien Davila ; que Turenne n’avait des yeux que pour Mademoiselle de La Vergne ou de La Vernay, comme l’écrit Castelnau, toutes deux demoiselles d’honneur de Catherine ; que Marguerite, oubliant les absents et les morts, Henri de Guise, La Mole, Bussy, semblait se rapprocher de Turenne ; que Pibrac enfin, « ce vieux fou de Pibrac », ne craignait point, malgré ses cheveux blancs, de se jeter aux pieds de Marguerite « qui ne le regardait même pas. » Marguerite est l’âme de toutes ces fêtes. C’est elle qui préside au bal, qui mène la danse, qui organise les collations, répondant ainsi aux secrets désirs de sa mère, la rusée Florentine. Aussi un de nos plus aimables poètes a-t-il pu avec raison s’écrier :
« Quel désastre à Nérac ! Ces yeux d’enchanteresses,
Comme neige au soleil, fondirent tous les cœurs ;
Vénus, comme toujours, y vainquit les vainqueurs.
Mars désarmé baissa le front sous les caresses
De la grecque Dayelle, et Fosseuse et Rebours
Firent de son grand casque un nid pour les amours[124]. »
Henri de Navarre du reste ne négligeait rien pour rendre le séjour de Nérac agréable aux deux Reines et à leur suite. Les livres des comptes, à l’article dépenses, conservés à Pau[125], nous édifient pleinement à ce sujet. « Il paie 138 livres à maître François Geoffrion, son apothicaire, pour l’achat d’un tonneau de vin de Graves, pris à Bordeaux, et l’avoir fait mettre en bouteilles et apporter à Nérac, pour servir aux festins faits par S. M. aux Reines. »
« Idem, au sieur d’Espalungue, écuyer de son écurie, 500 l. 13 sols t. pour onzes pipes de vin blanc et clairet, achetées à La Réole pour la venue des Reines. »
« À Jehan de Lignac, chasseur, demeurant à Nérac, 13 l. 6 s. pour 50 perdrix vives, 46 cailles, 8 tourtres, 12 palombes et un épervier que S. M. a achetés. »
« À François Du Vignau, l’un des jardiniers du Roy ès jardins du château de Pau, 50 l. t. pour faire porter de Pau à Nérac des pavies, pêches, poires et autres fruits, en deux voiages. »
« Puis, c’est un don de 25 écus à des joueurs de violon[126] ; de « 35 écus à Masimiano Milanino, chef de la compagnie des comédiens italiens, qui suivent le Roi[127] ; à Guillaume Meret 6 l. 10 pour aller et retour de Nérac à Pau, chercher du beurre frais et des milhas pour servir aux festins faits par S. M. aux Reines ; à divers habitants de Nérac, 44 l. 19 s. t. pour louage de chevaux qui avaient esté prins pour porter et conduire les Italiens, joueurs de comédies, par ordre du Roy, durant les festins, à la Vénerie et arrivée de la Reyne-Mère, du Roy et de la Reyne, nostre maîtresse. »
Et toujours « à Jehan Perichot, sommelier de panneterie, 7 l. 5 s. t. pour deux douzaines de grands couteaux achetés pour servir aux festins que S. M. donna à la Reine-Mère et aux dames et filles de sa suite, durant le mois de février. » Enfin « à Bertrand, laquais du Roy, 43 s. 6 d. t. pour sa dépense et celle de quatre de ses compagnons, étant allé conduire la Reine, nostre maîtresse, du Port-Sainte-Marie à Agen » et, dépense caractéristique, « le 7 février 1579, le Roy étant chez Madame et chez les filles, deux boîtes de massepains, 3 écus, 15 sols t. ; une boîte de massepains à M. de Roquelaure pour porter chez les filles ; pour le Roy, douzes onces de sucre pour les filles de la Reine-Mère, pour leur faire de l’eau sucrée ; massepains pour elles, au sortir du bal ; enfin, détail plus caractéristique encore, le 11 mars, par ordre du Roi, pour Mlle Fousuze (sic), une fiole de sirop de capillaire et jumbe par l’ordonnance de M. de la Magdaleine, un sirop somnifère, conserves de roses, sucre candi, etc.[128] »
Mais n’anticipons pas.
Nous avons laissé les deux Reines à Nérac le dimanche 21 décembre. Elles en partirent le lendemain 22 pour le Port-Sainte-Marie. Bien que les livres de comptes de Marguerite contiennent une lacune jusqu’au 1er janvier suivant et que nous ne puissions ainsi préciser d’une façon absolue quel fut son itinéraire durant ces quinze derniers jours de l’année 1578, les lettres de sa mère sont assez explicites pour nous permettre d’affirmer non seulement qu’elle la suivit au Port avec une partie de son train, mais qu’elle ne la quitta même pas de tout ce mois de décembre.
Du 22 au 31 décembre, séjour au Port-Saincte-Marie.
Le départ de la Reine de Navarre, suivant sa mère au Port-Sainte-Marie, est précisé par cette lettre de Pinart au Roi, datée de cette dernière ville. « Le sieur Pinart mande au Roi que la Reyne sa mère et la Reyne de Navarre sont parties de Nérac et sont arrivées au Port-Sainte-Marie[129]. »
Catherine ne voulait et ne pouvait point rester dans Nérac, ville huguenote, pour les fêtes de Noël. Elle choisit le Port-Sainte-Marie, aussi bien pour faire librement ses dévotions ce jour-là qu’avec l’espoir que ce serait dans ce lieu ou tout autre voisin, mais jamais à Nérac, que se tiendrait la conférence.
« Il y a, écrit-elle à son fils le jour de la feste de Noël, une petite abbaye de religieuses qui est tout icy contre, mais de-là la rivière de la Garonne, où nous pourrions nous assembler, si leurs dépputez font difficulté de venir en cette ville. Je pense en avoir response avant disner, et peut-estre que mondict fils le roi de Navarre, à ce que m’a dict ma dicte fille, pourra venir icy à disner, afin que nous nous résouldions du lieu et du jour ; car ils n’ont plus d’excuses et ne sçauroient avec que raisons davantaige prolonger, estans tous leurs dictz députez arrivez, ou ce qui reste à venir sera icy demayn[130]. »
Catherine fait allusion dans cette lettre au prieuré du Paravis, situé sur la rive gauche de la Garonne, dans la plaine, en face du Port-Sainte-Marie, qui était un couvent de filles nobles de l’ordre de Fontevrault. Fondé en 1130 par Amalvin de Paradis et sa femme Onor, sous l’épiscopat de Raymond Bernard du Fossat, ce monastère prospéra jusqu’à la Révolution[131]. Il n’en reste plus aujourd’hui que l’église, vaisseau roman du xiie siècle, de 47 mètres de long sur 9 de large à l’intérieur, une partie des cloîtres, refaits en 1604 après les dévastations commises par les troupes protestantes du capitaine Marchastel en septembre 1569, et, sans doute grâce aux libéralités de Catherine qui semble l’avoir affectionné tout particulièrement, quelques autres constructions appropriées aux besoins modernes. L’inventaire des titres du couvent du Paravis, qui attend encore son historien, gros registre in-folio d’une réelle importance, a été retrouvé naguère dans une maison du Port-Sainte-Marie et acheté pour la bibliothèque départementale de Lot-et-Garonne.
Dans sa remarquable Introduction au tome vi des Lettres de Catherine de Médicis, p. xii, M. le comte Baguenault de Puchesse écrit sur la foi d’un simple renseignement, fourni par notre regretté collègue M. Ph. Tamizey de Larroque, que pendant tout son séjour au Port, c’est-à-dire durant six semaines entières, Catherine logea au couvent du Paravis. Nous croyons cette assertion erronée. Toutes les lettres de Catherine, à cette époque, sont en effet datées, non du Paravis, mais du Port-Sainte-Marie. Le Paravis était en outre sur la rive gauche, c’est-à-dire en Gascogne ; le Port-Sainte-Marie sur la rive droite, en Agenais, c’est-à-dire dans le domaine de sa fille. Au Port, Catherine était chez elle ; au Paravis, elle aurait été plutôt chez son gendre. De plus, avec toute sa suite, aurait-elle pu se loger dans un monastère relativement petit et déjà entièrement occupé par les religieuses ? Nous croyons donc que durant ces six semaines la Reine-Mère et sa fille logèrent au Port-Sainte-Marie même, et s’il fallait leur assigner une maison plutôt qu’une autre, nous pencherions pour le fort de Balan, vieux logis sur les bords mêmes du fleuve, qui passait, il y a quelques années encore avant d’être en partie détruit, pour avoir servi de tout temps à recevoir les hôtes illustres.
Malgré les visites presque quotidiennes du roi de Navarre, les négociations n’étaient pas près d’aboutir. Elles étaient arrêtées par de continuelles complications, telles que l’affaire de Lauzerte, celle de Périgueux, la prise de Langon par les catholiques pour venger le meurtre du capitaine La Salle du Siron[132], un des leurs, par les habitants presque tous huguenots, et surtout l’affaire de La Réole, toujours en suspens.
Condom cependant avait été pacifié. « Je disposé si bien les choses, « écrit Catherine à son fils, quand j’y feust et despuis j’ay escript si fréquemment pour les faire vivre en paix, puisque les deux lieutenans en estoient sorty, que lesdits habitans se sont accordez d’observer ung ordre duquel je vous envoi le double et que le sieur de Saint-Orens que j’y ay laissé, le chevalier de Montluc et les autres gentilzhommes et habitans ont signé[133]. »
Un grand conseil est tenu au Port, le 26 décembre, « où estoient le Roy de Navarre, le vicomte de Turenne, Guitry et Segur » et du côté de la Reine-Mère, sa fille et tous ceulx du conseil. Les affaires de Langon, de la Réole, en ont fait les frais ; et il a été décidé en outre qu’on choisirait Nérac comme lieu de la conférence. « Car, si l’on parloit de changer ledict lieu de Nérac avant que lesdicts députez y fussent arrivez, il y auroit danger, entendant ces nouvelles, qu’ilz s’en retournassent ; ce qui m’a faict taire, » écrit mélancoliquement Catherine. Et elle ajoute :
« Excusez-moy, si je ne vous escriptz pour ceste heure de ma mayn ; car j’ay mon mal de bras que m’avez veu quelquefois, qui me descend jusques sur la main que j’en ay enflée. Mais j’espère pourtant d’en estre bientost de tout guérye[134].
La patience de la Reine-Mère est extrême ; et il n’est pas de choses qu’elle ne fasse pour asseoir la paix. « Il y a beaucoup de leur costé, aussy bien que du nostre, qui font tout ce qu’ils peuvent pour nous troubler. Toustefois, je persévère tousiours pour surmonter tout cela. »
Là est sa vraie politique. Elle ne voit rien en ce moment que le bonheur du Royaume ; elle ne négocie que pour l’intérêt de ses sujets.
Ainsi se passa cette fin de l’année 1578, chaque parti gardant ses positions, mais le Roi de Navarre d’un côté, la Reine-Mère de l’autre, n’épargnant aucune peine pour arriver à la solution tant désirée.
ANNÉE 1579
« Maison de la Royne de Navarre. — Estat des gaiges des dames, damoiselles, etc.[135]
En plus : | ||
Mme de Mioxent |
100 éc. | |
Mme la comtesse de Carmin |
— | |
Mme d’Arpa |
— | |
Mme de Verne |
— | |
Mlle de Gerponnite |
14 éc. 11 l. |
En plus : | ||
Villesavin |
66 éc. | |
Monluc |
83 éc. | |
Duras |
— | |
Mauléon |
— | |
En moins : Marguerite Burgensis. |
En plus : | ||
Guillemette Martin |
100 éc. 1 l. |
Le sieur de Fongramier remplace le sieur du Conte
|
Le sieur de Fredeville remplace le sieur de La Bussière
|
En plus : | ||
Le sieur de Tuty |
100 l. |
En plus : | ||
Me Richard Coquelet |
1 éc. | |
Me Michel de Conches remplace Me François Dasquanel
|
Michel Ferré, mais pour le quartier de Janvier seulement |
33 éc. 1 l. |
Me Channin |
40 éc. | |
Me Thibault |
— | |
Me Baudres |
— | |
À la place de Mes Firmin Morran et Guérin de Mizan
|
En plus : | ||
Jacques Le Doux |
1 éc. 2 l. | |
Daniel David |
— | |
Pierre Lefilassier |
— |
En plus :
Loys Binard, dict La Porte |
66 éc. 2 l. | |
Jacques de Namur |
— | |
Eustache de Namur |
— | |
Gilles Le Fevre |
— | |
Bernard Binard |
— |
Nicolas Cambronne |
133 éc. 1 l. |
En plus : | ||
Me N. de la Burthe |
100 éc. | |
Me François Duhamel |
1 éc. 1 l. | |
Me Jehan Benoist |
— | |
Me Grégoire Fouquelin |
— | |
Me Pierre Morin |
— | |
Lesquels remplacent Mes Denis et Pierre Tronne.
|
En plus : | ||
Gabriel de Flexelles, marchand, fournissant l’argenterie |
3 éc. 1 l. | |
Jehan Asseline, drapier |
— | |
Nicolas Regnault, vertugadier |
1 éc. 1 l. | |
Pierre Laroze, brodeur |
1 éc. 1 l. | |
Peu ou pas de changements pour les autres offices subalternes.
|
Pour Paris : 8 conseillers. | ||
Pour Toulouse : 4 conseillers qui sont : | ||
Me de Borderya, docteur et avocat en la Cour du Parlement de Tholouse |
10 éc. | |
Me de Lacroix |
— | |
Me d’Espenha |
— | |
Me Jehan Bour, procureur |
— | |
Pour Bordeaux : 4 conseillers. | ||
Me N. de Labarthe, advocat en ladite Cour |
10 l. | |
Me Pierre Thibaut |
— | |
Me de Labye |
— | |
Me Caprary, procureur |
— | |
Pour l’Agenais : 2 conseillers. | ||
Me N., advocat |
8 l. | |
Me N., procureur |
6 l. | |
Pour le Quercy : 2 conseillers. | ||
Me Anthoine de Regamat, avocat à Cahors |
8 l. | |
Me Jehan Ressanges, procureur |
6 l. | |
Pour le Rouergue : 2 conseillers. | ||
Me Duroy, avocat à Villefranche |
8 l. | |
Me N. procureur audit lieu |
6 l. |
Du jeudi 1er janvier au vendredi 2, séjour au Port-Saincte-Marie avec tout son train.
Le samedi 3, ladicte dame et partie de son train disne, souppe et couche à Nérac, et le reste dudit train audit Port Saincte-Marie.
En reprenant jour par jour, dans le volume 164, à partir du 1er janvier 1579, les dépenses et les déplacements de la Reine de Navarre, ses précieux livres de comptes nous font voir combien Marguerite restait peu oisive, et, tantôt au Port auprès de sa mère, tantôt à Nérac auprès de son mari, s’employait comme négociatrice habile entre les deux partis. Toute dévouée d’abord aux intérêts de la Reine-Mère, elle plaide chaleureusement sa cause et celle de la Cour auprès de son royal époux. Mais elle se prend bientôt à ses propres filets et se laisse si bien séduire par le rusé Béarnais qu’elle passe dans le camp adverse et entre tellement dans ses vues qu’elle obtient de sa mère, aux conférences qui vont suivre, les conditions les plus avantageuses pour le parti réformé.
Le dimanche 4, ladicte dame et son train estant audit lieu de Nérac et le reste du train au Port-Saincte-Marie.
Dans sa lettre du 4 janvier au Roi son fils, Catherine écrit : « Ma fille la Royne de Navarre alla hier matin à Nérac pour veoir son mary, que l’on nous avoit dict estre mallade de la migraine. Toutesfois elle trouva tout icy contre, la rivière seulement entre deux[136], et se met avecques elle au chariot, et s’en allèrent ensemble audict Nérac, où ma dicte fille séjournera encore aujourd’huy et ne retournera icy que demain[137]. »
Et l’un de ses grands arguments pour hâter la tenue de la Conférence est de lui remontrer « combien ce lieu du Port-Saincte-Marie est mal sain, ainsi que de vray il est, estant enfermé de fort près d’ung costé de la rivière et de l’aultre d’une haulte montaigne. Aussy n’y ais-je poinct esté à mon aise despuis que j’y suis arrivée, et sur cela le persuader que nous allions faire nostre dicte conférence à Villeneuve, où il y a deulx villes, et que je luy en baillerois une pour luy et les siens, et nous aurions l’aultre. »
L’idée de Catherine de choisir Villeneuve, terrain neutre, où chaque parti occuperait un côté de la ville et serait maître chez lui, n’était point mauvaise. Six années à peine s’étaient écoulées depuis la Saint-Barthélemy. De chaque part on redoutait une surprise et on cherchait à se prémunir contre toute trahison. Mais là encore la Reine-Mère ne réussit pas et dut faire une nouvelle concession.
Le lundi 5, ladicte dame et tout son train tout le jour au Port-Saincte-Marie.
« Cependant, je vous diroy, Monsieur mon filz, écrit Catherine, que mon filz le Roy de Navarre et vostre sœur revinrent hier matin de Nérac disner icy [Port-Sainte-Marie], où mon dict filz le Roy de Navarre a cousché ; dont je suis très aize ; car chascun congnoist par là la bonne intencion que nous avons à la paix, et sera cela cause de faire davantaige contenir les ungs et les aultres, à qui les mains demangent et qui ne cherchent qu’à troubler et empescher ce bon et sainct œuvre[138]. »
Et pour prouver son bon vouloir, le Roy de Navarre remettait ce jour-là à la Reine-Mère la promesse authentique de lui rendre Fleurance, aussitôt que La Réole lui serait revenue, » demandant en même temps la restitution de Lauzerte[139].
Du 6 au 19, séjour au Port-Saincte-Marie, avec tout son train.
C’est de cette époque, 10 janvier 1579, que date la lettre de Marguerite à Pomponne de Bellièvre, publiée déjà par M. Ph. Tamizey de Larroque[140]. Elle lui demande de « voulloir bien s’employer et faire en sorte qu’elle puisse sans aucune longueur et difficulté joyr du revenu de ses terres pour cette année », lesquelles sont presque toutes occupées par les Réformés et qui se montent « à soixante mil tant de livres. » Elle le désire, « attendu la grande nécessité de mes affaires et la despence qu’il m’a convenu et convient faire en ce voiage ».
Quant à Catherine, elle se plaint toujours à son fils de la lenteur apportée par les Protestants à la Conférence. Elle le met au courant de ce qui se passe à La Réole et à Condom, où « malgré tout, ils sont si anymez les ungs contre les aultres que ilz y sont en plus grand garbouge qu’ilz ne furent oncques. » Elle a mandé les sieurs de Saint-Orens et de Léberon auprès d’elle et a laissé la garde de la ville au chevalier de Monluc. Elle y enverra sous peu Bajaumont pour rétablir l’ordre[141].
Le Roi de Navarre « qui depuis deux jours étoit à la chasse, est venu ce soir soupper et couscher icy [au Port], délibérant de s’en aller demain à Nérac, où il trouvera les depputez de ceulx de sa religion arrivez, à ce qu’il m’a dict ce soir [13 janvier][142]. »
Ils arrivèrent en effet à Nérac, le lendemain et surlendemain 14 et 15 janvier, ces fameux députés Réformés, « lesquels, écrit Catherine, ne sont pas guères bien d’accord entre eux, aians diverses réquisitions à faire, et sont leurs cahiers fort gros, à ce que m’a rapporté le sieur de Pibrac. »
Henri voudrait Villeneuve pour lieu de la Conférence, à condition qu’on lui abandonnât la partie de la ville qui est au nord de la rivière, c’est-à-dire la plus considérable. Les députés préfèreraient Montauban. Mais, plutôt que de les laisser partir, Catherine est prête à tous les sacrifices, et, si elle ne peut les faire venir « à l’abbaie du Paravis », elle est décidée à aller à Nérac[143].
Le mardi 20, ladicte dame et tout son train disne au Port-Saincte-Marie, et icelle dame avec une partie de son train souppe et couche en la ville de Nerac, et le reste dudict train demeurant audict Port-Saincte-Marie.
Des mercredi 21 au vendredi 23, séjour à Nérac avec partie de son train.
Catherine envoya à ce moment sa fille à Nérac, afin que par son éloquence comme par son ascendant elle en imposât à tous ces députés « qui ne veulent la guerre que pour s’enrichir de la substance du pauvre peuple, estant bien aizé à veoir qu’ils avoient quelque meschante chose cachée au cœur[144]. » Elle compte « qu’elle fera dextrement d’elle-même tout ce qu’elle pourroit pour faire nostre dicte conférence icy. » « Et elle l’admoneste encores de faire tout ce qu’elle pourra envers son dict mary pour l’accélerer. »
À partir de ce moment, Marguerite entre véritablement en scène en tant que femme politique. Jusqu’alors son rôle n’avait été que décoratif. Les plaisirs, les jeux, les fêtes, les représentations étaient demeurés son apanage. Aussi n’a-t-elle que peu ou point écrit. On ne trouve en effet d’elle, tant dans les recueils manuscrits que dans le volume de Guessard[145], que des lettres insignifiantes, antérieures à cette époque. L’heure est venue où il va falloir compter avec la Reine de Navarre et où sa correspondance, qui malheureusement n’est presque jamais datée, nous fournira un appoint considérable pour voir clair dans cet imbroglio d’intrigues et dans ce déchaînement de toutes les passions.
Du samedi 24 au samedi 31 janvier, séjour au Port-Saincte-Marie, avec tout son train.
L’aimable ambassadrice eut un plein succès à Nérac. Elle revint le 24 janvier trouver sa mère au Port et l’assura que rien ne s’opposait plus à la Conférence. L’affaire de La Réole était terminée. Favas en était sorti ; d’Ussac avait été réintégré dans le poste de gouverneur, et Fleurance allait être rendue par le Roi de Navarre. Catherine exulte et ne peut cacher sa joie à son fils. Elle veut partir dès le lendemain 27 janvier. « Mais les eaux de la Garonne sont si fort creues depuis deux jours qu’il est impossible de pouvoir passer nos charriotz, coches et charroiz, et je crains bien que les eaux ne s’escoulent pas sitost (à ce que dient ceulx de ce pays)[146]. »
Marguerite profita de ce retard pour écrire à la duchesse d’Uzès, (Françoise de Clermont, femme de Jacques de Crussol, duc d’Uzès) celle que Catherine appelait sa Commère et Marguerite sa Sibille, et qui, venue avec les deux Reines, s’en était retournée peu de temps avant à la Cour, plusieurs lettres où percent la mélancolie et l’ennui d’un si triste séjour, en même temps que ses regrets de ne plus l’avoir auprès d’elle :
« Si cette compagnie estoit aussy fertile de nouvelles que la Court, j’aurois, ma Sibille, de quoy vous rendre preuve que je ne vous veux rien cacher ny dissimuler ; mais vivant sans aucune nouveauté, toujours en mesmes desseins et mesmes actions, je ne puis, etc.[147]. »
Autre mésaventure. Catherine tombe malade et elle est obligée de s’aliter, « ayant esté toute ceste nuict fort travaillée de mon catarre et mal de cuisse, pour lequel il falloit nécessairement que je prisse, ceste nuict, des pillules et me purger à bon essient, de sorte que je pourrais partir d’icy que mardi de la semaine prochaine pour « aller à Nérac[148]. »
Dépense totale pour le mois de janvier : 2, 738 écus, 46 sols, 1 denier. Le tout payé.
Du 1er au 2 février, séjour au Port-Saincte-Marie avec tout son train.
Ce jour-là Marguerite renouvelle à Bellièvre sa demande d’argent[149].
Le mardi 3, ladicte dame et son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Le 3 février, Catherine se décide enfin à se rendre à Nérac avec toute sa Cour, malgré les avis défavorables qui lui arrivaient de partout. On l’assure que les Protestants « préparent quelque grande entreprinse à exécuter et ont délibéré prendre la revanche de la Saint-Barthélemy[150]. » Mais la Reine-Mère a confiance dans la parole du Roy de Navarre, et, comme elle veut par dessus tout en finir, elle s’abandonne bravement à son sort : « Espérant en Dieu, auquel j’ai toute ma fiance, qu’il me fera la grâce que nous y ferons une bonne et heureuse fin, et bientost, pour l’exécution et l’establissement de la paix[151]. »
« Mardy, troysiesme de febvrier, écrit dans son journal le secrétaire du maréchal de Damville[152], la Royne-Mère du Roy partit du Port-Saincte-Marie après disner et arriva à Nérac sur le soir, où l’on avait préparé le chasteau dans lequel Sa Majesté, MMrs les Princes, le cardinal de Borbon deux frères du prince de Condé, et le prince Daulphin sont logés, avec les Roy et Reyne de Navarre. Ledit sieur roy de Navarre ala recuillir la Reyne jusques au Port, et s’embarqua sur le poinct que la Reyne passoit, sy bien qu’ils se rencontrèrent au milieu de la rivière de Garonne. Messieurs de Vallence, de Foix, de Pibrac, de Saint-Sulpice, de la Mothe-Fennellon et de Clermont, qui sont du conseil, estoient arrivés audit Nérac le judy auparavant. »
De son côté, Catherine raconte aussi à son fils son arrivée à Nérac, « où le Roy de Navarre fist très bien l’honneur de sa maison, nous ayant reçeus et festoyés de si bon cœur que ceulx qui sont avec moy commencent à perdre le doubte et la peur qu’ils avaient. » Elle fait part des craintes de son entourage à son gendre, « lequel ajoute-t-elle, m’a faict de si expresses promesses, non seulement pour moy, mais aussy pour tous ceulx qui me suivent, que toutes doubtes et soupçons sont maintenant levés[153]. »
Que devait penser la Reine-Mère, à cette heure et dans son for intérieur, du crime commis par elle le 25 août 1572 ? Ne sont-ce pas les souvenirs et peut-être aussi les remords de cette nuit sanglante qui la rendirent si conciliante, alors qu’elle se sentait à son tour à la merci du fils de Jeanne d’Albret, et qu’elle dut s’incliner devant sa grandeur d’âme, son pardon, sa générosité ?
La plupart des chroniqueurs, M. de Saint-Poncy[154] entre autres, et sans doute par mégarde M. le comte Baguenault de Puchesse, toujours si exact et si sûrement informé[155], assignent à cette date du 3 février 1379 l’entrée solennelle de la Reine de Navarre dans Nérac, celle où la demoiselle Sauvage, en Muse Gasconne, et les deux autres jeunes filles lui souhaitèrent la bienvenue. Ce n’est pas le 3 février, mais bien le 15 décembre précédent, ainsi que nous l’avons raconté, qu’eut lieu cette cérémonie. Aucun doute ne saurait exister. D’abord Catherine l’écrit tout au long, au début de sa lettre du 16 décembre : « ce jour où vostre sœur fist son entrée », tandis qu’en février elle ne signale aucun fait de ce genre. Puis, comment admettre que cette entrée ait été renvoyée à cette dernière date, alors que depuis près de deux mois nous avons vu Marguerite servir d’intermédiaire entre sa mère et son mari, ne ménageant ni sa peine, ni son temps, pour se rendre presque chaque jour à Nérac.
Il faut donc définitivement fixer au 15 décembre 1578 la date de son entrée officielle dans sa bonne ville de Nérac, qu’elle voyait ce jour là pour la première fois.
Du mardi 4 au samedi 28 février, séjour à Nérac avec tout son train.
Les articles qui furent signés entre les deux partis, à la suite des Conférences de Nérac, accordèrent des avantages considérables aux Protestants. Ils le durent à la lassitude de la Reine-Mère, à la diplomatie de la Reine de Navarre, qui, d’abord docile instrument des volontés de Catherine, comprit que dès lors qu’elle devait rester avec son mari il était plus avantageux pour elle de seconder ses desseins, passa presque ouvertement dans le camp ennemi et y entraîna son chancelier Pibrac, de plus en plus captivé par ses charmes. Ils le durent surtout à la souplesse en même temps qu’à l’énergie de leur chef Henri de Bourbon, dont les qualités supérieures triomphèrent de l’expérience et de l’habileté pourtant bien grandes de la fille des Médicis.
La plupart de nos historiens n’ont prêté qu’une attention médiocre à la Conférence de Nérac. Ils ignoraient probablement le texte des articles imprimés cependant depuis longtemps, et surtout les détails des longues négociations entamées de part et d’autre. De récents travaux d’histoire locale et principalement la publication nouvelle de ces articles[156], des « remonstrances des Ministres huguenots au Roi Henri III sur les moyens d’assurer le rétablissement de la paix, avec des notes de Catherine de Médicis en réponse[157] » ; du « discours de ce qui s’est passé à la Conférence de Nérac, rédigé par le secrétaire du maréchal de Damville[158] » ; enfin « d’un autre discours de ce qui s’est passé à la Conférence de Nérac[159] ; » auxquels nous renvoyons nos lecteurs, sont maintenant suffisamment connus pour que nous n’ayons pas à nous y arrêter outre mesure.
La Conférence s’ouvrit le lendemain même de l’arrivée de Catherine à Nérac, c’est-à-dire le mercredi 4 février 1579. Le Roy de Navarre, dit le journal du secrétaire de Damville, est assis avec sa femme près la Reyne, et tous les depputez demeurent debout et descouverts. » Assistèrent à cette première séance : « mes cousins le cardinal de Bourbon et prince Dauphin, et les aultres de vostre conseil qui sont icy (c’est-à-dire le duc de Montpensier et son fils, Joyeuse, Valence, Foix, Lansac, Lamothe-Fénelon, Pibrac, Duranti) où est veneu mondict fils le Roy de Navarre, suivy du vicomte de Turenne, Guitry, Segur et Gratin, et après eux des depputez, à sçavoir : Bouchard pour mon cousin le prince de Condé, de Meaupré, Poucaires, de Causse, de Vignolles, Yolet, Scorbiac, de la Place, Bérauld, de Lamer, Gebeaulin et Dupont, ayant ledit Scorbiac porté la parole pour tous et vous asseure, Monsieur mon fils, qu’il a fort honnestement parlé, etc.[160]. » Catherine lui répondit non moins éloquemment. On se fit toutes sortes d’assurances et de bonnes promesses. Finalement les députés remirent le long mémoire que nous venons de signaler et que la Reine-Mère promit d’examiner avec la plus grande attention, puis d’envoyer de suite au Roi. Catherine a le ferme espoir que tout s’arrangera ; car elle sait de bonne source que « s’ils demandoient beaucoup, ils se contenteroient de peu. »
La Reine Marguerite, absente ce jour-là, assista depuis à toutes les réunions.
Il ne faut pas croire, comme d’aulcuns l’ont écrit, que ces Conférences de Nérac se soient passées en bals et amusements[161]. La correspondance de Catherine nous prouve que les journées entières, sauf celles où « elle se purgeait », étaient employées à tenir séance, aussi bien le matin que dans l’après-dîner, et à discuter les articles. Elle nous nomme tous les députés qui prirent la parole, Scorbiac « qui a esté cejourd’huy très faible », Vignolles, Laplace, Lamer, Berauld, du côté protestant, et, leur donnant la réplique, les sieurs de Valence, de Foix, de Pibrac, de Lansac, et aussi le cardinal de Bourbon.
« Il y a longtemps, écrit-elle, que je n’ay travaillé tant et si longuement, pour quelque grande affaire qui ait esté traictée. Mais nous voilà prets à fondre la cloche, et espère que demain ou après nous ferons enfin une bonne résolution du tout[162]. »
Le Roi de Navarre continue à la bien traiter. C’est son unique satisfaction. Quant aux députés, « ils ressamblent tous à des ministres ou à des oiseaulx que vous savez » écrit-elle à sa commère, la duchesse d’Uzès, lui confiant « qu’elle se trove encore un peu mal de sa mayn, et prendra encore samedi prochain médecine » « laquelle mayn vous conesé, dit-elle en terminant, come de la plus seur amye que aurès jeamès[163]. »
Un moment même Catherine est si découragée « qu’elle demande conged et leur parle royallement et bien hault, jusques à leur dire qu’elle les ferait tous pendre comme rebelles. Sur quoy la Reine de Navarre se mist en devoir d’apaiser le tout, mesme plura, suppliant sa Mère de leur donner la paix[164]. »
La grande difficulté est de s’entendre sur le nombre des places de sûreté que détiennent les Protestants et qu’ils veulent toutes garder. D’abord ils en demandent plus de soixante ; puis ils réduisent ce nombre à vingt-quatre ; tandis que Catherine ne veut leur en concéder que six, oultre les huict qu’ils ont par l’édit. » Cette clause, qui est discutée de part et d’autre avec beaucoup d’aigreur, retarde la solution désirée.
Il y a aussi le mariage « du sieur de Miossens avec la demoiselle du Pont » qui empêchera le Roi de Navarre de venir le 22 février. « Toutesfoys, dit Catherine, je ne les laisseray pas en repos. »
Enfin la Conférence est terminée. Dès le 25 février au soir, Catherine l’écrit de sa propre main au maréchal de Damville : « La Conférence ayst achevée, Dieu mersis, et avons résolu l’exécution entière de l’édist, comme voyrés par la despêche que aurés si après[165]. » Et un peu plus loin au même. « Nous avons tant fest que nous avons achevé cette belle Conférence, qui m’a donné tant de pouine que je serès bien marrye qu’ele feult ynutile. » À son fils en effet, dans une sorte de résumé de toutes les difficultés qu’elle a rencontrées durant ces huit derniers jours, elle écrit « de sorte qu’il est advenu souvent et quasy tous les jours, qu’après avoir bien travaillé et contesté avec grande peine et labeur et infinies crieryes de part et d’aultre dont j’avais la teste continuellement tant estourdye et rompue durant ce long temps de nostre dicte conférence que je m’esbahys que n’en ay esté mallade, nous nous trouvions sans avoir rien fait. » Enfin, après d’infinis détails qu’elle donne sur cette dernière période des négociations, elle annonce qu’elle va partir pour le Port-Sainte-Marie et de là pour Agen, où elle a convoqué toute la noblesse du pays[166].
Les vingt-sept articles furent signés le 28 février 1579, tant par la Reine-Mère que par le Roi de Navarre, et après eux par Bouchart député du prince de Condé, Joyeuse, Biron, Pibrac, La Mothe-Fénelon, Lansae, Clermont, Duranti, du côté des catholiques et par Turenne, Guitry, du Faur, Scorbiac, député de la généralité de Bordeaux, Yolet et de Vaux, députés du Rouergue, du côté des protestants. Ils furent ratifiés par le Roi, le 14 mars suivant.
Ils contenaient en substance : le maintien et le respect de toutes les clauses édictées par le traité de Bergerac, et surtout l’occupation par le parti protestant (chapitre xvii) de quatorze nouvelles places, en plus des huit déjà accordées, concédées pour la sécurité dudit parti, lequel toutefois devait les remettre dans le délai de six mois. Ces places étaient pour le gouvernement de Guyenne : Bazas, Puymirol et Figeac, et pour celui de Languedoc : Revel dans la Haute-Garonne, Briatexte dans le Tarn, Alet dans l’Aude, Saint-Agrève dans l’Ardèche, Bez, Bagnols, Alais, Sommières et Aimargues dans le Gard, Lunel et Gignac dans l’Hérault. Durant cet intervalle de six mois, les Protestants pouvaient y tenir garnison, sauf à respecter le libre exercice du culte catholique. Le Roi de Navarre nommerait leurs gouverneurs « qui seroient gens de bien, amis de la paix et du repos », et la Reine-Mère approuverait leurs nominations. Suivent de nombreuses clauses relatives à l’organisation des chambres triparties, à la manière dont sera rendue la justice, à la fabrication de la monnaie, attribuée à la ville de Montpellier, à la remise des peines pour les faits de guerre antérieurs, etc., etc.
Mais la tâche de Catherine n’était pas finie. Il fallait le plus promptement possible assurer l’exécution desdits articles ; aussi envoya-t-elle Verac et Yolet en Languedoc, puis d’autres délégués dans les autres provinces et villes principales, afin qu’ils fissent observer l’édit de pacification. Elle emploie indistinctement protestants et catholiques, voulant bien prouver par là que le passé est oublié et que commence réellement pour le pays une ère de tolérance et de sécurité.
Catherine quitta Nérac le mercredi soir, 4 mars 1579, et s’en vint coucher au Port-Sainte-Marie[167]. Le lendemain elle arrivait à Agen.
Quant à sa fille Marguerite, la Reine-Mère écrit à cette date à sa Commère la duchesse d’Uzès :
« Je suys encore si estourdie de ceste Conférence et d’avoir tant escript, que n’aurés plus longue lettre de moy pour cet coup, sinon que vous diré que ma fille ayst demeurée avecques son mary, résolue de n’en plus bouger. Je les revoyré encore à Castelnaudary…[168] ».
Marguerite resta en effet à Nérac avec le Roi son mari, jusqu’au 11 mars. Ses livres de comptes sont formels à cet égard.
Total des dépenses pour le mois de février : 2,056 écus, 27 sols, 7 deniers. Le tout payé.
Du dimanche 1er mars au mardi 10, séjour à Nérac, avec tout son train.
À partir du moment où Marguerite se trouve séparée de sa mère, ses lettres se font moins rares. Quelques-unes mêmes, écrites à cette époque à la duchesse d’Uzès, nous édifient sur ses plus secrètes pensées, ses espérances, ses occupations journalières. Si Guessard nous en a fait connaître certaines, il en existe beaucoup d’autres dans les fonds français et Dupuy de la Bibliothèque nationale, entièrement inédites, et non les moins curieuses. Louise de Clermont-Tallart, veuve de François du Bellay, remariée à Antoine de Crussol, créé duc d’Uzès en 1565, était, on ne l’ignore pas, la meilleure amie de Catherine de Médicis. Elle l’appelait sa Commère, Marguerite sa Sibille. La duchesse d’Uzès accompagna les deux Reines en Gascogne. Mais elle dut les quitter, pour un motif que nous ne connaissons pas, vers la fin de décembre 1578, après l’entrée de Marguerite à Nérac et au moment de l’installation de la Reine-Mère au Port-Sainte-Marie. Marguerite était à Nérac auprès de son époux, quand elle apprit son projet de départ. Elle lui écrivit aussitôt :
« L’on m’a dit, ma Sibille, que voulés partir samedi. Je ne puis arriver au Port que se jour-là et me dessesperois si avant votre partement, je n’avois encore ce bien de vous voir ; je vous suplie si vous mesmes et pour reconfirmer toutes les obligations que je vous ai, demeurés jusques à lundi. Cest honeste porteur vous an suplira de ma part ; je ne panse pas que an pusiés refuser deux personnes qui vous aime tant ; de luy il vous pourra dire combien ; mes de moi je vous jure que je suis toute à vous ; si n’aves eu des chevaux, vous les ores a nouit. Tenes-moi en la bonne grase de la Roine et l’asures de mon afection. Adieu, ma Sibile[169]. »
La duchesse partit. Peu après Marguerite lui écrivait cette autre lettre, si curieuse à plus d’un titre.
« À ma Sibille.
« L’asuranse que cest honneste homme ma donnée de vous tesmougner la souvenanse qui me reste de lheur que je resevais par votre présance me fait esperer que tant que jan seré privée vous viverès en la créanse que je vous désire de moi que rien ne vous peut aimer et honorer plus que je fais et ferai avec une constance immuable. Je sai, qu’estant en ce desert, vous estimerez peu ma résolution, croiant que je vous garde ceste fidélité pour ni voir autre digne de prandre votre plase ; mes n’en croies rien, ma Sibille, car quant il liorait isi autant d’honnestes fames come il lian a peu, ma voulonté seroit ancore moins esbranlée : voulant non seulement que cete absance, mes que le reste de ma vie vous rande preuve de mon afection an votre endroict ; je ne vous mande point de nouveles, ce seroit faire tort à cest honneste homme qui sera fort aise de vous antretenir. Je m’en remes donc sur luy et vous baise sant mille fois les mains.
« Madame de Pequigny se porte bien ; mes nous nous porterions encore mieux, si nous avions ce bien de vous tenir au petit cabinet, pour lequel je vous garde ce qui ne se peult escrire.
« Je vous suplie me tenir toujours en la bonne grase du Roi et de la Roine… (mots déchirés) nos amis[170]. »
Dans les autres lettres de Marguerite à la duchesse d’Uzès, non inédites cette fois et publiées en partie par Guessard, relevons quelques détails intéressants. Dans l’une, la Reine de Navarre annonce que « la Conférence est fort avancée. J’en espère tout bien, pour ce que je le désire… car j’aimerois mieux la mort que la guerre. » Dans une autre, elle lui demande de la poudre qu’elle lui donna il y a quelque temps au Port-Sainte-Marie « car je ne trouve rien de meilleur pour les enleveures, à quoy je suis à ceste heure un peu sujette. » Et plus loin : « Je me suis si bien trouvée de vostre eau de mauve pour les enleveures, que je vous supplye m’en envoyer la recepte, mais seurement et l’adressez à Madame de Pequigny ; la première que me baillastes se monstroit verte ; mais cette-ci n’a nulle mauvaise couleur. Je vous suplie écrivez-en la recepte bien particulièrement, comme il la faut faire. »
Enfin, dans une troisième, elle lui écrit : « Je me suis, ces jours passés, retrouvée au Port-Sainte-Marie, lieu tant connu et remarqué de nous ; où je n’ay passé sans me ressouvenir de vous et de vos prophéties, que je ne tiens pour oracles, n’estant advenu que le contraire de ce que vous prédisiez, et la mesme chose que je vous ay toujours dicte. Ne croyez pas Madame de Pequigny, car ce sont resveries de son aage. Je suis pour cette heure à Nérac, fort contente et heureuse ; je le dis sans dissimulation. Je ne la puis faire plus longue… » À quoi Madame de Pequigny ajoute en post-scriptum : « Madame, tout ce que je vous puys dire de la Royne est qu’elle ne fust jamais si belle ni plus joyeuse ; et en les plaisirs désire incessamment sa Sibille, qui lui a prédict beaucoup de choses qui sont, à mon advis, ja advenues. Elle djet que non, et moy je dis que si[171]. »
Est-il bien difficile de concilier ce passage de la lettre de Marguerite avec celui de ses Mémoires où elle écrit sur la même époque « … Parce que le Roy mon mary estoit alors devenu fort amoureux de Dayelle et M. de Turenne de La Vergne, ce qui n’empeschoit pas que je ne reçeusse beaucoup d’honneur et d’amitié du Roy, qui m’en tesmoignoit aultant que j’en eusse peu désirer… montrant avec beaucoup de contentement que nous feussions ensemble. » Ou bien Marguerite ne prend pas au sérieux la flamme dont paraît brûler son mari pour Dayelle ; et alors son ciel est sans nuages, elle est heureuse. Ou bien, la sœur d’Henri III, habituée depuis longtemps à ne considérer l’amour que comme un passe-temps, une fois de plus son parti des infidélités du vert-galant ; et elle ne regarde celle-ci que comme une liberté nouvelle d’agir à sa guise et de se créer à cette Cour un peu triste de Nérac l’existence la plus douce en même temps que la plus fantaisiste ?
Ce qu’il y a de sûr, c’est que pendant toute la Conférence de Nérac, Henri compromit fort la belle Grecque, et que ce n’est qu’après son départ, alors qu’elle eut suivi Catherine en Languedoc, puis à Paris, où elle se maria avec le sieur de Villars, gentilhomme normand, qu’il se mit en quête d’une nouvelle aventure.
Le mercredi 11, ladicte dame et son train, tout le jour au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Agen.
Du jeudi 12 au lundi 16, séjour à Agen avec tout son train.
Catherine avait devancé sa fille à Agen de près d’une semaine. Son premier soin fut de convoquer dans la grande salle de l’Évêché, où elle logeait, tous les gentilshommes de la contrée. Elle leur tint, le 5 mars, un grand et beau discours, empreint de majesté royale, « où écrit-elle elle-même, elle leur fist entendre la résolution prinsse en la « conférence au bien de la paix, estans la plupart fort bien disposez à « se conformer à l’entretenir, garder et observer[172]. »
« Je vous laisse, dit-elle en terminant, le précieulx gaige que j’aye, qui est ma fille, laquelle est catholique, et m’assure qu’elle ne sera jamais aultre, m’ayant Dieu faict cette grâce que tous mes enfans l’ont esté et le sont. Elle sera tousiours protectrice des catholiques, prendra vos affaires en main et aura soing de vostre conservation ; adressez vous à elle et asseurez vous qu’elle y apportera tout ce que vous pourriez désirer[173]. »
Étaient présents : Janus Frégose, évêque d’Agen, le sénéchal de Bajaumont, Anthoine de Nort, président et juge-mage, Français de Cortète, Florimond de Redon, lieutenans, Robert Raymond et de Boria conseillers au Présidial, Félix et Caprais Delas, advocat et procureur du Roy, Pierre de Nort, Pelicier, du Périer, Corne, tous consuls, jurats et bourgeois de la ville, sans compter des ecclésiastiques et les plus grands noms de la noblesse de l’Agenois. Biron remercia la Reine-Mère au nom du pays. Après quoi « ils jurèrent tous de garder et observer, faire garder et observer entièrement, chascun en son droict, l’edict de pacciffication, faict au mois de septembre 1577, ensemble ce qui a esté dernièrement advisé et résoleu en la conférense teneue à Nérac, le tout de poinct en poinct, selon leur forme et teneur[174].
Quelques dissentiments se produisirent au début, « aulcuns de la noblesse estans poussez par ceulx qui n’ont bougé de leurs maisons durant la guerre et qui ont plus de malice que de valeur. » Mais la Reine-Mère refusa de recevoir leur requête et les engagea à s’en remettre au maréchal de Biron. Pour ce dernier, Catherine est toujours à le morigéner. Elle l’a trouvé furieux « et merveilleusement esgaré », principalement en ce qui concerne la place de Puymirol. On sait en effet que les articles de Nérac avaient maintenu cette place, une des plus fortes, pendant six mois encore en la possession des Réformés et que ni. Biron, ni Bajaumont, ni les habitants d’Agen, tous catholiques, ne pouvaient s’en consoler. Catherine exige néanmoins que cette place soit remise, comme il a été convenu, aux mains des protestants, et elle y envoie à cet effet le vicomte de Turenne qui la recevra des mains du maréchal[175]. Ce qui fut fait. « Et ung nommé le capitaine Lestorneau, qui est ung fort mauvais garçon, en sortit et ses soldats aussy, excepté quelques ungs qu’il laissa dans le chasteau, attendant que le sénéchal de Bajaumont et luy y retournent, pour parachever d’exécuter ce qui y est à faire et en bailler la charge au sieur de Lezignan, comme il a été advisé[176]. »
Le mardi 17, ladite dame et tout son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Du mercredi 18 au jeudi 26, séjour à Nérac avec son train. Marguerite avait hâte de rejoindre son mari, qui, depuis le départ de Catherine, était resté à Nérac. Elle ne se trouva donc pas à Agen, le 17 mars 1579, jour où eut lieu le fameux duel de Turenne et de Duras.
Tous les auteurs se sont occupés plus ou moins de cette affaire. Deux sources, absolument sûres, doivent être consultées : 1° la Correspondance de Catherine, jusqu’à ce jour inédite ; 2° les Mémoires de Turenne lui même, plus tard duc de Bouillon. On connaît l’origine du conflit. Un Durfort, seigneur de Rauzan, gouverneur de Casteljaloux, avait donné l’ordre de n’ouvrir les portes de cette ville à aucun personnage de distinction. Turenne, envoyé par le roi de Navarre, se présenta. Les portes restèrent fermées. Ne pardonnant pas cette insulte, ce dernier rencontra peu après Rozan et le provoqua en duel. Mais l’affaire revint aux oreilles de Catherine, qui, par deux fois, essaya de l’arranger. Il n’en fut rien.
« Mon cousin, écrit-elle le 17 mars d’Agen au maréchal de Damaville, il y a quelque tems que pour quelque léger propos que le sieur vicomte de Turenne et le sieur Rozan eurent ensemble, il s’étoit meu aussi quelque débat entre le sieur dict vicomte de Turenne et de Duras, dont je les avois depuis deux jours mis d’accord. Toutesfoys, ils se sont appelez sans que personne en ait rien sceu, et combattuz cejourd’huy de grand matin sur la grève de ceste ville, s’estans blessez les ungs et les aultres ; je fayz informer par la Chambre du Parlement, etc.[177] »
Beaucoup plus long, dans ses Mémoires, est le récit de Turenne[178]. Résumons-le. Pendant qu’il séjournait à Agen, Duras vient lui dire que son frère Rozan, à qui il en voulait, était arrivé. Turenne leur donne aussitôt rendez-vous pour le lendemain, « au bout du Gravier », avec une épée, un poignard et montés sur des courtauts. Il prévient le baron de Salignac, Jean de Gontaud, seigneur de Saint-Blancard, qu’il ait à l’assister. Tous deux, de grand matin, sortent par la porte du Pin et se rendent au lieu désigné, où ils attendent près de deux heures leurs adversaires. Enfin ceux-ci arrivent ; et, après d’assez longs pourparlers relatifs à leurs armes et à leurs tenues, tous en viennent aux mains. « Je lui donnois, écrit Turenne, des estocades que je croyais le percer ; il me blesse un peu à la main gauche, il tombe ; je le fais relever ; je veux aller aux prises en me jetant sur luy ; je rencontre le bout de son épée du bras gauche et m’en blesse, l’ayant mené à plus de soixante pas. » Bref il allait en avoir tout à fait raison, quand il survint neuf ou dix hommes de Duras, qui commencent à me charger par devant et par derrière, de sorte qu’ils me donnèrent vingt-huict coups : de quoy il y en avoit vingt-deux qui me tirèrent du sang, et les autres dans mon habillement. Je ne tombe ny mes armes. Pensant m’avoir donné assez de coups, ils me laissent… Le Roi de Navarre vint le lendemain sur le Gravier pour me quérir, où la Reine l’alla trouver, et tesmoigna un très vif ressentiment de la supercherie qu’on m’avait faicte. »
Sur ce dernier fait, Catherine tient un langage différent : Mondict filz le Roi de Navarre, qui veint couscher à une lieue d’icy, m’a aujourd’huy [19 mars] par Spalungues et depuis par le sieur de Miossens fort instamment pryé que je permisse audict vicomte de Turenne de sortir de ceste dicte ville pour se faire porter audict Nérac. Mais je m’en suis toujours escusée, sur ce que les médecins et chirurgiens disoient qu’il se mectroit en danger… et ay envoyé prier mondict filz le roi de Navarre, au lieu que nous nous debvions trouver aujourd’huy au Port Saincte Marye, que je le peus parler à luy dela l’eau, au port de ceste dicte ville, où il est soudain venu ; et avons esté ensemble près de trois heures, ayant fort remis et en sorte que cette querelle sera prinse, ainsy qu’elle doibt aussy estre, comme faict particulier, sans porter préjudice au général[179]. »
Malgré les efforts de Catherine, ce duel fit grand bruit. À peine arrivé à Nérac et entré en convalescence, Turenne cria bien haut à la trahison. Il chercha à prouver dans un Mémoire que Rauzan portait une cote de mailles sous son pourpoint et s’était fait accompagner d’une douzaine de serviteurs. Les Duras protestèrent. Chaque parti voulut avoir raison. Les écrivains des deux camps s’en mêlèrent, si bien que pour cette méchante affaire la guerre faillit se rallumer[180].
« Je suis ynfiniment marrye, écrit Catherine à Damville, que, après tant de peuine, l’on me donne de tel traverses et ne sé cesi féré « plus mal sur mon voiâge par le Languedoc[181]. »
Cette affaire, sur laquelle Catherine revient plusieurs fois dans ses Lettres postérieures et qu’elle cherche toujours à atténuer, s’était si peu calmée quatre mois après que le Roy dut, le 23 juin suivant, par acte public, « faire expressément deffences aux sieurs vicomtes de Turenne et de Duras de se faire accompaigner par aulcuns gentilzhommes et autres, à cheval et en armes ; soubz coulleur et prétexte du différent et querelle survenus entre eux[182]. »
Catherine resta la fin de mars à Agen. Un gros rhume en fut en partie la cause : « Les médecins me veullent purger, écrit-elle, pour me guérir d’un grand ruhme qu’il y a deux ou trois jours que j’ay en la moitié de la teste et sur ung œil. Aussy j’ay esté contraincte me résouldre de demeurer jusques à lundy prochain en ceste ville, pour me purger et les attendre tous[183].
Elle profite de ce retard pour calmer les esprits, adoucir les Réformés, « auxquels la querelle de Turenne et de Duras avoict faict un peu lever les aureilles » et organiser, le 25 de ce mois, « une procession géneralle pour rendre graces à Dieu, tant de la confirmation du bien de la paix que de l’arrivée du duc d’Anjou auprès du Roi[184]. » Elle prépare enfin son voyage de Languedoc et cherche à y amener le Roi et la Reine de Navarre. Mais ceux-ci font la sourde oreille ils n’ont point d’argent et Turenne n’est point guéri. Elle mande cependant sa fille auprès d’elle. Pour un jour seulement, Marguerite se rend à ses désirs.
Le vendredi 27, ladicte dame et son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Agen.
Le samedi 28, ladicte dame et son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Du dimanche 29 au mardi 31, séjour à Nérac avec tout le train.
(Dépenses totales pour ce mois de mars : 2492 écus, 34 sols, 7 deniers. — Le tout payé.)
Le mercredi 1er avril, ladicte dame et tout son train tout le jour audict Nérac.
Le jeudi 2, ladicte dame et tout son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Agen.
Dans son entrevue du 27 au soir, Catherine avait fini par vaincre toutes les hésitations de sa fille. Aussi cette dernière se décida-t-elle à accompagner la Reine-Mère en Languedoc, avec son mari.
Mais cette fois, les deux Cours, celle de Catherine et celle du Roi et de la Reine de Navarre, vont marcher chacune de leur côté et comme parallèlement. Elles se réuniront de temps à autre, mais suivront presque toujours un itinéraire différent.
Marguerite arriva à Agen le 2 avril au soir. Elle en repartit le lendemain.
Catherine, de son côté, avait quitté cette ville le jeudi 2 avril au matin, pour aller coucher à Valence. Dans sa lettre du 6, elle en rend compte ainsi à son fils :
« Je partis jeudy d’Agen et veins couscher à Valence, où mon filz le Roy de Navarre me veint trouver et le vicomte de Turenne avec luy, lequel se porte bien et est presque guéry. Ma fille la Royne de Navarre veint ledict jour seullement couscher audict Agen, où je luy escripviz que je séjourneray audict Valence vendredy dernier, comme je feyz, affin que je peusse voir, avant m’acheminer plus oultre, pour ce que mondict filz le Roy de Navarre ne veult s’acheminer à Castelnaudary que Saverdun ne soit remis[185]. »
Le vendredi 3, ladicte dame et son train disne à La Fosse, souppe et couche à Valence.
Le sénéchal de Bajaumont tint une fois encore à héberger la Reine de Navarre dans son château de Lafox[186]. Elle y avait déjà diné avec sa mère, nous l’avons dit, le 15 octobre de l’année précédente, et bien plus avant, le 23 mars 1564-1565. Elle ne devait plus, croyons-nous, s’y arrêter. Elle rejoignit le soir de ce jour la Reine-Mère à Valence.
Le samedi 4, ladicte dame et son train disne et couche à Saint-Nicolas.
Il s’agit ici de Saint-Nicolas de la Grave, entre Auvillars et Castelsarrasin sur la rive gauche de la Garonne, et non de Saint-Nicolas de la Balerme.
Le dimanche 5, ladicte dame et son train disne audict Saint-Nicolas, souppe et couche à Beaumont d’Allemagne (pour Beaumont de Lomagne).
Le lundi 6, tout le jour audict Beaumont d’Allemagne. Catherine se trouvait également ce jour-là à Beaumont de Lomagne, d’où elle écrivit à MM. de Saint-Orens et d’Ussac pour leur recommander de continuer à bien tenir les villes de Langon et de La Réole, dont ils étaient gouverneurs, en l’obéissance du Roi[187]. Dans sa lettre du 6 avril au Roi son fils, elle ajoute en post-scriptum : « Ledict Laffin arriva pendant que j’estois chez la princesse de Navarre, qui s’est trouvée un peu mal, mais ce ne sera rien[188]. Mon filz le Roy de Navarre et ma fille, sa femme, y estoient aussi[189]. » La Reine-Mère partit de Beaumont de grand matin ; car, à midi, elle dinait à Grenade-sur-Garonne, écrivait une lettre à son fils et arrivait le soir même à Toulouse, d’où elle avait le temps d’envoyer quelques mots à M. de Pailhès et à la duchesse de Nemours.
Quant à Marguerite, elle resta toute la journée du 6 à Beaumont et n’accompagna point sa mère à Toulouse.
« Et mon fils le Roy de Navarre, écrit Catherine, s’en va cependant à L’Isle-en-Jourdain, où il meyne ma dicte fille et en ses aultres terres qui sont là à l’entour. Mais s’il me tient promesse, ilz n’y seront pas longtemps. » Elle a donné, en effet, l’ordre formel que Saverdun fut rendu aux Réformés.
C’est donc pour ce motif seul que les deux Cours se séparèrent à Beaumont et que Marguerite, à son grand regret sans doute, n’accompagna pas sa mère une seconde fois à Toulouse, où son mari n’avait nulle envie d’entrer[190].
Force nous est donc de quitter ici la Reine-Mère, pour suivre, selon notre programme, la Reine et le Roi de Navarre.
Le mardi 7, ladicte dame et son train disne à Solomiac, souppe et couche à Mauvoisin[191].
Le mercredi 8, ladicte dame et son train disne et souppe à Saint-Germain et couche à L’Isle-Jourdain.
L’itinéraire d’Henri IV, d’après ses livres de comptes, dit : « dine et soupe au château de Saint-Germain, couche à l’Isle-en-Jourdain. » Le château de Saint-Germain se trouve sur la rive gauche de la Garonne, à 5 kilomètres au nord de Gimont et à 8 kilomètres au sud-est de Mauvezin.
Du jeudi 9 au dimanche 12, séjour à l’Isle-Jourdain avec tout le train.
« Le roi de Navarre, écrit Catherine, est à l’Isle-en-Jourdain. Il n’en veult partir qu’il ne saiche ledict Saverdun estre remis. Il y a aussy une petite ville appelée Muret, qui est à trois lieues d’icy sur la rivière, par où il fault qu’il passe nécessairement pour venir à Castelnaudary. » Mais les habitants de Muret sont catholiques et se refusent à laisser passer Henri de Navarre ; « aussy crains-je bien qu’il y ait du désordre, quelque peine que je mette d’y obvier et l’éviter[192]. »
Pibrac, envoyé par Catherine auprès du Roi de Navarre, en revint le 12, porteur d’une grosse nouvelle.
« Et pareillement des bonnes nouvelles que le sieur de Pibrac m’a rapportées ce matin de la part de ma fille la Royne de Navarre et de son mari, qui sont que mondict filz le Roy de Navarre s’en viendra avec moy, quand je m’en retourneray vous trouver. » Henri de Navarre tiendrait à voir le duc d’Anjou, qui, lui, brûle du désir de l’entretenir. « Sur quoy, madicte fille la Royne de Navarre m’a escript et mandé ce matin par le sieur de Pibrac que la résolution de son mary est de s’en venir avec moy, quand je partiray de ce pais[193]. » Catherine en conclut avec raison que, s’il ne reste plus en Guienne que le maréchal de Biron, la paix est assurée pour longtemps.
Le lundi 13, ladicte dame et son train disne et couche à Saint-Lys, souppe et couche à Muret.
Le 13 avril, les deux Cours se mirent en marche. Catherine quitta Toulouse et alla coucher à Caujac, près de Cintegabelle, d’où elle écrivit à sa commère la duchesse d’Uzès : « Encore que nostre heage soiet plus pour set repouser que pour feire voyage, si èse que yl en fault encore feire un enn Engleterre, etc.[194] »
Marguerite de son côté et, avec elle, son mari partirent de grand matin de l’Isle-en-Jourdain pour aller diner à Saint-Lys et coucher à Muret. De là la Reine de Navarre écrivit ce même jour à sa Sibylle. « J’ay depuis votre partement esté vingt fois avec la Reyne, et autant de fois séparée. Je retourne encore à nuict la trouver à Meuret, pour faire Pasques avec elle. Je vous trouve tant à dire, ma Sibille, que j’en fasche Madame de Pecquigny, comme aussi elle s’ennuie de moy, ne faisant tout le jour que vous souhaiter. Je suis si aise et contente de la réconciliation du Roy et de mon frère que je n’eus jamais une telle joie…[195]. »
Le mardi 14, ladicte dame et son train disne à Caujac, souppe et couche à Saverdun.
Marguerite alla rejoindre, ce soir là, sa mère Catherine qui était venue à Saverdun voir un peu ce qui se passait dans le comté de Foix. Henri de Navarre au contraire, ainsi que l’indique son itinéraire, était resté à Mazères, qui n’est distant de Saverdun que de dix kilomètres à peine.
Dans sa lettre du 23 à son fils, la Reine-Mère nous donne les raisons de ce déplacement. Elle cherche à faire exécuter l’édit « en toute la comté de Foix, qui n’est de nul gouvernement et où il s’en faict beaucoup plus croire et est bien davantaige crainct, [il s’agit du roi de Navarre], pour ce que ladicte comté est entièrement à luy, toustefois soubz vostre souveraineté, qu’en ses autres terres qui sont au dedans dudit gouvernement… Mais, en tous les lieulx où j’ay passé de ladicte comté de Foix, j’uzey de puissance absolue ; car vous estes autant roy de la comté de Foix que du reste de vostre royaume ; et a esté ung très grand mal que les gouverneurs de Guyenne ou de Languedoc y aient pas commencé, come ils ont négligé les autres soubs vos prédécésseurs et vous[196]. » Catherine quitta Saverdun le 15, pour aller à Castelnaudary. Marguerite de son côté rejoignit son mari à Mazères, mais pour un jour seulement.
Le mercredi 15, ladicte dame son train disne à Mazeres, souppe et couche à Castelnaudary.
Du jeudi 16 au dimanche 19, séjour à Castelnaudary avec tout le train.
Les deux Reines se réunirent en effet près d’une semaine dans cette ville, mais, comme l’écrit Marguerite, uniquement pour faire leurs Pâques. Cette fête se trouvait être cette année le 19 avril. Aussi restèrent-elles ensemble du mercredi de la Semaine Sainte jusqu’au lundi, 20 avril, lendemain de Pâques. « J’arrivai à Castelnaudary, écrit Catherine, où j’ay faict ma feste, et ma fille la royne de Navarre aussy, estans cependant mon fils le Roy de Navarre et la princesse sa sœur demeurés à Mazères[197]. » Henri resta en effet à Mazères les 15 et 16. Il se trouve le 17 à Saverdun, revient le même soir à Mazères, y demeure les 18, 19, et se rend le 20 au château de Marquein, où sa femme vint le rejoindre[198].
Le lundi 20, ladicte dame et tout son train disne à Castelnaudary, souppe et couche à Marquin.
De son côté, Catherine se rapprochait du Roi de Navarre et venait ce jour-là, 20 avril, s’installer à Saint-Michel de Lanès, petit bourg à dix kilomètres au nord-est de Marquein et à huit de Salles-sur-Lhers. Son but était de s’entendre avec lui « pour l’establissement de la Chambre de Justice en ce pais de Languedoc, et parachever à résouldre ce qu’il fault pour le bien de la paix[199]. » Elle est décidée à faire tenir les Estats de Languedoc à Castelnaudary, avant de rentrer à la Cour, bien que le roy de Navarre « se soit mis en la teste que quelques-uns de ses gens avaient querelle avec les habitans, et a pris son excuse sur cela ; de sorte que je feuz contraincte de venir dez lundy dernier en ce lieu, où (luy estan logé en ung chasteau icy près), nous nous sommes assemblés deja trois fois[200]. » Il s’agit du château de Marquein, où logeaient le Roi et la Reine de Navarre.
Les mardi 21 et mercredi 22, tout le jour à Marquin avec tout le train.
Les conférences préparatoires se tinrent durant six jours à Saint-Michel de Lanès, où Catherine séjourna jusqu’au 28 avril. Marguerite de son côté, fidèle à son rôle, s’interposait entre sa mère et son mari, cherchant à tout concilier.
Le jeudi 23, ladicte dame et son train disne à Saint-Michel, souppe et couche audict Marquin.
Le vendredi 24, tout le jour audit Marquin.
Le samedi 25, ladicte dame et tout son train disne à Saint-Michel, souppe et couche audict Marquin.
Le dimanche 26, ladicte dame et son train disne à Saint-Michel, souppe et couche audict Marquin.
Le lundi 27, tout le jour audict Marquin.
En plus des affaires courantes à régler, Catherine cherchait par tous les moyens possibles à attirer son gendre à Paris. Elle était à cet égard admirablement secondée par Marguerite. « Je ne sçay encores que vous dire, écrit-elle à son fils le 23 avril, de ce que fera mon filz le Roy de Navarre ; car il semble qu’il ayt quelque volunté de s’en venir avec moy et m’en a faict ouvrir les propos, il y a quelques jours, comme vous avez peu entendre par le sieur d’Arques ; et despuis la royne de Navarre, sa femme, m’en a encores parlé, et veoy bien qu’elle désirerait aussy pouvoir veoir son frère devant qu’il passast en Angleterre[201], mais ilz voudroient que j’allasse passer par Lymoges. Toutesfois considérant que ma présence pourra apporter, passant par le Languedoc, Provence et Daulphiné, beaucoup de commodité à vos affaires et service, je leur ay franchement déclaré que j’y veulx passer[202]. »
Elle se plaint toujours de la lenteur voulue, apportée par le Roi de Navarre et par son parti, pour hâter les négociations ; et elle lui reproche et la prise « du chasteau d’Astaffort » par ses partisans, et son mauvais vouloir de ne pas laisser sortir les pièces d’artillerie de la place de Monflanquin, en Agenais. « Ce pourquoy, nous sommes sur cela entrez luy et moy en disputte[203]. »
Le 26 avril, Catherine est toujours à Saint-Michel, Marguerite et son mari au château de Marquein. Les deux partis sont tombés d’accord pour la composition de la Chambre de Justice, qui sera présidée par un membre du Parlement de Toulouse, le président Saint-Jehan « qui est très homme de bien et catholicque. » Les États vont se tenir à Castelnaudary. Quant au voyage du Roi de Navarre, Catherine commence à en douter. « Il semble, dit-elle, qu’il ayt quelque regret de me laisser et ma fille la royne de Navarre aussi ; touttefois leur aiant résolu que je ne voullois en quelque façon que ce feust repasser par la Guyenne, pour ce que vos affaires et service m’appelaient fort du costé de Provence et de Dauphiné, ilz m’ont dit qu’ilz pourroient bien aller en Béarn pour regarder à leurs affaires, et aussy que ma dicte fille désire aller aux bains, mais que vers la fin de ceste année mon filz le roy de Navarre, à ce qu’il m’a dit, pourroit bien nous venir veoir du costé de France, et qu’aussy y a-t-il affaire pour ses biens et terres. Il désire, ce me semble, bien fort l’establissement de la paix, et m’a promis de se bien et du tout réconcillier avec le mareschal de Biron[204]. »
Le mardi 28, ladicte dame et son train disne à Saint-Michel, souppe et couche à Mazères.
Le 28 avril fut un grand jour, celui où la Reine-Mère se sépara d’avec le Roi de Navarre, qu’elle croyait ne devoir plus revoir.
Elle le convia à venir avec sa femme diner une dernière fois avec elle à Saint-Michel de Lanès, « tout, ayant durant huict jours séjourné à Saint-Michel, étant parachevé pour l’exécution tant de vostre édit de pacification que des articles de la Conférence… Et hier, après disner, voyant que nous estions sur notre partement et près de nous séparer, pour venir de deça, et mondict filz le roy de Navarre et ma fille, sa femme, pour retourner du costé de la Guyenne, je les pris tous deux à part, et mon cousin le mareschal de Biron aussy, et après avoir longuement parlé et remonstré à mondict filz le roy Navarre tout ce qui me sembla à propos, comme s’il estoit mon propre filz… Il m’a, présente ma fille, sa femme, et mondict cousin le mareschal de Biron, et Pinart, fort humblement remercyée et promis de se comporter doresnavant si bien que nous aurons occasion de contentement ; et oultre cela, de fort bonne façon promit aussy très franchement toute bonne amytié audict mareschal de Biron… de sorte que nous nous sommes séparez avec si bonne résolution que j’espère que vos affayres et service et surtout la paix et repos sera doresnavant maintenue, et toutes aultres choses soubz vostre obéissance[205]. »
Et elle ajoute : « Ainsy mondict filz le Roy de Navarre et madicte fille, sa femme, s’en allèrent couscher à Mazères, et moy en ce lieu [Castelnaudary], où madicte fille me viendra trouver demain, et sera icy avec moy vendredy tout le long du jour pour me dire du tout adieu, espérant partir samedy pour m’acheminer et estre en quatre jours après à Narbonne. »
L’itinéraire de Marguerite est conforme au dire de Catherine.
Le mercredi 29, ladicte dame et son train tout le jour audit Mazères.
Ce jour-là, tandis que Marguerite revenait à Mazères trouver son mari, Catherine arrivait sur le soir à Castelnaudary.
Le jeudi 30, ladicte dame et son train disne à Mazères, souppe et couche à Castelnaudary.
(Dépenses pour tout ce mois d’avril : 2167 écus, 13 sols, 9 deniers. — Payé seulement : 1645 écus, 10 sols, 11 deniers.)
Le vendredy 1er jour de mai, ladicte dame et son train tout le jour à Castelnaudary.
Le 1er mai, les deux Reines se trouvaient donc réunies à Castelnaudary, où Marguerite était venue, sans son mari, faire ses adieux à sa mère. Elle était à peine arrivée qu’on apprit la nouvelle que les affaires se gâtaient à Langon, que cette ville avait été reprise par les catholiques, et que le Roi de Navarre se montrait fort mécontent de cette trahison. Sans plus tarder, Catherine se décide à avoir une nouvelle entrevue avec lui et lui donne rendez-vous au Mas Saintes-Puelles, à quatorze kilomètres ouest de Castelnaudary et à moitié chemin de Salles. Henri s’y rendit de Mazères, où il s’était retiré. Catherine amena avec elle sa fille.
Le samedi 2, ladicte Reine de Navarre et partie de son train est allée disner au Mas Sainctes-Puelles, souppe et couche à Castelnaudary.
« Toutesfois nous nous rassemblâmes hier en une maison qui est à une demye lieue d’icy, où nous demeurasmes toute l’après-disnée. Je leur feiz entendre que le faict de Langon, combien que nous ne seussions pas encore la vérité de ce quy s’y est passé, s’estoit faict contre vostre intention et la mienne et qu’il fallait en fayre fayre justice exemplaire[206]. » Et comme le Roi de Navarre voulait surseoir à toutes négociations, après plusieurs grandes contestations et remonstrances que je leur feiz diverses foyz, leur représentant bien expressément le regret que j’avois que ceci feust advenu, » ils finirent par accepter les propositions de Catherine et les mesures de répression contre les rebelles de Langon qu’elle prit séance tenante, et lui permirent ainsi de rentrer le soir avec sa fille à Castelnaudary.
Du dimanche 3 au mercredi 6, séjour à Castelnaudary avec tout le train.
Durant ces quatre jours que Marguerite passa avec sa mère, Henri de Navarre eut encore une ou deux entrevues avec la Reine-Mère « en la maison de La Planche, qui est icy près », à seule fin de régler l’affaire de Langon et aussi celles de Marciac, d’Uzerche, de Mussidan et du château de Fronsac, places fortes que les deux partis continuaient à se disputer à main armée[207].
Pendant ce temps, les États de Languedoc s’étaient réunis selon l’ordre de la Reine-Mère et ils tenaient séance à Castelnaudary, sous la présidence de Monseigneur de Bardis, évêque de Saint-Papoul[208]. Ils se séparèrent le 4 mai. Catherine prit alors une décision subite. Elle résolut de brusquer son départ et elle l’arrêta au lendemain 7 mai.
Le jeudi 7, ladicte dame et son train disne à Castelnaudary, souppe et couche à Mazères.
Ce fut en effet ce jeudi 7 mai que Marguerite se sépara définitivement de sa mère. Mais ici, il faut laisser la parole à la Reine-Mère, racontant par le détail au Roi son fils toutes les péripéties, si curieuses, de cette séparation :
« Je me résoluz mercredy au soir, à l’heure de mon coucher, d’envoyer dire à ma fille la Royne de Navarre, et d’escripre à son mari, comme je fiz à l’instant, que pour les raisons dessus dictes (elle était d’accord sur tous les points avec le Roi de Navarre), je me déliberois, au lieu d’aller à la petite ville cy-dessus déclarée, comme avions advisé, de prendre mon chemin à l’abbaye de la Prouille, où s’il voulloit, il nous verroit encores pour nous dire de rechef adieu, combien qu’eussions prins congé l’un de l’autre desja par deux fois. Ma fille, saichant ces nouvelles que je lui envoyay dire par le sieur de Pibrac, estant au lict qu’elle gardoit ce jour-là, monstra d’en estre fort faschée, et me veint hier (7 mai) trouver en ma chambre sur l’heure de mon partement, aiant extrême regret de nostre séparation : sur quoy je n’oublioy pas de luy faire la remonstrance que luy devois faire sur ceste occasion, et nous séparasmes ainzy ; elle délibéroit d’aller trouver mon filz le roy de Navarre, son mary, à Mazères, et moy d’aller disner à ladicte abbaye, où j’entendiz par ceulx de mes gens, qui estoient demeurés derrière, que ma fille s’est infiniment attristée, s’estant enfermée toute seule en une chambre où elle a fort pleuré et regretté mon partement[209]. »
Et dans une autre lettre qu’elle écrit, ce même jour 8 mai, de Carcassonne à la duchesse d’Uzès, Catherine s’exprime ainsi :
« … Je dis yer au matin adieu à ma fille, laquele me fist grent pitié ; mès quant je pansès qu’i havoyst neuf moys et demi que je n’avoys veu le Roy mon filz, je vous assure que cela me aydest à me reconforter de panser que dans un moys je aurés cet bien ; je l’ay lésée ayxtremement bien aveques son mary, et en si bonne volonté de ne avoyr que le servise du Roy son frère den le cœur, et en tout ces actions et afferes, que je m’en voy vous retrover avesques grent contentement[210]. »
Dès qu’il eut appris par Marguerite le départ définitif de la Reine-Mère, Henri de Navarre, qui était à Mazères, monta aussitôt à cheval et résolut de la rejoindre pour lui faire ses adieux et l’assurer de son bon vouloir. Sa sincérité ne saurait être mise en doute. Catherine la proclame bien haut :
« Mon fils le roy de Navarre est venu au matin me trouver à Faj…[211], m’aiant parlé à cœur ouvert et avec toute sincérité, ou je suis la plus trompée femme du monde ; car je ne l’avois point encore veu de ceste façon, ne en aprocher. Il m’a commencé à dire à son arrivée qu’il n’eust poinct eu de bien si je feusse partie sans qu’il m’eust encore veue ; et de faict, il est venu toute ceste nuit de six grandes lieues de Gascongne, qui en vallent bien dix ou douze de France ; il print ceste résolution de partir de Mazères, après que ma fille la royne de Navarre et le mareschal de Biron y « feurent hier soir arrivés ; et par là se doibt juger que ma dicte fille, qui se comporte fort bien pour le gouverner (comme elle doibt), a faict tout ce bon office, comme aussy elle me l’avoit promis[212]. »
Et, pour preuves de ses bonnes intentions, Henri de Navarre apprend à Catherine qu’il a envoyé le vicomte de Turenne chez lui, pour pacifier le Quercy, le Rouergue, le Périgord et le Limousin. Il ne peut se résoudre à quitter là Catherine, et il lui annonce qu’il va l’accompagner plus loin : « seulement, comme il estoit fort travaillé d’avoir faict cete longue traicte de nuict, il s’en est allé desjeuner, pendant que je m’achevais d’habiller et que j’ay oy la messe ». Puis, « il l’a conduite à pied, depuis la porte de l’église jusque hors la ville, où il a prins congé de moy de la plus honneste et humble façon que j’eusse sceu désirer, et, à mon advis, avec sincérité de cœur. »
Ici se passe une véritable comédie. Il faut encore laisser parler la Reine-Mère.
« … Et m’a volontairement donné ce que m’avoit refuzé, je croy, cent fois depuis que je suis par deça, et permis de couper moy mesmes le toupet de grans cheveulx qu’il avoit autour de l’oreille gauche, lequel j’ay prins très volontiers ; et estime que c’estoit ung signal entre ceulx de la Relligion réformée qui ne sera plus, puisque Dieu nous a donné la paix. Mon fils le roy de Navarre ne m’a pas celle qu’il ne le guardast pour quelque occasion ; et ce qui me faict panser que c’estoit jusques à ce qu’ils feussent résoluz du tout à la dicte paix, c’est qu’il s’est retourné devers les siens et leur a dict : « Il les fault tous coupper et oster. » Quand je l’y coupay l’aultre, qu’il avoit au costé droit, qui feust dez que j’arrivoy au commencement à la Réolle, il ne voulut jamais que je coupasse cestuy-cy. Je crois qu’il attendait jusques à ce que tout feust résoleu entièrement au bien de la paix[213]. »
Tous deux montèrent ensuite à cheval et vinrent jusqu’aux portes de l’abbaye de Prouille, où le cardinal de Bourbon avait devancé la Reine-Mère. « Et là, suis descendeue de cheval et montée en mon charriot. Il a encore prins congé de moy devant toute la tourbe de gens qui y estoit, persévérant tousiours cette grande et bonne démonstration, et est remonté à cheval, m’accompaignant bien près de trois lieues françaises. Estant passez pendant qu’il estoit avec moy par une petite ville appelée Montréal, où ils sont tous catholiques, j’ay commandé aux consulz luy offrir les clefz, ce qu’ilz ont faict. Il a pris cela en très bonne part[214]. »
Là enfin, à Montréal, Henri de Navarre se décida à quitter la Reine-Mère. Était-il aussi sincère que le croit Catherine ? En tous cas, celle ci écrit à son fils, ravie de tant de politesse et de protestations, que sa mission est terminée et qu’elle a dépassé toutes les espérances qu’elle avait pu concevoir.
Et, de fait, tout lui a réussi. Elle avait voulu réconcilier Marguerite avec son mari ? Elle les laisse dans les meilleurs termes possibles. Elle avait espéré rétablir la paix en Guienne et en Gascogne ? L’Édit de Nérac était respecté de part et d’autre. Elle avait tenté de rapprocher son gendre du maréchal de Biron ? Si elle n’avait pu assouplir le caractère brutal de ce dernier, elle avait convaincu Henri de Navarre qu’il était de son intérêt de s’entendre avec lui. Enfin, elle avait enchaîné Damville et rétabli la Guienne et le Languedoc en l’obéissance du Roi.
Catherine pouvait donc s’en retourner tranquille et affirmer au Roi son fils qu’elle n’avait pas perdu son temps.
Henri revint à Mazères où l’attendait Marguerite, qui ne pouvait se consoler du départ de sa mère. Comme elle, déplorons cette séparation et regrettons de ne plus avoir désormais sa volumineuse correspondance, source si précieuse pour nous et la plus autorisée de nos renseignements. Quittons à notre tour la Reine-Mère ; et, nous attachant uniquement à la belle Reine de Navarre, accompagnons-la, selon toujours notre programme, partout où la politique et aussi la fantaisie conduiront ses pas.
Du vendredi 8 mai au dimanche 10, séjour à Mazères avec tout le train.
Le lundi ladicte dame et son train disne à Mazères, souppe et couche à Pamiers.
Du mardi 12 au mercredi 13, séjour à Pamiers.
Les deux époux ne se quittent pas. De Pamiers, Henri de Navarre écrit deux lettres à M. de Scorbiac, l’une par laquelle il lui donne l’ordre d’aller en Quercy pour faire exécuter l’édit, l’autre où il lui envoie un discours manifeste, « afin qu’avant de partir il soit mis sur la presse et distribué à ses partisans. »
Le jeudi 14, ladicte dame et tout son train disne à Pamiers, souppe et couche à Foix.
Le vendredi 15, ladite dame et partye de son train à Foix.
Est-ce à ce moment qu’eut lieu la fameuse chasse à l’ours offerte par Henri de Navarre aux dames de son entourage et dont parlent les Mémoires du temps, mais tous en lui assignant une date différente ? Nous répondons affirmativement, la Reine de Navarre n’étant venue que ces deux jours, 14 et 15 mai, à Foix. Sully, dans ses Œconomies royales, fort suspectes, la fait remonter à l’époque où les deux Reines se trouvaient à Auch, après l’incident de Fleurance, c’est-à-dire à la fin de novembre 1578. « Cet accident, écrit-il, esloigna pour quelques jours ces deux cours l’une de l’autre ; mais les choses s’estant un peu remises en apparence seulement, elles furent ensemble en Foix, où le roy de Navarre voulut faire voir la chasse des ours aux dames ; mais on leur en fit si grand peur, qu’il n’y eut pas moyen de les mener aux montagnes. Aussi arriva-t-il en icelle des cas fort estranges, de la force et furie de ces animaux ; car il y en eut deux qui desmembrèrent des chevaux de médiocre taille, quelques autres qui forcèrent dix Suisses et dix harquebusiers, et un des plus grands qu’il estoit possible de voir, lequel percé de plusieurs arquebusades et ayant six ou sept bris et tronçons de piques et hallebardes, embrassa sept ou huict qu’il trouva en l’acul d’un haut rocher, avec lesquels il se précipita en bas, et furent tous deschirez et brisez en pièces[215]. »
Il est impossible que cette chasse du pays de Foix ait été donnée à la fin de cette année 1578 : Entre Auch et Foix la distance est trop grande pour que les deux Reines aient pu y aller à ce moment, sans que le livre des Comptes, tenu journellement, en fasse mention. Or, l’itinéraire de Marguerite n’en souffle mot. De plus Catherine, si prolixe de détails, souvent insignifiants, n’aurait certes pas manqué de narrer cet épisode au roi son fils. Et, dans aucune de ses lettres, pas plus à cette époque que plus tard, elle ne parle de son voyage au pays de Foix.
Pour les mêmes raisons, nous contestons le récit qu’en fait d’Aubigné dans son Histoire universelle. Parlant des conférences de Montauban, qui se tinrent dans l’été de 1579, cet auteur les reporte à tort vers la fin de 1578, y fait assister les deux Reines, (ce qui est faux, nous l’avons vu par leur itinéraire) ; puis il ajoute :
« De là (Montauban), les deux Cours se firent compagnie jusques en Foix, où le Roi de Navarre fist une chasse notable, ou plutost une guerre aux ours, où, entre autres cas, arriva un grand ours allant à la charge sur dix suisses et dix soldats des gardes, et trouvant en son chemin un petit page de treize ans, nommé Castel-Gaillard, le mist du cul à terre sans le blesser, et de là avec dix arquebusades et dix hallebardes dans le corps, se précipita avec une dizaine de ses tueurs dans une crevasse de montagnes, où il se rompit le col[216]. »
Le savant éditeur de d’Aubigné, M. de Ruble, ne conteste pas cette chasse. Il met seulement en note que la Reine-Mère, venant de Toulouse, arriva dans le comté de Foix vers le 14 avril. D’Aubigné, il est vrai, moins explicite que Sully, n’écrit pas que les deux Reines y assistèrent.
Depuis, tous les auteurs ont répété à satiété, chacun avec une nouvelle date, cet épisode du voyage des deux Reines. Mongez, dans son Histoire de Marguerite[217], les fait quitter Agen au mois de mars 1579 pour aller à l’Isle-en-Jourdain, « d’où le Roi de Navarre les conduisit dans le comté de Foix » et leur donna le spectacle en question. M. de Saint-Poncy au contraire les fait aller à Foix en novembre 1578, pendant leur séjour à l’Isle-en-Jourdain, entre Toulouse et Auch, etc.
L’itinéraire de la Reine Marguerite et la correspondance de Catherine font justice de toutes ces versions contradictoires. Il ressort de ces documents que la Reine-Mère n’a pas assisté à cette chasse à l’ours dans les forêts du pays de Foix, où elle ne vint jamais ; que cette chasse n’eut pas lieu en 1578 ; enfin que, si elle fut organisée par le roi de Navarre, ce ne put être qu’à cette date du 15 mai 1579, où sa femme, qui n’en parle pas dans ses Mémoires et qui très certainement n’y alla pas, se trouvait avec lui et tout son train en la ville de Foix. Dans les Comptes du roi de Navarre, nous voyons que ce prince octroie à ce moment « 200 livres à Jean Ribès, blessé lors de l’entrée du Roi et de la Reine de Navarre, à Foix[218]. » Ce qui pourrait faire poser que ce serviteur fut une des victimes de la fameuse chasse en question.
Le samedi 16, ladicte dame et partye de son train disne à Foix, souppe et couche à Pamiers. Le dimanche 17, ladicte dame et son train, tout le jour audit Pamiers.
Le lundi 18, ladicte dame et son train disne à Saverdun, souppe et couche à Lézat.
Le couple royal s’acheminait vers Pau. L’entente était parfaite entre les deux époux. Dayelle avait suivi la reine Catherine. Il est vrai que Rebours et Fosseuse accompagnaient la reine de Navarre. Néanmoins Catherine pouvait, avec raison, écrire encore à son fils le 15 mai : « Mon fils le roy de Navarre s’en va, comme je vous ai escript, en Béarn, et ma fille pour aller aux bains : cela vient fort à propos ; car s’esloignant, par ce moien, comme il fera pour quelque temps de la Guienne, la paix s’establira mieulx et beaucoup plus aizément, et les deffiances s’osteront plus facilement[219]. » Et deux jours après, le 17 mai : « Vous verrés par la lettre de mon fils le roy de Navarre que je vous envoye comme il est toujours très disposé et faict tout ce qui se peut désirer pour le bien et establissement de la paix. En quoy ma fille, sa femme, faict tous les bons offices qu’elle peut[220]. »
Enfin, le 18 mai, Catherine écrit de Béziers à la duchesse d’Uzès la curieuse lettre suivante, autographe :
« Ma commère, c’et à cet coup que me voyrés dans un moys et « saine et sauve, se Dieu plest, encore que ye aye à paser en la peste, ou la mer, ou les Sévenes, que je crains bien aultant que les deux premyères ; car sont oyseaus de rapine, comme ceulx qui ont eu vos chevaulx ; més je me fie en Dieu qu’il me fayré tous jour, se me semble, sortir de tous périls, et ay cette fayrme fiense en luy… Ma fille ayst aveques son mary ; enn eu yer des novelles : c’et le melleur ménage que l’on satroy desirer ; je prie Dieu le continuer en cet heur, et vous conserver jeusques en l’eage de sept vins hans, que puysion super ensemble au Touylerie, sans chapeau ni bonnestes[221]. »
Le mardi 19 ladicte dame et son train disne à Rieux, souppe et couche à Saint-Félix[222].
Le mercredi 20, ladicte dame et tout son train, tout le jour audit Saint-Félix.
Le jeudi 21, ladicte dame et son train disne à Sainct-Martory, souppe et couche à Saint-Goden (Saint-Gaudens).
Le vendredi 22, ladicte dame et son train disne à Saint-Goden, souppe et couche à Montréal (pour Montréjeau).
Ce jour-là, nous trouvons sur les Comptes du roi de Navarre : « À Domenger Rivière, apothicaire de Montréjeau, 50 sous tournois pour deux boîtes de dragées, pesant deux livres, que Sa Majesté prit de lui pour donner aux filles d’honneur de la Reine sa femme[223]. »
Le samedi 23, ladicte dame et son train disne à Lasnemezan, souppe et couche à Tournant (pour Tournay).
Le dimanche 24, ladicte dame et son train disne audit Tournant, souppe et couche à Tarbes.
Le lundi 25, ladicte dame et son train disne audit Tarbes, souppe et couche à Pontac.
Le mardi 26, ladicte dame et son train disne à Coarraze, souppe et couche avec partye de son train à Pau, et le reste audit Coarraze.
Marguerite fit ce jour-là son entrée solennelle à Pau, qu’elle voyait pour la première fois. Comme dans toutes les autres villes qu’elle avait traversées, les Consuls vinrent à sa rencontre, l’assurèrent de la fidélité des habitants et l’escortèrent en grande pompe jusqu’au château[224]. Là, l’y attendait Catherine de Bourbon, sœur du roi de Navarre, véritable régente, à cause des absences si fréquentes de son frère, de ce petit royaume[225]. Les arcs de triomphe, les tentures de riches tapisseries « de taffetas vert », les violons, les comédies, les bals ne furent pas épargnés. Et si le récit que fait de cette mémorable entrée M. Bascle de Lagrèze se trouve quelque peu fantaisiste, l’aimable auteur, en nous décrivant sa litière « à piliers doublés de velours incarnadin d’Espagne, en broderie d’or et de soie nuée à sa devise », en se complaisant dans les mille détails de la toilette de Marguerite, de ses filles, de sa brillante escorte et de toutes les fêtes qui furent célébrées les premiers jours, ne paraît guère s’être écarté de la vérité[226]. Stériles efforts tentés par Henri de Navarre pour faire aimer à sa femme la capitale du Béarn ! Les haines religieuses allaient vite se raviver et dès ce moment jeter la désunion entre les deux époux.
Le mercredi 17, ladicte dame et partye de son train à Pau, le reste audit Coarraze.
Le jeudi 28, ladicte dame et tout son train tout le jour à Pau.
Du vendredi 29 au dimanche 31 mai, séjour à Pau.
(Total des dépenses pour le mois de mai : 2283 écus, 16 sols, 10 deniers. Payé seulement : 1703 écus, 54 sols, 11 deniers).
Le 30 mai, Marguerite écrit de Pau une nouvelle lettre à Bellièvre, où elle lui rappelle que le « Roi son frère lui a assigné dès l’année dernière la somme de 3008 écus, 6 sols, 8 deniers tournois sur la recepte généralle de Guienne pour le revenu des greffes de Périgueux qu’il lui avait donnés et dont elle n’a pu jouir. » Elle lui demande de s’interposer de nouveau « afin qu’elle en soit payée promptement, pour satisfaire à partie de la despence que je fais en ce voyage[227]. »
Du 1er juin au 12, séjour à Pau, avec tout le train.
Ce n’était pas en vain que pendant plus de quinze ans Jeanne d’Albret avait fanatisé son royaume. Le Béarn poussait à ce moment qu’à l’intolérance l’exercice du culte réformé. Ses États, où dominait l’esprit sectaire, persécutaient avec acharnement les catholiques ; et c’est d’un fort mauvais œil qu’ils avaient vu arriver la reine Marguerite, dont, à plusieurs reprises, ils avaient réclamé le divorce. Aussi Marguerite eut-elle à souffrir beaucoup, peu après son arrivée à Pau, de cette différence de religion. Il s’agit de l’affaire de la Chapelle.
Tous les auteurs ont raconté cet incident qui fut une des premières causes de brouille entre les deux époux. Mieux que tout autre, laissons parler Marguerite :
« Nous nous en revînmes à Pau en Béarn, où n’y ayant nul exercice de la religion catholique, l’on me permit seulement de faire dire la messe en une petite chapelle qui n’avait que trois ou quatre pas de long, qui, estant fort estroicte, estoit pleine quand nous y estions sept ou huict.
« À l’heure que l’on vouloist dire la messe, l’on levoit le pont du chasteau, de peur que les catholiques du pais, qui n’avoient nul exercice de religion, l’ouïssent ; car ils estoient infiniment désireux de pouvoir assister au saint sacrifice, de quoy ils estoient depuis plusieurs années privez ; et poussez de ce sainct et juste désir, les habitans de Pau trouvèrent moyen le jour de la Pentecoste, avant que l’on levast le pont, d’entrer dans le chasteau, se glissant dans la chapelle, où ils n’avoient poinct esté descouverts, jusques sur la fin de la messe, qu’entrouvrant la porte pour laisser entrer quelqu’un de mes gens, quelque huguenot espiant à la porte les aperceut et l’alla dire au Pin, secrétaire du Roy mon mary[228], lequel possedoit infiniment son maistre, et avoict grande auctorité en sa maison, maniant toutes les affaires de ceux de la religion ; lequel y envoya des gardes du roy mon mary, qui, les tirant dehors et les battant en ma présence, les menèrent en prison, où ils furent longtemps, et payèrent une grosse amende. » Marguerite prit aussitôt leur défense et alla se plaindre auprès du roi son mari. Mais le Pin se met en tiers, sans y estre appellé, et sans porter ce respect à son maistre de la laisser respondre, prend la parole et me dict que je ne rompisse point la teste au roy mon mary de cela, et que, quoy que j’en pusse dire, il n’en seroit faict aultre chose, qu’ils avoient bien mérité ce qu’on leur faisoit, et que, pour mes paroles il n’en seroit ny plus ny moins ; que je me contentasse que l’on me permettoit de faire dire une messe pour moy, et pour ceux de mes gens que j’y voudrois mener. »
Justement offensée de telles paroles, la reine de Navarre exigea le renvoi immédiat de du Pin. Henri, assez embarrassé, le lui promit, s’en rapportant au jugement du Parlement de Pau pour le sort des prisonniers. Quant au secrétaire du Pin, qui « la fuyoit et lui faisoit la mine, » Marguerite, soutenue par la plupart des serviteurs du Roi, qui détestaient son insolence, en eut finalement raison. Du Pin fut congédié. Mais le Roi de Navarre garda rancune à sa femme, poussé, dit celle-ci, par le chancelier Pibrac, « qui, d’après Marguerite, jouoit au double ; me disant à moy que je ne devois souffrir d’estre bravée d’un homme de peu comme cettuy-là, et quoy que ce fust, qu’il falloit que je le fisse chasser, et disant au roy mon mary qu’il n’y avoit apparence que je le privasse du service d’un homme qui luy estoit si nécessaire ; ce que M. de Pibrac faisoit pour me convier à force de desplaisir de retourner en France, où il estoit attaché à son estat de président et de conseiller au Conseil du Roy[229] ».
De ce moment date en effet la disgrâce du pauvre Pibrac, toujours amoureux fou de la jeune Reine, qui, à tort ou à raison, ne lui pardonna jamais sa conduite à ce moment. Nous verrons avec quel mépris elle lui écrivit, en 1581, deux lettres restées célèbres, et comment Pibrac y répondit dans ce mémoire fameux dénommé depuis son Apologie.
Un autre incident vint encore compliquer cette situation et rendre à Marguerite le séjour de Pau de plus en plus désagréable.
« Et pour empirer encore ma condition, écrit-elle, depuis que Dayelle s’estoit esloignée, le roy mon mary s’estoit mis à rechercher Rebours, qui estoit une fille malicieuse, qui ne m’aimoit point et qui me faisoit tous les plus mauvais offices qu’elle pouvoit en son endroit[230]. »
Mlle de Rebours, une des filles d’honneur de la Reine de Navarre, aux gages de 83 écus, 1 l. tournois par an, était fille de Guillaume Rebours, président au Parlement, qui plus tard au siège de Paris de 1590 fut blessé d’un coup de canon, lancé par les gens du Roi.
« Et pour ce que, écrit L’Estoile, ledit Rebours estoit tenu pour roial et politique, les prédicateurs dans leur chaire en faisoient une gosserie, et disoient que « les coups que tiroient les roiaux alloient tout à rebours[231]. » Il ne paraît pas que le Roi de Navarre ait pris bien au sérieux les coquetteries de cette fille. Car, tombée malade à Pau, elle ne put suivre son royal amant à Nérac. Quand elle le rejoignit, le cœur d’Henri brûlait déjà pour une autre ; ce dont Mademoiselle de Rebours semble du reste s’être assez facilement consolée.
Dans les Comptes du Roi de Navarre de cette époque, nous lisons : « Pour le Roy, à la chambre de Mlle de Rebou, deux fioles de sirop de violet et alexandrin, quatre onces sucre rosat[232]. »
Dans ce même recueil nous trouvons aussi : « À Johannes de Cazenave, fourrier ordinaire du Roy, 21 l. t. pour aller aux Eaux-Chaudes faire préparer les cabanes, y faire porter lits, vivres et aultres choses, pour subvenir au séjour que S. M. y pensoit faire[233]. »
Nous avons déjà vu dans une lettre de Catherine de Médicis à son fils, à la date du 15 mai précédent, que Marguerite, en accompagnant son mari à Pau, avait l’intention d’aller faire un séjour aux Eaux. Ce projet n’aboutit pas.
L’incident de la Chapelle fut sans doute la cause du départ précipité de la jeune Reine, à qui le séjour de Pau était devenu tout à fait intolérable : « En ces traverses, nous dit-elle, ayant tousiours recours à Dieu, il eut enfin pitié de mes larmes et permit que nous partissions de ce petit Genève de Pau, où, de bonne fortune pour moy, Rebours y demeura malade ; laquelle le roy mon mary perdant des yeux perdit aussi d’affection, et commença à s’embarquer avec Fosseuse qui estoit plus belle et pour lors toute enfant et toute bonne[234]. » Marguerite de Valois ne devait plus revenir à Pau. « La Reyne, écrit Brantôme, jura et protesta qu’elle ne mettroit jamais le pied en ce païs-là, d’autant qu’elle vouloit estre libre en l’exercice de sa religion ; et par ainsy en partit. Et depuis elle garde très bien son serment[235]. »
Henri de Navarre de son côté était mandé à Montauban, où devait se tenir une importante conférence entre les principaux chefs
huguenots. Aussi d’un commun accord résolurent-ils de quitter la capitale du Béarn et de s’acheminer vers Montauban, en passant toutefois par Nérac.Le samedi 13 juin, ladicte dame et partie de son train disne à Villepinte[236], souppe et couche à Vic-Bigorre.
Le dimanche 14, ladicte dame et partie de son train disne à Vic-Bigorre, souppe et couche à Beloc[237].
Le lundi 15, ladicte dame et son train disne à Noguero (pour Nogaro), souppe et couche à Eause.
Du 16 au 30 juin, séjour à Eauze.
(Total des dépenses pour le mois de juin : 2.256 écus, 59 sols, 4 deniers. Payé seulement 1420 écus, 12 sols, 6 deniers).
À peine arrivé à Eauze, le roi de Navarre tomba malade. Ce n’est donc pas comme l’ont écrit plusieurs auteurs, M. Ch. de Batz de Trenquelléon entre autres[238], après son séjour à Montauban et en se rendant à Nérac, que Henri de Bourbon passa par Eauze. Son séjour forcé en cette ville eut lieu quatre jours seulement après avoir quitté Pau.
Marguerite, dans ses Mémoires, est encore celle qui nous fournit les plus sûrs renseignements sur cette maladie du Roi son époux. « Dressants notre chemin devers Montauban, nous passasmes par une petite ville nommée Eauze, où, la nuict que nous arrivasmes, le Roy mon mary tomba malade d’une grande fièvre continue, avec une extrême douleur de teste, qui lui dura dix-sept jours ; durant lesquels il n’avait de repos ny jour ny nuict, et le fallait perpétuellement changer de lict à l’autre. Je me rendis si subjecte à le servir, ne me partant jamais d’auprès de luy, sans me déshabiller, qu’il commença d’avoir agréable mon service et à s’en louer à tout le monde, et particulièrement à mon cousin M. de Turenne, qui, me rendant office de bon parent, me remit aussi bien auprès de luy que j’y avais jamais esté [239]. »
La réconciliation est donc complète entre les deux époux. Marguerite consent à oublier les ennuis qu’elle a eus à Pau. Et Henri, privé de Dayelle, privé de Rebours, n’a des yeux que pour celle qui l’a si bien soigné.
On lit dans les comptes du Roi de Navarre : « À Nicolas Ferrand, chirurgien de la Reyne, 30 livres tournois pour avoir saigné le Roy lors de sa maladie qu’il eut en la ville d’Eauze[240]. »
Dans la note qu’il consacre au séjour forcé du roi de Navarre à Eauze, Berger de Xivrey, à propos de la lettre écrite par ce prince au roi de France et dans laquelle il fait allusion à sa maladie, écrit que, (le mois de juillet 1579 manquant aux Comptes de la dépense du roi de Navarre), ce dernier dut prolonger son séjour à Eauze pendant une grande partie de la première quinzaine de juillet[241]. Les Comptes de sa femme que nous publions pour la première fois, et avec eux son itinéraire, rectifient l’erreur commise par Berger de Xivrey. Le couple royal quitta Eauze le 2 juillet 1570, au matin.
Le mercredi 1er juillet, tout le jour audit Eauze.
Le jeudi 2 juillet, ladicte dame et tout son train disne à Barrère (pour La Barrère), souppe et couche à Saulx (pour Sos).
Le vendredi 3, ladicte dame et tout son train disne et souppe à Nérac.
Du samedi 4 au mardi 7, séjour à Nérac avec tout le train.
Henri ne s’arrêta à Nérac que juste le temps de prendre un peu de repos, dont il avait besoin après sa maladie, de donner quelques ordres en vue des réparations à effectuer au Château, et de régler les affaires les plus urgentes, notamment celle de Langon, qui, depuis le 8 avril dernier, jour où cette ville fut prise par les catholiques, n’était pas encore arrangée. Marguerite le suivit à Montauban.
Le mercredi 8, ladicte dame et tout son train, disne et souppe à La Plume, et couche à Layrac.
Pour se rendre dans le Quercy, les deux souverains prirent cette fois le chemin du Bruilhois. Les archives municipales de Laplume ont conservé, dans les registres des consuls, le souvenir de leur passage : « Dépense faite par les consuls de Laplume à la veneue du roy et reyne de Navarre, qu’estait le 8e jour de juillet 1579, lesquels firent deux repas dans la présente ville[242]. »
On lit d’un autre côté, dans les Comptes du roi de Navarre : « À deux messagers de Nérac, 58 livres tournois pour avoir porté de Nérac à Layrac les cages des petits oiseaux du Roi, partant de Nérac, allant à Montauban[243]. »
Le jeudi 9, ladicte dame et tout son train, tout le jour à Auvilla (pour Auvillars).
Ici malheureusement s’arrête le livre des Comptes de la Reine de Navarre. Plusieurs feuilles en ont été détachées, qui allaient du jeudi 9 juillet au mercredi 12 août. Nous avons déjà dit que, par une fatale coïncidence, la même lacune existe pour tout le mois de juillet dans le livre des Comptes du Roi de Navarre, aux archives des Basses-Pyrénées. Par la correspondance, ou les dépenses des deux souverains, nous allons tâcher d’y remédier.
Le vendredi 10, le Roi et la Reine de Navarre durent partir de bonne heure d’Auvillars et arriver le soir même à Montauban.
Du samedi 11 juillet au vendredi 31, séjour à Montauban.
À en juger par les dépenses que fit le Roi de Navarre dans cette ville, il n’est pas téméraire d’affirmer que son séjour dut y être d’assez longue durée, en tous cas tout le mois de juillet. Nous lisons en effet dans ses livres de dépense :
« À Bertrand Requin, maître du Jeu de Paume de Montauban, 39 livres, 4 sols tournois, pour 98 douzaines de paumes fournies au Roy, savoir le 19 juillet ; Sa Majesté jouant avec le prince de Condé ; le 21, jouant avec ledit prince et MM. de Turenne et Lavardin ; le 22, jouant avec MM. de Turenne et le Brave ; le 25, jouant avec ledit prince ; le 26, jouant le Brave et Poussillon par ordre du Roy ; le 27, jouant le Brave, le Petit et Poussillon ; le 28, Sa Majesté jouant avec le sieur de Lavardin et le sieur de Masparault ; » etc.[244]
C’était la troisième fois depuis un que les Réformés se réunissaient à Montauban. En octobre 1578 et en avril 1579, la présence de la Reine-Mère dans les environs de cette ville avaient apporté quelque gêne à leurs délibérations. Cette fois ils étaient plus libres, ayant à leur tête leurs deux chefs, le prince de Condé et le Roi de Navarre[245]. Turenne, dans ses Mémoires, nous donne de curieux détails sur ce qui se passa à ces conférences. « Les soupçons croissant, on tint une assemblée générale de ceux de la religion à Montauban, où l’on fist union plus étroite de tout le corps ; et, pour estre plus certain des commandemens et résolutions lors qu’il faudrait que tout le général suivist une mesme délibération, on rompit quelques escus, desquels toutes les moitiez demeurèrent entre les mains du roy de Navarre, et les autres furent données à M. le Prince et à chacun de nous les principaux du party, et à chaque province, pour les garder entre les mains de gens esleus, et ensuite ordonner ce qu’ils auroient à faire lorsqu’on les avertiroit de quelque résolution générale. Nous séjournasmes à Montauban quelque temps ; chacun s’employait à se préparer à un nouveau remuement et à reconnaistre des places, etc.[246] »
Cinq lettres d’Henri de Navarre attestent également sa présence à Montauban pendant tout ce mois de juillet. Dans l’une, du 18 juillet, il prévient M. de Saint-Géniès, sénéchal du Béarn, « qu’il désire que les capitaines et soldats de son pays de Béarn se pourveussent de poudre du sieur G. Constantin, pouldrier de Navarreins, et acheptassent ce qui leur sera necessaire pour la prochaine arrivée de la Royne sa femme et sienne[247]. » Dans une autre du 25 juillet, il écrit à M. de Bénac, son conseiller, pour le tenir au courant de ce qui a été fait à la conférence, et le prier de transmettre au maréchal de Biron les réclamations de son parti, concernant l’édit de paix ; « où il prie ce dernier de se trouver le sixieme du moys prochain à Nérac, où ma femme et moy nous rendrons aussi pour traicter avec luy des moyens que l’on peult apporter pour establir à bon essiant la paix, etc[248]. »
Dans une troisième, du 29 juillet, toujours datée de Montauban, il écrit à la Reine-Mère pour l’assurer de ses bonnes intentions à maintenir fermement la paix, et la mettre au courant des résolutions toutes pacifiques qui ont été prises par l’assemblée de Montauban[249].
Le lendemain 30 juillet il lui écrit encore pour la prévenir qu’il lui envoie le sieur de Lézignan, « porteur des plaintes de ceulx de la Religion[250]. »
Enfin, le même jour, il écrit, toujours de Montauban, à Henri III « pour lui faire entendre, par l’entremise du sieur de Lézignan, ce qui s’est passé en l’assemblée qui a esté faicte en cette ville où il n’a esté rien traicté que pour le bien du service du Roi et l’entretenement de ses édicts, et lui présenter aussi de sa part les plainctes de ceux de la religion reformée[251]. »
Cette assemblée de juillet 1579 fut une des plus importantes, tenues par le parti réformé. Les réunions furent si nombreuses, il vint tant de délégués des quatre coins de la France, que c’est à peine si la grande salle du Sénéchal put les contenir. Elle fut close le 27 juillet.
Le Roi et la Reine de Navarre durent quitter Montauban le dernier jour de juillet, ou le 1er août au plus tard. Nous ignorerions complètement leur itinéraire pour rentrer à Nérac, si les livres de Comptes du Roi de Navarre ne nous édifiaient sur une partie de leur trajet.
Nous y trouvons en effet : « Aux maîtres des six bateaux qui ont porté et conduit Sa Majesté la Reine, Madame et leur suite, de Moissac à Agen, 80 livres[252]. »
D’où l’on peut conclure que Marguerite préféra rentrer par eau, en descendant le cours de la Garonne, avec sa belle-sœur Catherine de Bourbon et tout son train.
À côté nous lisons également : « À l’argentier, 67 sous tournois qu’il a payés le dimanche 2 août par ordre du Roy, partant de Layrac pour aller disner à La Fotz, chez le sieur de Bajaumont, savoir : au batelier qui passa la rivière à dix-huit ou vingt chevaux, demi-teston, et à une troupe de mariniers qui dansaient sur le bord de la rivière, pour leur vin, un écu sol[253]. »
La Reine Marguerite rentra donc de Montauban à Nérac par Moissac, Lafox et Agen, du 1er au 6 août 1579.
Le 7 août toute la Cour était à Nérac. Ce jour-là en effet le Roi de Navarre écrivait, de ce lieu, une lettre à Biron, au sujet du démantellement du château de Langon, toujours occupé par les catholiques[254].
Du 7 au 11 août, séjour audict Nérac.
Les livres des Comptes de la Reine de Navarre, et par suite son itinéraire, reprennent à la date du 12 août.
Du mercredi 12 aout au lundi 31, ladicte dame et tout son train audict Nérac.
(Total des dépenses pour le mois d’août : 2 137 écus, 26 sols, 1 denier. Payé seulement : 1 774 écus, 3 sols).
Cet été de 1579 fut véritablement l’âge d’or de la petite Cour de Nérac. Au souffle des brises embaumées de la Baise, les orages de Pau se sont dissipés, et l’on n’entend plus parler que de fêtes et de chasses, que de bals, que d’amour, que de récréations de toutes sortes. Marguerite est bien la reine de son joli royaume ; et cette souveraineté, elle l’exerce avec sa grâce habituelle. Les deux partis ont le libre exercice de leur religion. Entre eux plus de jalousie, plus de haines réciproques. Il semble qu’une bonne fée ait étendu sur tous sa baguette bienfaisante et qu’une ère de paix se soit ouverte pour de longues années.
Tous les écrivains de l’époque ont célébré à l’envi cet heureux état de choses. Mieux que tout autre encore nous le dépeint Marguerite dans ce charmant passage de ses Mémoires, si souvent reproduit, et d’où s’exhale comme un parfum de Cour d’amour des anciens temps :
« Félicité qui me dura l’espace de quatre ou cinq ans que je fus en Gascogne avec luy (le roy mon mary[255]), faisant la pluspart de ce temps-là nostre séjour à Nérac, où nostre Cour estoit si belle et si plaisante que nous n’enviions point celle de France ; y ayant Madame la princesse de Navarre, sa sœur, qui depuis a esté mariée à M. le duc de Bar, mon nepveu[256], et moy avec bon nombre de dames et de filles ; et le roy mon mary estant suivy d’une belle troupe de seigneurs et gentilshommes, aussi honnestes gens que les plus galants que j’aye veus à la Cour ; et n’y avoit rien à regretter en eux sinon qu’ils estoient huguenots. Mais de cette diversité de religion il ne s’en oyait point parler ; le roy mon mary et Madame la princesse sa sœur allants d’un costé au presche, et moy et mon train à la messe, en une chapelle qui est dans le parc ; d’où, comme je sortois, nous nous rassemblions pour nous aller promener ensemble ou en un très beau jardin qui a des allées de lauriers et de cyprez fort longues, ou dans le parc que j’avais faict faire en des allées de trois mille pas qui sont au long de la rivière ; et le reste de la journée se passoit en toutes sortes d’honnestes plaisirs, le bal se tenant d’ordinaire l’aprés-disnée et le soir[257]. »
Nous avons déjà, dans les pages précédentes, décrit sommairement le château de Nérac, tel qu’il se trouvait au moment où Marguerite vint l’habiter. Nous ne reviendrons pas ici sur ses dispositions intérieures[258]. Disons seulement qu’il est de tradition constante à Nérac que la belle et poétique garenne, qui étale ses magnifiques ramures sur la rive droite de la Baïse, fut plantée à ce moment par la reine Marguerite. Le Jardin du Roi au contraire, « aux allées de lauriers et de cyprez fort longues », s’étendait le long de la rive gauche, au pied même des terrasses du château[259].
La Huguerye nous dit à ce propos dans ses intéressants Mémoires :
« Le lendemain matin, S. M. (le roi de Navarre) me faist appeler et conduire en son jardin, où je le trouvay en la grande allée des lauriers. Et congneu qu’il me fist longtemps promener avec lui exprès pour me faire voir au sieur de Belièvre que je vey au bout de ladite allée, venu vers lui pour negotier la reconciliation de la reyne sa femme. Et peu après S. M. me mena en sa sale de lauriers[260]. »
C’est dans ce cadre charmant, chanté aussi bien par les poètes du xvie siècle que par ceux de nos jours[261], que se complaît la reine de Navarre ; et c’est cet heureux séjour dont elle aime à évoquer le souvenir aux heures tristes de son âge mûr. N’est-ce pas elle qui planta aux abords de la fontaine Saint-Jean ces deux ormeaux jumeaux, symboles de sa réconciliation avec son mari[262] ? Elle, qui avait obtenu d’Henri de Navarre que les plus belles tapisseries de Pau fussent portées au château de Nérac[263] ; qui avait présidé à l’embellissement des jardins, à la construction d’une serre pour les orangers ? Elle enfin, qui pour égayer les longues soirées d’été avait fait venir cette troupe nombreuse d’artistes italiens, joueurs de luth et de violon, comédiens et bouffons, dont les comptes nous révèlent les joyeuses et multiples fonctions ?
« Aux violons de la ville de Condom que S. M. avait mandés venir à Nérac pour jouer des violons et autres instruments de musique, 30 livres.
« À Paul de Padoue, chef comédien et à sa troupe, 90 livres[264].
« Idem à Marco Antonio Scotivilli et Massimiano Milanino, comédiens italiens[265].
« Gages de Nicolas Léon, joueur de farces[266], etc. »
Et, avec cela, de continuels achats de confitures, « tant d’abricots que de poires de safran, apportées de Tours », de pâtes d’Italie, de boîtes de dragées, « pour porter aux filles d’honneur », de massepains surtout « pour porter, par ordre du Roi, dans la chambre de Fousseuse, fille d’honneur de la Reine ». Enfin « à Raymond de Laliève, apothicaire et valet de chambre du Roi, 483 livres, 7 sols, 6 deniers tournois, pour plusieurs parties de confitures de Gênes, par lui fournies au Roy et en diverses foys dont il a fait des collations aux filles de la Reine, sa femme et de Madame la Princesse, sa sœur, etc.[267] ».
Fosseuse joue dès ce moment un grand rôle dans les dépenses du Roi de Navarre. On ne peut mettre en doute qu’elle était friande ; et Henri de Navarre ne recule devant aucun obstacle pour contenter ses caprices d’enfant gâté. Rien encore d’ailleurs de bien sérieux entre eux. Marguerite l’écrit ingénuement :
« Durant tout ce temps-là, le roy servait Fosseuse, qui dépendant du tout de moy, se maintenait avec tant d’honneur et de vertu, que si elle eut toujours continué de cette façon, elle ne fut tombée au malheur qui depuis luy en a tant apporté et à moy aussi[268]. » Son père du reste se montrait-il bien irrité des poursuites du Vert-Galant ? On sait qu’elle était fille de Pierre de Montmorency, marquis de Thury, baron de Fosseux et de Catherine d’Avaugour. Or, dans le même livre des Comptes du Roi, recueil trop indiscret décidément, nous lisons : « Au sieur de Fosseuse-Montmorency, payé 114 écus pour certaines bonnes et justes raisons[269]. »
Le grave Sully lui-même subit le sort commun, lorsqu’il nous dépeint ainsi la Cour de Nérac en 1579. « Le Roy et la Reine de Navarre et Madame, sœur du Roy, s’estant retirez à Nérac, la Cour y fut un temps fort douce et plaisante ; car on n’y parlait que d’amour et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent, auxquels vous (pour je) participiez autant que vous (idem) pouviez, ayant une maistresse comme les autres[270].
Et d’Aubigné, le rigide censeur : « La Cour de Nérac se faisait florissante en brave noblesse, en dames excellentes, si bien qu’en toutes sortes d’avantages de nature et de l’acquis, elle ne s’estimoit pas à moins que l’autre. L’aise y amena les vices, comme la chaleur les serpents. La Reine de Navarre eut bientôt dérouillé les esprits et fait rouiller les armes. Elle apprit au Roy son mary qu’un cavalier estoit sans âme quand il estoit sans amour, et l’exercice qu’elle en faisait n’estoit nullement caché, voulant par là que la publique profession sentist quelque vertu et que le secrest fust la marque du vice. Ce prince, tendre de ce costé, eust bientost appris à caresser les serviteurs de sa femme, elle à caresser les maistresses du roi son mari, les instruisant qu’elles avoient en leur puissance la vie de leur maistresse et la déposition des plus grandes affaires de France, si bien qu’en concertant avec elles, la paix et la guerre du royaume estoient entre leurs mains[271]. »
Mais d’Aubigné jette déjà une ombre sur ce riant tableau. Nous devons néanmoins reconnaître que, jusqu’en novembre ou décembre de cette année 1579, rien de bien grave ne vint altérer la sérénité de ce beau ciel sans nuages.
Du mardi premier jour du mois de septembre au mercredi 30, séjour audit Nérac avec tout le train.
(Total des dépenses : 2 490 écus, 11 sols, 4 deniers. Payé seulement 1.610 écus, 20 deniers.)
Il ne faut pas croire cependant que les délices de Nérac, les parties de paume, les grandes chasses dans les landes de Durance et de Casteljaloux, aient fait perdre de vue à Henri de Navarre à ce moment les affaires de ses coreligionnaires. Bien au contraire il y pense tous les jours, et il écrit lettres sur lettres à ses lieutenants pour stimuler leur zèle, comme à la Reine-Mère et au Roi son beau-frère pour plaider leur cause et faire valoir leurs revendications. C’est ainsi qu’il se défend énergiquement d’être le complice de Bellegarde au sujet de l’affaire du marquisat de Saluces, d’entretenir des relations avec les Espagnols[272], et qu’à la date du 22 août il commence à se plaindre amèrement du maréchal de Biron, qui favorise « les ligues en diverses villes, comme Aulx, Geaune, etc., au lieu de les rompre et de les empêcher[273]. »
Marguerite, de son côté, en qualité de comtesse de l’Agenais, écrit le 24 août de cette année une longue lettre aux consuls d’Agen où elle les avertit des menées que l’on projette contre cette ville, et les prie « de se garder d’être surprins par telle manière de gens, et de conserver ladite ville soubs l’auctorité de Sa Majesté le plus doulcement et avec le moindre semblant et esmotion que faire ce pourra[274]. »
La surprise de Figeac par les catholiques, au mois de septembre, vient encore aviver les plaintes du Roi de Navarre et donner lieu à de nouvelles négociations[275].
Enfin le roi et la reine de Navarre entretiennent avec Damville une active correspondance, soit au sujet des affaires générales, soit pour lui recommander quelque cas particulier, comme celui du sieur du Bosq, conseiller et maître d’hôtel de Marguerite, pour lequel cette dernière lui écrit une longue lettre, à la date du 21 septembre, toujours datée de Nérac[276].
Du jeudi 1er octobre au samedi 31, séjour audict Nérac avec tout le train.
Avec l’automne, la situation s’assombrit. Les catholiques reprennent partout les armes, notamment dans le Languedoc. La prise de Montagnac, dans le diocèse d’Agde, par le parti de la Ligue émeut à ce point le Roi de Navarre qu’il écrit toujours de Nérac, à la date du 7 octobre, au maréchal de Montmorency, « que le grand meurtre des habitans, l’ignominieuse mort des ministres et le pillage et saccagement de ladicte ville, lui a esté grandement desplaisant, tant pour l’énormité de l’exécution que pour le préjudice qu’elle peut apporter à l’establissement de la paix, en donnant par ce mauvais exemple occasion à d’autres turbulens d’en faire le semblable[277]. »
Enfin, le 4 novembre, il craint tellement que les affaires ne se brouillent de ce côté qu’il lui donne rendez-vous dans son comté de Foix. « J’ay deslibéré n’y espargner pas mesme ma propre personne, et pour ce faict m’acheminer en peu de jours en mon comté de Foix ; vous priant aussi de vous approcher, à ce qu’estant plus près du mal, nous puissions y apporter ensemble plus promptement le remède qui sera requis et nécessaire pour l’establissement du bien et repos public[278]. »
Dans ces deux mois de septembre et octobre, Henri de Navarre ne reste que peu de temps à Nérac. Les 6 et 7 septembre, il est à Pau, puis à Eauze. Du 10 au 22 à Nérac, du 23 au 25 à la chasse à Casteljaloux. Il repart de Nérac le 11 octobre, va à Tonneins passer une partie de ce mois, et ne rentre que le 25 à son château de Nérac.
Marguerite, elle, ne bouge pas de Nérac.
Du dimanche 1er novembre au lundi 30, séjour à Nérac avec tout le train.
(Dépenses totales pour ce mois : 2.150 écus, 37 sols, 9 deniers. Payé seulement 1.460 écus, 25 sols, 6 deniers.)
Même repos pour Marguerite et son train, à Nérac, pendant tout ce mois de novembre. Soit pour des motifs politiques, soit à cause de la mauvaise saison, la Reine de Navarre n’accompagna point son mari en pays de Foix, où se tint, dans la seconde moitié du mois, à Mazères une importante réunion des chefs réformés.
Les lettres d’Henri de Navarre de cette époque nous édifient pleinement sur le but poursuivi. En apparence, il cherche à pacifier le Languedoc. En réalité, il se prépare à la guerre. Dupleix nous donne d’intéressants et sûrs détails sur ce qui fut décidé à cette dernière conférence. « Le Roy de Navarre estant en la ville de Mazères au comté de Foix, les dépputez des églises de Languedoc et de Daufiné l’y vindrent trouver pour lui représenter les infractions que les catholiques faisaient aux édits de pacification, et se résoudre avec lui de ce qu’ils avaient à faire. Luy, qui ne vouloit point rompre légèrement de son costé, les admonesta de temporiser un peu, en attendant que le Roy effectuât ses promesses ; et afin de se tenir prest à tout évenement, rompit deux escus d’or en deux pièces ; bailla l’une pièce de l’un à Antoine du Pleix, baron de Lecques, député des églises du Languedoc, et la moitié de l’autre escu à Sofroy de Colignon, député des églises du Daufiné et depuis chancelier de Navarre ; et, retenant devers soy les deux aultres moitiés, commanda à l’un de porter sa moitié au sieur de Chastillon, fils de l’admiral, gouverneur pour les religionnaires en Languedoc, et à l’autre la sienne au sieur de Les Diguières, qui avait été fait gouverneur du Daufiné en la place de Montbrun par le Roy de Navarre. Le secrest estoit qu’en leur envoïant à chacun l’autre moitié de l’escu, ils prissent en même temps les armes, comme feroit généralement le parti de toutes les églises de France. Ils se devoient saisir en un mesme jour (marqué, comme dit d’Aubigné, au xv d’avril de l’année suivante) de plus de soixante villes ou places d’importance[279]. »
On voit que, dès cette fin de novembre ou commencement de décembre, la guerre, que l’on a appelée depuis Guerre des Amoureux, en la faisant découler de causes pour la plupart erronées, était arrêtée en principe dans l’esprit des chefs protestants.
Du mardi 1er décembre au jeudi 31, séjour audict Nérac avec tout le train.
(Dépenses totales de ce mois : 2 250 écus, 56 sols, 7 deniers. Payé seulement 361 écus, 24 sols, 6 deniers.)
Deux événements, auxquels Marguerite attache beaucoup d’importance, marquèrent pour elle cette fin de l’année 1579 : le départ pour Paris de M. de Pibrac ; la rentrée de la Reine-Mère à la Cour.
On peut voir par les chiffres qui précèdent que la bourse de la Reine de Navarre n’était guère bien garnie en ce mois de décembre 1579. Sur 2 250 écus de dépense, elle ne peut en payer que 361. Aussi charge-t-elle son chancelier Pibrac, que son emploi de président au Parlement rappelait à Paris, de plaider sa cause auprès de la Reine-Mère.
« Madame, lui écrit-elle tout d’abord, Monsieur de Pibrac est ancore isi, que j’i ai retenu pour mes afères, qui sont en si mauves estat, qui l’ont bien besoin que me fasiès cet honneur de m’i secourir ; mes il m’est moins eutile pour le servise du Roy ; il fait difiguleté d’antrer dans ce Conseil pour ce qui n’i est point nommé ; si vous plaisait, Madame, par une de vos lettres et du Roy lui commander de s’an mesler, vous le contanteriés, car il l’an est tout mutiné, et si an retirerès de grans servisses an cet endroit[280]. »
Le départ de Pibrac dut coïncider avec l’arrivée à Paris de Catherine de Médicis. On sait que la Reine-Mère ne rentra qu’à la fin de novembre 1579 de son long voyage dans le Midi, qui avait duré près de seize mois et qui s’était terminé par le Dauphiné, la vallée du Rhône et Lyon. Une nouvelle lettre de Marguerite à sa mère nous renseigne à cet égard :
« Madame, bien que je n’aie ancores seu vostre heureuse arrivée auprès du Roi, si ai se qu’aiant su qu’i partoit de Dolinville pour aler à Orléans, je panse que soiès à ceste heure ansamble ; de quoi, Madame, avecques vostre permition, j’oserè dire vous porter un peu d’anvie ; mes atandant que la fortune me fase jouir d’un pareil heur, je vous suplie très humblemant, Madame, ne vous santir importunée que Monsieur de Pibrac vous ramantoive quelque fois cele de toutes vos filles et servantes qui vous a plus voué d’afection et très humble obéissance. » Elle lui recommande tout particulièrement Pibrac, lui rappelant « comme il a bien servi le Roi et vous an ceste conféranse et comme dinemant il s’an est acquité an ceste nesgotiation-la. » Quant à elle : « Je luy suis pour mon particulier tant obligé, n’aiant eu secours depuis si mois pour ma meson que de luy, que je serois ingrate si je ne m’an revanchois[281]. »
L’incident de Pau, on le voit, est oublié. La meilleure harmonie règne encore entre Marguerite et son chancelier. Et si la jeune Reine regrette quelque chose, c’est de ne pouvoir le suivre en ce moment à Paris.
L’hiver en effet est arrivé. Le temps est froid, les heures tristes. Henri de Bourbon est en pays de Foix avec Sully, Turenne et tous ses familiers. Marguerite, restée seule à Nérac, commence à s’ennuyer.
« Ma Sibille, écrit-elle à cette date à la duchesse d’Uzès, je vous escrirois plus souvent, mais la Gascougne est si fâcheuse qu’elle ne peut produire que des nouvelles semblables à elle ; je ne vous parleray donc point d’icy : mais je me resjouiray du contentement que vous avez de voir la Rayne, ma mère, de quoy je vous porte grand’envie et vous supplie, quand vous parlerez à elle, luy faire quelquefois ressouvenir du très humble service que je luy ay fidèlement voué… »[282].
Sa seule ressource est de s’occuper de bonnes œuvres et d’intercéder auprès de sa mère ou du Roi son frère pour les malheureux.
À cet effet elle plaide auprès d’eux la cause des habitants de Condom, où l’affaire entre le lieutenant général et le lieutenant particulier est loin d’être terminée[283], et elle contribue « par une pension annuelle de 200 livres à l’entretienement du collège de Montauban », que son frère Henri III et également son mari viennent de fonder[284].
ANNÉE 1580
Le volume 166, KK, des Archives Nationales, qui contient les recettes et les dépenses de la Reine de Navarre pour l’année 1580, ne renferme pas, comme les précédents et les suivants, en tête de ses pages, « l’estat des gaiges des dames, damoiselles, gentilshommes, etc., de sa maison. » Cet état est reporté à la fin du volume, page 124. Encore s’arrête-t-il, brusquement interrompu dès les débuts, à l’énumération des « maistres d’hostel. » Force nous est donc de nous passer, pour 1580, de la liste des serviteurs de Marguerite, laquelle, à en juger du reste par les premières pages, est en tous points semblable à celle de 1579.
En revanche ce volume nous donne, durant l’année entière, l’itinéraire complet de la Reine de Navarre.
Du vendredy, 1er jour de janvier 1580, au dimanche 31, la Royne de Navarre et tout son train au chasteau de Nérac.
Dépenses totales de ce mois, 2.320 escus, 23 sols, 7 deniers. Payé seulement 269 escus, 8 sols, 1 denier, « le reste ne pouvant estre paié à faulte de fondz et recepte suffizante. »
Nous avons déjà dit précédemment en quoi consistait à cette époque le château de Nérac et quelles réparations et adjonctions nouvelles avait cru devoir y faire le Roi de Navarre, en vue de loger les deux Reines et leur train considérable, particulièrement dans l’aile méridionale, la dernière construite, et par suite la plus confortable et la mieux aménagée. On n’ignore pas en effet que là se trouvait la superbe salle des gardes, longue de plus de vingt mètres, et qu’à la suite venait la chambre du Roi, dont M. de Villeneuve-Bargemont a donné la description la plus détaillée[285]. C’est dans ce corps de logis qu’habitait également la Reine de Navarre et qu’elle y passa tout l’hiver de 1580.
L’itinéraire d’Henri de Navarre nous apprend que ce prince demeura presque tout le mois de janvier dans le comté de Foix et principalement à Mazères, où, entouré des principaux chefs réformés, il se préparait silencieusement à la guerre. Il avait en effet à se plaindre chaque jour davantage du maréchal de Biron, qui lui suscitait mille difficultés nouvelles et dont la part à l’embuscade qui lui fut tendue à ce moment restera toujours énigmatique.
On a peu de détails sur cette affaire mystérieuse, où la vie d’Henri de Navarre était en jeu. Tout ce que l’on peut affirmer, c’est que Marguerite en apprit à Nérac les préparatifs et qu’elle put, en prévenant à temps son mari, déjouer les projets perfides de ses ennemis.
« En ce mesme tems, écrit L’Estoile dans son journal[286], le Roy de Navarre, averti par la Reine sa femme, d’une embuscade qui l’épiait pour le prendre ou tuer aux environs de Mazères, passa la Garonne à gué et se retira à Nérac. »
Or, d’après sa correspondance, Henri de Navarre était encore à Mazères les 1er, 10, 14 et 19 janvier. Il ne rentra à Nérac que le 24.
Beaucoup plus explicite est la lettre qu’écrivit, à la date du 8 février 1580, Renieri da Colle, ingénieur militaire en France, à Andrea Albertano, secrétaire du grand duc de Toscane.
« … Ultimanente, il re et regina di Navarra (?), essendo al loco contado di Foix, aspettandovi il mareschal di Montmorency che andava la per comandamento del Re, ed essendo andato a la caccia, accompagnato, fra li altri, dal visconte di Turenne, si trove in un embascata, dove i buoni cavalli à gli sproni gli servirano al bisogno. Si dice i capri di essa erano Duras e Grammont per l’esecuzione ; e Biron non ne sapeva piu di loco del che Loro Maesta di Navarra hanno mandato a lamentarsi al Re[287]. »
S’il est ici question de l’espagnol Loro, qui au dire de d’Aubigné, prétendit être venu de Fontarabie pour offrir cette ville au Roi de Navarre, mais qui, interrogé par lui, reconnut qu’il n’avait voulu avoir une audience de ce prince que pour l’assassiner, la dépêche italienne ne fait nulle mention du dévouement de la Reine Marguerite en cette affaire. Henri de Navarre est moins énigmatique, puisque il écrit, une première fois, à Henri III : « J’ay d’aultre part depuis entendu que sur le chemin de Castres, on m’avait dressé partie de quelques deux cens chevaulx lestes et bien armez. Toutes ces choses, Monseigneur, que je trouve bien estranges, j’ay pensé de vous les représenter…[288] » Et comme le Roi lui demandait par qui il avait été prévenu, « chose, lui répond-il, à quoy je ne puis obéir pour a s teure. Mais avec le temps je vous les diray, et m’asseure qu’en serés bien estouné, pour estre personnes de qui vous ne l’eussiés jamais pensé[289]. » Allusion évidente au service rendu par Marguerite, service que proclame bien haut, en la nommant, le journal de l’Estoile.
Ce qui prouve, une fois de plus du reste, la bonne harmonie qui existait encore à ce moment entre le Roi et la Reine de Navarre, Marguerite ne donnant prise à aucune critique et fermant complaisamment les yeux sur les assiduités encore platoniques de son mari auprès de Fosseuse.
Nous ne pouvons nous résoudre en effet, n’en trouvant trace sérieuse nulle part, à inscrire le nom de Turenne sur la liste trop nombreuse hélas ! des amants de la Reine Marguerite. Bien que ses ennemis, par l’organe surtout du Divorce satyrique, n’aient pas craint de présenter cette liaison comme absolument certaine et même de la donner comme une des principales causes de la Guerre des Amoureux, il n’en est pas moins vrai qu’aucun document authentique ne vient confirmer cette méchanceté. Bien au contraire, les lettres des deux époux établissent, à n’en pas douter, en ce mois de janvier 1580, les excellents rapports qu’ils ont entre eux. Dans ses Mémoires, Marguerite ne nous apprend-elle pas que c’est, non pas d’elle, mais bien d’une de ses filles d’honneur, Mlle de La Vergne[290], qu’est amoureux le vicomte, « ce grand dégouté, qui lui fait l’effet de ces nuages vuides qui n’ont de l’apparence qu’au dehors ? » Enfin, Turenne lui-même n’écrit-il pas dans ses Mémoires que, dès les premiers jours de cette année, il prit congé du Roi de Navarre qui venait de lui donner le commandement du Haut-Languedoc, « ayant, ajoute-t-il, oultre cela, un sujet qui me conviait à m’esloigner dudit Roy, pour m’éloigner des passions qui tirent nos âmes et nos corps, après ce qui ne leur porte que honte et dommage[291]. » Allusion peut-être, non pas à l’amour qu’il ne ressentit jamais pour Marguerite, mais bien à celui dont il semblait brûler pour Catherine de Bourbon, la propre sœur du Roi de Navarre, dont il s’était déclaré tout récemment le serviteur. Le 11 janvier, du reste, Turenne s’installait officiellement à Castres. Il n’était donc pas auprès du Roi de Navarre, lorsque, le mois suivant, ce dernier reçut à Nérac le capitaine Strozzi, que lui envoyait Henri II.
Du lundi 1er février au lundi 29, la Royne de Navarre et tout son train audict lieu de Nérac.
(Dépenses totales de ce mois : 2 411 écus, 18 sols, 8 deniers, sur lesquels il est payé 2 317 écus, 23 sols, 8 deniers).
Dans sa paisible retraite de Nérac, où le Béarnais resta auprès d’elle presque tout le mois de février[292], Marguerite ne s’intéressait pas seulement aux beaux-arts, à la poésie, aux frivolités de la toilette, elle suivait de près les évènements, s’attachait de plus en plus à la fortune de son mari, et dès ce moment cherchait à jouer un rôle politique.
Si elle accepte avec reconnaissance les nombreux cadeaux que lui offre Henri de Navarre, étoffes précieuses, soies, rubans, pièces d’orfèvrerie, tapisseries, etc.[293], si elle goûte, avec bonne humeur, aux innombrables « parties de confitures de Gênes, fournies au Roy par Raymond de Laliève, apothicaire et valet de chambre de S. M., pour les collations données par lui aux filles de la Reine, sa femme, et de Mme la Princesse, sa sœur[294] ; » si elle se pare « de deux paires de gants de fleur parfumés, garnis de passemens d’or et d’argent au prix de 36 l. t. » et surtout « d’un panache d’oiseau de paradis, où tout l’oiseau est, qui est des plus beaux et des plus rares, et qui a coûté 300 l. t. » etc.[295], elle tient en même temps à s’associer ouvertement aux mesures de prudence prises par son époux.
Aussi le Roi de Navarre peut-il écrire, le 4 février, au roi de France cette lettre où, le prévenant des entreprises dirigées sur les villes et places par des gens sans aveu, il ajoute : « Pour auxquelles obvier… nous avons écrit, ma femme et moy, et pryé quelques-uns de vostre conseil de nous venir trouver pour, avec quelques gentilshommes signalés du païs, résouldre ensemble les moyens pour arrester d’une part et d’aultre les prises qui se coumectent[296]. »
Partout d’ailleurs la guerre est dans l’air. Le capitaine Merle vient de prendre, le 25 décembre précédent, la ville de Mende sur les catholiques, à la faveur du son de la cloche de la cathédrale, la Nompareille, « lequel, écrit de Thou, était renvoyé avec tant d’éclat par les échos des montagnes voisines qu’on n’entendit pas les troupes qui surprenaient la ville[297]. » Vainement le Roi de Navarre proteste-t-il contre ce coup hardi de l’un de ses meilleurs capitaines, vainement cherche-t-il auprès du Roi son beau-frère à rejeter sur « des gens sans aveu » la responsabilité de la nouvelle prise d’armes, pour lui déjà inévitable et qu’au fond du cœur il désire peut-être, le moment est proche où les efforts tentés par Catherine vont rester lettres mortes et où l’animosité des deux partis va précipiter la France dans une nouvelle guerre civile.
C’est ce que prévoit aussi le président protestant de la Chambre tripartie d’Agen, Jean Chauvin, lorsqu’il écrit le 13 février au Roi Henri III que « la paour des dangiers qui semblent encore prochains a tellement saisy la plus part des juges, tant catholiques que de la R. P. R., qu’il ne voit plus moyen aucun de les pouvoir retenir ny continuer » ; et, à la même date, à la Reine-Mère, une lettre où il lui raconte l’entretien qu’il a eu récemment à Nérac avec le Roi de Navarre, « la Royne, sa femme, présente », et où il les a suppliés tous deux « de rompre et dissiper ceste nuée de troubles qui semble nous menasser[298]. En tous points d’ailleurs, Marguerite fait cause commune avec son mari, puisque, à cette même époque, elle écrit au Roi son frère et à la Reine-Mère deux lettres où elle leur recommande tout particulièrement les suppliques à eux adressées par le Roi de Navarre et sa sœur Catherine de Bourbon, à l’effet d’obtenir le paiement des pensions, « qu’il a pleu à vos prédécesseurs et à vous nous ordonner sur vos finances, et dont, quelque poursuite que nous en aions faicte nous n’avons que fort peu jouy[299]. » Et Marguerite ajoute fort complaisamment à la supplique de sa belle-sœur : « Je vous suplie très humblemant, Monsigneur, la vouloir an cela gratifier et me faire cet honneur qu’elle connoise que l’amitié qu’elle me porte et la bonne voulonté qu’elle me faict connoitre par tous ses esfais soit estimée et reconnue de vous, selon l’assurance qui vous plaît me donner de vostre bonne grase, etc.[300]
L’accord est donc parfait à la Cour de Nérac.
Du mardi 1er mars au mardi 29, séjour à Nérac avec tout le train.
Un événement fort important par les conséquences qui s’en suivirent marque à la Cour de Navarre le commencement de ce mois de mars 1580. Nous voulons parler de l’arrivée, comme ambassadeur particulier du Roi de France, de Philippe Strozzi, seigneur d’Épernay et de Bressuire, colonel général de l’infanterie française, et fils du maréchal de France Pierre Strozzi. Par commission du 14 février 1580[301], il était chargé d’apporter au Roi de Navarre et à la Reine Marguerite l’assurance des intentions pacifiques de la Cour de France, ayant mission d’apaiser les esprits, en demandant la stricte exécution du dernier édit, et d’empêcher à tout prix l’ouverture des hostilités. Sur ce point tous les écrivains contemporains sont d’accord.
Mais Strozzi, en réclamant la remise des places de sureté, se heurta à un refus formel d’Henri de Bourbon ; si bien que ce dernier écrivit aussitôt, le 3 mars, au Roi : « Mon maistre, ce m’a esté beaucoup d’honneur d’entendre vostre volonté et intention par le sr Strosse qu’il vous a pleu m’envoyer ; à laquelle je mettray tousiours peine d’obéir en ce qu’il ira de mon particulier ; seullement estant bien marry que pour le général je ne vous puis rendre la satisfaction que vous demandez… Je pense avoir tant rendu de tesmoignages de l’affection que je porte à vostre service et au bien de vostre estat, que vous me ferez cet honneur de n’en douter aucunement[302]. »
Strozzi remit-il à ce moment-là au Roi de Navarre cette fameuse lettre dont il ne connaissait pas le contenu, et qui, au dire de Mézeray, avait pour but « de semer la brouillerie dans la maison du Roy de Navarre et de lui donner martel en teste de sa femme et du vicomte de Turenne ? Mais le Roi, ajoute Mézeray, trop avisé pour considérer quelque autre chose plus que la nécessité des affaires, la montra à sa femme et au vicomte, les assurant par là qu’il ne soupçonnait aucunement leur fidélité. » D’où, la vengeance de Marguerite et sa résolution de pousser à la guerre[303].
Où Mézeray, qui écrivait son histoire de France au milieu du xviie siècle, a-t-il pu puiser ces renseignements, pour nous en tous points erronés ? Aucun des auteurs contemporains, qui ont raconté de la façon la plus détaillée les évènements de cette époque, ne fait allusion à cette perfidie d’Henri III. D’Aubigné dans son Histoire Universelle et ses Mémoires, de Thou dans son Historia sui temporis, Sully dans ses Économies royales, L’Estoile dans son journal, Dupleix dans son Histoire d’Henri III, Marguerite dans ses Mémoires, Turenne dans les siens, Du Vair dans ses Anecdotes, etc., ne soufflent mot de l’incident. D’un autre côté, Catherine dans sa correspondance, le roi de Navarre dans la sienne, Marguerite dans ses lettres, Strozzi lui-même dans ses dépêches, n’y font la moindre allusion. D’où vient donc que Mézeray d’abord, et après lui Anquetil et tous les historiens du xviiie siècle, y compris nos chroniqueurs locaux, Labénazie dans son Histoire de la Ville d’Agen, Labrunie, Saint-Amans, et enfin, Henri Martin[304], aient répété à satiété, l’un après l’autre et en se copiant tous, cette allégation mensongère.
Un seul document de l’époque, il est vrai, signale ce fait. C’est une lettre de Renieri da Colle à Belisario Vinta, dans laquelle l’ambassadeur Toscan écrit, à la date du 30 mai 1580, que la Reine de Navarre est furieuse contre le Roi son frère, pour avoir lâchement excité les soupçons de son époux contre le vicomte de Turenne ; car, ajoute-t-il, le Roi « ha scritto al re de Navarra che Turenne chiava sua moglie[305]. » Ne faut-il pas voir simplement dans ce racontar comme un écho de ce qui se disait tout bas au Louvre, où Marguerite n’était pas aimée ? Propos de mignons très vraisemblablement, calomnie de salon qu’Henri III ne démentit pas, ayant tout intérêt à la laisser propager aussi bien en haine de sa sœur que pour chercher noise au Roi de Navarre qu’il n’aimait pas davantage.
Nous croyons donc la version de Mézeray d’autant plus fausse que Turenne ne se trouvait point à Nérac, quand Strozzy y arriva. Le vicomte, on le sait, depuis le 11 janvier, c’est-à-dire près de deux mois, s’était installé à Castres, siège de son gouvernement du Haut-Languedoc. Il n’est donc pas possible que le Roi de Navarre, comme l’écrivent Mézeray et après lui la plupart des historiens, lui ait communiqué en même temps qu’à sa femme la prétendue lettre dénonciatrice d’Henri III. Aussi partageons-nous sans hésiter la manière de voir de M. le comte Baguenault de Puchesse, qui, dans un article en tous points remarquable, paru dans la Revue des questions historiques, soutient par des arguments irréfutables cette même thèse que nous[306].
Strozzy ne se rebuta pas. Il resta à la cour de Nérac jusqu’au 20 avril, c’est-à-dire jusqu’à l’époque où la guerre fut déclarée.
Le 26 mars, il écrit à son maître pour lui rendre compte de l’état des choses du pays et notamment de la situation de la Chambre tripartie d’Agen, qui ne fonctionne plus. Néanmoins il ne désespère pas d’aboutir.
« Les ungs et les aultres se plainnent toujours qu’il y a entreprice sur ville. Ce sont petits feux qu’il est aysé d’esteindre, si promtement l’on y met remède. Mes, en délayant, est à creindre que mal aysèment l’on y puisse donner bon ordre[307]. » Mêmes observations dans sa lettre du 30 mars[308].
Marguerite, de son côté, seconde ses efforts pour que la paix ne soit pas troublée. La lettre suivante, écrite par elle au roi son frère, montre suffisamment qu’elle n’a aucun grief contre lui et prouve en même temps une fois de plus la fausseté de la légende précédente :
« Monsigneur, suivant le commandement que par vos deux lettres il vous a pleu me faire, j’ai fait tout ce que j’ai peu à l’androit du roi mon mari pour faire réussir la négotiation de Monsieur d’Estresse (pour Strossi) selon vostre veulonté que je dessire plus que chose du monde voir satisfaite an ce qui despant du roi mon mari et de moi. J’espère qu’an ce qui touche le mareschal de Biron, vous en arès, Monsigneur, contantement, aiant Monsieur d’Estresse tant gangné sur le roi mon mari, qui l’a fait condessandre à ce reconcilier avec luy, ce que je n’avois jusques isi peu faire. Je panse, Monsigneur, que cet acort servira infinimant pour establir la paix an ce peis[309]. »
Et, dans une lettre adressée à la même époque à sa Sibille, la duchesse d’Uzès, elle écrit :
« Je vous supplie vouloir emploier tout vostre entendement pour faire ce qu’il (M. de La Vauguion) vous dira qui est pour le bien du service du Roy, pour l’entretenement de la paix, pour la grandeur de vostre bon nepveu et pour le contentement et repos de la meilleure de vos amies ; car je ne sais que ce seul moyen pour éviter la guerre, que vous savez combien je l’apprehende et la dois craindre[310]. »
Dans cette lettre intime, presque confidentielle, à sa meilleure amie, il faut voir les sentiments vrais qui animaient alors Marguerite et comprendre, à n’en plus douter, combien elle s’opposait à la guerre et faisait tous ses efforts auprès de son mari et des principaux chefs protestants qui l’entouraient pour les dissuader de leurs folles entreprises.
Elle-même, du reste, l’explique très loyalement dans ce passage de ses Mémoires :
« Ce commencement de désunion (entre son mari et le maréchal de Biron), s’allant tousjours accroissant, à mon très grand regret, sans que j’y peusse remédier, M. le maréchal de Biron conseille au Roy de venir en Guyenne, disant que sa présence y apporteroit un ordre. De quoy les Huguenots estant advertis, croyent que le Roy y venoit seulement pour les desemparer de leurs villes et s’en saisir ; ce qui les fist résoudre à prendre les armes, qui estoit tout ce que je croignois de voir, moy estant embarquée à courre la fortune du roy mon mary, et par conséquent me voir en un party contraire à celuy du roy et de ma religion. J’en parlay au roy mon mary pour l’en empescher, et à tous ceulx de son conseil, leur remonstrant combien peu advantageuse leur seroit ceste guerre, où ils avoient un chef contraire tel que M. le mareschal de Biron… Mais la crainte qu’ils avoient de la venue du roy en Guienne, et l’esperance de plusieurs entreprises qu’ils avoient sur la pluspart des villes de Gascogne et de Languedoc, les y poussoit tellement qu’encore que le roy mon mary me fist cet honneur d’avoir beaucoup plus de créance et de fiance en moy, et que les principaux de ceux de la religion m’estimassent avoir quelque jugement, je ne peus pourtant leur persuader ce que bientost après ils recognurent à leurs despens estre vray. Il fallut laisser passer ce torrent qui allentit bientost son cours, quand ils vindrent à l’experience de ce que je leur avois prédict[311]. »
Certes, d’Aubigné peut avoir raison, lorsque faisant dans son Histoire Universelle un portrait saisissant et comme toujours un peu outré de la cour de Nérac à cette époque, il clame bien haut que « l’aise y amena les vices comme la chaleur les serpens. » Il exagère toutefois, quand il rend Marguerite, qu’il détestait profondément, responsable de la nouvelle guerre, et, la traitant de femme artificieuse, prétendre « que pour remettre la guerre sur les bras de son mari, à quelque prix que ce fut, elle se servit de l’amour du roi de Navarre envers Foceuse, jeune fille de quatorze ans et du nom de Montmorenci, pour semer en l’esprit de ce prince les résolutions qu’elle y désirait[312]. » Ce qui n’empêche pas tous les auteurs d’avoir adopté, depuis, son opinion et d’avoir attribué à ces prétextes futiles les causes de la nouvelle guerre, à laquelle ils ont donné le nom de Guerre des Amoureux. « Mais on se tromperait fort, écrit très judicieusement M. Guadet, on donnerait à des amoureux une trop grande importance, on ferait trop bon marché de l’état général des affaires, si l’on ne voyait que cela. Ce serait singulièrement grandir les petites choses et rapetisser les grandes[313]. »
Non ; jusqu’au dernier moment, Marguerite n’a pas voulu la guerre. Et ce n’est que lorsque les hostilités ont commencé qu’elle a franchement embrassé la cause de son mari, ainsi que son devoir du reste le lui prescrivait.
Le mercredi 30, ladicte dame et son train, disne à Nérac, souppe et couche au Port-Saincte-Marie.
Le jeudi 31, ladicte dame et son train disne au Paravys, où ladicte dame a faict la communion, souppe et couche audict Port-Saincte-Marie.
(Dépenses totales pour le mois de mars, 2 328 écus, 1 sol, 9 deniers. Payé seulement, 2 241 écus, 26 sols, 9 deniers.)
Le vendredi 1er avril, ladicte dame Reine de Navarre et son train, au Paravis, près le Port-Saincte-Marie.
Le samedi 2 avril, ladicte dame disne au Paravis près le Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Il s’agit ici de la semaine sainte de l’année 1580.
En bonne catholique qu’elle était, Marguerite voulut aller faire ses Pâques en lieu sûr. Nérac, acquis au protestantisme, ne lui offrait ni assez de sécurité, ni assez de recueillement. Elle pensa alors au pieux asile où, durant l’hiver de 1579, sa mère Catherine avait, du Port-Sainte-Marie qu’elle habitait, si souvent dirigé ses pas, et elle résolut d’aller demander aux saintes filles qui l’occupaient un peu de calme et de repos, dont elle avait tant besoin.
La Reine Marguerite y passa toute la journée du jeudi saint et aussi celle du vendredi saint, rentrant coucher le soir au Port-Sainte-Marie. Elle en repartit le samedi pour revenir à Nérac. Les évènements en effet se précipitaient d’heure en heure.
Du samedi 3 avril au samedi 30, la Reine de Navarre et tout son train audict château de Nérac.
Dépenses totales pour ce mois d’avril : 2 098 écus, 1 sol, 10 deniers. Payé seulement 1 799 écus, 12 sols, 8 deniers.
Ou Marguerite s’abusait fort, lorsque, dans la lettre qu’elle écrivait à la fin de mars à son frère et que nous venons de reproduire, elle lui annonçait la réconciliation opérée par Strozzi entre le Roi de Navarre son mari et le maréchal de Biron, ou bien, comme d’aucuns l’ont écrit, elle jouait double jeu et cherchait à donner le change au Roi pour permettre aux Réformés de terminer, sans être inquiétés, leurs préparatifs de guerre. Toujours est-il que plus que jamais les esprits sont montés et que de tous côtés on se prépare aux hostilités.
Le 1er avril, le sénéchal de Bajaumont écrit, de La Fox, au maréchal de Biron qu’ « il n’y a ville en Guyenne où la plus part du peuple soit plus mal affectionné que celluy d’Agen » ; et, le 6, il lui annonce que Marmande et Villeneuve vont être incessamment l’objet d’une entreprise des troupes protestantes, en même temps que la ville d’Agen est si mal gardée « qu’il la tient déjà pour perdue[314]. »
De son côté Henri de Navarre, tout en protestant encore auprès du Roi de ses intentions pacifiques et en l’assurant de ses meilleures volontés, ne néglige rien pour mettre tous les atouts dans son jeu. Il correspond avec Lesdiguières en Dauphiné, avec Châtillon en Languedoc, écrit le 13 avril de Lectoure au comte de Sussex, grand chambellan d’Angleterre, pour demander l’appui de la reine Élisabeth ; et il donne à ses meilleurs lieutenants Melon, Vivans, Saint-Genyès, Noé, Turenne, etc., ses instructions les plus précises et les plus détaillées[315].
Enfin, son parti est pris. Il réunit ses plus fidèles et leur dévoile le fond de sa pensée. « Peu de jours après mon arrivée, écrit d’Aubigné dans ses Mémoires, le Roi de Navarre, minutant en son esprit une nouvelle guerre, ne consulta pour la résoudre que le vicomte de Turenne, Favas, Constant et moi. De ces cinq que nous étions à ce pourparler, les quatre premiers étaient passionnément amoureux et ne prenant conseil que de leurs maîtresses, qui vouloient absolument la guerre pour se venger de quelques injures qu’elles croyaient avoir reçues de la Cour de France ; elle y fut résolue : ce qui la fit surnommer la Guerre des Amoureux, parce que les mignons d’Henri III у furent pareillement incités par leurs maîtresses, qui vouloient de leur côté tirer vanité de la bravoure que leurs amans y feroient paraître[316]. » Les motifs de cette guerre, nous venons de le démontrer, étaient plus élevés et plus sérieux que ne veut le dire ici d’Aubigné. La belle et si touchante lettre, bien connue du reste, qu’Henri de Navarre écrivit à sa femme à la date du 10 avril, en est la meilleure preuve :
« M’amie, encores que nous soyons vous et moy tellement unis que nos cœurs et nos volontéz ne soient qu’une mesme chose et que je n’aye rien si cher que l’amityé que me portés, pour vous en rendre les devoirs dont je me sens obligé, sy vous prierai-je ne trouver estrange une résolution que j’ay prise, contrainct par la necessité sans vous en avoir rien dict. Mais puisque c’est force que la sçachiés, je vous puis protester, m’amie, que ce m’est un regret extrême, qu’au lieu du contentement que je désirais vous donner et vous faire recevoir quelque plaisir en ce païs, il faille tout le contraire, et qu’aiés ce desplaisir de voir ma condition reduicte à un tel malheur. Mais Dieu sçait qui en est la cause. » Et, énumérant toutes les injustices dont son parti est victime, toutes les dissimulations dont on a usé à son égard, rappelant tous les efforts qu’il a faits pour conjurer le mal, et malgré sa bonne volonté, comprenant que devant l’audace des ennemis il ne faut plus s’endormir, il termine ainsi : « Je suis party avec aultant de regret que j’en scaurais jamais avoir, aiant différé de vous en dire l’occasion, que j’ay mieulx aimé vous escrire parceque les mauvaises nouvelles ne se sçavent que trop tost. Nous aurons beaucoup de maulx, beaucoup de difficultés, besoing de beaucoup de choses ; mais nous espérons en Dieu et tascherons de surmonter tous les desfaulx par patience, à laquelle nous sommes usités de tout temps. Je vous prie, m’amie, commander pour vostre garde aux habitans de Nérac. Vous avés là M. de Lésignan pour en avoir le soing, s’il vous est agréable, et qui le fera bien. Cependant aimés-moy tousiours comme celuy qui vous aime et estime plus que chose de ce monde. Ne vous atristés poinct ; c’est assés qu’il y en ayt un de nous deux malheureux, qui néantmoins en son malheur s’estime d’aultant plus heureux que sa cause devant Dieu sera juste et équitable. Je vous baise un milion de fois les mains. Vostre bien humble et obéissant mary. Henry[317]. »
Et cinq jours après, le 15 avril, date de la déclaration de guerre, après avoir envoyé à chaque chef la moitié de cet écu d’or qu’il avait partagé avec eux à la réunion de Mazères, Henri de Navarre lança de L’Isle en Jourdain un manifeste « à ceulx de la Noblesse », où il leur apprend la cause de la reprise des hostilités, les rend juges des actes d’arbitraire et de violence commis par les catholiques, et fait appel à leur fidélité et à leur dévouement[318].
Il écrit toutefois encore à la date du 20 avril deux lettres, l’une au Roi, l’autre à la Reine-Mère, pour leur expliquer sa conduite et les motifs « qui l’ont contrainct d’en venir aux armes[319]. »
Puis il se tait jusqu’après la prise de Cahors.
Marguerite de son côté ne laisse pas que d’être tout d’abord fort embarrassée. Pibrac, qui avait été chargé par elle de vendre à Paris son hôtel d’Anjou et qui après de longs pourparlers finit par l’acquérir lui même pour la somme de 10 000 escus, le 17 avril de cette année[320], continuait, sur l’ordre de Marguerite, d’entretenir le Roi et la Reine-Mère de ses bonnes intentions ainsi que de celles de son mari.
Aussi, quand la guerre fut déclarée, y eut-il au Louvre une explosion de colère contre l’astuce de Marguerite et la fourberie de son chancelier. Le malheureux Pibrac, qui n’en pouvait mais et ignorait absolument le dessous des cartes, paya pour tout le monde et fut violemment rabroué par le Roi. En même temps, Catherine écrivait de Chenonceaux, le 21 avril, une lettre à sa fille, où elle ne lui cachait point sa mauvaise humeur, lui reprochant sa conduite douteuse et lui demandant de rappeler au plus vite à son mari qu’il commettait une lourde faute, se faisait le plus grand tort, et se trompait étrangement en croyant réussir dans ses criminels projets[321].
Nous ne connaissons pas la réponse de Marguerite. En revanche, voici une lettre fort curieuse qu’elle écrivit à ce moment au Roi son frère et où elle défend encore son époux :
« Monseigneur, depuis le partement du sieur de Lanconne, il est survenu tant de remumans et de nouvautés que je ne sai quele ian dois esperer l’isue. Grammont et Duras ont assamblé forse ians, l’un auprès de Bordeaux, l’autre aux frontières de Beart. Le Roi mon mari a divers avertissemens de tous cotés ; les uns disent qui voulet antreprandre sur quelques viles de la Religion, les autres sur le Béart, et les autres sur le lieu où nous sommes maintenant. C’est anouit le troisième jour qui sont ansamble. L’on dit qui l’ont des comitions de M. le mareschal de Biron, et le Roi mon mari croit que s’est luy qui leur faict jouer ce jeu pour le dessespérer et luy faire prandre les armes ; ce qui ne fera pas, et ne sera point dit que ce soit luy qui commanse ; vous seupliant très humblemant, Monsigneur, de croire que si l’on ne l’ataque an une de leurs villes qui ne bougera, estant résolu dandurer jusques à l’extrémité pour faire connaistre sa bonne voulonté à l’antretenement de la paix. Aussi, Monsigneur, qui sasure que cest contre vostre intantion, ce que je vous suplie très humblemant, Monsigneur, faire prontemant paroistre à ceux qui lignoret ou la respecte peu. Croies, Monsigneur, que je n’oublie rien an ceste aucasion du servise que vous pouvès atandre d’une très humble servante que vous honorès du nom de vostre bonne seur. Car outre ce que qui sais poussée par la résolution que jai faite de vous servir, j’ai devant mes ieux mile malheurs représentés qui se préparent pour moi. Si la gaire est de sorte, Monsigneur, que falloient tous moiens pour la destourner, je n’orais autre recours que prier continuellement Dieu qui me voulut auter de ce monde. Je vous suplie donc très humblemant, Monsigneur, outre le soin que vous avès du repos de vos sujets et de la conservation de vostre royaume, ajouter la pitié que vostre bon naturel vous convieroit d’avoir de ma miserable vie pour prandre quelque bonne résolution qui ote ce commensement de gaire et nous donne une paix durable et perpetuelle. Ce que je prie à Dieu vouloir permettre et me continuer an l’honneur de vostre bonne grase, baisant en toute humilité et très humblemant vos beles mains.
En même temps qu’elle atténuait ainsi auprès du Roi son frère la conduite de son mari, la Reine de Navarre cependant, d’un autre côté, embrassait ouvertement sa cause ; et, tandis qu’Henri commençait la campagne en fortifiant Casteljaloux, Lectoure et autres places importantes[323], Marguerite, tout en demeurant à Nérac, ne restait pas inactive et cherchait à lui créer de nouveaux partisans. Dans ce but, elle écrit, dès le 21 avril, à Monsieur de Saint Orens, un des gentilshommes les plus influents du Condomois[324], d’abord pour le flatter, puis pour lui renouveler les assurances d’amitié et de protection du Roi son mari. Elle lui apprend en même temps le départ de Strozzi.
« Mons. de S. Ourens, pour respondre à vostre lettre, je vous advise que Mons. Destrossy partit hier d’ycy pour s’en aller à Gen…. Et vous diray comme le Roy de Navarre monsr mon mary n’a prins la résolution qu’il a prinse qu’avec une grande nécessité qui l’a contrainct, acompaignée neantmoings d’un grand regret et desplaisir, pour n’avoir eu autre intention qu’à establir la paix en son gouvernement et partout ailheurs ou sa créance sestant…[325].
Le même jour, Henri de Navarre écrivait aux Consuls de Condom, pour les assurer de ses bonnes intentions et les prémunir contre ceux qui tenteraient de les attaquer[326].
Qu’y a-t-il de vrai dans cette nouvelle, annoncée le 28 avril 1580, par Renieri da Colle au secrétaire du grand-duc de Toscane ? Faut-il y voir encore un propos de cour, que rien ne vient confirmer ? Le Roi de Navarre, toujours en butte aux assassins, est supplié de se tenir sur ses gardes. Il aurait répondu : « Che lo sapeva bene, me che sua vita era nelle mani di Dio, il quale sperava gli fara grazia di vedere, confusi per terra quelli che pensano di rovinaclo. » Et après avoir parlé des bruits vagues de tentatives d’empoisonnement, Renieri rapporte que le Roi de Navarre, sur le point de se mettre à table chez un gentilhomme Gascon, reçut de la Reine sa femme un avis secret qui le décida à chercher une excuse et à se rendre aussitôt à Nérac. Sur les énergiques réclamations du gentilhomme, informé du soupçon dont il était l’objet, le Roi se contenta de répondre qu’il le tenait pour homme d’honneur, attaché qu’il était à sa personne[327].
Aucun auteur contemporain ne fait allusion à ce fait rapporté par l’ambassadeur Toscan. Néanmoins il est à rapprocher de l’histoire assez énigmatique du capitaine espagnol Loro, racontée par d’Aubigné, dont nous avons déjà parlé, et plus encore de celle de Gabarret, survenue vers le mois d’août de cette même année et restée toujours obscure, malgré les détails qu’en donnent d’Aubigné dans son Histoire Universelle, et le chanoine Syrueilh dans sa chronique si intéressante et si pleine de renseignements inédits[328].
Du dimanche 1er mai au mardi 31, ladicte dame et tout son train audict lieu de Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois de mai, 2 171 écus, 40 sols, 10 deniers. Payé seulement 1 605 écus, 57 sols, 9 deniers).
La guerre est déclarée. Toute chance de conciliation a disparu. La parole est aux faits et non plus aux négociations. Marguerite s’installe définitivement à Nérac où la retient son rôle de reine de Navarre. Henri est parti pour Lectoure et de là pour Montauban. Son objectif est Cahors, ville qui dépend du domaine de sa femme et que l’on retient contre toute justice ; Cahors dont la population catholique refuse de pactiser avec les Réformés ; Cahors défendu par le capitaine Vesins « à la tête de quinze cents hommes de pied qu’il avait aguerris, d’une compagnie d’ordonnances et d’un grand nombre de noblesse[329]. » Le Roi de Navarre y donne rendez-vous aux troupes de la vicomté de Turenne, commandées par le mestre de camp de Chouppes ; et, partant de Montauban, « il passe, nous apprend Sully, par Nègrepelisse, Saint-Antonin, Cajarc et Sénevières, » pour arriver vers minuit, le 27 mai, devant Cahors. La chaleur était accablante ; un orage se déclara. Les Réformés profitèrent de cette circonstance, et malgré l’absence de Chouppes décidèrent de tenter l’attaque du Pont-Neuf, « en faisant jouer le pétard, machine de métal nouvellement inventée[330].
On connaît toutes les péripéties de ce drame émouvant qui dura quatre jours et au cours duquel le Roi de Navarre, comme un preux du moyen-âge, se battit en soldat à la tête de ses troupes, emportant barricade sur barricade, donnant l’exemple du plus grand courage et d’une merveilleuse présence d’esprit. Un instant compromise, malgré la mort du capitaine de Vesins, tué au début de l’action, la victoire resta aux mains des Réformés, grâce à l’arrivée, le troisième jour, du capitaine Chouppes et surtout à l’indomptable énergie d’Henri de Bourbon. Il faut lire tous les détails de ces journées sanglantes dans le récit qu’en a fait Sully lui-même, qui ne quitta point le roi de Navarre, et où il nous dépeint son maître, toujours sur la brèche, « les pieds si écorchés et si pleins de sang, qu’il ne se pouvait quasi plus soutenir ; » ses armes « faussées de coups d’arquebuse et de coups de mains », les soldats, « ne mangeant et ne buvant qu’un coup et un morceau, toujours en combattant, » et lui-même Rosny, « blessé d’un coup de hallebarde dans la cuisse gauche, qui ne l’empescha pas de se trouver aux exploits qui furent en si grand nombre, qu’il n’avait guère vu de choses plus dignes de remarque, pour estre des plus belles et des plus effroyables tout ensemble[331]. »
« Madame de Batz, écrivait à sa cousine Henri de Navarre, le dernier soir du combat, 31 mai, je ne me despouilleray pas, combien que je sois tout sang et pouldre, sans vous bailler bonnes nouvelles et de vostre mari, lequel est tout sain et sauf. Le capitaine Navailles, que je despeche par dela, vous desduira comme avons eu bonne raison de ces paillards de Cahors. Vostre mary ne m’y a quitté de la longueur de sa hallebarde. Et nous conduisait bien Dieu par la main sur le bel et bon estroit chemin de saulveté, car force des nostres, que fort je regrete, sont tombez à costé de nous…[332] »
De ce jour, le parti calviniste reconnut qu’il avait véritablement un chef devant lequel tous devaient s’incliner, et la Cour un ennemi redoutable avec lequel il fallait désormais compter.
« Entre toutes ses autres actions, écrit Davila, ayant rendu des preuves de sa vivacité merveilleuse, il donna en celle-ci autant d’étonnement à ses gens que de terreur à ses ennemis, leur faisant connaître à quel point il était hardi dans les combats. »
La prise de Cahors n’eut aucun résultat pratique. Le maréchal de Biron reçut de la Cour l’ordre immédiat de lever une armée aussi forte que possible, devant laquelle Henri de Navarre comprit qu’il ne pouvait lutter. Aussi se retira-t-il en toute hâte à Nérac pour y établir le centre de ses opérations militaires et chercher à recruter de nouveaux partisans.
Du mercredi 1er juin au jeudi 30, ladicte dame avec tout son train audict Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois de juin, 2 132 écus, 51 sols, 3 deniers. Payé seulement 1 663 écus, 22 sols, 7 deniers).
Il n’est pas une ville un peu importante de Gascogne que Marguerite, en ce printemps de l’année 1580, n’ait cherché à gagner à la cause de son mari. Nous en citerons quelques exemples.
Dès le 21 avril, elle adresse « aux sieurs vicaire, chappitre et Consulz de la ville d’Aux » la lettre suivante « en guise de sauvegarde pour la préserver de toute oppresion. »
« Chers et bien amés, j’ay veu les lettres et articles que m’avés envoyé touchant et conservant l’estat de votre ville d’Aux et des moyens de la préserver et guarantir de foule et d’opresion des gens de guerre en ces nouveaulx troubles, et tout ainsin que vous avés désiré que je me rendisse pour ceste occasion médiatrice envers le Roy Monsieur mon mary, je l’ay faict aussi avec la mesme affection que vous l’eussiés sceu desirer, l’ayant trouvé fort disposé à incliner à vostre requeste, ainsin que vous entendrés par le sieur du Ferrier qui a esté présent au traicté de ceste affaire, vous asseurant que en tout ce que je pourray m’employer pour vostre bien, repos et soulagement, je le feray d’aussi bonne volonté que je prieray Dieu, Chers et bien amés, vous avoir en sa sainte garde. À Nérac, ce xxie jour d’avril 1580. Votre bonne amie Marguerite. » Et en marge : « Messrs, je vous prie, croyes que le Roy mon mary et moy ferons pour vous tout ce qui sera possible. » Et au dessous est escript : « À nos chers et bien amés les vicaire, chappitre et consuls de la notre ville d’Aux[333]. »
Puis, c’est Condom principalement qu’elle vise, Condom, fidèle au Roi de France, qui ne demande qu’à rester tranquille et qui est tiraillée par tous les partis. Le peuple, les jurats, les consuls déclarent « qu’ils aiment mieux creber tous sur les murailles, plutot que les ennemis du Roy n’entreroient dans la ville[334]. » Mais quelques gentilshommes, avides de bruit et de combats, tiennent pour le Roi de Navarre. C’est à eux que Marguerite s’adresse pour que la ville imite l’exemple de Lectoure et de la plupart des cités voisines, c’est-à-dire se prononce ouvertement pour le Roi de Navarre.
Il faut voir, dans les curieuses lettres que l’habile princesse écrit également aux consuls de la ville, à la date des 1er, 6, 12, 15, 23, 30 juin de cette année, et que nous avons déjà publiées[335], avec quel art elle cherche à les contenter, et par quelles fallacieuses promesses elle travaille à se les attacher. Elle ne cesse de les prémunir contre les tentatives criminelles du sénéchal de Bajamont et du maréchal de Biron et elle les assure que s’ils demeurent fidèles à la cause du roi de Navarre « ils ne seront plus molestés pour le paiement de la taille. » Enfin, elle leur donne entière satisfaction au sujet de la prise du moulin d’Autièges, poste avancé sur la Baïse, entre Nérac et Condom, par quelques soldats réformés de la garnison de Lectoure ; et elle négocie si bien qu’elle fait rendre le susdit moulin à ceux de Condom, pourvu toutefois qu’après ladite reddition les soldats qui l’occupent ne soient point molestés par les troupes catholiques de la ville ; ce qui est d’ailleurs l’ordre formel de son royal époux.
Celui-ci du reste ne s’endort pas dans les délices de la capitale de l’Albret. Il parcourt en tous sens le pays, se trouve à Casteljaloux les 15, 18 et 23 juin, au Mas-d’Agenais le 29, d’où il écrit à sa femme une lettre relative à l’affaire du moulin d’Autièges et à la conservation de la ville de Condom, revient à Nérac le dernier jour de ce mois[336], et en repart le lendemain pour aller à Tonneins se mesurer enfin avec l’armée du maréchal de Biron.
Du vendredi 1er juillet au dimanche 31, ladicte dame Royne de Navarre et tout son train audict Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois de juillet, 2 057 écus, 5 sols, 10 deniers. Payé seulement 1 442 écus, 15 sols, 2 deniers).
Les premiers jours de juillet furent marqués par des combats de quelque importance.
Biron quitta Bordeaux à la fin de juin, remonta avec sa petite armée la vallée de la Garonne, séjourna à Langon, à La Réole, contourna Sainte-Bazeille où les ennemis se trouvaient en force, commandés par Lavardens, et arriva dans Marmande.
Henri de Navarre de son côté s’était porté avec ses meilleures troupes à Tonneins et brûlait d’en venir aux mains avec l’armée du maréchal. À cet effet il donna l’ordre à Lusignan de s’avancer avec vingt-cinq gentilshommes jusque sous les murs de Marmande, « comme pour faire un défi. » En même temps il appuyait son lieutenant de cent arquebusiers qu’il faisait cacher dans un petit bois voisin. La garnison sortit, poursuivit Lusignan qui avait ordre de se replier jusqu’auprès du bois. À ce moment les Réformés se montrèrent et la mêlée devint générale. Blaise de Laurière, seigneur de Moncaut, est tué d’un coup d’arquebuse, et les troupes de Biron rentrent précipitamment dans la ville. On eut toutes les peines du monde à empêcher le roi de Navarre de les poursuivre et de donner l’assaut[337]. Il comprit cependant bien vite que sa petite armée, pour aussi brave qu’elle fut, ne pouvait tenir contre celle du maréchal et il se dirigea d’abord sur Bergerac et sur Sainte-Foy afin de la renforcer, puis sur Agen, laissant le champ libre au maréchal.
Ce dernier ne resta pas inactif et se mit en devoir, comme il l’écrivait déjà au Roi le 25 avril, de le servir Bironnement. Dès qu’il sut qu’Henri de Navarre avait quitté Tonneins et Lavardin Sainte Bazeille, il se dirigea, le mercredi 13 juillet, de Marmande sur Gontaud qui lui ferma ses portes, assiégea cette petite ville, l’emporta d’assaut, passa toute la garnison au fil de l’épée, et mit le feu au château et à presque toutes les maisons[338]. Puis il se rendit à Tonneins d’où tous les habitans s’en estoient feuys de nuyct, hormis quelques femmes. » Après quoi, il prit possession successivement, mais sans coup férir du Mas-d’Agenais, de Damazan, de Monheurt, de Monclar, etc., ne pouvant cependant s’emparer de Sainte-Bazeille, « une grande maladie étant survenue à son camp, dont plusieurs en moururent ; qui fut cause que beaucoup de soldats s’en allèrent du camp, et plusieurs gentilshommes tombèrent malades et s’en alloient à la file, dont mondict sieur mareschal de Biron, marri et fasché luy-mesme, tomba malade et enfin fut contrainct, sur le commencement du mois d’aoust, de licentier ung chascun pour s’en aler repatrier et changer d’air, à la charge de le venir trouver dans quinze jours ou trois semaines après[339]. »
C’est à cette date qu’il faut faire remonter cette jolie lettre de Marguerite, pleine de détails sur tout ce qui se fait en Gascogne, et où l’aimable princesse, qui cependant a voulu la guerre, commence à supporter difficilement la monotonie des longues journées de cet été, passé toute seule à Nérac :
« Ma Sibille, écrit-elle à sa cousine la duchesse d’Uzès, de Nérac 1580, vous m’escrivez toujours que je vous mande tout ce que je pense et tout ce que je sçais. Ce me seroit à moy beaucoup plus de consolation que ce ne vous seroit de plaisir, pour l’asseurance que j’ay du bien que me voulez, qui causeroit, sachant l’estat où je suis, plus d’ennuy que de son contraire. Or je ne vous diray donc point combien de douleurs et d’afflictions je supporte ; mais je vous discourray l’estat des affaires de ce païs et par là vous jugerez quelle je puis estre. Depuis la prise de Cahors, que vous avez sceue, le Roy mon mary est revenu en ses quartiers, où depuis huict ou dix jours Monsieur de Biron s’est mis aux champs pour assiéger Basas ou quelques autres places, auxquelles Laverdin, Favas et infinis autres se sont jetés : ce qui, à mon opinion a empesché que l’on ne les ait assiégés, s’estant batus devant Castels (pour Casteljaloux), où ils ont rapporté quelques enseignes. Depuis M. le Maréchal de Biron s’est résoleu de passer la rivière pour venir à Agen, au passage de laquelle le Roy mon mary l’attend depuis huict jours, de sorte qu’ils ne peuvent passer sans se battre. Jugez, je vous supplie, en quelle peine je puis estre, ma Sibille ; si vous plaignez ma douleur, je l’en estimeray moindre. Je vous supplie, parlant à la Royne ma mère, faites luy souvenir de ce que je luy suis et qu’elle ne me veuille rendre si misérable, m’ayant mise au monde, que j’y demeure privée de sa bonne grâce et de sa protection. Si l’on faisait valoir le pouvoir de mon frère, nous aurions la paix : car c’en est le seul moyen[340]. »
L’ardeur belliqueuse des premiers jours s’est, on le voit, calmée dans l’esprit de Marguerite. Elle comprend, avec son mari, que pour le moment il n’y a rien à gagner à continuer les hostilités.
Du lundi 1er août au mercredi 31, ladicte dame et tout son train audict Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois d’août 2 074 écus, 3 sols. Payé seulement : 1 436 écus, 12 sols, 3 deniers).
Durant tout ce mois d’août, les deux partis restent en présence, sans cependant prendre contact. Les premiers jours, Biron séjourne à Agen, où il reconstitue assez péniblement son armée, décimée, on l’a vu, par la maladie, « que l’on appelle Michelle, qui est comme la coqueluche, mais plus véhémente[341]. »
Henri de Navarre, ou tout au moins quelques-unes de ses troupes, commandées par ses meilleurs lieutenants, se tient sur la rive opposée dans le Bruilhois, prêtes à s’opposer à toute tentative du maréchal. Ce qui n’empêche pas le Vert-Galant de revenir plus souvent qu’il ne faudrait peut-être à Nérac, où sa présence est de plus en plus recherchée. Mais laissons parler Marguerite elle-même : « Je suppliai alors le Roy et la Royne ma mère, si en ma considération ils ne me vouloient tant obliger que de faire esteindre ce feu, au milieu duquel je me voyais exposée, qu’au moins il leur plust commander à M. le maréchal de Biron que la ville où je faisais mon séjour, qui estoit Nérac, fust tenue en neutralité, et qu’à trois lieues près de là il ne s’y fist point la guerre, et que j’en obtiendrais autant du roy, mon mary pour le party de ceulx de la religion. Cela me fust accordé du Roy, pourvu que le Roy mon mary ne fust point dans Nérac ; mais que lorsqu’il y seroit, la neutralité n’aurait point de lieu. Ceste condition fut observée de l’un et de l’aultre party avec autant de respect que j’eusse pu désirer ; mais elle n’empescha pas que le Roy mon mary ne vint souvent à Nérac, où nous estions, Madame sa sœur et moy, estant son naturel de se plaire parmy les dames, mesme estant lors fort amoureux de Fosseuse qu’il avait toujours servie depuis qu’il quitta Rebours ; de laquelle je ne recepvais nul mauvais office ; et pour cela le Roy mon mary ne laissait de vivre avec moy en pareille privauté et amitié que si j’eusse esté sa sœur, voyant que je ne désirais que de le contenter en toutes choses[342]. »
La paix est donc complète encore dans le ménage. Marguerite accepte les assiduités de son mari auprès de Fosseuse ; et, si ce n’était la guerre, elle jouirait d’un bonheur parfait.
Ce ne sont, en effet, à Nérac que fêtes, que plaisirs champêtres, qu’amusements variés. Les mêmes dépenses de la Reine se soldent toujours aussi nombreuses, et les émotions des batailles ne lui font pas perdre de vue ses toilettes nouvelles, ses parures de plus en plus élégantes. Il faut voir dans les comptes de cet été 1580 à quel chiffre se montent les paiements faits aux argentiers, aux orfèvres, aux tapissiers, aux couturiers, aux cordonniers. Ici ce sont des robes et des voiles pour les filles ; là des soieries et des rubans. Et encore, la confection de tonneaux qui servent à mettre l’eau du bain. » N’en dit-elle pas long cette simple mention : « à un valet, 9 écus, pour avoir tiré l’eau soubz les mollins de Barbaste, pour faire bains pour ladite dame par trois fois qu’elle s’est baignée durant le présent été[343] ? » Par suite de quel caprice la jolie Reine préférait-elle l’eau de la Gélise, prise sous les moulins de Barbaste, à celle de la Baïse ? Lui semblait-elle, ou plus pure, ou plus froide, pour recouvrir son beau corps ? Et encore : « Achat d’une glace de Venise, garnie de nacre, or, perles et argent, à Baudouin, passementier de la Reine de Navarre. »[344] Etc.
Du jeudi 1er septembre au vendredi 30, ladicte dame et tout son train audict Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois de septembre : 2 019 écus, 7 sols, 3 deniers. Payé seulement 1 407 écus, 43 sols, 1 denier).
Cependant le mois de septembre allait être plus mouvementé pour la Cour de Nérac.
Les menées de Biron devenaient de plus en plus suspectes. Il avait employé les derniers jours du mois d’août à prendre possession, presque sans coup férir, d’un certain nombre de postes, ou de petites villes, toutes à l’est d’Agen, tels que les forts de l’Hostelnau, du Paradou, d’Ausilis, de Coupet, les places de Sauveterre, de Saint-Maurin, de Valence-d’Agen ; et, traversant la Garonne, il vint à Auvillars où il séjourna quelque temps pour mieux détourner l’attention. De tous côtés arrivait à Nérac le bruit que le maréchal préparait une expédition importante, mais dont le but restait secret.
Brusquement Biron abandonne cette ville, prend sa marche vers le sud, « fait semblant d’aller assiéger la ville de Miradoux, mais passe par Laplume, et va attendre les troupes de cavalerie à Moncaut, my chemin de La Plume à Montagnac[345]. » Là, il rencontre un gros de troupes réformées, commandées par le comte de La Rochefoucauld et le sieur de Saint-Orens, François de Cassagnet, seigneur de Tilladet, qui s’opposent à son passage.
« À une traverse de chemin, écrit d’Aubigné, les coureurs du comte arrivèrent dans le gros des autres les premiers, et chargeant, mirent la troupe en confusion. Mais leurs coureurs, ayant pris à travers les champs, donnèrent si résolument sur les Refformés qu’ils les mettoient en désordre, sans les arquebuziers qui arrestèrent tout. À cela y eut sept ou huit gentilshommes blessés, deux tués, neuf ou dix prisonniers[346]. »
Dans sa lettre aux consuls de Condom, du 6 septembre 1580 (ce qui nous donne la date exacte du combat de Montagnac, livré la veille, c’est-à-dire le 5 septembre), le roi de Navarre, tout en les prévenant d’avoir à se méfier des intentions du maréchal de Biron « dont ils ne peuvent attendre que toute foule et opression » et en les avertissant que, s’ils lui ouvrent les portes de leur cité, il aura « juste occasion de leur faire la guerre, dont ne pourrait s’ensuivre que leur ruyne, de laquelle il serait le plus marry », donne de bien plus amples détails sur cette affaire de Montagnac :
« Je sçay, écrit-il, que les forces dudict sieur de Biron ne sont point suffizantes pour vous assiéger et forcer, comme hyer mesmes il fut très bien recogneu par la trouppe de Monsr le comte de La Rochefoucauld, lequel il pensoit surprendre dans Montagnac ; mais le scachant près et en estant sorty, lui deffit à sa veue et à deux cens pas de luy une compaignie de gens de cheval que menoyt le sieur de Vezins, emporta le drapeau et amena icy sept gentilshommes prisonnyers et le surplus mis en pièces, desquels prisonnyers je vous en nommeray deux de ce quartier, pour ce que vous les cognoissez par nom et reputation, qui est le sieur de Malvès et ung jeune Caussens de Ligardes[347], sans que jamais ledict sieur de Biron se mist en aucun devoir de les secourir. Etc.[348]. »
Ainsi donc, d’après le roi de Navarre, les Réformés auraient eu les honneurs de cette journée. Biron, de son côté, dans le rapport qu’il adressa au Roi, le lendemain 7 septembre, daté du camp de Montaignac, prétend avoir eu l’avantage et avoir fait éprouver de grandes pertes à la troupe de La Rochefoucauld[349]. Syrueilh dans son Journal affirme la même chose.
Quoiqu’il en soit, Biron trouva le chemin déblayé devant lui. Il s’empara le lendemain de Francescas, où il était encore les 10 et 11 septembre[350], et finalement, il vint, le 12 septembre au matin, avec 4 000 hommes de pied, écrit d’Aubigné, 600 chevaux et deux couleuvrines, prendre place de bataille sur le haut des vignes de Nérac, et se logea en croissant dans un champ fort incommode, pour ce que de la ville on allait par rideaux de cent pas en cent pas jusques aux pieds de ceste cavalerie[351]. »
Cette affaire de Nérac fit trop de bruit, ses conséquences furent trop graves pour le maréchal de Biron surtout, pour que nous ne nous croyons pas obligé d’en rapporter ici sommairement les détails. C’est encore Marguerite qui nous fournit dans ses Mémoires les plus sûrs renseignements :
« Toutes ces considérations ayant un jour amené le roi de Navarre à Nérac, avec ses troupes, il y séjourna trois jours, ne pouvant se despartir d’une compaignie et d’un séjour agréable. Le mareschal de Biron, qui n’espiait qu’une telle occasion, en estant adverty, feint de venir avec son armée près de là, pour joindre à un passage de rivière M. de Cornusson, séneschal de Tolose, qui lui amenoit des troupes ; et au lieu d’aller là, tourne vers Nérac, et sur les neuf heures du matin, il s’y présente avec toute son armée en bataille, près et à la volée du canon. »
Henri de Navarre, ne se doutant de rien, était parti le matin, au point du jour, pour empêcher la jonction de M. de Cornusson avec le maréchal. Mais ne les ayant pas rencontrés, il rentra à Nérac « par une porte, tandis que le maréchal se mettait en bataille devant l’autre », c’est-à-dire devant la porte du Marcadieu, à l’ouest de la ville.
L’émotion, on le pense, fut grande au château. La neutralité était violée ; il ne restait plus qu’à se battre.
« Le roi de Navarre cependant, nous apprend Sully, avait fait défense de sortir à cheval de crainte d’engager quelque chose mal à propos, voire n’avoit laissé ouvrir que les petits guichets des portes. » Mais, malgré une pluie torrentielle, « la reine de Navarre, Madame, sœur du Roy et toutes les dames de leur suitte, vindrent pour voir l’armée ennemie et l’escarmouche sur les murailles, tours et portaux de la ville[352] », si bien que de nombreux soldats sortirent de la ville pour engager le combat, Sully le premier, « qui s’estant pourveu d’une bonne harquebuse et de l’équipage nécessaire, alla se mesler aux simples soldats aux lieux les plus hasardeux. » Ce dont se fâcha grandement le roi de Navarre, l’appelant estourdy et présomptueux et luy deffendant d’aller plus loin sans son congé. »
« Le mareschal de Biron, continue Marguerite, demeura toujours en bataille à nostre veue ; et laissant seulement desbander deux ou trois des siens qui vinrent demander des coups de lance pour l’amour des dames, se tenoit ferme, couvrant son artillerie jusques à ce qu’elle fust preste à tirer ; puis, faisant soudain fendre sa troupe, faict tirer sept ou huict volées à canon dans la ville, dont l’une donna jusques au chateau. Et ayant faict cela, part de là et se retire, m’envoyant un trompette pour s’excuser à moy, me mandant que si j’eusse esté seule, il n’eut pour rien au monde entrepris cela ; mais que je sçavois qu’il estoit dist en la neutralité qui avoit été accordée par le Roy, que si le Roy mon mary estoit à Nérac, la neutralité n’aurait point de lieu et qu’il avoit commandement du roy de l’attaquer en quelque lieu qu’il fust. »
Marguerite ne l’entendit point ainsi. Elle lui répondit qu’elle se considérait comme personnellement offensée, qu’il aurait bien pu « la laisser jouyr ces trois jours du contentement de voir son mary à Nérac ; qu’il ne pouvait l’attaquer en sa présence, sans s’attaquer aussi à elle ; et qu’elle s’en plaindrait au roy. » Ce qu’elle fit au moment de la signature du traité de paix et ce qui fut cause de la disgrâce définitive du maréchal.
Tous les auteurs, tous les mémoires du temps ont raconté diversement cette affaire de Nérac, d’Aubigné dans son Histoire Universelle et ses Mémoires, Sully dans ses Économies royales, Brantôme dans sa Vie de Marguerite, Bayle, etc., sauf cependant le chanoine Syrueilh qui n’en dit mot. Citons aussi, de nos jours, le comte de Villeneuve-Bargemont, qui, précisant le côteau du Couloumé, en face de la porte du Marcadieu, où Biron aurait placé son artillerie, rappelle les premiers vers d’une chanson gasconne, qui aurait été composée sur cet évènement :
Au Couloumé de la Battue
Qué n’an plaçat l’artillerie ; etc.
et aussi Samazeuilh dans son Histoire de l’Agenais ; et encore Faugère Dubourg, qui, à propos du côteau de Bellevue, rapporte que les deux boulets de couleuvrine, que l’on voit encore incrustés dans la muraille d’une maison de la rue de Condom, ne peuvent provenir que d’une des volées du canon du maréchal[353]. »
Biron avait impunément bravé le roi de Navarre jusqu’au milieu de sa Cour. Son amour-propre était satisfait. Il quitta Nérac le lendemain, se retira à Mézin, où il prit logis, et de là à Monréal, où il séjourna quelques temps afin de pouvoir mieux, s’il le fallait, secourir Bertrand de Baylenx, seigneur de Poyanne, qui avait entrepris le siège de Mont-de-Marsan, dont il s’empara[354]. Puis, vers la fin de ce mois de septembre, Biron retraversa la Gascogne et se dirigea sur l’Isle en Jourdain qu’il allait assiéger, quand, arrivé sous les remparts de cette ville, son cheval s’abattit sous lui et lui cassa la cuisse en deux endroits. Il dut abandonner à son fils le commandement de ses troupes, le laisser seul assiéger la forte place de Valence-sur-Baïse, qui s’était révoltée[355], et renoncer à tout service actif. Nous le retrouvons cependant encore le 17 novembre à Gimont, le 18 décembre à Fleurance. Mais sa disgrâce était déjà complète. Nous dirons comment, à la suite du traité de Fleix, il se vit enlever sa charge de maréchal.
Du samedi 1er octobre au vendredi 14, ladicte dame et
tout son train à Nérac.La guerre touchait à sa fin. Si Monségur, en Bazadais, fut vaillamment conquis à ce moment et conservé par le capitaine Meslon, un des meilleurs lieutenants du roi de Navarre, ce dernier, malgré plusieurs attaques, n’avait pu reprendre Mont-de-Marsan. Sa petite armée commençait à se décourager. Il était temps de suspendre les hostilités.
Comme toujours, Marguerite était toute indiquée pour entamer les négociations. Elle fut aidée dans cette mission délicate par son dernier frère, le duc d’Anjou, qui ne cessait de convoiter le royaume de Flandres et qui avait besoin pour organiser son armée de recruter le plus grand nombre possible de gentilshommes français ou gascons.
La paix entre les deux partis rivaux était donc pour lui une nécessité. Il résolut de s’y employer de toutes ses forces, et, poussé par sa sœur Marguerite, il obtint du Roi son frère d’être accepté comme médiateur. Bellièvre et Villeroi l’accompagneraient en Guienne et en Gascogne.
Le roi de Navarre de son côté résolut d’accepter ses ouvertures.
« Messieurs, écrivit-il à ceux des Églises, combien que les armes, que nous avons prinses pour nostre deffense et pour l’inexecution de la paix qui avoit été accordée, soient daultant plus légitimes qu’elles nous sont nécessaires, et qu’avec juste occasion nous les puissions retenir… toutefois, considérant les misères et calamitez que la guerre a portées, ayant compassion du pauvre peuple qui en souffre, induict et convié par tant de bonnes demonstrations que Monsieur nous faict de vouloir procurer la paix, se rendre moyenneur et protecteur d’icelle… j’ay estimé que nous ne pouvions justement fermer l’oreille à telles et aultres grandes occasions qui se présentent maintenant… Mais d’aultant que j’ay toujours eu désir de me tenir entièrement uni et conjoint avecques vous, aussi n’ai-je rien voulu traicter et accorder, sans vous en communiquer. Etc.[356] »
Henri de Navarre ne trouva aucune opposition dans son parti, et la paix fut résolue. L’entrevue devait avoir lieu sur les bords de la Dordogne, soit à Libourne, soit à Sainte-Foy. Ordre fut donc donné à toute la cour de quitter Nérac ; ce dont Marguerite ne dut point se montrer mécontente.
Le samedi 15 octobre, ladicte dame et son train disne à Touars[357], souppe et couche à Clérac.
Le dimanche 16, ladicte dame et son train disne à Clérac, souppe et couche à Pémiclan[358].
Le lundi 17, ladicte dame et son train tout le jour à Pémiclan.
Le mardi 18, ladicte dame et son train disne à Pémiclan, souppe et couche à Sauvetat[359].
Le mercredi 19, ladicte dame et son train disne à Villeneufve[360], souppe et couche à Saincte Foy.
« À François de La Rivière, fourrier du Roy, mentionnent les comptes du Roy de Navarre, pour le dernier trimestre de 1580[361], 7 livres, 10 sols t., pour la dépense par lui faite en la ville Saincte Foy, durant onze jours où le Roy l’envoya avec le maréchal de ses logis et ses compagnons, pour aider à faire les quartiers de la Reine de Navarre, de Madame la Princesse, et loger les ambassadeurs d’Angleterre et Bas-Pays, députés de la Religion. »
Ville protestante, Sainte-Foy était tout indiquée pour recevoir les chefs du parti réformé. Marguerite toutefois n’y séjourna qu’un jour. Le lendemain, elle s’installait définitivement au château du Fleix.
Le jeudy 20, ladicte dame et son train disne à Saincte Foy, souppe et couche à Fleix.
Du vendredi 21 au lundi 31 octobre, séjour à Fleix.
(Total des dépenses pour ce mois d’octobre, 1 696 écus, 35 sols, 7 deniers. Payé 1 460 écus, 16 sols, 3 deniers).
Le château de Fleix ou du Fleix, à cinq kilomètres au nord de Sainte-Foy, aujourd’hui canton de La Force, vieux château du xive siècle, avec adjonctions au xvie, appartenait à cette époque à Germain Gaston de Foix, comte de Gurson et de Fleix, marquis de Trans, ancien ambassadeur d’Henri II auprès de la reine Élisabeth et père des trois comtes de Foix, tués au combat de Montcrabeau[362]. Ce séjour ne pouvait donc offrir à la reine Marguerite de meilleure garantie. C’est là qu’elle séjourna avec son train du 21 octobre au 27 novembre, et qu’elle dirigea avec une habileté consommée, en vraie fille des Médicis, toutes les négociations. La correspondance de sa mère avec Bellièvre, publiée récemment par M. le comte Baguenault de Puchesse, en fait foi[363].
Du mardi 1er novembre au samedi 26, séjour à Fleix avec tout le train.
C’est à Coutras que s’arrêta le duc d’Anjou, accompagné de Bellièvre, principal négociateur, de Villeroy, du duc de Montpensier, du maréchal de Cossé et d’une foule de jeunes seigneurs catholiques, et qu’il y établit sa résidence. Marguerite avec tout son train habitait le château de Fleix. Henri de Navarre, avec Turenne, qu’il fit revenir du Haut-Languedoc, ses conseillers habituels et de nombreux députés protestants convoqués à cet effet, choisit la ville de Sainte-Foy[364]. Tous désiraient sincèrement la paix. Quelques esprits mécontents cherchèrent bien à susciter de nouvelles difficultés, et, comme autrefois à Nérac, à faire traîner la conférence en longueur. Mais la reine de Navarre avec une merveilleuse habileté les aplanit toutes, reprenant facilement sur son frère l’empire qu’elle avait exercé autrefois, et lui faisant accorder aux Réformés plus peut-être que ceux-ci n’avaient osé l’espérer.
Le traité fut signé le 23 novembre, au château de Fleix écrit le chanoine Syrueilh, ratifié par le Roi le 26 décembre, et vérifié au Parlement de Paris le 26 janvier de l’année suivante. Dupleix donne la date du 26 novembre, et il ajoute : « Cet accord contenait quarante sept articles, (compris le dernier qui y fust adjousté à Coutras), par lesquels il fut pourveu à l’explication et esclaircissement d’aucuns points des trois édits de pacification, la plupart à l’avantage des religionnaires, avec la prorogation du terme déjà expiré pour rendre les villes de seureté jusque au 1er octobre prochain[365]. »
En plus de toutes les places de sûreté accordées précédemment aux Protestants, ceux-ci obtenaient la ville de Figeac en Quercy et celle de Monségur dans le Bazadais. En outre, l’article 2 supprimait la Chambre mi-partie de Bordeaux, créée par l’édit de 1576, et instituait une Chambre de Justice, « composée de deux présidents, quatorze conseillers, un procureur et un avocat de S. M., gens de bien, amateurs de paix, intégrité et suffisance requises, » tous pris dans le Parlement de Paris et en dehors des influences locales[366]. Enfin, dit Mézeray, « On croit qu’il y fut aussi accordé, en secret, pour satisfaire la passion de la reine Marguerite et même celle du roi son mari, que Biron serait révoqué de la lieutenance de Guienne et que le roi en mettrait un autre à sa place qui leur serait plus agréable. »
Biron fut en effet, peu de temps après révoqué de sa charge de gouverneur de Guienne et remplacé par le maréchal de Matignon, un très fin et trinquat (pour rusé) normand, écrit Brantôme, et qui battait froid d’autant que l’autre battait chaud ; c’est ce qu’on disait à la Cour qu’il fallait un tel homme au roi de Navarre et au pays de Guienne, car cervelles chaudes les unes avec les autres ne font jamais bonne soupe. »
Seul le prince de Condé n’était pas content. Toujours en sourde hostilité avec le roi de Navarre, qu’il ne pouvait s’habituer à reconnaître comme le chef de son parti, il l’accusa d’avoir trop sacrifié en cet accord les intérêts des protestants. Henri ne répondit pas. Mais il chargea sa femme de cette mission ; et celle-ci, nous apprend Michel de la Hugherie dans ses Mémoires, s’en acquitta avec sa souplesse habituelle :
« Les lectres de la Royne de Navarre étaient en somme pleines d’asseurance de son amitié et des bons offices qu’elle désiroit luy faire et faisait à toutes occasions, en ce qu’elle scavait lui estre très agréable et y avait si heureusement advancé qu’il verroit par les lectres joinctes aux siennes, qui estoient escriptes de la main de ladite princesse, qu’il ne tiendroit plus qu’à luy qu’il ne feust content, y ayant disposé le roy son mary, exhortant ledit sieur prince par l’amitié qu’elle lui portait, d’apporter de sa part à ung si bon œuvre tout ce qui pouvait despendre de luy ; ne voulant pas, quant au reste, luy faire des remonstrances, mais bien luy dire et asseurer que le Roy son mary et luy, en cédant un peu au temps, advanceront en peu d’années plus les affaires de leur party par leur seule aucthorité, qu’ils n’avoient jamais faict avec toutes leurs armes. »
« Les lettres de ladicte princesse, ajoute La Hugherie, estoient pleines d’amitié et de désir de le voir pour une bonne occasion, louant Dieu de ce qu’il l’avait conservé parmy tant de périls, pour une si bonne fin[367]. »
En revanche, Henri de Navarre répondit à ce moment à Théodore de Bèze, « l’oracle vénéré du parti protestant, » qui n’avait ménagé au roi ni ses conseils, ni ses remontrances assez raides pour avoir aussi facilement engagé par ce nouveau traité les intérêts du parti réformé, deux lettres très belles où il lui expose les raisons qui l’ont déterminé à la conclusion de la paix, le remercie de ses salutaires avis, le prie de les lui continuer, fait allusion « à ceux qui veulent bastir leur grandeur par la ruine des aultres », et se montre sensible aux reproches que lui avait adressés le ministre de Dieu, à propos de sa cour. « Je reconnais la charge que Dieu m’a commise et ne souchaite rien de plus, sinon qu’il me fasse la grâce de m’en pouvoir acquitter dignement. À quoi j’ay deslibéré de m’employer à bon escient et de régler ma maison, confessant à la vérité que toutes choses se sentent de la perversité des temps[368]. »
Vaines promesses qu’emporteront et le tempérament du Roi et l’esprit de licence excessive qui souffle de tous côtés en cette fin du XVIe siècle.
Le dimanche 27 novembre, ladicte dame et son train disne audit Fleix, souppe et couche à Gurson.
Le château de Gurson appartenait, comme celui de Fleix, à Germain Gaston de Foix, marquis de Trans, de la grande maison de Foix-Candalle. Situé à cinq kilomètres environ au sud-est de Villefranche de Longchapt et sur la route de Coutras, il datait du xiiie siècle et avait été agrandi au xive. Il n’en reste plus aujourd’hui que de majestueuses et de pittoresques ruines[369].
Le lundi 28 novembre, séjour à Gurson.
(Le copiste par mégarde, écrit Nérac au lieu de Gurson, ce qui lui est arrivé deux autres fois, les 18 et 19 de ce mois, à la place de Fleix.)
Le mardi 29 novembre, ladicte dame disne à Gurson, souppe et couche à Coutras.
Le mercredi 30 novembre, ladicte dame et tout son train tout le jour audit Coutras.
(Dépenses totales pour ce mois de novembre : 2 428 écus, 8 sols. Payé : 2 015 écus, 30 sols, 8 deniers.)
Du jeudi 1er décembre au samedi 31, séjour à Coutras avec tout son train.
(Dépenses totales pour ce mois de décembre, 2 232 écus, 12 sols, 3 deniers. Payé : 1 620 écus, 25 sols, 10 deniers.)
Les deux cours, celles du duc d’Anjou et celle du Roi et de la Reine de Navarre, demeurèrent réunies à Coutras durant tout ce mois de décembre. Les comptes de Marguerite, comme la correspondance de son mari, en font foi[370]. C’est le moment que choisit le duc d’Anjou pour recruter des partisans en vue de son expédition des Flandres, et où il fut sur le point de s’adjoindre le roi de Navarre lui-même. « Monsieur de la Bourelies, écrivait ce dernier à la date du 12 décembre, à présent que la paix est conclue et arrestée, je fais estat de m’en aller en Flandres avec les meilleures troupes que je pourray assembler de mes bons amys et affectionnez serviteurs, pour ayder et servir au bien et avancement des affaires de Monsieur[371]. » Ce projet, qui sans doute était né dans la cervelle de Marguerite, n’eût heureusement pas de suites.
En revanche, beaucoup de ses meilleurs compagnons s’enrôlèrent sous la bannière de Monsieur, parmi lesquels le brave Rosny, auquel il fut fait les plus belles promesses et qui n’hésita pas à quitter le roi de Navarre, bien que ce dernier, le voyant partir, se fut écrié les larmes aux yeux : « Quoy donc, c’est à ce coup que nous vous allons perdre du tout ; car cela estant, vous deviendrez Flament et vous serez papiste[372] ! » Et également Turenne qui prit aussitôt après la conférence congé du roi de Navarre et se retira sur ses terres d’Auvergne, « me préparant d’aller trouver Monsieur, lorsque je le sçaurois sur la frontière de Picardie[373]. »
Mais si le roi de Navarre perdait ainsi ses meilleurs conseillers et ses plus valeureux compagnons, Marguerite de son côté, en retenant près de sept mois auprès d’elle son frère le duc d’Anjou, et avec lui les plus élégants de ses favoris, gagnait au change et ne regrettait pas d’avoir si fort contribué à rétablir la paix.
Une vie nouvelle allait commencer pour la reine de Navarre.
Depuis plus de deux ans qu’elle résidait en Gascogne, Marguerite, disons-le hautement d’après tout ce que nous révèlent les documents de cette époque consultés sans parti-pris, ne paraît avoir commis aucune faute grave à l’égard de son royal époux. Malgré tout ce que l’on a pu écrire sur son compte, malgré tous les mensonges, malgré toutes les calomnies répandues à profusion contre elle, la reine de Navarre semble, depuis son départ de Paris, s’être souvenue sans cesse des devoirs que lui imposaient et son rôle d’épouse et son rôle de reine, et n’avait donné prise à aucune médisance. Ses ennemis ont prononcé à ce moment, avec une certaine persistance, le nom du vicomte de Turenne. Mais Turenne, on le sait, était plus occupé de Mlle de Lavergne que de la Reine, et, si plus tard il osa aspirer plus haut, ce fut pour tenter d’épouser la sœur du Roi, la douce Catherine de Bourbon. Marguerite ne comparait-elle pas d’ailleurs « ce grand dégoûté à ces gros nuages vides qui n’ont de l’apparence qu’au dehors » ? Et n’avons-nous pas prouvé la fausseté, bien évidente, de la légende, d’après laquelle Henri III, par la lettre remise à Strozzy, aurait dénoncé lui-même au roi de Navarre les amours de sa femme avec le vicomte ? Du reste, depuis ce moment jusqu’à la paix de Fleix, c’est-à-dire pendant près d’un an, Turenne réside dans le haut Languedoc et ne paraît pas à la cour de Nérac. Il faut donc effacer une bonne fois pour toutes le nom du vicomte de cette liste agrandie démesurément.
À dater de Coutras, la situation hélas ! se modifie. Dans la foule des gentilshommes qu’avait amenés le duc d’Anjou se trouvait Jacques de Harlay, seigneur de Chanvallon, grand écuyer de ce prince, plus tard grand maître de l’artillerie pendant la Ligue, aussi distingué par sa naissance que par sa beauté, celui qu’on appelait le beau Chanvallon, qu’avait entrevu déjà la Reine lors de son séjour à la Fère, et dont le souvenir était resté gravé profondément dans son cœur.
Marguerite approchait de ses trente ans, « l’âge décisif, écrit le comte Hector de La Ferrière, dans la vie de bien des femmes, l’heure où les sens, longtemps endormis ou sévèrement contenus, deviennent plus exigeants. Si la femme sort victorieuse de cette suprême épreuve, elle restera à jamais en pleine possession de sa destinée ; si elle succombe entraînée sur la pente fatale qu’on ne remonte plus, elle se jettera, affolée, dans la galanterie où tôt ou tard l’attendent les regrets et les déceptions[374]. » Tel fut le cas de Marguerite, la belle Reine, écrit Dupleix « qui était autant recherchée d’amours que son mari était recherché des femmes, » et qui s’abandonna à sa passion avec toute l’ardeur de son sang des Valois et des Médicis. Oui, ce fut un temps de délices pour elle cette période que nous allons aborder, ces sept mois que passa le duc d’Anjou en Guienne, ce rêve qui lui fit momentanément oublier son exil, et qui lui rappela, à côté de ces gentilshommes élégants, encore tout imprégnés de l’odeur du Louvre, si différents de ceux que depuis deux ans elle coudoyait à Nérac, qu’elle aussi était Parisienne, naguère la reine de la mode, et qu’en dehors de l’atmosphère empoisonnée peut-être mais délicieusement capiteuse de la Cour de France il était décidément malaisé de respirer.
ANNÉE 1581
Les livres des comptes de la reine de Navarre, déposés aux Archives nationales et dont nous avons entrepris de publier la partie relative à son Itinéraire, sont muets pour 1581. Le volume KK. 168, qui fait suite aux deux volumes KK. 166 et 167 de l’année 1580, ne contient, pour la nouvelle année, aucune mention relative aux déplacements de cette princesse. En revanche, il renferme la nomenclature interminable de ses dépenses, grandes et petites, générales et personnelles, aussi bien pour l’entretien de son entourage que pour le sien propre, ses caprices, ses plaisirs[375].
Une bonne fortune nous a permis de découvrir aux manuscrits de la Bibliothèque nationale un registre du fonds français, supplément, qui comble cette lacune. Le volume 11,494 (ancien 1,922), bien que renfermant de nombreux vides, vient juste à point à notre secours. Par quel hasard ces soixante feuillets qui ont été détachés évidemment du volume original, puisqu’ils en ont le même format et la même écriture, se sont-ils trouvés transportés rue de Richelieu, au lieu de demeurer à l’hôtel de Rohan ? C’est ce que nul probablement ne pourra nous apprendre.
Quoiqu’il en soit, profitons de l’aubaine qui nous est offerte et reprenons, toujours avec quelques commentaires de notre part, les étapes si intéressantes de l’épouse du Béarnais.
Pas plus aux Archives qu’à la Bibliothèque nationale, le personnel de la Reine de Navarre n’est énuméré pour cette année 1581. Il n’offre du reste, croyons-nous, que des différences insignifiantes avec celui des deux années précédentes que nous avons déjà fait connaître.
Manquent les dates des 1, 2, 3 et 4 janvier 1581. Mais tout fait supposer que la Cour de Navarre est encore à Coutras.
Le jeudi, 5e jour de janvier, ladicte dame et son train audict lieu de Coutras.
Du vendredi 6 au dimanche 8, séjour à Coutras.
Pour les raisons que nous avons précédemment énoncées, Marguerite a décidé de garder le plus longtemps possible auprès d’elle son frère le duc d’Anjou, qui, de son côté, ne songe nullement à rentrer à Paris. Henri de Navarre, lui aussi, reste auprès d’elle. Ce n’est que le 10 janvier que les deux époux se séparent, le Roi pour se diriger sur Castillon sur Dordogne, Castelmoron, Castets et Bazas[376], la Reine et son frère pour aller passer deux semaines à Bordeaux.
Le lundi 9 janvier, ladicte dame et son train disne audict Coutras et couche à Liborne.
Le mardi 10 janvier, tout le jour audict Liborne.
Le mercredi 11 janvier, ladicte dame et son train disne audict Liborne, souppe et couche à Bourdeaulx.
Du jeudi 12 janvier au lundi 22, séjour à Bourdeaulx avec tout son train.
« Le mercredi 11 janvier, écrit Darnalt dans son Supplément à la Chronique de de Lurbe[377], mondit seigneur frère du Roi fit son entrée à Bourdeaux, fut honorablement receu avec toutes les cérémonies qui avoient esté observées à l’entrée de la Royne de Navarre. Il entra par la porte du Chapeau-Rouge, alla droit à Saint-André et fut reçu par Monseigneur l’archevêque et le clergé. Il logea audict archevesché. Monsieur le mareschal harangua à son arrivée en qualité de maire de la ville, assisté de Messieurs les Jurats, et puis, dans l’archevesché, comme Lieutenant du Roi, assisté de la noblesse qu’il présenta à Son Altesse, et parla en capitaine succinctement et fort judicieusement. » Dom Devienne confirme ces faits et ajoute de nombreux détails sur le séjour du duc d’Anjou à Bordeaux. « Le lendemain de son arrivée il entra dans la grand-chambre, précédé du maréchal de Biron, lieutenant de roi de la province, et de La Vergne, son capitaine des gardes. » Après les formalités d’usage et en présence des évêques d’Agen, de Bazas, de Pamiers et de tout le Parlement assemblé, il expliqua le motif de son voyage, se félicita de l’heureux résultat des négociations et reçut du premier président les compliments les plus flatteurs.
Quelques jours après, le vendredi 20 janvier, il fut fait une procession générale pour remercier Dieu de la paix qui venait d’être conclue. Y prirent part toutes les autorités, les ordres religieux de la ville, les trois chapitres et une quantité fort grande de gentilshommes. « La musique de Saint-André et de Saint-Seurin et l’évêque de Vannes précédaient l’archevêque qui portait le Saint-Sacrement et qui était suivi des évêques de Dax et de Bazas, en rochet et en camail. Après eux marchait le duc d’Anjou, avec deux gentilshommes de sa maison ; et à une petite distance, la Reine de Navarre, soutenue par le grand sénéchal et un chevalier des Ordres du Roi et deux pages portant la queue de sa robe. Cette princesse était suivie des dames de Lansac et de Duras, accompagnées par deux gentilshommes. Ensuite le parlement, le sénéchal et les jurats. Ce fut dans cet ordre qu’on partit de Saint-André pour aller aux Augustins entendre le sermon. Le duc d’Anjou et la Reine de Navarre s’assirent sur deux chaises, séparées d’un pas l’une de l’autre : le maréchal de Biron se mit derrière eux. Le sermon fini, on revint dans le même ordre à Saint-André, où l’archevêque donna la bénédiction[378]. »
Toute cette semaine se passa en fêtes et en réjouissances. Débarrassée de la contrainte que lui imposaient toujours un peu son mari, à ce moment dans le Bazadais, et son entourage protestant, Marguerite se retrouva dans son élément. Le dimanche 22, elle tient avec son frère sur les fonts baptismaux « le fils de M. de Merville, grand sénéchal de Guienne et capitaine du chasteau du Hâ, lequel était âgé de quatorze mois. » Puis elle suit « une grande procession, assistée de deux gentilshommes et teste nue. » Le lendemain 23 le duc d’Anjou va courir la bague à la Corderie et « met par deux fois dans la bague. » Le mardi 24, le duc et la Reine de Navarre vont entendre la messe au grand autel de Saint-André, etc.[379]
Un seul point noir persiste à l’horizon : la présence indiscrète et incommode du maréchal de Biron. S’il faut en croire l’ambassadeur de Toscane Renieri, la Reine de Navarre ne ménage aucune occasion de lui faire sentir son animosité. C’est ainsi qu’à l’une des réceptions officielles elle ordonne à ses gens de rester dans une salle où le maréchal doit passer et de ne lui rendre aucun honneur. « …Del che esso accortosi, disse alto e bestemmiando un Cap de Diou a la Guascona, che bene serviva loro d’essere servitori d’una sorella de suo padrone, senza il rispetto del quale esso li arrebe fatti escire per le finestre[380]. » En outre Marguerite lui refuse sa porte, ne lui adresse jamais la parole ; et comme elle ne peut le supporter et que la disgrâce promise tarde trop à venir, elle prend le parti de quitter Bordeaux où l’étiquette est trop souvent une gêne, et elle trouve plus avantageux d’amener son frère et aussi le beau Chanvallon, même en plein cœur de l’hiver, en villégiature au château de Cadillac.
« Ils partirent le mardi soir, 24 janvier, pour Cadillac, la Royne de Navarre, Madame la Princesse et toute la suitte, où ils trouvèrent le Roy de Navarre et où ils ont demeuré ensemble environ deux moys[381]. »
Le mardi 24 janvier ladicte dame et son train disne à Bourdeaulx, souppe et couche à Cadilhac.
Du mercredi 25 janvier au mardi 31, séjour à Cadilhac. (Total des dépenses pour ce mois de janvier 2 384 écus, 23 sols, 8 deniers. Payé 2 383 écus, 3 sols, 8 deniers.)
Du mercredi 1er février au jeudi 9, ladicte dame Reine de Navarre et son train audict lieu de Cadilhac.
Le château de Cadillac, avant même qu’il n’eut été restauré et orné de ses merveilleuses cheminées par le duc d’Épernon, était un des plus beaux châteaux de Guienne. Il avait été réédifié au commencement du xive siècle par Pierre de Grailly, qui, abandonnant son vieux castel de Bénauges, l’avait aménagé aussi bien pour l’habitation que pour la défense. Il était considérable « du moins si l’on en juge, écrit M. Édouard Guillon dans ses Châteaux historiques et vinicoles de la Gironde, par la dimension de l’enceinte qui entourait les douves qui existent encore et qui se reliait avec les fortifications de la ville, vieille bastide construite en 1280. » Il appartenait au xvie siècle à la puissante famille des Foix-Candalle.
Frédéric de Foix-Candalle, sur la tête duquel le château avait été saisi tout d’abord, y mourut au mois d’août 1571, laissant un fils Henri qui fut tué fort jeune « à une attaque du château de Sommières, en Languedoc, au mois de février 1572. » Ce dernier laissait deux filles, dont l’aînée Marguerite était née en 1567 et fut élevée par son grand-oncle, l’évêque d’Aire, le célèbre François de Candalle. C’est donc à cette jeune fille, âgée de 14 ans à peine, qu’appartenait le château de Cadillac, lorsque Marguerite de Valois et le duc d’Anjou vinrent l’habiter au commencement de cette année 1581. L’évêque d’Aire leur en fit les honneurs.
Marguerite de Foix-Candalle épousa, en 1587, Jean-Louis de Nogaret, premier duc d’Épernon, et lui apporta en dot cette riche baronnie. Elle y fut enterrée en 1593.
Cinq ans après, sur les instances d’Henri IV, d’Épernon fit démolir le vieux fort de Grailly et le remplaça par le château actuel, dont le Roi lui-même vint poser la première pierre. Il lui coûta deux millions.
Pas un souverain ne passait en Guienne sans être reçu au château de Cadillac. « En 1565, nous apprend une chronique bordelaise, le roi Charles IX disna le dernier jour de mars audit lieu de La Réolle, puis s’embarqua pour aller coucher à Cadillac, petite ville et beau chasteau qui appartient au seigneur de Candalle. »
Henri IV à plusieurs reprises, Richelieu, Louis XIII, Mazarin et Louis XIV lui-même, ce dernier le 15 octobre 1659, séjournèrent au château de Cadillac[382].
Pendant les deux mois qu’y demeura Marguerite de Valois, le Roi de Navarre vint souvent l’y voir, mais sans jamais y rester longtemps. Son itinéraire nous l’y montre du 24 au 31 janvier, puis au mois de février, jusqu’au 21. Il en repart à cette date pour Bazas et Casteljaloux, y retourne le 28, puis du 6 au 15 mars, époque à laquelle il le quitta définitivement pour se rendre en Béarn[383].
« À quelque temps de là, écrit d’Aubigné dans ses Mémoires, le roi de Navarre, passant un jour à Cadillac, pria le grand François de Candalle, assez connu par ce nom, de lui faire voir son excellent cabinet, ce qu’il voulut bien faire à condition qu’il n’y entrerait pas d’ignares. « Non mon oncle, dit mon maître, je n’y mènerai personne qui soit plus capable de le voir et d’en connoître le prix que moi. » Il ne prit donc avec lui que les sieurs de Clervaut, Duplessis-Mornay, de Sainte-Aldegonde, Constant, Pelisson et moi d’Aubigné. La compagnie s’amusa d’abord à faire lever le poids d’un canon par une petite machine qu’un enfant de six ans tenait entre ses mains. Comme elle était fort attentive à cette opération, je me mis à considérer un marbre noir de sept pieds en quarré qui servait de table au bon seigneur de Candale, et, ayant aperçu un crayon, j’écrivis desus, pendant qu’on raisonnait sur la petite machine, ce distique latin :
Non isthæc, princeps, regem tractare doceto,
Sed docta regni pondera ferre manu.
Cela fait, je recouvris le marbre et rejoignis la compagnie, qui, étant arrivée à ce marbre, M. de Candale dit à mon maître : « Voici ma table » ; et ayant ôté la couverture et vu ce distique, il s’écria : « Ha ! il y a ici un homme ! » « Comment, reprit le roi Navarre, croyez-vous que les autres soient des bêtes ? Je vous prie, mon oncle, de deviner à la mine qui vous jugez capable d’avoir fait ce coup. » Ce qui fournit matière à d’assez plaisans propos[384]. »
La présence de d’Aubigné à Cadillac ne fut guère profitable à la Reine de Navarre. Au dire de ce rude redresseur de torts, il la surprit un jour avec Chanvallon et ne se gêna point pour le faire savoir à toute la cour ; ce qui lui valut l’inimitié de cette princesse et, durant quelque temps, la disgrâce de son royal époux. Lui-même s’exprime ainsi sur ce fait délicat, dans son Histoire Universelle :
« La Reine de Navarre ayant esté descouverte à Cadillac en ses privautez avec Champvallon, avait estimé que d’Aubigné avait donné cet advertissement pour se venger de quelque défaveur dont il n’avait pas eu sentiment. Elle donc prit un moyen pour le ruiner, que nous donnerons pour un plat du mestier à nos lecteurs courtisans[385]. » Marguerite s’efforce en effet de l’engager à aller prendre du service auprès du roi de Portugal. Mais il déjoue ses calculs, reste en France et plus que jamais se pose en défenseur intégré des intérêts de son maître le roi de Navarre.
Ce court passage est tout ce que nous savons des intrigues galantes qui se nouèrent à cette époque entre la Reine de Navarre et le grand écuyer du duc d’Anjou. Les écrivains contemporains se montrent fort sobres de détails sur ce séjour à Cadillac. Quant à Marguerite elle-même elle n’a garde dans ses Mémoires d’en souffler mot, à peine dans ses lettres à sa confidente la duchesse d’Uzès, à qui cependant elle ne cache rien.
Ne faut-il point faire remonter à cette époque de bonheur partagé, sans nuages, et par suite discret, la lettre suivante inédite, que nous trouvons dans l’ancien fonds français ?
Ma Sibile, cete letre est une prouve de l’anvie que j’ai de vous complaire ; car je me suis anouit trouvée si mal que si ce n’estait à ma vraie Sibile, il me serait impossible de mettre la main à la plume. Je ne vous puis mander de nouveles ; car despuis que je suis isi, j’ai eut tant de plaisir, que ce serait chose trop longue à escrire. Je vous suplie, faites-moi tousiours où vous estes ofise d’amie et principalement à l’androit du Roi que je veus aimer et servir, je le vous dis de cœur et d’afection. Je suis tout à vous, croies-le, et vous assures que je ne seré jamès paraiseuxse à le vous faire paraistre par escrit. Je vous baise les mains. S. M. S. (monograme habituel de Marguerite)[386]. »
Le registre des comptes de la Reine de Navarre, déposé à la Bibliothèque nationale, qui en ce moment nous sert de guide, s’arrête brusquement à cette date du 9 février. Il ne reprend qu’à la date du 3 avril. Il nous est facile de combler cette lacune.
Du vendredi 10 février au mercredi 15 mars, séjour à Cadillac.
D’après la correspondance du maréchal de Biron et le journal de Syrueilh, nous voyons que la Reine de Navarre resta dans ce lieu « environ deux mois. »
D’un autre côté, nous lisons dans l’Itinéraire d’Henri de Navarre que ce prince séjourna à Cadillac du 6 au 15 mars et qu’il en repartit le 16, après y avoir diné, pour souper et coucher à Bazas.
Le journal de Syrueilh mentionne également que ce dernier jour, 16 mars, le duc d’Anjou et sa sœur quittèrent Cadillac pour revenir à Bordeaux[387]. Enfin la correspondance de Bellièvre avec Catherine de Médicis nous édifie amplement sur les faits et gestes de chacun de ces personnages, à ce moment du voyage de Bordeaux[388].
Du jeudi 16 mars au lundi 20, séjour à Bordeaux.
« Madame, écrit le Roi de Navarre à la Royne-mère du Roi, vous ayant escript par ce mien sécretaire, je l’ay retenu quelques jours depuis, afin qu’il vous rendist tesmoignage de la despeche qui esté faicte aux députés et de notre partement : assavoir de Monsieur avec ma femme à Bourdeaus, et de moy en Béarn, faire nos Pasques, esperant, bientost après, nous retrouver ensemble pour parachever nostre exécution de la paix[389]. »
Le dimanche 19 mars, qui était pour cette année 1581 le dimanche des Rameaux, Pâques tombant le 26 mars, « le duc d’Anjou et la Reine de Navarre ouyrent la grand’messe à Saint-André, suyvirent la procession aux Jacobins et assistèrent au sermon que M. de Cotteblanche fist. »
Ils quittèrent Bordeaux le mardi suivant pour aller coucher à Montferrand et de là à Libourne[390].
Le mardi 22 mars, la Reine de Navarre couche à Montferrand[391].
Le mercredi 23 mars, ladicte dame couche à Libourne.
Du 23 mars au 3 avril, nous ignorons les lieux exacts de ses séjours. Tout nous fait supposer cependant qu’elle ne resta que peu de temps dans cette dernière ville et qu’elle eut hâte de regagner Coutras, où elle avait longtemps résidé et où nous la retrouvons cette fois d’après ses livres de comptes le 3 avril.
Du lundi 3 avril au mercredi 27, ladicte dame et son train audict Coutras.
Marguerite ne pouvait se décider à quitter son frère, qui s’acheminait lentement vers Paris, ni surtout à se séparer de Chanvallon avec lequel elle vivait intimement depuis quatre mois. Le duc d’Anjou, de son côté, était tombé amoureux de Fosseuse, cherchant à supplanter auprès de cette belle fille le Roi de Navarre, trop souvent absent. C’est Marguerite elle-même qui nous l’apprend ainsi dans ses Mémoires : « En quoy la fortune favorisa l’animosité du Roy, mon frère, contre moy, faisant que durant les sept mois que mon frère fut en Gascogne le malheur fut tel pour moy qu’il devint amoureux de Fosseuse, que le roy mon mary servait, comme j’ay dict, depuis qu’il eut quitté Rebours. Cela pensa convier le Roy mon mary à me vouloir mal, estimant que j’y fisse de bons offices pour mon frère contre luy. Ce qu’ayant recognu, je priay tant mon frère, luy remonstrant la peine où il me mectoit par ceste recherche, que luy, qui affectionnoit plus mon contentement que le sien, força sa passion et ne parla plus à elle[392]. »
Cette rivalité nouvelle entre les deux princes n’était guère faite pour cimenter leur amitié passagère, qui fut bien plus apparente que réelle, leurs caractères, leurs religions, leurs idées se trouvant diamétralement opposés. Aussi Sully ne s’éloigne-t-il pas de la vérité quand, racontant plus tard dans ses Mémoires en quels termes, lors de son départ pour les Flandres, le Roi de Navarre lui fit ses adieux, il prête à ce prince les paroles suivantes : « Quant à ce prince que vous allez maintenant servir, il me trompera bien s’il ne trompe tous ceux qui se fieront en luy et surtout s’il aime jamais ceulx de la Religion ny leur faict aucuns advantages ; car je sçay pour luy avoir ouy dire plusieurs fois qu’il les hait comme le diable dans son cœur. Et puis il a le cœur double et si malin, a le courage si lasche, le corps si mal basty et est tant inhabile à toutes sortes de vertueux exercices, que je ne me sçaurois persuader qu’il fasse jamais rien de généreux ny qu’il possède heureusement les honneurs, grandeurs et bonnes fortunes qui semblent maintenant luy estre préparées. Et quelque bonne mine qu’il me fasse en m’appelant son bon frère, je cognois bien son dessein. C’est de peur qu’il a que je ne veuille empescher le vicomte de Thurenne, vous, Esternay, Salignac et aultres de la Religion, d’aller en Flandres avec luy. Et sçachez qu’il me hait plus que personne qui soit au monde, comme de ma part je ne l’ayme pas trop[393]. »
Le 22 avril, le duc d’Anjou vint de Coutras à Libourne conférer longuement avec le maréchal de Biron, lui apprendre qu’il était remplacé comme gouverneur de Guienne par le maréchal de Matignon et s’assurer ses services pour l’expédition de Flandres. Mais Biron, mécontent, malade, ne lui fit que de vagues promesses. Il écrivit peu après à la Reine-Mère « qu’il se soumettait comme il l’avait toujours fait aux ordres du Roi ; mais qu’il la suppliait de ne pas dédaigner ses services et de ne pas le laisser misérablement s’éteindre dans sa maison. » Il ne suivit donc pas à ce moment le duc d’Anjou en France comme l’écrit Marguerite dans ses Mémoires ; mais il se retira « en son fier chasteau de Biron » où il passa tout l’été « cherchant vainement 500 écus pour pouvoir se rendre aux bains, soignant sa jambe cassée et ses trois coups d’arquebusade et ne cessant d’implorer la clémence du Roi[394]. »
Le jeudi 27 avril, le duc d’Anjou prit définitivement congé de sa sœur, à Coutras, n’étant pas venu une seule fois à Nérac comme tant d’auteurs l’ont écrit[395], et « s’en retourna en France, en passant par Aubeterre où le Roy de Navarre et M. le prince de Condé l’allèrent trouver[396]. »
Marguerite, de son côté, se dirigea à regrets, l’âme remplie de tristesse, vers la capitale de l’Albret, qu’en son for intérieur elle avait bien espéré ne plus revoir. Adieu désormais les fêtes, les plaisirs de l’année précédente et aussi les négociations diplomatiques. À quoi désormais employer son temps, si ce n’est à écrire de longues lettres, où elle épanchera tout son cœur, racontera ses ennuis, ses angoisses, et qui vont devenir pour nous la source la plus sûre, comme la plus intéressante, où nous puiserons nos renseignements.
Du lundi 1er mai au mercredi 31, ladicte dame et tout son train à Nérac.
Le livre des comptes de la Reine de Navarre, déposé à la Bibliothèque nationale, contient ici une seconde lacune. Elle s’étend du 27 avril jour du départ de Coutras jusqu’au 3 juin, époque où nous retrouvons Marguerite avec toute sa cour installée à Nérac.
Mais aucun doute n’est possible sur sa rentrée directe dans cette ville. Elle-même l’écrit dans ses Mémoires : « La paix faicte comme j’ay dict, mon frère s’en retournant en France pour faire son armée, le Roy mon mari et moy nous nous en retournasmes à Nérac. »
C’est le moment où Fosseuse entre véritablement en scène, et où, pendant de longs mois, elle va occuper presque entièrement l’attention. « Fosseuse, a écrit avec raison M. de Lescure, est l’ombre privilégiée de la Cour de Nérac. Elle en personnifie la corruption naïve et l’ingénieux raffinement[397]. »
Cinquième fille de Pierre de Montmorency, marquis de Thury et baron de Fosseux, et de Jacqueline d’Avaugour, Françoise de Montmorency, surnommé Fosseuse par la Reine Marguerite et toute la Cour de Nérac, avait à peine dix-huit ans en 1581. Elle était, nous l’avons vu, demoiselle d’honneur de la Reine depuis 1578, époque où cette dernière l’amena avec elle en Gascogne, encore à ce moment « toute enfant et toute bonne. »
Dès qu’il eut quitté Mademoiselle de Rebours, Henri de Navarre jeta son dévolu sur cette jolie fille, qui paraît lui avoir résisté assez longtemps. « Durant ce temps-là (1580), écrit toujours Marguerite, le Roy servoit Fosseuse qui, dépendant du tout de moy, se maintenoit avec autant d’honneur et de vertu que si elle eust toujours continué de ceste façon, elle ne fust tombée au malheur qui depuis, luy en a tant apporté et à moy aussi. »
Le duc d’Anjou à son tour la remarqua. Nous avons dit comment Marguerite le fit renoncer facilement à ce caprice qui, s’il avait duré, aurait singulièrement augmenté les difficultés. Fosseuse du reste donna la préférence au Roi de Navarre. « Elle aimait extremement le roy mon mary, nous apprend Marguerite ; toutesfois jusques alors ne luy avait permis que les privautés que l’honnesteté peut permettre. Mais pour luy oster la jalousie qu’il avait de mon frère et luy faire cognoistre qu’elle n’aimait que luy, elle s’abandonna tellement à le contenter en tout ce qu’il vouloit d’elle, que le malheur fut si grand qu’elle devint grosse. Lors, se sentant en cet estat, elle change toute de façon de procéder avec moy, et au lieu qu’elle avoit accoustumé d’y estre libre et de me rendre, à l’endroict du roy mon mary, tous les bons offices qu’elle pouvoit, elle commence à se cacher de moy et à me rendre autant de mauvais offices qu’elle m’en avoit faict de bons. Elle possédoit de sorte le roy mon mary qu’en peu de tems je le cognus tout changé. Il s’estrangeoit de moy, il se cachoit et n’avoit plus ma présence si agréable qu’il avoit eue les quatre ou cinq heureuses années que j’avois passées avec luy en Gascogne, pendant que Fosseuse s’y gouvernoit avec honneur[398]. »
Les temps, on le voit, sont bien changés depuis un an à la Cour de Nérac. Les dépenses ne s’y présentent plus les mêmes, du moins du côté de Marguerite[399]. Au lieu de toilettes éclatantes, ce sont des achats de livres : un Plutarque, les Mémoires de du Bellay, l’Histoire de France par du Haillon, les discours de Cicéron, un dictionnaire grec-latin-français, etc., et s’il faut acheter des étoffes, c’est moins pour elle et ses filles que pour les bonnes religieuses du Paravis qu’elle n’oublie pas et à qui elle envoie, ce mois de mai, « dix aulnes et demie de treillis noir pour doubler une chasuble, une estolle, un phanon et un parement d’autel de toile d’argent et de soye noire, le tout se montant à la somme de 3 escus sols, 51 sols[400].
Bellièvre, dans son intéressante correspondance avec la Reine-Mère, prend soin de nous renseigner sur les dispositions réciproques des deux époux. À la date du 1er juin, il écrit : « … La Royne de Navarre, vostre fille, est du tout bien résolue de servir Vostre Majesté de tout ce qui sera en elle, affin que mon dit seigneur se conforme à vos bons désirs et commandements, et en a donné le conseil très sage, que le roy de Navarre m’a dict de vouloir suyvre. Le Roy leur a escript de fort bonnes lettres et leur ouvre tellement son cœur qu’il m’a semblé que cela les a fort touchés. Ladicte dame, vostre fille, faict fort estat d’embrasser tout ce qui concerne le bien et grandeur du Roy son mary, et par ces moyens prend une grande part près de luy. Le Roy leur escript qu’ils le viennent veoir ; ce qu’a la vérité ilz ont fort bien prins ; mais jusqu’à ce que les affères de la paix soient plus asseurées, je ne croy pas que le Roy de Navarre les y veuille disposer, et ne peult ladite dame l’abandonner qu’elle ne veoye les choses mieux establyes. Bien vous dirai-je qu’il me semble qu’elle n’eust jamais plus de désir qu’elle a maintenant d’aller à la Cour. Mais il y fault encore quelques temps avant que ceste résolution se puisse conclure, qui despend principalement de l’estat de la paix, de la reddition des maisons qui appartiennent au roy son mary… La Royne vostre fille va aux baings près de Po ; ce qu’elle dit fère pour le désir extresme qu’elle a de donner ce contentement au roy son mary d’avoir enfans. Il l’accompagne en ce voyage et ne serait icy de retour de trois sepmaines…[401] »
Ce que ne dit pas Bellièvre, c’est la cause véritable de ce double voyage aux Pyrénées, celui du Roi de Navarre aux Eaux-Chaudes et celui de Marguerite à Bagnères-de-Bigorre ; voyage qui leur fut imposé, non par leur simple caprice, mais par les circonstances.
La petite Cour de Navarre avait à peine pris ses quartiers de printemps à Nérac que Fosseuse se mettait en tête, tout comme aujourd’hui, d’aller aux Pyrénées. Mais les motifs en étaient des plus graves. C’était envie de femme grosse. « Et soudain que nous fusmes arrivez à Nérac, dit Marguerite, Fosseuse met en teste à mon mary, pour trouver une couverture à grossesse ou bien pour se desfaire de ce qu’elle avait, d’aller aux eaux d’Aigues-Caudes qui sont en Béarn[402]. Je suppliay le Roi mon mary de m’excuser si je ne l’accompagnais à Aigues-Caudes, qu’il sçavait que depuis l’indignité que j’avais receue à Pau, j’avais faict serment de n’entrer jamais en Béarn que la religion catholique n’y feust. Il me pressa fort d’y aller jusques à s’en courroucer. Enfin je m’en excuse. Il me dit alors que sa fille (car il appelait ainsi Fosseuse), avait besoin d’en prendre pour le mal d’estomach qu’elle avait. Je luy dis que je voulois bien qu’elle y allast. Il me respond qu’il n’y avait point d’apparence qu’elle y allast sans moy ; que ce serait faire penser à mal où il n’y en avait point, et se fascha fort contre moy de ce que je ne la luy voulais point mener. Enfin, je fis tant qu’il se contenta qu’il allast avec elle, deux de ses compaignes, qui furent Rebours et Villesavin, et la gouvernante. Elles s’en allèrent avec luy et moy j’attendis à Banières[403]. »
Laissons le Roi de Navarre gagner, avec ses deux maîtresses, l’ancienne et la nouvelle, la capitale du Béarn. Laissons-le en leur compagnie, dans une posture assez ridicule, passer avec elles, sans se soucier fort peu ni de sa femme, ni des intérêts de son parti, à peu près tout le mois de juin[404] ; et accompagnons Marguerite à Bagnères, où sa correspondance, non seulement va nous dévoiler quel était son état d’âme à ce moment, mais aussi nous montrer ce que pouvait bien être un séjour aux Eaux des Pyrénées en l’an de grâce 1581.
Du jeudi 1er juin au vendredi 2, séjour à Nérac.
Le samedi 3 juin, ladicte dame et son train disne audict Nérac, couche à Saulx (pour Sos).
Le dimanche 4 juin, ladicte dame disne à Eauze, souppe et couche à Noguerot (pour Nogaro).
Le lundi 5 juin, ladicte dame disne à Belloc, souppe et couche à Vi-Bigorre (pour Vic-Bigorre).
Le mardi 6 juin, ladicte dame disne, souppe et couche à Tarbes.
Le mercredi 7 juin, ladicte dame disne à Tarbes, souppe et couche à Bannières.
Du jeudi 8 juin au dimanche 25, ladicte dame et son train audict Bannières.
À peine arrivée en cette ville, Marguerite écrit au roi son époux, cette jolie lettre, sur laquelle nous appelons toute l’attention de nos lecteurs :
« Monsieur, pour obéir à votre comandement, je vous importuneré du mauvès discours de notre voiage, qui a esté, pour les beaux chemains et l’esquipage que j’avois, samblale, suivi de mille actidans, outre les plus communs, desquels a esté ariver tous les jours sans li verser mille fois par les chemains ; et pour nous réconforter trouver les beaux logis de se lieu que je ne vous despaindré point, pour avoir esté veus de vous. Monsieur, je n’euse falli comme il vous avait pleu me commander de vous escrire dès le premier jour ; mes les montagnes et mes vieux mulès, qui je crois sont aussi vieux que moi, mont fait arriver à minuit. J’ait veue isi ancore forse malades, des iantisomes et dames, la plupart d’Agenès et de Périgort. Ji ai trouvé aussi Madame de Saintes avec sinc ou sis religieuses, et Madame de Moléon et sa fille. Ele est preste d’acoucher, ce qui la un peu anmesgrie. Toutesfois je trouve sa beauté peu diminuée et celle de son esprit toujours très agréable. J’arivé avant hier et pris hier mesdesine pour me préparer aux eaux et anouit j’en ai beu et espere qu’ele me serviront, sinon à tous mes maux, pour le moins à ce que je désire le plus pour votre contantement.
« Je n’espargne ni les violons ni les comedians à se facheux logis pour le rendre agréable. Ils jouèrent hier la tragédie d’Esfigénie extrêmement bien ; et demain je les ferrai jouer dans un fort beau pré où il y a des arbres, lieu fort propre amainte ; ce qui ne sera, Monsieur, sans vous y souhaiter. Monsieur de Cominge ariva hier avec une belle troupe de iantisomes.
« Monsieur, je vous suplye très humblement me conserver la felisité de votre bonne grasse, mon vrai et seul bien, et me permestre de vous baiser très humblement les mains. Marguerite. » (en monogramme[405].)
Si les débuts du séjour à Bagnères furent consacrés à toutes sortes d’amusements, théâtres, concerts, parties de campagne, si peu à peu la plupart des gentilshommes voisins accoururent pour faire leur cour à la Reine de Navarre, « bien que j’y feusse accompagnée, écrit-elle dans ses Mémoires, de toute la noblesse catholique de ce quartier-là, qui mettoit toute la peine qu’elle pouvait de me faire oublier mes ennuis, » Marguerite cependant recevait chaque jour des nouvelles de ce qui se passait à Eaux-Chaudes, et leur contenu n’était guère fait pour lui procurer joie et contentement. Mademoiselle de Rebours en effet, qui avait accompagné Fosseuse, était toute au service de la Reine de Navarre et ne se gênait guère pour se venger auprès d’elle de l’indifférence où l’avait laissée son royal amant.
« J’avois tous les jours advis de Rebours (qui estoit celle qu’il avoit aimée, qui estoit une fille corrompue et double, qui ne désiroit que de mettre Fosseuse dehors, pensant tenir sa place en la bonne grâce du roy mon mary), que Fosseuse me faisoit tous les plus mauvais offices du monde, mesdisant ordinairement de moy, et se persuadant, si elle avoit un fils et qu’elle se peust desfaire de moy, d’espouser le roy mon mary ; qu’en ceste intention elle me vouloit faire aller à Pau, et qu’elle avoit faict resoudre le Roy mon mary, estant de retour à Banière, de m’y mener ou de gré ou de force. Ces advis me mettoient en la peine que l’on peut penser. » Et Marguerite ajoute cette jolie phrase : « Toutesfois, ayant tousiours fiance en la bonté de Dieu et en celle du Roy mon mary, je passoy le temps de ce séjour de Banières en l’attendant, et versant autant de larmes qu’eux buvoient des gouttes des eaux où ils estoient[406]. »
N’est-elle point venue elle aussi à Bagnères, avec ce vif désir de devenir grosse et de donner un héritier au Roi de Navarre ? C’est du moins ce qu’elle exprime à mots à peine couverts à la Reine-Mère, dans cette lettre, publiée déjà pour la première fois par nous.
« … Je suis aux bains de Banières, où je suis venue pour voir si me seroit si heureux que de povoir faire par moi oguemanter le nombre de vos serviteurs ; plusieurs s’an sont bien trouvées. Je ne fauderé, Madame, estant de retour à Nérac, de vous advertir du profit que j’an aie resu[407]. »
En attendant que ce bonheur arrive, Marguerite, pour oublier ses peines et couper la monotonie de ces longues journées d’été, écrit à l’objet de sa flamme, et, dans ce style « de haute métaphysique et de pur Phœbus, comme le fait remarquer très judicieusement Sainte-Beuve, en ces termes presque inintelligibles et des plus ridicules », qui contrastent si fort avec « la distinction et la finesse » de ses Mémoires[408], elle raconte ainsi à Chanvallon comment elle pense à lui et remplit de son image tous les lieux qu’elle parcourt :
« … Ainsi suis-je réduite en ce désert, où j’envie l’heur de ces montagnes hautes qui de leur ciel ont si proche la teste. Je vis, sans divertissement, en la continuelle contemplation de mon souverain bien, en attendant l’heure de ma béatitude. Lieu plus propre ne me pouvoit estre destiné. Si tant de perfections, mon beau cœur, ne me faisoyent tenir pour résolu que vous estes divin estre à qui rien n’est inconnu, je vous dirois que les plus durs rochers, où en mille et mille lieux j’ay gravé votre nom, vos beautez et mes passions vous pourroient tesmoigner si mon âme est de ces âmes de cire que le temps et l’absence changent et rechangent tous les jours en cent diverses formes. L’Éco de ces caverneuses montagnes seroit importunée de ma voix et de mes soupirs, si elle avoit autre cause que son beau Narcisse, qui faict qu’elle me répond, mais avec telle rage désespérée de me voir posséder ce qui luy a toujours esté cruel, qu’il n’y a tonnerre qui si longtemps garde son son, que l’on l’oyt bruire et gronder, mêlant ses cris à l’horrible bruit d’un torrent impetueux et effroyable qui passe au pié de sa demeure, que je crains faire bientost desborder par l’abondance de mes larmes, etc.[409]. »
Au bout d’un mois ou cinq semaines, écrit toujours Marguerite, le roy son mari revint avec Fosseuse et ses aultres compagnes, la chercher à Bagnères, avec l’intention bien arrêtée de la conduire à Pau. « Mais il sçut de quelqu’un de ces seigneurs qui estoient avec moy l’ennuy où j’estois pour la crainte que j’avois d’aller à Pau, qui fut cause qu’il ne me pressa pas tant d’y aller, et me dit seulement qu’il eust bien désiré que je l’eusse voulu. Mais, voyant que mes larmes et mes paroles luy disoient ensemble que j’eslirois plustost la mort, il changea de dessein, et retournasmes à Nérac. »
Le lundi, 26 juin, ladicte dame et son train, disne à Bannières, souppe et couche à Tarbes[410].
Le mardi 27, ladicte dame disne et souppe à Vi-Bigorre.
Le mercredi 28, ladicte dame de Navarre disne à Belloc, souppe et couche à Noguero.
Le jeudi 29, ladicte dame disne, souppe à Noguero, et couche à Eauze.
Le vendredi 30, ladicte dame et son train disne audict lieu d’Eauze.
(Total des dépenses pour ce mois de juin, 2 265 écus, 46 sols. Payé : 2 030 écus, 36 sols, 1 denier.)
Le samedi 1er juillet, ladicte dame Reine de Navarre disne à Eauze, souppe et couche à Gondryn.
Le dimanche 2 juillet, ladicte dame Reine de Navarre, tout le jour audict Gondryn.
Le lundi 3 juillet, ladicte dame tout le jour à Nérac.
Du mardi 4 juillet au mercredi 19, séjour à Nérac.
Le jeudi 20 juillet, ladicte dame avec partie de son train, disne et souppe au Port-Sainte-Marie.
Nous soupçonnons fort la reine de Navarre de s’être à ce moment souvenue de ses bonnes amies les religieuses du Paravis, et, au milieu d’elles, comme en famille, d’être allée passer le jour de sa fête, la sainte Marguerite, qui tombe, on le sait, le 20 juillet. Le lendemain, cette princesse revenait à Nérac.
Le vendredi 21 juillet, ladicte dame et partie de son train disne au Port-Sainte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Du samedi 22 juillet au lundi 31, ladicte dame et tout son train à Nérac.
(Total des dépenses pour ce mois de juillet, 2 107 écus, 10 sols, 6 deniers. Payé : 1 806 écus, 56 sols, 6 deniers).
La fin de ce mois de juillet fut marquée par un semblant de reprise des hostilités. Le 26 en effet, les catholiques commandés par les capitaines d’Effieux et de Montardy s’emparèrent de la ville de Périgueux détenue par les Réformés. « La noblesse du Périgord et des environs, écrit de Thou, fatiguée par les courses continuelles des garnisons protestantes, engagea les commandans des troupes du Roi à se saisir de Périgueux. Ils surprirent cette ville, la nuit, et ils la traitèrent avec tant de barbarie, qu’ils semblaient vouloir venger celle que le baron de Langoiran y avait exercée six ans auparavant, lorsqu’il se rendit maître de la ville. Le Roi de Navarre, ayant porté ses plaintes au Roi, n’en reçut que des excuses[411]. »
L’affaire fit grand bruit. Tous les chroniqueurs de l’époque, L’Estoile entre autres, la racontent à leurs façons. Elle motiva de la part du Roi de Navarre une volumineuse correspondance adressée à M. de Bellièvre, à Brantôme, à Henri III, etc.[412]. Finalement les Réformés n’obtinrent comme compensation, et, encore longtemps après, que la place forte de Puymirol, malgré l’opposition que leur fit à cet égard le sénéchal d’Agen, M. de Bajaumont[413]. Il n’est pas jusqu’à Marguerite qui ne s’occupe de cette prise d’armes et qui n’écrive à M. de Bellièvre : « Le tans est veneu que l’on doit remestre les maisons du roi mon mari (qui étaient Meillan, Vic-Fezensac, Auvillars et Mont-de-Marsan). Je vous suplie, tenès la main que l’on ne lui an fase difigulté, car, après sesi de Périgueux, ce seroit le mestre au desespoir. Cete antreprise s’est faicte fort mal à propos ; car les aferes prenoit isi le train que nous eussions peu désirer, mesme despuis que nous avions su qu’au Dofiné la paix s’i resevoit… etc.[414] ».
Du mardi 1er août au jeudi 31, ladicte dame et son train à Nérac.
Le livre de comptes contient ici une troisième lacune du 1er au 7 août. Il reprend ensuite du mardi 8 au lundi 14 août. Puis il s’arrête brusquement jusqu’au 1er décembre. Ce n’est donc qu’approximativement, bien que tout concourre à confirmer notre hypothèse, que nous pouvons écrire que durant ce temps la Reine de Navarre demeura au château de Nérac.
Du vendredi 1er septembre au samedi 30, séjour à Nérac.
À ce moment doit se placer l’incident qui survint entre la Reine Marguerite et son chancelier Pibrac.
Guy du Faur de Pibrac avait été attaché seulement en 1577 à la maison de la Reine Marguerite, en qualité de chancelier, aux gages de 656 escus, 2 livres tournois par an. Né à Toulouse en 1526, il s’adonna à l’étude du droit, vint à Paris, où il fut fort apprécié par le chancelier de l’Hospital, et fut nommé par lui conseiller d’État en 1570 ; puis il suivit la fortune du duc d’Anjou en Pologne et faillit même payer pour le roi, lorsque ce dernier abandonna précipitamment le trône où on l’avait fait monter malgré lui, pour rentrer à la mort de Charles IX à la cour de France.
Durant tout le voyage des deux Reines en 1578, Pibrac, nous l’avons vu, n’avait pas quitté sa maîtresse, et il l’avait même superbement reçue en son logis lorsqu’elle passa le 11 novembre au château de Pibrac. Alors naquit pour la belle Reine cette passion d’abord discrète, dont Marguerite s’amusa, puis qui, prenant des proportions plus inquiétantes, occasionna bientôt sa disgrâce ainsi que nous allons le rappeler. Notons cependant qu’en cette année 1581, Pibrac n’avait que cinquante-deux ans ; et, bien qu’à cet âge toute flamme un peu trop vive doive être éteinte dans le cœur du magistrat le plus impassible et le plus intègre, il semble que Marguerite ait été un peu loin lorsque nous le montrant à ses genoux, elle le traite de « vieux fou » et d’après le Divorce satyrique « de vieux ruffian, duquel pour en rire elle montrait les lettres[415]. »
Il est incontestable, bien que l’on ait cherché à prouver le contraire[416], que Pibrac fut éperdument amoureux de la Reine Marguerite. De Thou nous raconte qu’il lui en fit lui-même la confidence ; et, après lui, tous les historiens, Mezeray, Perefixe, Lafaille, le président Hénault, etc., sont venus confirmer le fait[417]. Pibrac n’est-il pas l’auteur, d’après une tradition languedocienne, de cette jolie chanson patoise, composée en l’honneur de Marguerite et qui commence ainsi ?
Margaridetto, mas amous,
Escoutats la cansounetto,
Margaridetto, mas amous,
Escoutats la cansounetto
Fayto per bous[418].
Et n’aurait-il pas écrit également ce couplet de son vivant, que rappelle aussi Lafaille ?
J’étais Président,
Reine Margot, Marguerite,
J’étais Président,
En la Cour du Parlement ;
Je m’en suis défait,
Reine Margot, Marguerite,
Je m’en suis défait,
Pour être à vous tout à fait.
Après les conférences de Nérac, Pibrac rentra à Paris, autant pour reprendre ses fonctions de président au Parlement que pour défendre auprès de la Reine-Mère et du Roi les intérêts de sa maîtresse, qui d’ailleurs l’y avait envoyé tout exprès. C’est alors, en février 1581, qu’elle lui donna l’ordre, afin de parer aux plus pressantes de ses dettes, de vendre l’hôtel d’Anjou dont le Roi son frère lui avait fait autrefois cadeau « et que sa grandeur et sa proximité du Louvre, écrit Mongez, rendoient un des plus agréables logements de la capitale. Son chancelier fut forcé, malgré ses représentations réitérées, de le prendre d’abord pour lui-même et de le revendre ensuite à perte à Madame de Longueville [419]. » Cette affaire, jointe à bien d’autres, commença d’aigrir Marguerite contre Pibrac et provoqua la catastrophe finale.
Au moment où la Reine de Navarre oubliait à Cadillac et à Coutras, entre les bras du beau Chanvallon, et sa dignité de Reine et ses devoirs d’épouse, Pibrac eut la malencontreuse idée de lui écrire deux lettres qui lui déplurent souverainement. Dans l’une, datée du mois de mars, il l’avertissait « la larme à l’œil, que, faisant regarder à sa nativité, il avoit recongnu que ce mois-là un prince devait la tuer de sa main ; et il lui conseilloit et la supplioit de se retirer à Agen ou au Port Saincte-Marie, ou en quelque aultre prochaine ville, faire ses devotions ; car aussy bien en tels jours, il lui sembloit qu’il n’estoit pas raisonnable qu’elle demeurast là où elle étoit[420]. »
Était-ce un reproche indirect adressé à son inconduite ? Ou bien, poussé par la jalousie, Pibrac cherchait-il à l’éloigner de Chanvallon ? Toujours est-il que, dans sa seconde lettre, le maladroit chancelier rejetait cet avertissement sur la passion qu’il nourrissait depuis longtemps pour elle et qu’il ne pouvait plus contenir dans son cœur. C’était, on en conviendra, bien mal choisir le moment pour lui faire une déclaration aussi brûlante.
Marguerite ne crut pas devoir alors répondre. Mais bientôt, sur de faux rapports sans doute, soupçonnant Pibrac de s’opposer à son retour à Paris, but suprême de tous ses vœux, et de la desservir à cet égard auprès de sa mère et du Roi son frère, elle lui écrivit une longue lettre, bien connue du reste, où elle l’accable véritablement de ses reproches et de son mépris.
« Monsieur, je m’estonne infiniment que, soubz une si doulce apparence, il y puisse avoir tant d’ingratitude et de mauvais naturel. Je sçais le bruit que vous avez faict courre que je voullois retourner à la cour ; ce que pensant que je pourrois descouvrir et sçavoir à quelle intention ç’estoit, vous l’avez voullu prévenir par une lettre, m’escrivant que le Roi s’en estoit enquis de vous et que vous luy aviez respondu que, s’il lui plaisoit me donner les frais de mon voïage, que cella seroit ; qui estoit pour me rendre moins désirée et plus odieuse. » Et, lui reprochant amèrement de l’empêcher de retourner en France, de la perdre dans l’esprit du Roi son frère, comme il cherchait à perdre ce monarque dans le sien, d’avoir voulu la brouiller à Pau avec son mari, et enfin, dans sa seconde lettre, d’oser élever ses vues amoureuses jusque sur elle, elle ajoutait :
« Tous ces mauvais offices sont la recompanse de la fiance que j’avois de vous, m’y reposant de toutes mes affaires et ne vous aiant jamais recherché que bien et contantement… Ce sont d’estranges traits pour un homme d’honneur tel que vous estes, et qui seroient peu à vostre advantage, venant à la congnoissance d’ung chascun ; ce que je ne voudrois, encore que je ne puisse avoir honte de m’estre trompée en vos doulces et belles paroles, n’estant seule au monde qui suis tombée en tel accident ; lequel me pèse de si longtemps sur le cœur que je ne me suis peu plus longtemps empescher de m’en plaindre à vous-mesme, où je ne veulx aultre tesmoing que vostre conscience… Vostre meilleure et moins obligée amye. Marguerite[421]. »
Sous le coup de la profonde émotion que lui causa cette lettre à laquelle il ne s’attendait guère, le pauvre Pibrac répondit qu’il était malade, et qu’il lui demandait un répit pour se disculper de toutes ces fausses accusations, « car, s’il recongnoissait un seul point de faute en son cœur, il se donneroit lui-mesme d’un poignard dans la gorge[422]. »
Pour toute réponse, dans une lettre fort courte et fort sèche, datée du 25 septembre, la Reine de Navarre lui ordonna de lui rendre ses sceaux. « Je ne doubte point que ceste maladie et l’importunité du continuel exercice de mes sceaulx ne fasse beaucoup de tort à vostre santé ; de laquelle n’estant moins soigneux que vous l’avez esté de mon repos, je vous prie me renvoier mes sceaulx, les baillant à Maniquet qui me les fera promptement tenir[423]. »
Cinq jours après, le 1er octobre, Pibrac adressait à Marguerite cette curieuse missive, bien connue sous le nom d’Apologie, qui n’est qu’un long mémoire en réponse, ligne par ligne, à sa première lettre et à toutes les accusations formulées contre lui. On la trouvera, in extenso, dans l’édition Guessard, pp. 224-279.
Néanmoins, Pibrac se vit enlever sa place de chancelier. Il resta président au Parlement de Paris, et mourut trois ans après, en 1584, laissant de sa femme Jeanne de Tarabel, trois fils et une fille, et emportant dans la tombe la consolation d’être rentré en grâce auprès de la Reine de Navarre, après l’éminent service qu’il lui rendit encore en facilitant à cette époque sa réconciliation avec son mari.
Du dimanche 1er octobre au mardi 31, ladicte dame à Nérac.
Du mercredi 1er novembre au jeudi 30, ladicte dame à Nérac.
L’exécution de Pibrac ne fut qu’un jeu pour Marguerite. La grossesse
et les couches de Fosseuse, qui eurent lieu vers cette époque,
lui suscitèrent de plus pénibles tribulations.
Il n’était bruit dans tout Nérac que de l’état de cette fille. Henri ne dissimulait plus son amour pour elle ; et, s’il s’éloignait un jour ou deux de sa capitale pour se livrer dans son parc de Durance ou dans les bois plus sauvages de Casteljaloux, de Houeillès et de Capchicot à son plaisir favori la chasse[424], il revenait bien vite auprès de celle qui avait su captiver son cœur.
N’est-ce pas pour Fosseuse que le roi paie alors : « À un Espagnol, pour un rubis, 12 écus, 40 sols ; pour une bague de six rubis et une opale au milieu : pour deux poinçons faits à S. M. ; pour une grosse émeraude à mettre au milieu des poinçons… Et encore à Michel Gariteau, mercier de la cour, pour un miroir de cristal, 1 écu ; pour un cadran d’ivoire, 10 sols ; pour un éventail, 100 sols. Et toujours en ce dernier trimestre de l’année, à Me Guillaume Lamy, orfèvre du Roy à Pau, pour avoir mis en œuvre trois tables de diamant, 18 livres ; pour avoir fourni de l’or pour mettre en œuvre un diamant à pointe, 6 livres ; pour la façon d’un pot de chambre d’argent, 3 livres, 18 sols, etc., etc.[425] »
Marguerite cependant voulut en avoir le cœur net. Elle manda Fosseuse auprès d’elle, et, surmontant ses répugnances, elle l’interrogea, allant même jusqu’à lui offrir ses services. C’est elle qui nous l’apprend, mais avec quel art, quelle finesse, quelle habileté !
« Et la prenant en mon cabinet, je luy dis : Encore que depuis quelque temps vous vous soyez estrangée de moy et que l’on m’ayt voulu faire croire que vous me faites de mauvais offices auprès du roy mon mary, l’amitié que je vous ai portée et celle que j’ay vouée aux personnes d’honneur à qui vous appartenez ne me peut permettre que je ne m’offre de vous secourir au malheur où vous vous trouvez, que je vous prie de ne me celer et ne vouloir ruiner d’honneur et vous et moy, qui ay autant d’interest au vostre, estant à moy comme vous-mesme ; et croyez que je vous feray office de mère. J’ay moyen de m’en aller, soubs couleur de la peste, que vous voyez qui est en ce païs et mesme en ceste ville, au Mas d’Agenois, qui est une maison du roy mon mary fort escartée. Je ne meneray avec moy que le train que vous voudrez. Cependant le roy mon mary ira à la chasse de aultre costé, et ne bougeray de là que vous ne soyez délivrée, et ferons par ce moyen cesser ce bruict, qui ne m’importe moins qu’à vous. » Mais Fosseuse ne tint aucun compte à la Reine de sa démarche pleine de bonté. Elle lui répondit « avec une arrogance extresme qu’elle feroit mentir tous ceux qui en avoient parlé ; qu’elle cognoissoit bien qu’il y avoit quelque temps que je l’aimais point, et je cherchais prétexte pour la ruiner. Et parlant aussi hault que je lui avois parlé bas, elle sort toute en colère de mon cabinet et y va mettre le roy mon mary ; en sorte qu’il se courrouça fort à moy de ce que j’avois dict à sa fille, et m’en fit mine fort longtemps, et jusques à tant que s’estant passés quelques mois elle vint à l’heure de son terme[426]. »
Alors se passa entre le Roi et la Reine de Navarre cette scène stupéfiante, dont il faut lire tout au long les détails dans les Mémoires de Marguerite.
Les douleurs de l’enfantement se faisant sentir, Fosseuse envoya prévenir aussitôt son maître. C’était au point du jour : « Nous estions couchés, dit Marguerite, en une mesme chambre, en divers licts, comme nous avions accoustumé. Comme le medesin luy dit ceste nouvelle, mon mary se trouva fort en peine, ne sçachant que faire, craignant d’un costé qu’elle fut descouverte et de l’aultre qu’elle fust mal secourue ; car il l’aimoit fort. Il se résolut enfin de m’advouer tout, et me prier de l’aller faire secourir, sçachant bien que, quoy que se fust passé, il me trouveroit toujours preste de le servir en ce qui luy plairoit. » Il ouvre le rideau, supplie sa femme d’oublier tout ce qui a été dit sur ce sujet, et la prie d’aller elle-même secourir Fosseuse. À quoi Marguerite répondit « qu’elle l’honorait trop pour s’offenser de chose qui vinst de luy ; qu’elle s’y en alloit et feroit comme si c’estoit sa fille ; que cependant il s’en alloit à la chasse et emmenait tout le monde, afin qu’il n’en fust point ouy parler. »
Marguerite s’exécuta de bonne grâce, se rendit dans la chambre des filles, fit isoler Fosseuse et la fit très bien secourir. « Dieu voulut, ajoute-t-elle, qu’elle ne fist qu’une fille, qui encore estoit morte. »
À son retour de la chasse, vers midi, Henri de Navarre, trouva sa femme au lit, « estant lasse de s’être levée si matin et de la peine qu’elle avait eue ». Il lui ordonna de revenir voir Fosseuse. Mais cette fois la Reine refusa, lui répondant qu’elle avait rempli son devoir et qu’elle ne pouvait en faire davantage. « Il se fascha fort contre moy et ce qui me desplut beaucoup, il me sembla que je ne meritois pas ceste recompense de ce que j’avois faict le matin. Elle le mit souvent en des humeurs pareilles contre moy[427]. »
Le charme était définitivement rompu. Cette affaire de Fosseuse ne fit que refroidir plus encore s’il était possible les rapports des deux époux. Marguerite n’eut plus qu’une pensée, celle de quitter Nérac et de rentrer à Paris. À partir de ce jour, elle va mettre tout en jeu pour arriver à ses fins.
Du vendredi 1er décembre (voyons-nous dans le livre des comptes qui reprend à cette date, mais en s’interrompant du mercredi 6 au mardi 12, puis encore du samedi 23 au vendredi 29), au dimanche 31, ladicte dame Reine de Navarre et son train audict Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois de décembre, 2 374 écus, 27 sols. Payé seulement 374 écus, le reste estant dû.)
Il circulait en ce moment à Paris, à la cour d’Henri III, des bruits de grossesse de la Reine Marguerite. Les mignons qui la détestaient ne se gênaient guère pour la couvrir d’opprobre et attribuer à ce nouvel état la cause du retard de son voyage à Paris. Dans sa correspondance à Vinta, Renieri da Colle, ambassadeur de Toscane, se fait docilement l’écho de ces racontars :
« La regina di Navarra, écrit-il le 28 décembre de cette année, deveva essere qui a questo anno nuovo ; ma la grossezza servenuta, ut aïunt, pare che sia per retardere sua venuta ; e se ella e vera, potrebbe scemare l’opinione di molti per il parentado fra il duca di Savoia e la principessa di Navarra[428]. »
Qu’y a-t-il de fondé dans cette supposition de l’ambassadeur italien ? Absolument rien, à notre avis.
Si pareil bonheur fut arrivé à ce moment à la Reine Marguerite, elle l’eut proclamé bien haut. Une grossesse n’assurait-elle pas un héritier à son mari ? Ne consolidait-elle pas sa fortune déjà chancelante ? Ne lui attachait-elle pas, par un lien cette fois indissoluble, sinon le cœur de son volage époux, du moins son affection, et qui plus est encore, son estime ? Quel intérêt aurait pu avoir la Reine de Navarre à cacher son nouvel état ? En supposant même que l’enfant, alors conçu par elle, eut été le fruit de ses amours illégitimes avec le beau Chanvallon, la présence presque quotidienne d’Henri de Navarre auprès de sa femme n’était-elle pas pour couvrir officiellement toutes les fautes qu’elle aurait pu commettre et imposer silence aux calomnies de la cour de France ? Marguerite du reste n’avoue t-elle pas ouvertement à sa mère que si, cette année-là, elle est allée à Bagnères, c’est pour voir « si elle pourrait faire ainsi augmenter le nombre de ses serviteurs, plusieurs femmes s’en estant bien trouvées » ; et ne lui donne-t-elle pas à entendre que si ce rêve, après lequel courent toutes les femmes, venait à se réaliser, son bonheur serait parfait ?
Non. Marguerite ne devint pas grosse en cette année 1581 des œuvres de Chanvallon. Elle ne le fut jamais ; pas plus à ce moment que plus tard, même à cette heure où, rentrée à Paris, elle renouait ouvertement avec son amant ses relations amoureuses, et où les libelles politiques lui attribuèrent la maternité d’un certain futur capucin, connu plus tard sous le nom de Père l’Ange. Sa vie était trop au grand jour pour qu’elle put jamais cacher une grossesse, que certes tous les historiens n’auraient pas manqué de proclamer à grand bruit.
Ainsi que pour la fameuse lettre de Strozzi, certifiée vraie par le même Renieri da Colle et dont nous croyons avoir suffisamment prouvé la fausseté dans les pages précédentes, nous ne devons donc voir dans cette nouvelle information de l’ambassadeur toscan qu’un de ces bruits de cour, inventé à plaisir par les mignons, auquel il est impossible d’ajouter foi. Pas une lettre du reste de Marguerite ni à sa mère, ni à sa confidente la duchesse d’Uzès, n’indique son nouvel état sur lequel elle leur aurait donné, s’il eût existé, les détails les plus circonstanciés.
Ce ne sont, dans sa correspondance de cette époque, que plaintes, récriminations de toutes sortes, demandes d’argent pour pouvoir rentrer à Paris : « … Pour l’extrême désir que j’ay de me revoir près de vous, Madame, écrit-elle à sa mère à la fin de cette année 1581, car le Roi mon mari m’assure de me mener soudain que la paix sera exécutée. Cete esperance m’i fera amploier encore avec plus d’afection pour an avancer le tems[429]. »
Sur tout cela d’ailleurs la lettre de Catherine à Bellièvre, du 27 décembre 1581, est formelle et nous paraît devoir trancher définitivement la question. « M. de Bellièvre, j’eusse esté bien aise que ma fille se fust trouvée grosse, à la charge du retardement de son voiage par deça ; may j’entendy qu’elle est délivrée de ceste opinion, et doibt estre à present en chemin pour venir par deça, où elle sera très bien venue, ainsi que je lui ay escript par Maniquet, qui s’en est allé au devant d’elle[430]. »
Hector de Maniquet, premier maître d’hôtel de la Reine de Navarre, rapportait à sa maîtresse la somme de 15 000 écus que son frère lui faisait parvenir pour faciliter son retour à Paris.
Quant au roi de Navarre, s’il a pensé un moment accompagner sa femme à la Cour, il est vite revenu sur cette idée première. Et, soit que son parti l’en empêche, surtout après la grande assemblée des Églises réformées qui se tint à Béziers à la fin de cette année, soit qu’un nouveau caprice amoureux le retienne en Gascogne, sa résolution est bien prise ; il laissera désormais sa femme libre de s’arranger à sa guise et de partir quand bon lui semblera.
ANNÉE 1582
« Maison de la Royne de Navarre. — Estat des gaiges des dames, damoiselles, gentilshommes et aultres officiers de sa maison, etc.[431]
Mme de Candalle, dame d’honneur |
333 éc. 1 l. | |
Mme la comtesse de Gurson |
100 éc. | |
Mme de Curton |
— | |
Mme de Duras |
— | |
Mme de Gondrin |
— | |
Mme la comtesse de Chasteau-Villain |
133 éc. | |
Mme la mise de Canillac |
100 éc. | |
Mme d’Estissac |
— | |
Mme la Chastre |
— | |
Mme Mioxain |
— | |
Mme la cesse de Carmain |
— | |
Mme Tournon |
133 éc. | |
Mlle d’Estiac |
100 éc. | |
Mme d’Arpajon |
— | |
Mme de Béarn |
— | |
Mme de Saignes |
— | |
Mme de Tignonville |
— | |
Mme de Béthune |
— | |
Mme de Béthune, sa fille |
— | |
Mme de Cheverny |
— | |
Mme de la Chapelle |
— | |
Mlle de Saignes |
— | |
Mlle du Rézé |
— | |
Mlle de Vermont |
— | |
Mlle de Fredeville |
— | |
Mlle de Gerponnite |
— | |
Mlle de Picquot |
— | |
Mlle de La Marcillière |
— |
Cléophile Béthune |
83 éc. 1 l. | |
Fauceuze |
— | |
De Villesavin |
83 éc. 2 l. | |
De Bais |
— | |
De Romefort |
— | |
Mlle de La Vernay, gouvernante desdites filles |
100 éc. |
Mme de Riberac |
1 éc. 2 l. | |
Mme de Sainte-Gemme |
— | |
Mme de Bourgon |
— | |
Mme du Lys |
— | |
Mlle de La Martome |
— | |
Mlle d’Épernay |
— | |
Mlle de Myron |
— |
En plus | ||
Marie Chausson |
50 éc. | |
Loyse du Verger |
— | |
Marguerite Barthe |
— |
En plus | ||
Françoise de Raine |
33 éc. 1 l. |
Le sieur d’Antherac remplace le sieur de Maspa-rault |
1 éc. 1 l. |
Le sieur du Plessis |
100 éc. | |
Le sieur de La Lieve |
— | |
à la place des sieurs de Saint Pons et Beaumesnil |
Le sieur de Montifaut |
100 éc. | |
Le sieur de Matha |
— | |
Le sieur de Tuty |
— | |
Le sieur de St-Germain |
— | |
Le sieur de Montigny |
— | |
à la place des sieurs Miliorin et La Bussière. |
Le sieur de Cadena |
100 éc. | |
Le sieur de Maniquet le jeune |
— | |
Le sieur de Saint Pont le jeune |
— | |
Le sieur de Boissac |
— | |
Le sieur de Beaumesnil le jeune |
— | |
Le sieur de Cotes |
— | |
Le sieur de Courtigner |
— |
Le sieur de Montigny |
100 éc. | |
Le sieur de Fredeville |
— | |
à la place du sieur de Matha. |
En plus : | ||
Guillaume de Lys, abbé de Saint-Martin |
1 éc. 2 l. | |
N. de Chavagnac |
— |
En plus : | ||
Symon Dauvergne |
20 éc. | |
à la place de Nicolas Coquelet. |
La place de chancelier occupée par Guy du Faur de Pibrac
est supprimée. |
M. Odet de Mazelière | 100 éc. | |
à la place de Jacques Biart.
|
En plus et comme remplaçants : | ||
M. François Lardes |
56 éc. 2 l. | |
M. Loys Denis |
— | |
M. Martin Denis |
— | |
M. Jehan Gosselin |
— | |
M. Martin Jouyn |
20 éc. | |
M. Isaac Olier |
— | |
M. Jules Gassot |
6 éc. | |
M. Barthélemy Guy |
— | |
M. Antoine de Legendre |
— | |
M. Sainct Nicolas |
— | |
M. Laurent Symon |
— | |
M. Jacques Tannier |
— | |
M. Symon Bousquet |
— | |
M. N. Sieurac |
1 éc. 2 l. | |
M. Bernard Codoing |
— | |
M. Arnaut de la Nusse |
— | |
M. Loys Ressard |
— |
En plus : | ||
Bonald Charpentier |
56 éc. 1 l. | |
Jehan Gaussin |
— | |
Pierre Chardon |
— | |
Noël de Villeronde |
— | |
à la place de Symon Huguerie et de Jehan Bourgeois |
N. Le Meignan à la place de Jacques Crochut. |
Peu ou pas de changements pour les autres offices subalternes. |
M. Antoine Charpentier |
500 éc. |
Pour Paris : 10 conseillers | ||
Pour Toulouse : les mêmes qu’en 1579. | ||
Pour Bordeaux : les mêmes. | ||
Pour l’Agenais : | ||
Me Antoine Boissonnade, advocat |
8 éc. 1 l. | |
Me N. de Laville, procureur |
— | |
Pour le Quercy : les mêmes | ||
Pour le Rouergue : les mêmes |
Du lundy premier jour de janvier au 28, ladicte dame Roine et tout son train audict Nérac.
Tout le mois de janvier de cette nouvelle année 1582 se passa, de la part de la Reine de Navarre, en atermoiements, en hésitations et finalement en préparatifs de départ. Marguerite brûle en effet du désir de revenir à la Cour et de revoir Chanvallon. Elle sait de bonne source que le duc d’Anjou, à ce moment dans les Flandres où il l’avait amené, vient de lui confier une mission auprès du Roi et qu’il se trouvera à Paris dans les derniers jours de février ou les premiers jours de mars. Il s’agit d’y arriver en même temps et d’obtenir d’abord de sa Sibille, puis de sa mère, que son frère consente à la rappeler auprès de lui. Il faut aussi que le Roi de Navarre se décide à se séparer de Fosseuse qu’elle amène avec elle et s’embarque dans quelque nouvelle aventure. Mais laissons parler Marguerite elle-même, qui dans les deux dernières pages de ses si intéressants Mémoires, tout en cherchant à nous donner le change sur ses véritables sentiments, nous explique à sa façon sa manière d’agir à cette époque et celle de tout son entourage :
« À quoy pour parvenir, le Roi me fit écrire par la Royne ma mère qu’elle désiroit me voir ; que c’estoit trop d’avoir esté cinq ou six ans esloignée d’elle ; qu’il estoit tems que je fisse un voiage à la Cour ; que cela serviroit aux affaires du Roy mon mary et de moy ; qu’elle cognoissoit que le Roy estoit désireux de me voir ; que si je n’avois des commoditez pour faire ce voiage, que le Roy m’en feroit bailler. » Le Roy m’escrivit le semblable, et m’envoyant Manniquet, qui estoit mon maistre d’hostel, pour m’y persuader (pour ce que depuis cinq ou six ans que j’estois en Gascogne, je n’avois jamais pu me donner ceste volonté de retourner à la Cour), il me trouva lors plus aisée à recepvoir ce conseil pour le mescontentement que j’avois à cause de Fosseuse, lui en ayant donné advis à la Cour. Le Roy et la Royne m’escrivent encore deux ou trois fois coup sur coup, et me font délivrer quinze mil escus[432], afin que l’incommodité ne me retardoit. Et la Royne ma mère me mande qu’elle viendra jusques en Xaintonge ; que si le Roy mon mary me menoit jusques là, qu’elle communiqueroit avec luy pour luy donner asseurance de la volonté du Roy ; car il désiroit fort de le tirer de Gascogne, pour le remettre à la Cour en la mesme condition qu’ils y avoient esté aultrefois mon frère et luy ; et le maréchal de Matignon poussoit le Roy à cela pour l’envie qu’il avoit de demeurer seul en Gascogne[433].
Marguerite ajoute toutefois, et ici elle est bien peu sincère, qu’elle ne fera à la Cour qu’un voyage de quelques mois pour y accommoder ses affaires et celles du Roy son mary ; « estimant qu’il serviroit aussy comme de diversion pour l’amour de Fosseuse que j’emmenois avec moy ; que le Roy mon mary, ne la voyant plus, s’embarqueroit possible avec quelqu’aultre qui ne me seroit pas si ennemie. J’eus assés de peine à faire consentir le Roy mon mary à me permettre ce voiage, pour ce qu’il se faschoit d’esloigner Fosseuse et qu’il en fust parlé. »
Néanmoins, elle arrive à ses fins, son mari se laissant plus facilement persuader qu’elle ne veut bien l’écrire, et, de part et d’autre, le voyage est décidé.
« Ma Sibille, écrit Marguerite au comble de la joie à la duchesse d’Uzès, votre lettre me sera comme saint Elme aux mariniers, me promettant, sous vos asseurances, autant de contentement à mon retour, qu’en mesme lieu j’y ay aultrefois esprouvé du contraire… Je croiray donc vostre conseil et advanceray mon partement, aultant qu’il me sera possible[434]. »
Quant au Roi de Navarre, une fois son parti pris, il n’a plus qu’une idée, de hâter le voyage de sa femme et de l’entourer du plus grand éclat possible. À cet effet, il écrit lettres sur lettres à la plupart des gentilshommes ses amis, leur ordonnant de l’accompagner et les priant de lui en faciliter l’exécution par tous les moyens en leur pouvoir :
« M. de Lardimalie, écrit-il déjà le 7 janvier de Nérac, d’autant que ma femme fait estat de partir dans le vingt-cinquiesme de ce mois pour faire son voiage de la Cour et que j’ay délibéré de la conduire jusques à Sainct-Jehan d’Angely, je desirerois pour ceste occasion estre accompaigné de quelques-uns de mes bons amis[435]. »
Et à M. de l’Estelle, le 19 janvier, toujours de Nérac : « Estant résolu de partir le xxvi de ce mois pour aller accompaigner la Royne, ma femme, jusques à Sainct-Jehan d’Angely, lorsqu’elle s’acheminera en Court, je vous en ay volu advertir par ceste mienne, etc.[436]. »
Et encore de Nérac, à M. de Scorbiac, le 27 janvier : « J’envoie ce porteur à Montauban pour y recouvrer huict mulletz de bast, et iceulx amener pour la commodité de mon voiage, allant conduire la Royne, ma femme, jusques à Sainct-Jean d’Angely…[437] »
Marguerite quitta Nérac le lundi 29 janvier.
Le lundi 29 janvier, ladicte dame et son train disne à Laussignan, souppe et couche à Casteljaloux.
Lausseignan est un tout petit village, à neuf kilomètres au nord-ouest de Nérac et à trois de Barbaste, ce dernier lieu célèbre par son beau moulin à quatre tours, de la fin du xiiie siècle, à ce moment propriété du roi de Navarre. Il se trouve sur la route qui mène de ce joli site à Durance, rendez-vous habituel de chasse d’Henri de Bourbon.
Sans doute que Marguerite, qui connaissait, pour les avoir parcourues si souvent, la route de Nérac au Port-Sainte-Marie et la vallée de la Garonne, préféra cette fois pénétrer dans la forêt des Landes et prendre cette direction qui lui était inconnue.
Le mardi 30 janvier et le mercredi 31, séjour à Casteljaloux, avec tout le train.
(Total des dépenses pour le mois de janvier : 2 664 écus, 15 sols, 4 deniers. Le tout payé.)
Du jeudi 1er février au dimanche 4, séjour à Casteljaloux.
Pour aussi pressée qu’elle fut de rentrer à la Cour, la reine de Navarre semble s’être quelque peu oubliée dans cette jolie petite ville des bords de l’Avance. Quelque partie de chasse, organisée en son honneur par son mari, fut-elle la cause de ce retard volontaire ? Tout porte à le croire, Henri se trouvant encore le 5 février à Casteljaloux, d’où il écrit à M. de Scorbiac une lettre, relative à la reddition de la petite ville de Varen, en Rouergue, près de Saint-Antonin[438].
Marguerite dut loger à la maison Labails, cette élégante demeure, dont la belle frise Renaissance, ornée de médaillons célèbres qui passent pour représenter les sires d’Albret, fait encore l’admiration de tous les archéologues[439].
Le lundi 5 février, ladicte Reine disne à Casteljaloux, souppe et couche à Bazas.
Le mardi 6 février, tout le jour audict Bazas.
Le mercredi 7 février, la dicte dame disne à Langon, souppe et couche à Cadillac.
Le jeudi 8 février, tout le jour à Cadilhac avec tout son train.
Le chanoine Syrueilh, dans son Journal, n’a garde d’oublier, à cette date, le passage de Marguerite à ce château de Cadillac, qui lui rappelait de si doux souvenirs.
« Le roy et la reyne de Navarre, écrit-il, se rendirent le jeudy, viiie febvrier à Cadilhac, audict an 1582. M. le président de Villeneufve, MM. de Lestonnac et Dandrault, conseillers en la Court de Parlement de Bourdeaulx, les allarent trouver et saluer de la part de la Cour. Ung aussi de MM. les conseillers de la Chambre de justice se rendit devers eulx de la part de ladicte Chambre, comme aussi fit M. de Montaigne, maire de Bourdeaulx, accompagné de… juratz de ladicte ville[440]. »
« Ledict jour de jeudy au soir qu’ils arrivarent audict Cadilhac, la Royne de Navarre tint à baptesme une fille de M. le comte de Gurson[441], fils de M. le marquis de Trans, et avec ladicte dame fust aussi marrine Madame de Candale, mère de l’accouchée, et M. de Gondrin fust parrin au lieu de M. de Candale, evesque d’Ayre, qui se trouva mal. Ladicte filhe eust à nom Marguerite du nom de ladicte Reyne[442]. »
Le vendredi 9 février, ladicte dame et son train disne à Cadilhac, souppe et couche à Créon.
« Le vendredy, après disner, ajoute le journal de Syrueilh, le Roy et la Royne de Navarre partirent de Cadilhac et allarent coucher à Créon, et de là allarent à Coustras où M. le prince de Condé estant venu au devant d’eux les attendoit et dans deux ou troys jours après partirent pour aller à Cougnac et de là à Sainct-Jean d’Angely. »
Le samedi 10 février, ladicte dame disne à Créon, souppe et couche à Barraulx[443].
Le dimanche 11 février, tout le jour audict chasteau de Barraulx.
Le lundi 12 février, ladicte dame disne au Port de Branne, souppe et couche à Coutras.
Le mardi 13 février, ladicte dame et son train tout le jour audict Coutras.
Le mercredi 14 février, ladicte dame et son train disne à Coutras, souppe et couche à Montguyon.
Le jeudi 15 février, ladicte dame et son train tout le jour audict Montguyon[444].
Le vendredi 16 février, ladicte dame et son train disne à Montguyon, souppe et couche à Baigne[445].
Le samedi 17 février, ladicte dame et son train disne, souppe et couche à Barbezieux.
Le dimanche 18 février, ladicte dame et son train disne à Chattauneuf[446], souppe et couche à Jarnac.
Du lundi 19 février au samedi 24, séjour à Jarnac.
Quelle cause retint si longtemps la Cour de Navarre en cette ville ? Ce fut, croyons-nous, une entrevue entre Henri de Navarre et le prince de Condé d’un côté, Matignon et Bellièvre de l’autre, à l’effet d’accorder « de nouveaux articles pour une entière assurance de paix. » Deux lettres du roi de Navarre, l’une à M. de Scorbiac, l’autre aux consuls de Bergerac, semblent en effet indiquer que ce prince cherchait de tout son pouvoir à calmer les esprits et à asseoir définitivement la paix[447]. Marguerite, durant ce temps, ne s’occupait, ainsi qu’on va le voir par le passage suivant de ses livres de comptes, que de passer le plus agréablement son temps.
Le dimanche 25 février, ladicte dame et son train audict Jarnac « où ladicte dame a faict festin, disne et souppe pour le mariage de Loyse de Verger, l’une de ses femmes de chambre. Dépenses, ce jour-là seulement, 123 écus, 47 sols, 3 deniers. »
Les lundi 26 et mardi 27 février, séjour à Jarnac.
Le mercredi 28 février, ladicte dame et son train disne à Burye[448], souppe et couche à Brisenbourg[449].
Le château de Brisambourg appartenait à cette époque à la sœur du maréchal de Biron, Jeanne de Gontaud, mariée en premières noces à Pierre Poussard, baron de Brisambourg, et en secondes noces à Jean de Caumont, seigneur de Montpouillan. Son frère, dans sa disgrâce, aimait à s’y retirer.
« Je m’en vais à Brisambourg, quy est de mon despartement, » écrit-il dans une de ses lettres, du 1er mai 1581[450].
D’un autre côté, dans les Dépenses extraordinaires du Roi de Navarre, nous lisons à cette date : « À Guillaume Gobinet, sommelier en l’office d’eschansonnerie, 15 l. t. pour une pipe de vin qui a esté prinse pour février, en la maison de Mme de Brizambourg, lequel vin n’est tiré à argent, d’autant que ladite dame n’en voulut point, dont S. M. a depuis fait don audit Gobinet[451]. »
(Total des dépenses pour ce mois de février, 2 413 écus, 56 sols, 3 deniers, le tout payé.)
Le jeudi 1er mars, ladicte dame disne à Brisenbourg, souppe et couche à Sainct-Jehan d’Angely.
Le vendredi 2 mars, séjour à Sainct-Jehan d’Angely.
Le samedi 3 mars, ladicte dame disne à Sainct-Jehan d’Angely, souppe et couche à Xainctes.
Le dimanche 4 mars, ladicte dame et son train, tout le jour à Xainctes.
Dans ses Études et Documents relatifs à la ville de Saintes[452], M. le baron Eschasseriaux, ancien député de cet arrondissement, constate également, d’après les livres de Jurades, la présence de la Reine de Navarre dans cette ville, à la date du 3 mars 1582. Le 28 février déjà, la municipalité lui avait envoyé une députation au château de Brizambourg.
« Ce faict, ledit jour troisième du mois de mars, est venue ladite dame Royne de Navarre, de ladite ville de Sainct-Jehan en ceste ville, en l’abbaie de Notre-Dame, hors les murs de la présente ville, où lesdits officiers, maire, eschevins, manans et habitans de ladite ville, toute la jeunesse, avec armes, tambours, phifres et enseignes déploiées, furent au devant de ladite Majesté Royne, environ une petite lieue distante de ladite ville, où il lui fut faict deux harangues, par ledit sieur Eschassériaux pour lesdits officiers, etc. » Marguerite fut reçue devant le grand portail de l’abbaye par l’abbesse de Notre-Dame « qui lui bailla la croix, laquelle elle baisa dévotement. »
Puis « le lendemain, dimanche, 4 dudit mois, ladite dame s’est « descendue en sa chaise pour s’en venir en ladite ville. » Arrivée sur le pont, les officiers lui présentèrent les clefs et le poèle. Elle monta dans sa litière qui fut portée par les sieurs Jehan Relyon, de Prahec, Senné et Dominique du Bourg, entra en ville et se rendit à Saint-Pierre, où elle fut reçue par Monseigneur l’Évêque et entendit la messe. Elle se rendit de là au château, où elle eut une longue conférence avec le gouverneur, le sieur de Belleville ; d’où, toujours « avec ses damoiselles », elle s’en retourna à l’abbaye de Notre-Dame.
Le lendemain 5 mars, elle reçut en grande pompe toutes les autorités ; qui lui exposèrent leurs remonstrances. Puis elle partit pour Saint-Jean d’Angély avec tout son train[453].
Était-ce la première fois que la Reine de Navarre venait à Saintes ? Dans son livre sur les Entrées royales dans cette ville, M. Louis Audiat donne à entendre qu’elle y était déjà passée, lors de son premier voyage en Gascogne, avec la Reine-Mère, à la date du 2 septembre 1578. Elle y aurait même séjourné jusqu’au 9 de ce mois. Le livre des Jurades nous apprend bien qu’on fit à ce moment à Saintes de grands préparatifs pour recevoir les deux Reines, encore à Cognac[454]. Mais nous n’y voyons aucune relation de leur entrée, ni de leur séjour dans la capitale de la Saintonge. En tous cas, le livre des Comptes de la Reine de Navarre, toujours si exact, n’indique à cette époque, comme séjour des deux Reines, que la ville de Cognac, du 1er au 5 septembre, et la ville de Pons, du 6 au 9 du même mois. Les deux Reines ne seraient-elles dès lors venues à Saintes que quelques heures et le scribe aurait-il jugé inutile de consigner cette simple excursion ? Ou plutôt, comme nous le croyons, un empêchement subit les aurait-il contraintes, au dernier moment, de renoncer à leur projet ?
Le lundi 5 mars, ladicte dame et son train disne à Saint-Hilaire, souppe et couche à Saint-Jehan d’Angely.
Du mardi 6 mars au dimanche 11, séjour à Saint-Jehan d’Angely.
Henri de Navarre se prépare à l’entrevue qu’il va avoir avec la Reine-Mère. Il est venu dans cette ville pour voir son cousin le prince de Condé, qui en a fait sa principale résidence. Il groupe autour de lui ses plus fidèles, ses conseillers et il demande avis à Théodore de Bèze, afin qu’il l’éclaire de ses lumières et de son expérience.
« J’espère, lui écrit-il le 6 mars de Saint-Jehan d’Angély, que nous verrons dans dix jours la Reyne, ce que j’ay pensé estre nécessaire pour le bien de la paix et le repos de nos Églises. Ce ne sera plus loin que de cinq ou six lieues d’icy. Je vous prie, Monsieur de Bèze, asseurer tout le monde que je ne feray rien qui nous porte préjudice[455]. »
Et à Monsieur de la Lardière, toujours de Saint-Jean d’Angély : « J’envoye le sieur de Beauvais dans vos quartiers pour semondre ceux qui paraissent m’avoir aimé de me venir voir à Saint-Maixant où se doibt trouver la Reine Mère du Roy ; et pour plusieurs occasion je désire y estre bien accompagné ; ce qui faict que je vous prie vous y trouver avec le meilleur nombre que pourrez de vos amys ; et ce faisant me ferez connaistre l’affection qu’aurez à moy[456].
La Reine-Mère désirait que l’entrevue eût lieu le plus près possible de la Loire[457]. Dans une de ses lettres elle fixe même le lieu de Champigny. Mais Henri de Navarre a décidé qu’il n’irait pas si loin. « Je suis venu jusques icy (Saint-Maixent), écrit-il à M. de Scorbiac le 19 mars, pour avoir ce bien de communiquer avec la Reyne, mère du Roy mon seigneur, résolu de ne passer oultre, bien que par les lettres qu’elle m’a escript de Chenonceau, elle désirait que je donnasse jusques à Champigny[458]. Je lui ai envoyé le sieur de Lésignan pour faire mes excuses si je ne puis aller si avant, ayant une si belle et grande troupe de noblesse près de moy, avec mon oncle de Rohan et mon cousin le comte de La Rochefaucauld[459]. »
Est-ce au lieu de Champigny que l’ambassadeur Toscan fait allusion lorsqu’il écrit à son maître que « le Roy de Navarre a refusé de se réunir avec la Reine-Mère dans le château de M. de Lansac[460]. » Toujours est-il que Catherine dut cette fois encore faire une concession à son gendre et se rapprocher de lui plus près qu’elle ne l’aurait désiré.
L’entrevue toutefois ne se fit pas à Saint-Jean d’Angély, comme l’écrit M. de Saint-Poncy, toujours si mal informé ; pas même à Saint-Maixent, comme le voulait Henri de Navarre et comme presque tous les historiens l’ont relaté ; mais à La Mothe Saint-Héray, ainsi que nous allons le prouver.
Le lundi 12 mars, ladite dame et son train disne à Dampierre[461], souppe et couche à Chizay[462].
Le mardi 13 mars, ladite dame et son train disne à Brion, souppe et couche à Mesle.
Le mercredi 14 mars, ladite dame et son train disne à Mesle, souppe et couche à Saint-Maixant.
Du jeudi 15 mars au samedi 24, séjour à Saint-Maixant.
C’est là qu’Henri de Navarre, entouré de ses meilleurs lieutenants, attendit huit jours la Reine-Mère qui toujours ne venait pas. Le prince de Condé, avec lequel il était au mieux pour le moment, l’avait accompagné « jusqu’à quatre lieues d’icy, d’où il s’en est retourné à Saint-Jehan[463]. »
D’Aubigné était parmi les conseillers du prince ; mais il se trouvait mal en Cour et en butte aux colères et à la vengeance de la Reine Marguerite. C’est du moins ce qu’il raconte dans ses Mémoires, auxquels nous ne devons, comme toujours, ajouter que médiocrement foi. L’épisode est néanmoins trop curieux pour que nous ne le laissions pas parler ici lui-même.
« La Reine-Mère étant venue faire un voyage en Languedoc, donna en s’en retournant un rendez-vous à Saint-Maixant au roi de Navarre, et la Reine, sa femme, qui s’en allait avec sa mère à la Cour de France, l’y accompagna. Dans ce lieu, cette princesse qui depuis quelque temps m’avait pris en grande aversion, tant pour le peu de complaisance que j’avais eue à ses volontés que parce qu’elle me soupçonnait d’être l’auteur d’une malice faite à Madame de Duras, sa confidente et favorite, ou du moins d’avoir induit Clermont d’Amboise à la faire, dans ce lieu, dis-je, la Reine de Navarre se jeta aux pieds de son mari, et ayant engagé la Reine, sa mère, de la seconder dans son dessein, le pria avec larmes de vouloir bien pour l’amour d’elle me bannir de sa cour et ne me plus jamais voir ; ce qu’il lui promit. Cette princesse, entre autres choses, ne me pouvoit pardonner quelques bons mots que j’avois proférés, surtout celui-ci : La maréchale de Retz avait donné à d’Entragues, son amant, un cœur de diamants ; la reine de Navarre, ayant rendu ledict d’Entragues inconstant, exigea de lui pour rendre son triomphe encore plus beau qu’il lui donnât ce cœur de diamants. Or, comme j’étais partisan de ladite maréchale contre la reine de Navarre et qu’elle se vantait à tous propos d’avoir ce cœur de diamants : « Elle l’a en effet, dis-je, parce qu’il n’y a que le sang des boucs qui puisse graver et faire impression dessus. »
« Mon maître donc, en vertu de sa promesse, me congédia en public ; mais il me dit en particulier de rester et de me tenir caché pendant le jour, afin que je pusse venir passer toutes les nuits dans sa chambre. Ce qui me donna lieu, à la faveur de cette feinte disgrâce, de connaître mes vrais ou faux amis. »
D’Aubigné raconte ensuite comment, à ce moment, il fit la cour à Suzanne de Lezay, et bientôt après l’épousa[464].
Le dimanche 25 mars, à Saint-Maixant, lequel jour ladicte dame a faict festin, a disné et souppé pour le mariage de Loyse le Bel, l’une de ses femmes de chambre. (Dépenses totales pour ce jour seul, 138 écus, 58 sols, 1 denier.)
Les lundi 26 et mardi 27 mars, séjour à Saint-Maixant.
Ce fut à ce moment qu’après d’interminables négociations entre le Roi de Navarre et la Reine-Mère pour choisir le lieu de la conférence, il fut décidé de part et d’autre, les villes de Mirebeau et Parthenay ayant été écartées, qu’elle se tiendrait à La Mothe Saint-Héray[465].
Le mercredi 28 mars, ladicte dame et son train disne, souppe et couche à La Mothe Saint-Éray.
Catherine de Médicis avait la veille quitté Mirebeau, où elle se trouvait depuis quelques jours retenue par la maladie pour aller coucher à Sanxay, d’où elle repartit le matin du 28 pour arriver en même temps que son gendre et que sa fille à l’endroit indiqué[466].
Le château de La Mothe Saint-Héray appartenait, à ce moment, à Louis de Saint-Gelais de Lusignan, seigneur de Lansac et de Pressy-sur-Oise, chevalier de l’ordre du Roi, conseiller d’État, et ce qui était pour la Reine-Mère la meilleure des garanties, surintendant de ses finances. Il devait passer plus tard entre les mains des fastueux seigneurs de Baudéan de Parabère, dont l’un d’eux, Jean, y reçut superbement Louis XIII et toute sa Cour en l’année 1620[467]. Il venait d’être entièrement réparé par son propriétaire, ayant été en partie démoli lors du siège récent qu’il avait eu à subir le 26 mars 1569[468].
Le jeudi 29 mars et le vendredi 30, séjour à La Mothe Saint-Éray.
Le mercredi soir, jour de leur arrivée, le maître de céans, le seigneur de Lansac, « le bonhomme Lansac, » comme l’appelle Brantôme, offrit à la Reine-Mère, au Roi et à la Reine de Navarre, au cardinal de Bourbon, au duc de Rohan, au maréchal de Matignon, au comte de La Rochefoucauld et aux principaux personnages des deux Cours, un magnifique dîner, « à l’issue duquel la Reine-Mère, le roi de Navarre et le duc de Rohan, allèrent en un coin de la salle, séparés des autres, où ils parlementèrent par l’espace de deux à trois heures ensemble[469]. » Ce ne fut qu’une escarmouche, le roi de Navarre et ses compagnons s’en retournant coucher à Saint-Maixant.
Le lendemain, les négociations s’engagèrent. Elles durèrent deux longs jours. Aucun auteur contemporain ne nous en a transmis les détails. Seul, Michel Le Riche paraît assez bien informé. « On dit, écrit-il dans son journal, que le Roi de Navarre se plaignait surtout qu’en son gouvernement de Guienne il n’était obéi. À quoi lui fut répondu que tenant le parti contraire du Roi de France, il ne pouvait avoir ce qu’il demandait qui ne lui serait refusé, s’il se rejoignait, selon le désir et affection dudit Roi de France, et qu’il y avait incompatibilité d’être pour et contre ladite majesté ; ce qui fut ce dont on parla principalement[470]. »
Duplessis-Mornay, dans ses Mémoires, confirme également ce grief du Roi de Navarre, ainsi que celui, tout aussi vif, d’après lequel ledit prince aurait reproché à Henri III de n’avoir pas reçu, depuis de longues années, un denier de la pension de 48 000 livres, que ses prédécesseurs et lui-même devaient servir aux Rois de Navarre, « en considération qu’ils avaient perdu ledit royaume de Navarre pour le service de la couronne de France[471]. »
Il y fut question également des chambres de justice établies exceptionnellement en France en cette année 1582, et notamment de celle de Guienne, en conflit ouvert avec le Parlement de Bordeaux[472].
Si le roi de Navarre ne fut qu’imparfaitement écouté sur cette réclamation, il obtint quelque compensation à propos de la question toujours en suspens des places de sûreté, l’édit de Fleix n’ayant été que très irrégulièrement observé à cet égard. Si les catholiques s’obstinaient à garder indûment les places qui ne leur appartenaient pas, Henri de Navarre avait reçu mission de ses coreligionnaires, réunis à Montauban, de n’abandonner aucune des leurs. Ce à quoi consentit Catherine, du moins provisoirement.
Enfin la Reine-Mère déploya toute son habileté, toute son astuce, pour amener avec elle Navarre à la Cour. Là était le but véritable poursuivi par elle, le plus secret désir de son fils Henri III. Cette fois encore, malgré les séductions de Mme de Sauves, de tout l’escadron volant, et surtout le regret de se séparer de Fosseuse, l’adroit Béarnais sut tenir tête à la fille des Médicis, et resta assez fort pour écouter les conseils de ses amis. Catherine ne put leur cacher son dépit et lorsque ces derniers, venant la saluer, lui demandèrent « si elle avait quelque chose à leur dire et commander ». « Ce que j’ai à vous dire, leur répondit-elle, c’est que vous perdez le Roi de Navarre, mon fils, votre maître, et vous-mêmes[473]. »
Malgré cette boutade, l’entrevue de La Mothe Saint-Héray aplanit bien des difficultés pendantes. Des deux côtés, en se quittant, on se montra fort satisfait.
« Messieurs, écrivait quatre jours après le Roi de Navarre aux membres de la chambre de justice de Guienne établie à Bordeaux, estant assez persuadé de la bonne volonté et affection que vous avez à l’édit de pacification, pour lequel vous avez esté envoyés par le Roi mon seigneur en ce pays de Guienne, il m’a semblé estre convenable que, sur la diversité des opinions que plusieurs peuvent avoir eues de mon voiage et acheminement en ces quartiers, je vous depvais escrire la présente pour vous dire que, ayant accompagné la Royne ma femme jusques au lieu de Saint-Maixant, la Royne sa mère nous a voulu tant honorer et favoriser qu’elle s’est peinée en son aage et indisposition de s’approcher de nous de deux lieues, et s’est rendue à La Mothe Saint-Éray, où nous la sommes aller trouver, y aiant demeuré trois jours, et nous estant despartis avec une telle démonstrance d’amitié et bienveillance que nous pouvons désirer les uns des autres, comme aussi avec une asseurance que ladite dame Royne m’a aussi donné de la bonne volonté et intention du Roy mon seigneur à l’establissement de la paix et nous faire jouyr du bénéfice d’icelle en tout ce qui concerne l’exécution de son dict édict ; qui est cause que, avec son advis, j’ay escript aux Églises réformées des provinces de m’envoier de leurs députés pour leur faire entendre la volonté et intention du Roy mon seigneur et la mienne, conforme à la sienne, etc.[474] »
Et le même jour, 4 avril, de Melle, à M. de Scorbiac : J’ay enfin veu la Reyne Mère du Roy, mon seigneur, et l’ay conduicte jusques à trois lieues de Poictiers. Je suis demeuré très satisfaict de son entrevue, et croy-je qu’elle produira beaucoup de fruicts… Je m’en revay à Sainct-Jehan et de là à La Rochelle, résolu de séjourner en ces cartiers de deça jusques à la fin du moys prochain, affin d’oster le plus qu’il me sera possible les occasions de deffiance[475].
La Reine-Mère quitta La Mothe Saint-Heray le samedi matin 31 mars. Elle emmenait avec elle sa fille Marguerite dont les coffres et les bahuts, qui emplissaient plusieurs charrettes, avaient été expédiés de Saint-Maixent dès le 17 mars[476]. » Le Roi de Navarre les accompagna jusqu’au château de Montreuil-Bonnin, où il coucha.
Le samedi 31 mars, ladicte dame et son train disne à Sanxay, souppe et couche à Montreuil[477].
Ce fut le lendemain, 1er avril, que le Roi de Navarre se sépara de sa femme et de sa belle-mère. Il leur laissait à entendre qu’il n’était pas éloigné d’avoir une entrevue prochaine avec le Roi de France, mais à condition que ce dernier consentît à se rendre soit en Touraine, soit en Poitou. Catherine ne se le fit pas dire deux fois. Elle chercha dès ce moment à attirer son fils, ou à Blois, ou à Chenonceaux. Mais elle se heurta contre l’apathie du monarque et peut-être aussi ses craintes dissimulées[478].
Le Roi de Navarre, lui, revint à Sain-Maixant, puis à Melle, puis à Saint-Jean d’Angély et enfin à La Rochelle, tandis que Marguerite accompagna sa mère non à Paris, comme tous les auteurs l’ont écrit et où elle ne rentra que dans les derniers jours de mai[479], mais dans ces belles résidences des bords de la Loire, qu’affectionnait tout particulièrement la fille de Médicis, à Chenonceau d’abord, puis à Fontainebleau.
(Total des dépenses pour ce mois de mars, 2 695 écus, 5 sols, 7 deniers ; le tout payé.)
Le dimanche 1er avril, ladicte dame et son train disne à Montreuil, souppe et couche à Vouillé.
Le lundi 2 avril, ladicte dame et son train disne à Vendeuvres[480], souppe et couche à Chastelleraut.
Le mardi 3 avril, ladicte dame et son train disne à Chastelleraut, souppe et couche à La Guerche[481].
Le mercredi 4 avril, ladicte dame et son train disne à La Guerche, souppe et couche à Loches.
Le jeudi 5 avril, ladicte dame et son train disne aux Roches-Saint-Quentin[482], souppe et couche à Chenonceau.
Les vendredi 6 avril, samedi 7 et dimanche 8, séjour à Chenonceau avec tout son train.
Le lundi 9 avril, ladicte dame disne à Chenonceau, souppe et couche, avec partie de son train, au Plessis-les-Tours.
Le mardi 10 avril, séjour au Plessis-les-Tours.
Du mercredi 11 avril au mercredi 18 avril, séjour à Chenonceau avec tout son train.
À cette date, doit se reporter, croyons-nous, la mort de Mlle de Rebours, Marguerite ne devant faire, du moins d’après ses livres de comptes, d’autre séjour à Chenonceau, de toute cette année 1582, ni l’année suivante 1583. Voici, à cet égard, ce que nous apprend Brantôme :
« Rebours, une de ses filles qui mourut à Chenonceau, luy avait faict quelque grand desplaisir ; elle ne luy en fit plus cruel traictement ; et, venant à estre fort malade, la visita ; et ainsi qu’elle voulut rendre l’ame, elle l’admonesta, et puis dit : “Ceste pauvre fille endure beaucoup, mais aussy elle a faict bien du mal, Dieu luy pardoint comme je lui pardonne !” Voilà la vengeance et le mal qu’elle lui fit. Voyla aussi comme ceste grande Reyne a esté, par sa générosité, fort lente en ses vengeances, et a esté toute bonne[483]. »
Brantôme est le seul des contemporains qui ait annoncé la mort de Rebours. Encore est-ce bien moins pour s’apitoyer sur le sort de la pauvre fille, qui eut cependant son heure de célébrité à la Cour de Nérac, que pour louer la bonté de la Reine Marguerite. Nous allons voir, sous peu, que cette Reine ne se montra pas aussi indulgente à l’égard de Fosseuse, à qui elle ne pouvait pardonner les actes de complaisance que lui avait imposés naguère la volonté souveraine de son mari.
Le jeudi 19 avril, ladicte dame et partie de son train disne et souppe à Veret[484].
Le vendredi 20 avril et samedi 21, séjour à Chenonceau.
Le dimanche 22 avril, ladicte dame disne à Pontlevoy[485], souppe et couche à Cheverny[486].
Le lundi 23 avril, ladicte dame disne à Villesavyn, souppe et couche à Saint-Laurent des Eaux[487].
Le mardi 24 avril, ladicte dame disne à Clery[488], souppe et couche à Orléans.
Le mercredi 25 avril, séjour à Orléans.
Le jeudi 26 avril, ladicte dame disne à Boigny[489], souppe et couche à La Cour-Dieu[490].
Le vendredi 27 avril, ladicte dame disne au Hallier, souppe et couche au Bois-Mallesherbes.
Le samedi 28 avril, ladicte dame disne à La Chapelle, souppe et couche à Fontainebleau.
Les dimanche 29 avril et lundi 30, séjour à Fontainebleau avec tout son train.
(Total des dépenses pour ce mois d’avril, 2 409 écus, 39 sols, 11 deniers, le tout payé.
Du mardi 1er mai au dimanche 27, ladicte dame Royne de Navarre avec tout son train à Fontainebleau.
Il ne faut pas croire que ces déplacements incessants de la Reine de Navarre lui aient fait perdre de vue ses obligations d’épouse et le souvenir de son infidèle mari. Loin de là, elle entretient avec lui une correspondance suivie, et elle a soin de le mettre au courant de ce qui peut l’intéresser.
À peine eut-il quitté les deux Reines, qu’Henri de Navarre tomba assez sérieusement malade à La Rochelle où nous le trouvons dès le 13 avril. Il l’écrit lui-même, le 21 de ce mois, et toujours de ce lieu, à son cousin, M. le prince Daulphin : « Je m’en vay à présent faire ung tour jusqu’en Béarn et aux Eaux-Chauldes, à cause de l’indisposition en quoy je me trouve[491]. »
Marguerite, de son côté, apprenant la maladie de son mari et sachant qu’il est en ce moment sans médecin, lui dépêche cette jolie lettre :
« Monsieur, je vous escrivis hier come m’estant trouvée si mal que je ne me pouvais passer de Monsieur de Sainct-Pons, que je vous envoirois Monsieur Lefaivre[492] ; mes m’estant avisée qu’avant qu’il fust là, vostre mal pourroit estre pasé et qu’il vous peut de jour à aultre survenir de mesmes actidans et qu’il seroit pour cete occasion resonable que vous eusiés d’ordinaire un mesdesain avecque vous, j’ay pansé de vous envoier Monsieur de Merdisis, qui est fils de Monsieur de Sainct-Pons et fort sufisant et qui vous a desia servi : je vous suplie très humblement, Monsieur, de retenir pour tousiours et commander que l’on l’apointe telemant qu’il y puise demeurer ; car il n’a point d’aparanse que tele personne que vous soit sans medesain. J’ai su presque aussitost vostre guérison et vostre arrivée à La Rochelle… Toutefois, craignant qu’il ne vous an feut resté quelque chose, j’ai despaiché se porteur par lequel je vous suplie me mander des nouvelles de vostre santé que je souhète meilleure que la mienne, que je panse que vous aves amportée ; car despuis vous avoir laisé, je ne l’ai eue qui me fera, estant prise ancore d’une fort grande douleur. Je vous baise humblement les mains. M.[493]. »
Il est probable que les soins du jeune protégé de Marguerite eurent vite raison de l’indisposition d’Henri de Navarre, car peu après il se rendit à Pau, en passant par Gurson, Sainte-Foy, Nérac et Casteljaloux. Il se trouvait dans la capitale de son petit royaume le 6 mai, où il resta toujours un peu indisposé jusqu’au 27[494]. Mit-il à ce moment à exécution son projet d’aller faire une cure à ses eaux favorites ? Nous ne le pensons pas. Aucun document ne l’indique ; et toutes les lettres au contraire qu’il écrivit en ce mois de mai sont datées de Pau[495]. Après quoi, il revint à Nérac, puis encore en Saintonge.
C’est durant ce séjour à Pau que commencèrent de s’engager les négociations au sujet d’un projet de mariage entre sa sœur, Catherine de Bourbon, et le prince Emmanuel de Savoie ; projet qui n’aboutit pas plus que les précédents, la fille de Jeanne d’Albret refusant absolument d’abjurer la religion protestante.
Marguerite continue sa correspondance avec son mari. Dès qu’elle est installée à Fontainebleau elle lui écrit :
« Monsieur, le soin qu’il vous plaist avoir de ma santé et la souvenance qu’il vous a pleu avoir de moy, me font esprouver tout l’heur et le contentement qu’esloignée de vostre présence je puis recevoir, n’en pouvant en une si fascheuse absence esprouver en aultre chose. Mais si j’ay reçeu quelque plaisir en cela, j’ay bien autant eu du contraire sachant vostre maladie et vostre partement, contre l’asseurance qu’il vous avait pleu me commander d’en donner au Roy et à la Royne. »
Marguerite est en effet fort embarrassée. Elle a mission de la part de son mari de faire croire à son frère Henri III que le Roi de Navarre est toujours décidé à se rendre auprès de lui. Et elle voit bien à présent que plus que jamais il veut fuir la capitale. Que faut-il qu’elle leur dise ?
« Si vous fallés encores à revenir, au jour que vous avez donné pour l’assemblée, je ne scays pas ce que je pourray dire ; je ne vous oserois supplier de n’y fallir pas, encore que je le congnoisse très necessaire ; mais bien vous supplierai-je que je sois advertie de vostre dessein afin que par ignorance je ne manque à vostre service. Je ne vous puis rien dire de la Court. Car ce porteur m’en a trouvé encore à quatre jours près, Dieu merci ! Et la Royne qui s’estoit opiniastrée de faire venir le Roy à Blois, à la fin le Roy l’a gangné, qui partoit de Paris à fort grand’regret ; et voyant qu’elle ne le pouvoit attirer pour Blois, elle le faict venir à Fontainebleau où nous le verrons dans quatre jours ; et dès le lendemain je vous despescherai un gentil-homme, pour vous advertir quelle aura esté mon arrivée ; et cinq ou six jours après, je vous en envoilray ung aultre, pour vous mander ce qu’après les premières biens venues, où la contraincte et la dissimulation sont ordinaires, ce que je pourrai recongnoistre de la vérité de leurs volontés envers nous. »
Suivent de longs détails sur les diverses missions dont Marguerite s’est chargée pour faire réussir la politique de son mari, soit en Languedoc, soit en Guienne, et aussi sur les bruits divers qui courent dans ce personnel de désœuvrés et de femmes qui s’ennuient. « Puisque pour ne vous rendre mes lettres d’une longueur trop ennuyeuse, vous m’avez commandé de faire comme les grossiers, qui vendent de toutes marchandises ; je vous diray toutes sortes de nouvelles. La Vernaie n’aime que sa femme ; Sétanaie est à Madame de Sauve. Il l’est venu voir à Chenonceaux et y a esté deux jours caché ; mais ce n’a esté si finement que la Royne ne l’ait sceu et ait voulu faire croire que c’estoit pour nostre tante. Personne ne luy a contredict. Je vous laisse à penser en quel estat l’on s’est reduit, de servir de couverture à cela. Elle me faict pitié ; mais de secours, il ne faut pas que personne que vous en attende de moy. Le lendemain qu’il est party, sa maistresse a feint d’estre malade et est allée à Paris. Elle m’a promis de vous y faire de bons offices, et Sétanaie aussi autant qu’elle pourra, etc. »
Et enfin, comme cri du cœur, sincère ou non, mais en tous cas à signaler : « Vostre mal m’a mise en si grande peine que j’en ay faict faire une consultation à tous mes médecins, qui m’ont baillé ceste ordonnance ci-enclose ; vous en userez s’il vous plaist, et me permettrez, après vous avoir très humblement supplié de me continuer l’honneur de vostre bonne grâce, de vous baiser très humblement les mains. » Et en post-scriptum : « S’il vous plaist de bruler ceste recette en latin, et ne la laisser veoir à personne[496]. »
Un incident cependant, que nous devons signaler à cette date, vint refroidir les bons rapports qui existaient depuis leur séparation entre les deux époux, et jeter entre eux un ferment de discorde qui ne fera que grandir avec le temps. Nous voulons parler du renvoi de Fosseuse.
Depuis en effet que son royal protecteur n’était plus auprès d’elle, cette fille d’honneur de Marguerite, qui l’avait suivie à Fontainebleau, se trouvait en butte à la jalousie de ses camarades, aux plaisanteries de toute la Cour, à la sourde animosité de sa maîtresse elle-même qui ne pouvait lui pardonner le rôle humiliant qu’elle avait été forcée de jouer auprès d’elle à Nérac. Fosseuse de son côté le prenait de haut, croyant sa situation inattaquable. Cet état de choses ne pouvait durer. Aussi, cédant aux remontrances de la Reine-Mère, Marguerite prit-elle le parti de la renvoyer, « chassant publiquement, écrit Renieri à Venta, ceste fille raccomandatole del marito, che segretamente ha auto do lei un figlio[497]. »
Fosseuse en appela au roi de Navarre, qui, outré de cette disgrâce imprévue, envoya à Marguerite Antoine de Frontenac, plus tard son premier maître d’hotel, porteur d’une lettre des plus hautaines et des plus impertinentes. La Reine de Navarre cette fois bondit sous ce nouvel outrage, et très dignement lui répondit :
« … Quant à vostre fille (on sait que son mari appelait ainsi Fosseuse), je vous en ai mandé ce qu’à mon grant regret j’en ai oui et en ois tous les jours. Vous dites, Monsieur, que ce ne me sera jamais honte de vous complaire. Je le crois ainsy, Monsieur, vous estimant si raisonnable que ne me commanderez rien qui soit indigne de personne de ma qualité ny qui importe à mon honneur où vous avez trop d’interest ; et si vous me commandiez de tenir une fille avec moi à qui vous eussiez faict un enfant, au jugement de tout le monde, vous trouveriez que ce me serait une honte double pour l’indignité que vous me feriez et pour la reputation que j’en acquerrois. Vous m’escrivez, Monsieur, que pour fermer la bouche au Roy, aux Roynes ou à ceulx qui m’en parleront que je leur dise que vous l’aimiez et que je l’aime pour cela : ceste response seroit bonne, parlant d’un de vos serviteurs ou servantes, mais de vostre maistresse ! Si j’étois née de condition indigne de l’honneur d’estre vostre femme, ceste response ne me seroit mauvoise ; mais estant telle que je suis, elle me seroit très mal seante ; aussi m’empescherai-je bien de le faire.
« Vous dictes, Monsieur, que vous vous doubtiez bien de ce que vous voyez, mais que je vous doibs plus contenter que ses ennemys. Vous aviez bien raison, Monsieur, de juger que son malheur estant divulgué partout comme il l’est, je ne la pourrois pas tenir estant chose qui ne s’est jamais veue. Car les Roynes en ont eu à qui cet accident est arrivé ; mais elles les ont soudain ostées. Ce n’estoit aussy sans sujet que vous croiez que je vous debvois contenter, en ayant les preuves que vous avez : ayant souffert ce que, je ne dirai pas princesse, mais jamais simple damoiselle ne souffrit, l’ayant secourue, caché sa faute et toujours depuis tenue avec moy. Si vous n’appelez cela vous vouloir contenter, certes, je ne sais pas comme vous le pouvez entendre.
« De ses parents, je ne vous en ay rien escript que ce que elle, M. de Chastellerault et ung de ses oncles m’en ont dict. S’ils sont offensés de vous et s’ils en ont occasion, je m’en rapporte à ce qui en est. Sy vous ne luy faictes du bien, je lui en feray pour la marier et auray soin qu’elle soit à son aise et qu’elle ne reçoive aucun desplaisir, pour le desir que j’ay de servir à vos vollontés, non pour crainte que j’aye des menaces de vostre lettre, où vous dictes que qui fera desplaisir à vostre fille vous en fera ; car fesant ce que je dois, j’auray toujours asseurance en la vérité et en la raison qui seront pour moy, et qui, pour le temps et ma patience, vous feront quelque jour congnoitre combien une affection et une fidelité, telle que je l’ay à vostre service, se doibt priser.
Je congnois bien mon incapacité, à quoy mon bon zèle ne sçauroit assez suppléer, et sçois qu’en affaires d’État une femme ignorante et sotte comme moy y peut faire beaucoup d’erreurs. Pour ceste cause, s’il vous plaisoit envoier icy quelqu’un de vos serviteurs de la suffisance duquel vous eussiés plus d’asseurance, il vous sauroit trop mieux representer toutes choses ; aussy bien n’ay-je que trop d’empeschement pour mes affaires particulières que j’avance comme pour moy qui en ay grant besoin. Je vous baise, Monsieur, très humblement les mains. »
Peut-être Henri de Navarre aurait-il compris la justesse de ces observations et oublié son moment de mauvaise humeur, si Catherine de Médicis n’était venue fort cavalièrement, il faut en convenir, aviver la querelle par la lettre suivante, si curieuse à tant de titres, datée de Saint-Maur-des-Fossés, du 12 juin 1582 :
« … Vous n’êtes pas le premier mari jeune et non pas bien sage en telles chouses ; mais je vous trouve bien le premier et le seul qui face, après un tel fet advenu, tenir un tel langage à sa femme. J’ay eu cet honneur d’avoir espousé le Roi, mon seigneur et le vostre souverain et de qui avez espousé la fille ; mais la chouse du monde de quoy il estoit le plus mary, c’estoit quand il sçavoit que je seusse de ces nouvelles-là ; et, quand Madame de Flamin fust grosse, il trouva très bon quant on l’an envoya ; et jamės ne m’en fest semblant ni pire visage et moins mauvais langage. De Madame de Valentinois c’estoit, comme de Madame d’Estampes, en tout honneur… Ce n’est pas la façon de traicter les femmes de bien et de telle maison, de les injurier à l’appétit d’une putain publique ; car tout le monde, non seulement la France, sçait l’enfant qu’elle a fet, et par un petit galant outrecuidant et imprudent d’avoir accepté de son maistre un tel commandement, et luy mander un tel langage, lequel je ne puys croire qu’il vienne de vous ; car vous estes trop bien né et de la méson dont elle est ysue pour ne pas savoir comment devés vivre avec la fille de votre Roy et la sœur de celuy qui à présent commande à tout ce royaume et à vous, et qui oultre cella, vous ayme et honore comme doibt faire une femme de bien. Et si je conoissois aultrement, ne la vouldrois supporter ni rien mander pour vous faire reconoistre le tort que vous vous êtes fet… »
Et plus loin : « J’ay faict partir ceste belle beste (Fosseuse) ; car tant que je vivroy je ne souffriray de voir chouse qui puise empecher ou diminuer l’amitié que ceulx qui me sont si proches, comme elle m’est, se doyvent porter l’un à l’aultre ; et vous prie que, après que ce beau messager de Frontenac vous aura dict le pis qu’il aura peu pour vous altérer contre vostre femme, de revenir en vous-même et considérer le tort que vous aystes fet de avoir creu leur conseil et retourner au bon chemin come quand vous l’aviés…[499]. »
Henri ne pardonna jamais à la Reine-Mère cette verte mais juste mercuriale, pas plus qu’il n’oublia à l’égard de sa femme ce brusque renvoi de Fosseuse. Nous verrons combien l’année suivante, malgré encore quelques protestations réciproques d’amitié, il le lui fit cruellement sentir.
Marguerite, toutefois, disons-le bien vite à sa louange, tint la promesse qu’elle avait faite. Elle s’occupa de l’avenir de son ancienne fille d’honneur et la maria à François de Broc, baron de Saint-Mars. « Il n’est plus question nulle part, ajoute M. de Lescure, à la fin du chapitre qu’il lui a consacré, de cette jolie pécheresse, enterrée dans le mariage, où tant d’autres ressuscitent[500]. »
C’est aussitôt après lui avoir signifié son congé que les deux Reines quittèrent brusquement Fontainebleau le 28 mai et rentrèrent à Paris.
Le lundi 28 mai, ladicte dame et partie de son train disne à Corbeil, souppe et couche à Paris.
Les mardi 29 mai, mercredi 30 et jeudi 31, séjour à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois de mai : 2 149 écus, 52 sols, 3 deniers ; le tout payé.)
Du vendredi 1er juin au vendredi 8, ladicte dame et partie de son train à Paris, le reste à Fontainebleau.
Marguerite est enfin arrivée à Paris. Elle est rentrée à la Cour, après une absence de près de quatre années. Elle a revu le Louvre. Elle a repris contact avec ce milieu raffiné, corrompu, après lequel elle soupirait et qui lui avait tant manqué en Gascogne. Et elle revient toute triomphante, encore jeune, élégante, adulée, et pas le moins du monde démodée. Ses toilettes font loi dans tout son entourage ; son esprit est plus apprécié que jamais ; son appui, sa protection recherchés comme aux plus beaux jours d’antan.
Et sa joie est grande, sincère. Elle ne la cache point à son mari, à qui elle continue d’envoyer le bilan de toutes les conversations, le résumé de tous les bavardages de la Cour. Elle lui dit aussi comment elle a retrouvé Henri de Guise…
« Ils m’ont tenu beaucoup d’honneste langage et pour vous et pour moy. Quant à M. de Genevois, je n’ay point parlé à luy. Il s’en faut beaucoup qu’il soit ce que l’on nous avoit dict de Monsieur du Maine. Il est si étrangement engraissé qu’il en est difforme. Monsieur de Guise est fort enmaigri et vieilli. Ils sont pour l’humeur tels que les avez vus, sinon qu’ils sont un peu plus estonnés. Ils sont peu suivis et font souvent des parties de paume, de balle, de pale malle pour attirer la noblesse ; mais ceux qui y vont deux fois se peuvent assurer d’avoir la réprimande, qui fait congnoistre qu’il y a de la jalousie entre les ducs et eux. »
Et commençant d’insister, fidèle en cela aux instructions de sa mère et aussi du Roi son frère, pour que son mari revienne à la Cour, elle continue, insidieuse et fort éloquente :
« Si vous estiez icy, vous seriez celuy de qui les uns et les aultres dépendroient ; car chacun s’y offre ; et de craindre ceux de Guise, croyez qu’ils n’ont nul crédit ni moyen de vous faire mal ; et du Roy, je mettrai toujours ma vie en gage que vous n’en recevrez poinct de luy. Vous regagnerez les serviteurs que vous avez par la longueur de ces troubles perdus, et en acquerrez plus en huict jours, estant ici, que vous ne feriez en toute votre vie, demeurant en Gascogne. Vous y pourrez avoir des dons du Roy, pour accomodé vos affaires et pourrez plus faire pour ceux de vostre party par une parole, estant, comme vous y serez, bien auprès du Roy, que tous ceux qui s’y emploieront ne sauraient faire par leurs sollicitations. Il est très nécessaire pour toutes ces raisons que vous y fassiez au moins un voyage, ce que vous pouvez sans hazard. Je vous supplie très humblement prendre cecy comme de la personne du monde qui vous aime le plus et désire le plus vostre bien, ce que j’espère que l’expérience vous fera connaistre[501]. »
Mais Henri ne l’entend pas ainsi ; il a juré à ses amis de ne plus exposer inutilement ses jours, et, plutôt que de courir de nouvelles aventures, il préfère rester à la tête de son parti, dans son petit royaume de Béarn, en plein air, loin des roueries de la Cour et des embûches que peut lui tendre le fantasque monarque qui préside si tristement à cette heure aux destinées de la France.
En attendant qu’elle réussisse, Marguerite cherche un logis digne d’elle et de sa situation de Reine de Navarre. Son hôtel d’Anjou que lui avait donné son père en 1578, elle l’a vendu, on le sait, l’année précédente, par l’entremise de Pibrac, à la duchesse de Longueville, pour la somme de quatorze mille écus d’or. Et comme il ne lui convient pas de résider toujours au Louvre, « elle achete à ce moment, nous apprend l’Estoile dans son Journal, la maison du chancellier Birague à La Couture de Sainte-Catherine pour la somme de vingt huict mil écus. » Mais soit qu’elle l’ait fait aménager à sa convenance, soit que son humeur voyageuse lui fasse préférer à ce moment les résidences royales des environs de Paris, elle ne s’y installa, et encore momentanément, qu’au commencement de l’hiver. D’ici là, nous allons la suivre dans ses multiples pérégrinations, nous contentant d’énumérer simplement, d’après toujours ses livres de comptes, les lieux où elle résida durant tout cet été de 1582[502].
Le samedi 9 juin, ladicte dame et partie de son train, disne et souppe à Paris, couche à Saint-Maur des Fossés[503].
Le dimanche 10 juin et lundi 11, séjour à Saint-Maur-des Fossés.
Le mardi 12 juin, ladicte dame disne à Saint-Maur-des-Fossés, souppe au… Saint-Anthoine, couche à Saint-Maur des Fossés.
Les mercredi 13 juin, jeudi 14 et vendredi 15, séjour à Saint-Maur.
Le samedi 16 juin, ladicte dame et son train disne à Coupvray[504], souppe et couche à Monceaulx[505].
Le dimanche 17 juin, séjour à Monceaulx.
Le lundi 18 juin, ladicte dame disne à Crouy[506], souppe et couche à Villers-Costeretz[507].
Le mardi 19 juin, ladicte dame disne à Villers-Costeretz, souppe et couche à Acy.
Le mercredi 20 juin, ladicle dame disne, souppe et couche à Monceaulx.
Le jeudi 21 juin, ladicte dame et son train disne à Monceaulx, souppe à Jouarre, couche à Monceaulx.
Du vendredi 22 juin au lundi 25, séjour à Monceaulx.
Le mardi 26 juin, ladicte dame disne à Loigny, souppe et couche à Saint-Maur-des-Fossés.
Le mercredi 27 juin, ladicte dame et son train disne à Saint-Maur-des-Fossés, souppe à Saint-Anthoine, couche à Saint-Maur.
Les jeudi 28 juin et vendredi 29, séjour à Saint-Maur-des Fossés.
Le samedi 30 juin, ladicte dame disne à Villeneuve-Saint-Georges, souppe à Chailly[508], couche à Fontainebleau.
(Total des dépenses pour ce mois de juin, 2 363 écus, 55 sols, 4 deniers ; le tout payé.)
Du dimanche 1er juillet au mardi 31, ladicte dame, avec tout son train, à Fontainebleau.
(Total des dépenses pour ce mois de juillet, 2 363 écus, 41 sols, 22 deniers ; le tout payé.)
Par lettres patentes du 1er juillet, datées de Fontainebleau, la Reine de Navarre charge son conseiller et secrétaire Choisnyn de l’administration de tous ses biens[509].
Du mercredi 1er août au lundi 6, séjour à Fontainebleau.
Le mardi 7 août, ladicte dame disne et souppe à Fontainebleau, couche à Couldray[510].
Le mercredi 8 août, ladicte dame et son train disne à Corbeil, souppe et couche à Saint-Maur-des-Fossés.
Le jeudi 9 août, ladicte dame disne à Saint-Maur-des-Fossés, souppe et couche au faulbourg Saint-Honoré, à Paris.
Du vendredi 10 août au lundi 13, séjour au faulbourg Saint-Honoré.
Le mardi 14 août, ladicte dame et son train disne, souppe et couche à Saint-Maur-des-Fossés.
Du mercredi 15 août au vendredi 31, séjour avec tout le train à Saint-Maur-des-Fossés.
(Total des dépenses pour ce mois d’août : 2 092 écus, 5 sols, 5 deniers ; le tout payé.)
Malgré ce qui s’est passé entre le Roy et la Reine de Navarre au sujet de Fosseuse, Henri III ordonne à sa sœur d’écrire de nouveau à son mari pour l’engager le plus vivement possible à venir à la Cour. Marguerite obéit : « … Bèn le Roy a-t-il commandé à M. de Clervau, et à moy encore plus expressément, de vous escrire l’envie qu’il avoit que vous vinssiez, assurant que vous feriez beaucoup plus aisément vos affaires vous-mesme que par aultrui ; et pour ce qu’il s’en va aux bains où il ne veult avoir compaignie, il m’a commandé vous escrire que vous trouverez la Royne ma mère et toute la Cour à Saint-Maur. J’espère qu’il sera de retour dans trois sepmaines pour le plus tôt[511]. »
Malgré ces instances et peut-être aussi son secret désir de retourner à la Cour de France, Henri de Navarre fit encore la sourde oreille, ne voulant point déplaire aux chefs de son parti[512].
Du samedi 1er septembre au dimanche 23, ladicte dame et tout son train à Saint-Maur-des-Fossés.
Le lundi 24 septembre, ladicte dame et partie de son train à Paris, le reste du train à Saint-Maur-des-Fossés.
Le mardi 25 septembre, ladicte dame avec partie de son train disne à Paris, souppe et couche à Saint-Maur-des-Fossés.
Du mercredi 26 septembre au dimanche 30, séjour à Saint-Maur-des-Fossés, avec tout le train.
(Total des dépenses pour ce mois de septembre, 2 196 écus, 44 sols, 8 deniers ; le tout payé.)
Du lundi 1er octobre au dimanche 7, ladicte dame et tout son train à Saint-Maur-des-Fossés.
Le lundi 8 octobre, ladicte dame et partie de son train à Paris.
Le mardi 9 octobre, ladicte dame au Louvre avec tout son train.
Du mercredi 10 octobre au jeudi 25, ladicte dame et tout son train au Louvre, à Paris.
Du vendredi 26 octobre au mercredi 31, ladicte dame et son train audict Paris.
(Total des dépenses pour ce mois d’octobre, 2 231 écus, 15 sols, 6 deniers ; le tout payé.)
Les jeudi 1er novembre et vendredi 2, ladicte dame et son train à Paris.
Le samedi 3 novembre, ladicte dame à l’hostel de Navarre, à Paris.
C’est sans doute ce jour-là que Marguerite prit possession, du moins momentanément, de son nouvel hôtel, l’hôtel de Birague, à qui elle donna le nom d’Hôtel de Navarre ?
Du dimanche 4 novembre au mardi 27, ladicte dame et son train à l’hostel de Navarre, à Paris.
Du mercredi 28 novembre au vendredi 30, ladicte dame et son train au Louvre, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois de novembre, 2 417 écus, 6 sols, 5 deniers ; le tout payé.)
Du samedi 1er décembre au vendredi 21, dernier jour du mois[513], ladicte dame et tout son train au chasteau du Louvre, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois de décembre, 1 930 écus, 6 deniers ; le tout payé.)
L’idée fixe d’Henri III est de faire revenir le roi de Navarre à sa Cour. Nous avons déjà vu qu’au mois d’août, et avant d’aller aux bains, il avait ordonné à sa sœur de lui écrire dans ce sens. N’ayant obtenu aucune réponse favorable, il renouvelle ses instances et use du même moyen.
C’est de cette fin d’année 1582 qu’il faut en effet dater, croyons-nous, la lettre de Marguerite à son mari, où cette princesse s’excuse de ne pas lui écrire plus souvent, l’assure toujours de son respect, de sa fidélité, de son amitié et donne sur la Cour de si intéressants renseignements :
« Monsieur, si les moiens m’estoient aussi commodes comme ma vollonté disposée à m’acquitter de mon debvoir, je ne demeurerais si longtemps sans envoier savoir de vos nouvelles. Je vous supplie donc très humblement, Monsieur, en rejetter la faulte sur ce seul empeschement, et croire que je n’ay contentement au monde si grant que d’en sçavoir de bonnes, louant Dieu de ce que, par vostre dernière lettre, il vous plaist recongnoistre et avouer que le tems et la disposition des affaires font naistre infinies raisons pour me lier encore plus estroitement au service que je vous doibs, et pour vous convier, Monsieur, à m’honorer aussy de vostre bonne grâce. Tous les jours j’en acquiers quelque nouvelle congnoissance, ce que je m’asseure que le temps vous fera encore plus paroistre. Et sur l’asseurance qu’il vous plaist, Monsieur, me donner de vostre volonté, je vous supplie très humblement la vouloir prendre semblable à la mienne, croiant que, lorsque je manqueray à la fidélité que je vous juray, je perdray le sens et l’amitié de moy-mesme. »
Quelle sincérité faut-il voir en ces paroles, prononcées au moment où plus que jamais Marguerite s’abandonne à sa folle et coupable passion ?
Et, l’entretenant de quelque affaire particulière, elle continue, cherchant à faire revenir son mari sur les dispositions du Roi son frère, « tout disposé à l’aimer et se servir de lui, et souhaitant fort qu’il vienne. Il me commanda vous escrire, et me dict qu’il vous escriroit incontinent qu’il seroit revenu de la chasse, où il est allé pour trois jours, non sans vous y souhaiter infiniment, et à une musique qui s’est faicte dans le Louvre, qui a duré toute la nuit et tout le monde aux fenestres à l’ouïr, et luy qui dansoit en sa chambre, se plaisant beaucoup plus à tels exercices qu’il n’a accoustumé. Le bal et la table se tiennent deux fois la semaine ; et semble que l’hyver et caresme prenant qui s’approche ramene le plaisir à la Cour. Et si j’osais dire, si vous estiez honneste homme, vous quitteriez l’agriculture et l’humeur de Timon pour venir vivre parmi les hommes. Le temps n’y fut jamais si propre pour les raisons que j’escris à Monsieur de Segur, de quoy je craindrais rendre ceste lettre trop longue et pour ne tomber en ceste importunité, aveq vostre permission, je vous baiserai, Monsieur, très humblement les mains. M.[514] »
Henri III écrivit en effet, dès son retour de la chasse, une lettre des plus pressantes à son beau-frère, où il lui renouvelait son amitié et insistait pour qu’en venant de suite à la Cour il reprît le rang et la position qui lui étaient dus.
Le Roi de Navarre lui répondit cette jolie lettre, où, sous les marques de sa plus vive gratitude et de son profond respect, se cachent sa prudence, sa finesse, son habileté consommées, qualités qui allaient lui être d’un si précieux secours :
« Monseigneur, je ne pourrois représenter à vostre Majesté le contentement que j’ay eu des lettres qu’il vous a pleu m’escrire du xxiiie du mois passé ; esquelles me faictes ceste faveur de m’asseurer de plus en plus de vostre bonne grace et bienveillance, et de me desirer auprès de vous pour m’en faire plus vivement sentir les effects… Le plus grand honneur que je puisse avoir, c’est d’estre près de vostre Majesté pour pouvoir desployer mon cœur devant Elle par quelques bons services. Mais une chose me retarde d’avoir cest heur si tost, qui est que je desirerois, premier que partir d’icy, suivant les précédentes de vostre Majesté, emporter ce contentement avec moy d’avoir esteinct en ceste province toute semence de troubles et altérations, pour n’avoir ce malheur et regret, quand je serois près de Vostre Majesté, qu’il y advint encore quelque folie. Et pour parler franchement quelque peine que nous y ayons prinse, Monsr le mareschal de Matignon et moy, je ne voy encor cela si bien et si seurement accompli qu’il seroit à souhaicter. » Et entrant dans de longs et minutieux détails, il lui expose l’état des provinces méridionales de la France et lui fait espérer que, s’il arrive à les pacifier complètement, il répondra enfin à ses désirs[515].
Nous croyons devoir signaler ici que le mois de décembre de l’année 1582 n’eût que vingt-un jours au lieu de trente-un. Rien d’étonnant par suite à ce que le 21 de ce mois se trouvant un vendredi, la nouvelle année 1582 ait commencé par un samedi.
Voici comment l’explique le chanoine Syrueilh dans son si intéressant Journal :
« Soit mémoire que en l’an 1582, par auctorité de Nostre Sainct Père le Pape, fust decidé que par toute la chrétienté on retrancherait dix jours du moys d’octobre dudit an, de sorte que ledict moys, qui est ordinairement de 31 jours n’en aurait que 21, et que le jour de Pasques prochainement venant 1583, qui devoit estre le dernier jour de mars, ne sera que le dixième d’apvril. Et cella le Sainct-Père a faict pour faire tomber à jamais ledict jour de Pasques à certain jour dont Sa Sainteté en a adverti tous les princes chrétiens, affin que tous les fidèles chrestiens célébrassent ledict jour et feste de Pasques à mesme jour, temps et saison[516].
« Et pour ce que le Roy en fust tard adverti, par son édict, il ordonne que par tout son Royaume lesdicts dix jours seroient retranchés du mois de décembre dudict an 1582, de sorte que le jour de Noël, qui tombe ordinairement au 25 dudict moys, a esté célébré le 15 et ledict moys n’a eu que 21 jours. Et le lundy qui n’estoit vraiyement que le 10e dudict moys de décembre fut compté pour le 20e jour[517]. »
ANNÉE 1583
« Maison de la Royne de Navarre. — Estat des gaiges des dames, damoiselles, gentilshommes et aultres officiers de sa maison, etc.[518]
Les mêmes qu’en 1582, sauf en plus : | ||
Mlle de Goguier |
100 éc. | |
à la place de Mlle de Saignes. |
Les mêmes, y comprise Fosseuse. |
Jacques Guyon, Sr de la Tronche, à la place d’Hector de
Manicquet. |
Les sieurs de Manicquet et de Fongramier, à la place des sieurs du Conte et de Lavernay.
|
Les sieurs de Fredeville, de La Mire, de Marsan, à la place des sieurs de Matha et de Montigny.
|
En plus :
Michel de Cruchet.
|
Les mêmes qu’en 1582, sauf en plus : | ||
M. Guillaume Chaunin |
40 éc. | |
M. Thibault de Lare |
— | |
M. Jehan Baudreu |
— | |
Pour les autres offices, mêmes noms que les années précédentes. |
Du samedi 1er janvier au lundi 31, ladicte dame Roine de Navarre et tout son train, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois, 2.793 écus, 46 sols, 5 deniers. Payé seulement en partie.)
La Reine de Navarre n’habite plus le Louvre. Elle s’est installée dans son hôtel de la rue Culture Sainte-Catherine, qu’elle vient d’acheter au chancelier Charles de Birague pour la somme de 28 000 écus[519].
Du mardi 1er février au lundi 28, ladicte dame Roine de Navarre et tout son train, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois, 2 407 écus, 3 sols, 8 deniers. Payé seulement en partie.)
Du mardi 1er mars au jeudi 31, ladicte dame Roine de Navarre et tout son train, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois, 2 738 écus, 57 sols, 8 deniers. Payé seulement en partie.)
Au commencement de cette année 1583, la Cour de France présentait un aspect vraiment étrange. Jamais l’esprit du Roi n’avait été plus déséquilibré. Ce monarque incapable et fantasque, qui avait nom Henri III, prenait comme à plaisir, par ses caprices, ses pratiques outrées de dévotion, le dévergondage de plus en plus accentué de ses meurs, de provoquer contre lui l’opinion publique et de s’attirer la haine et le mépris de ses sujets. À cette époque où les partis qui divisaient la France devenaient chaque jour plus menaçants, où les Réformés, dans le Midi et dans l’Ouest, n’entendaient renoncer à aucun de leurs droits, où la maison de Lorraine se mettait ouvertement à la tête de la Ligue, qui dans le Nord, dans l’Est et à Paris, prenait des proportions formidables, à cette heure où la Royauté des Valois, battue de tous côtés en brêche, aurait eu besoin pour résister à cette double pression d’un homme au courage éprouvé, à l’esprit froid et lucide, doué en un mot de toutes les qualités qui font les grands Rois, le trône de France n’était occupé que par un fantoche qui n’écoutait que ses impulsions désordonnées et sur lequel les conseils de sa mère, jadis si puissante, n’avaient plus aucune prise.
Que penser, en effet, de ce mélange de bigoterie et de luxure, de processions ridicules et de fêtes plus scandaleuses encore, dont nous entretiennent tous les auteurs contemporains ?
Le 1er décembre 1582, le Roi, la Reine, la Reine-Mère, la Reine Marguerite, toute la Cour, le Parlement, le corps municipal, parcourent à pied et processionnellement les principales rues de Paris, accompagnant dévotement la châsse de Sainte Geneviève et les reliques de la Sainte Chapelle, et cela pour obtenir du ciel un héritier.
Puis, le 21 janvier 1583, le Roi communie au couvent des Bonshommes de Nigeon et revient immédiatement au Louvre, où il fait tuer à coups d’arquebuse toute sa ménagerie, composée de lions, d’ours et de taureaux, « et autres semblables bestes qu’il seuloit nourrir pour combattre contre les dogues », parce que, la nuit précédente, il avait rêvé que ces animaux qui représentaient la Ligue le dévoraient[520].
Le 13 février, grand festin à l’hôtel de Guise, à l’occasion du mariage du comte de Tournon avec la demoiselle de La Rochefoucauld.
Autre plus grand festin au Louvre, le 20 février, à l’occasion du mariage de Charles de Luxembourg, comte de Brienne, avec la petite sœur du duc d’Épernon, âgée de onze à douze ans[521]. C’est au bal qui suivit que le Roi revêtit des habits de femme et parut en cet accoutrement, chamarré de bijoux, la gorge et les épaules nues.
« Le jour de caresme prenant, continue toujours l’Estoile, le Roy avec ses mignons furent en masques par les rues de Paris, où ils firent mille insolences ; et la nuict allèrent roder de maison en maison, faisant lascivetés et vilenies avec ses mignons frisés, bardachés et fraisés, jusques à six heures du matin, du premier jour de caresme ; auquel jour la plupart des Prêcheurs de Paris, en leurs sermons, le blâmèrent ouvertement. » Furieux, Henri III fit venir au Louvre le docteur Guillaume Rose, qui avait le plus tonné contre sa conduite. Effrayé, le prédicateur lui demanda pardon. Le Roi consentit à l’absoudre et lui envoya, le soir même, 400 écus pour acheter, lui dit-il, du sucre et du miel, afin de l’aider à passer le caresme et adoucir ses trop aspres et aigres paroles. »
Et tout d’un coup le faible monarque se lance dans les dévotions les plus exagérées. C’est à ce moment qu’il institue la fameuse Confrérie des Pénitents de l’Annonciation de Notre-Dame, sur le modèle des Blancs-battus d’Avignon, et qu’il donne l’ordre à toute la Cour, à tout le Parlement, à toutes les autorités de Paris, d’en faire partie.
« Et, le 25 de ce mois de mars, eut lieu la solennelle procession desdits Confrères, qui vinrent sur les quatre heures après midy du couvent des Augustins en la grande esglise Notre Dame, deux à deux, vestus de leurs accoustremens tels que les Battus de Rome, Avignon, Toulouse et semblables, à sçavoir de blanche toile de Hollande, de la forme qu’ils sont desseignés dans le livre des Confréries.
« En ceste procession, le Roy marcha sans gardes, ni différence des autres confrères, soit d’habit, de place ou d’ordre. Le cardinal de Guise portait la croix ; le duc de Mayenne estoit maistre des cérémonies, et frère Edmond Auger, jésuite, basteleur de son premier mestier, dont il avoit encore tous les traits et farces, avec un nommé Du Peirat, lyonnais et fugitif de Lyon pour crimes atroces, conduisaient le demeurant. »
Grand fut le scandale. « Sur quoy, un homme de qualité, qui regardait passer la procession, fit le quatrain suivant :
Après avoir pillé la France
Et tout son peuple dépouillé,
N’est-ce pas belle pénitence
De se couvrir d’un sac mouillé ?[522] »
Et ce fut à qui mieux mieux, dans Paris, aux halles, sur la place publique, et jusque dans la chaire de Notre-Dame, et même au Louvre, ridiculiserait cette institution récente et criblerait de ses lazzis le Roi et ses mignons. À Notre-Dame en effet le moine Poncet, qui prêchait le carême, traite la Confrérie nouvelle de Confrérie des hypocrites et des athéistes. Le roi le fait aussitôt emprisonner. Au Louvre, les laquais contrefont les Pénitents et se couvrent le visage de mouchoirs avec deux trous à l’endroit des yeux. Le Roi en fait fouetter plus de cent vingt.
Ce qui n’empêche pas le monarque de recommencer de plus belle le jour du Jeudi-Saint, « où la procession à la tête de laquelle se trouvait le Roi et tous ses mignons alla toute la nuit par les rues et dans les églises en grande magnificence de luminaire et musique excellente ; et y eut quelques-uns des mignons, ce disoit-on, qui se fouettèrent en ceste procession auxquels on voiait le pauvre dos tout rouge des coups qu’ils se donnoient[523]. »
Et le lendemain de Pâques, 11 avril, « le Roy et la Royne partirent de Paris à pied et allèrent à Chartres et à Notre-Dame de Cléry, pour obtenir male lignée par l’intercession de la belle Dame, et revinrent le 24, à Paris, bien las[524]. »
La Reine Marguerite assistait à toutes ces momeries, à toutes ces fêtes, à tous ces spectacles, mais plus souvent par ordre que par plaisir. Si en effet, par sa situation de sœur de Roi, elle ne peut se dispenser de faire partie du cortège officiel, elle commence cependant à s’aliéner les bonnes grâces de son frère, voire même celles de sa mère, dont le rôle tend de plus en plus à s’effacer. Marguerite était trop intelligente pour ne pas voir à quel degré d’impopularité se trouvait tombé son frère. Aussi ne se gênait-elle guère pour le reprocher à ses mignons, cause de tout le mal, et surtout aux deux favoris nouveaux qui avaient détrôné tous les autres et qui jouissaient à ce moment de la plus scandaleuse faveur, Joyeuse et d’Épernon ; « champignons poussés en une nuit » comme elle les appelle, n’épargnant à leur égard ni ses réflexions les plus spirituelles, ni ses épigrammes les plus mordants : toutes choses dont elle allait hélas ! sous peu ressentir les cruelles conséquences.
Sur leur simple bonne mine, Henri III s’était engoué en effet, depuis peu, de ces deux gentilshommes : Anne d’Arques, qu’il créa duc de Joyeuse en 1581, puis qu’il fit pair de France et grand amiral du royaume ; et Jean-Louis de Nogaret de la Valette, nommé la même année duc d’Épernon et bientôt colonel général de l’infanterie française. En une année à peine, ces deux mignons arrivèrent au faîte de la faveur, primant tous les autres ducs et pairs, sauf ceux de la maison royale, et par leur faste, leur insolence, leur outrecuidance, soulevant l’indignation et la haine, non seulement du peuple, mais de toute la Cour.
Marguerite ne pouvait les supporter. De leur côté, tous deux, quoique rivaux, ne négligèrent rien pour la perdre dans l’esprit du Roi.
« Il advint, écrit d’Aubigné, qui lui non plus n’aimait pas la Reine de Navarre, que cet esprit impatient ne demeura guère sans offenser le Roi son frère et ses mignons, et faire parti dans la Cour avec ceux qui diffamaient ce prince, en lui imputant de très sales voluptés auxquelles même il semblait que les dames eussent intérêt[525]. »
La situation devenait donc de plus en plus périlleuse pour Marguerite. Elle n’avait pas trop de toute son habileté pour conjurer l’orage qui s’amoncelait sur sa tête. Sa conduite malheureusement laissait toujours à désirer. Ce fut le côté faible par où ses ennemis eurent raison d’elle et précipitèrent la ruine de cette infortunée princesse.
Du vendredi 1er avril au samedi 30, ladicte dame Roine de Navarre et tout son train, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois, 2 589 écus, 12 sols, 8 deniers. Payé seulement en partie.)
Du dimanche 1er mai au mardi 31, ladicte dame Roine de Navarre et tout son train, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois, 2 462 écus, 36 sols, 11 deniers. Payé seulement 1 766 écus, 19 sols, 7 deniers.)
Du mercredi 1er juin au jeudi 30, ladicte dame Roine de Navarre et tout son train, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois, 2 453 écus, 17 sols, 9 deniers. Payé seulement 1 913 écus, 20 sols, 3 deniers.)
Du vendredi 1er juillet au dimanche 31, ladicte dame Roine de Navarre et tout son train, à Paris.
(Total des dépenses pour ce mois, 2 631 écus, 22 sols, 1 denier. Payé seulement 1 890 écus, 23 sols, 1 denier.)
S’il ne faut ajouter aucune créance aux exagérations et aux calomnies souvent invraisemblables du Divorce Satyrique à l’égard de Marguerite de Valois, il est cependant du devoir de tout écrivain consciencieux de ne point passer sous silence l’histoire de ses amours avec Chanvallon et d’en relater les phases diverses, amours qui devaient attirer sur la Reine de Navarre tant de colères, tant d’opprobres, tant de misères !
C’est à la fin de l’année 1582 que Marguerite revit à Paris Jacques Harlay de Chanvallon, où il avait été envoyé des Flandres, en mission spéciale, par le frère du Roi. C’est alors qu’elle renoua avec lui ses relations, interrompues lors de leur séparation à Coutras, au mois d’avril de l’année précédente. Aucun doute là-dessus ne saurait exister. Les lettres d’amour de la Reine de Navarre, conservées à la bibliothèque de l’Arsenal, et reproduites en partie par Guessard[526], en font foi.
Car, si dans ces pages emphatiques, déclamatoires, de sens souvent obscur, on ne retrouve plus les qualités littéraires des Mémoires ; si, comme l’écrit Sainte-Beuve, « c’est de la haute métaphysique et du pur Phœbus, presque inintelligible et du plus ridicule : Adieu mon beau soleil, adieu mon bel ange ! beau miracle de la nature ! » ; si, comme le dit encore l’illustre critique, « Il semblerait à lire ces lettres que Marguerite n’a point aimé de cœur, mais plutôt de tête et d’imagination ; que ne sentant proprement de l’amour que le physique, elle se croyait tenue d’en raffiner d’autant plus l’expression et de pétrarquiser en paroles, elle qui était si positive dans le procédé[527] ; » si Dupleix, qui ne la perd pas de vue, a pu écrire également de son temps : « Dans les amours de Marguerite, il y avait plus d’art et d’apparence que d’effet », etc., que dire cependant de certains post-scriptum où la passion déborde, sinon qu’elle a réellement aimé Chanvallon comme elle n’avait encore jamais aimé personne, que cette passion fut bien sincère, puisqu’elle lui sacrifia tout, et que pour mieux l’assouvir elle alla de son plein gré au devant de sa disgrâce et de sa ruine définitive.
« Je ne vis plus qu’en vous, et d’autre que de vous mon âme n’est régie ! » « Adieu, ma vie, je baise un million de fois ces beaux yeux et ces beaux cheveux, mes chers et doux liens. » Et encore : « Je baise un million de fois cette amoureuse et belle bouche », etc.[528]
Tout, dans ces amours illicites, ne devait pas être uniquement bonheur et volupté. La méfiance, la jalousie, les infidélités furent vite du cortège, rendant la pauvre Reine aussi malheureuse qu’elle avait nagé tout d’abord en plein océan de félicités. L’année précédente, et pour mieux couvrir sa faute, la Reine de Navarre avait songé à marier son amant. Elle le lui écrit de Bagnères, lors du séjour qu’elle y fit en 1581, et elle espère « que s’il le trouve bon et veult se governer selon son conseil, il n’aura jamais occasion de s’en estimer si heureux[529]. » Quant à elle, elle ne saurait en être jalouse, puisque c’est de sa main qu’il recevrait son épouse, dont la grande fortune devait seulement compter à ses yeux.
Ce mariage ne se fit pas. Mais, alors que Marguerite a retrouvé celui qu’elle aime, que leur bonheur semble être sans nuages, brutalement Chanvallon cherche à rompre ; et, de peur que cette liaison ne porte tort à son avenir, il épouse, le 20 août 1582, Charlotte Catherine de La Marck, dame de Brevel, fille de Robert de La Marck, duc de Bouillon.
Marguerite ne s’attendait pas à ce coup si rude. Elle écrit à l’infidèle lettres sur lettres, lui reprochant son ingratitude, l’accablant de son mépris.
« N’accusez plus ma cruauté ; ma mort et ma ruine, ce sont les alliances qu’il me faut désormais avoir aveq vous. La vostre seule se doibt admirer, de qui je ressens les effets plus inhumains que de celle de Terens ; et si je vous ay causé quelque ennuy, demeurez content et vengé de m’avoir peu réduire aux deux plus extresmes misères qu’eussiez peu souhaitter à vostre plus grand ennemy… Où l’on connoit une si grande inimitié, il se peult bien soupçonner de l’infidélité. Que pleust à Dieu que ce fust le plus grand subject de mes plaintes ! Si l’ardeur de ma sincère et trop fidèle passion ne méritoit un réciproque amour, pour le moins ne devoit-elle estre récompensée des effects d’une si cruelle hayne. Adieu ! la source de mes éternels malheurs ! que le peusse-je dire aussy prompt à ma vie, qui, après vous, est ce que j’ay le plus en horreur. M.[530] »
Et, le lendemain : « Il n’y a donc plus de justice au ciel, ni de fidélité en la terre ! Ô Dieux ! qu’est-ce qu’il faut que mon âme connoisse et que ma langue avoue ? Ma douleur, le sens et le trop de subject de me plaindre otent le moyen à ma plume d’exprimer mon trop juste ennuy… Triomphez de ma sincère et trop ardente amour. Vantez-vous de m’avoir trompée ; riez-en, et vous en moquez avec celle de quy je reçoy cette seule consolation, que son peu de mérite vous sera un juste remords de vostre tort. Je croitray le nombre de celles qui à la postérité tesmoigneront la perfidie de vostre sexe… Par telle connoissance, le dédain s’engendrant en moy en a banny l’amour, que vous ne vous devez pas faire accroire y pouvoir jamais faire renoistre. » Et, appelant de tous ses vœux la mort : « Comment que ce soit qu’elle arrive, qu’elle hate ses pas ; je la désire, je la souhaite, et supplie les Dieux m’avancer son trop lent secours. Je vous supplie, en recevant celle-cy pour la dernière, me la renvoyer soudain avec celle que je vous escrivis hier ; car je ne veulx qu’à ceste belle entreveue que vous ferez à ce soir, elles servent de subject au père et à la fille de discourir à mes despens. M.[531] »
Tout semblait donc fini entre Marguerite et son amant, qui, une fois marié, revint prendre sa place de grand écuyer auprès du duc d’Anjou, alors à Anvers. En même temps, le 27 mai, le Roi quittait Paris et se rendait à Mézières « pour se faire apporter de l’eau de la fontaine de Spa[532]. »
Que se passa-t-il à ce moment entre Chanvallon et son maître ? Se vanta-t-il auprès de lui de son ancienne bonne fortune ? Trahit-il, sous les rapports politiques, la confiance dont il avait été investi ? Toujours est-il que le duc d’Anjou le chassa brutalement et que Chanvallon, fort piteux, plutôt que de se retirer auprès de sa femme dans sa principauté de Sedan, préféra s’en retourner à Paris, où il vint se jeter aux pieds de Marguerite.
Marguerite, naturellement, lui pardonna ; et, sans nul souci du danger qu’elle courait et faisait courir à son amant, elle renoua publiquement avec lui.
Une nouvelle série de lettres fut alors échangée entre eux, toutes plus brûlantes encore de la main de Marguerite.
« Non, mon beau cœur, je ne croy pas que l’amour ne vous ayt choisi sans se montrer en vous en toutes plus belles formes ; car s’il veut comme Dieu faire sa puissance apparoir, surmontant ce qui plus luy voudroit résister, qui mieux que vostre divine présence le nous pourroist représenter… Je baise mille et mille fois ces beaux yeux, seuls soleils de mon âme par eux tout feu, tout flame. »
Et encore dans cette lettre, où Marguerite avoue « qu’ayant receu du mariage tout le mal qu’elle ait jamais eu, elle le tient pour le seul fléau de sa vie » et qu’elle termine ainsi : « Ce matin, j’ay si grand hate de m’habiller pour ne faillir à cet heureux et désiré instant, que je ne la puis redoubler, m’asseurant aussi que ma présence vous sera plus agréable que la veue d’une lettre bien peinte[533]. »
Chanvallon poussa-t-il à ce moment l’ingratitude jusqu’à se laisser prendre dans les filets de l’éternelle Madame de Sauves, qui, non contente de se partager entre d’Épernon et le duc de Guise, voulut encore, ainsi que d’aucuns l’affirment[534], enlever à la Reine de Navarre son bel amoureux ? Une lettre de ce dernier à Marguerite, dans laquelle il se disculpe d’une telle trahison, semble donner quelque crédit à ce nouveau racontar de la Cour.
« Vous voulutes, ma Royne, m’accuser d’infidélité, encore que ne puissiez douter de ce que je vous suis, et qu’aussy peu que moy vous puissiez ignorer ce qu’avec trop de cruauté vos extresmes rigueurs me font ressentir, et que jugiez assez que me mesprisant moy-mesme, je ne saurois que dédaigner tout ce qui me pourroit empescher de vous tesmoigner mon amour infinie… Ressouvenez-vous, ma Royne, des vœux qu’hier si saintement je renouvellay dans vos belles mains, et vous avouerez que vous leutes en moy l’intégrité de mon intencion… Une de mes amyes m’a dit que vous monstriez d’estre mal satisfaite de moy ; vous savez, Madame, si vous en aves occasion, puisque vous n’aves recogneu que les effects de mes violentes passions. Ayez donc pityé de moy, mon cœur, et souffrez pour chose qui vous ayme tant ce peu d’incommodité. Je baise très humblement vos belles mains[535]. »
Mais Marguerite, découragée par l’inconstance de celui qu’elle a tant aimé, a enfin perdu ses illusions. Elle veut fuir la Cour, Paris, tout ce qui l’attirait il y a quelques mois à peine et se réfugier auprès de son époux. Ses ressources pécuniaires l’empêchent de réaliser ce beau projet. « Elle ne peut rejoindre son mari, écrit Busini à Vinta, retenue ici par le manque d’argent[536]. » Bien plus, elle tombe malade ; et les racontars de la Cour d’aller leur train. « Alcuni vogliono che la sia gravida, altri idropica, écrit le même personnage, à la date du 27 juin[537]. » C’est sa prétendue grossesse naturellement à laquelle on croit le plus ; et c’est l’arme principale dont vont se servir ses ennemis pour la perdre complètement dans l’esprit du Roi.
C’est à ce moment, en effet, d’après bien des auteurs modernes, sur la foi de quelques contemporains, Dupleix entre autres, sans parler du Divorce Satyrique et de tous les pamphlets répandus à profusion contre elle, qu’elle serait devenue grosse, des œuvres de Chanvallon, d’un fils qui se serait fait plus tard capucin, aurait été connu sous le nom de Père l’Ange et aurait pris une part importante à la conspiration du comte d’Auvergne et de la marquise de Verneuil[538]. Poussé par ses mignons et trompé par de faux rapports, c’est ce que Henri III, dans la scène mémorable qu’il fit à Marguerite au Louvre et que nous rapporterons à son heure, lui reprocha violemment et chercha plus tard à vérifier, sans pouvoir obtenir aucune preuve. Tous les témoins qu’il cita à sa barre affirment que Marguerite ne fut jamais grosse.
Comment admettre du reste, en ces moments où elle prenait part à tous les déplacements de la cour, à tous les bals, à toutes les fêtes, à toutes les parties de chasse, où elle se trouvait le point de mire non seulement de la France, mais de l’Europe entière, que la Reine de Navarre ait pu dissimuler une grossesse et accoucher clandestinement ? Ses livres de comptes, ses dépenses minutieusement contrôlées, n’en feraient-ils point mention ? Or il n’est question à cette date ni de voyage secret, ni d’absence de Paris, ni même de maladie. Aucun document sérieux ne vient à l’appui de ces bruits, répandus à satiété par ses ennemis, qui ne reposent sur aucun fondement.
Nous pensons donc, sans disculper la Reine de Navarre de sa conduite fort reprochable, que Marguerite fut cette fois encore victime de perfides calomnies, et que, pas plus à ce moment que l’année précédente en Gascogne, ou plus tard à Agen, à Carlat au à Usson, elle ne mit au monde un enfant quelconque. Elle-même l’affirme dans la si touchante lettre suivante qu’elle écrivit peu de temps après à sa mère. Et cette fois nous devons la croire en toute sincérité.
« Madame, puisque l’infortune de mon sort m’a resduite à telle misère que je ne suis si heureuse que dessiries la conservation de ma vie, à moins, Madame, puis je espérer que vous la venderés de mon honneur pour estre telemant uni avec la vostre et celui de tous ceulx et celes à qui j’ai cest honneur d’apartenir que je ne puis recevoir de honte qui n’an soit partisipans, principalement mes niepses, au préjudice desquelles le déshonneur que l’on me vouderait procurer importerait plus qu’à neul autre ; qui me faict Madame, vous suplier très humblement en cete considération ne vouloir permestre que le prétexte de ma mort se pregne au despans de mon honneur et reputation ; et vouloir tant faire, non pour moi, mes pour tous ceux à qui je touche de si prés, de tenir la main que mon honneur soit justifié, et qu’il vous plaise, Madame, ausi que j’aie quelque dame de calité et digne de foi qui puise durant ma vie tesmoigner l’estat en quoi je suis, et qui apres ma mort asiste quant l’on m’ouverira, pour pouvoir par la connaissance de cette dernière imposture, faire connoitre à un chacun le tort que l’on m’a fait par si d’avant[539]. » Mais n’anticipons pas.
Henri III était rentré à Paris. La conduite de sa sœur, les bruits de sa grossesse, faisaient le sujet de toutes les conversations. Joyeuse, d’Épernon ne lui ménageaient pas leurs railleries ; et Catherine elle-même prenait parti contre elle. S’il faut en croire les chroniques du temps, le Roi gagna, à prix d’argent, une des femmes de la suite de Marguerite, qui révéla tous les amours de sa maîtresse, son intrigue avec Chanvallon, la liste de ses nombreux amants, et jusqu’à sa grossesse et à son accouchement clandestin. Le faible monarque la crut sur parole et, avec sa dissimulation habituelle, attendit qu’une occasion se présentât, qui lui permit d’assouvir contre sa sœur sa haine qui depuis un an ne faisait qu’augmenter.
C’est que la politique était venue se mêler encore à ces querelles de famille, et que Marguerite s’était jetée dans le parti des Guise, c’est-à-dire dans la Ligue, au moment où le Roi son frère cherchait à enlever à cette maison toujours plus puissante et plus insolente la direction de cette association formidable pour en investir son favori Joyeuse, l’ennemi déclaré de Marguerite. Ce dernier venait de partir pour Rome, afin d’obtenir de Grégoire XIII d’être reconnu chef du parti catholique, et, par l’excommunication de Damville « ce roi du Languedoc » comme fauteur d’hérésie, de pouvoir être nommé gouverneur de cette riche province qu’il convoitait et que le Roi lui avait promise.
Joyeuse était encore à Lyon, quand un incident, resté toujours obscur et assez insignifiant en apparence, vint mettre le feu aux poudres et précipiter la catastrophe.
« Il y a quelques jours, écrit le baron de Busbec, ambassadeur d’Autriche, à son maître Rodolphe II, que l’on a arrêté un courrier que le Roi dépêchait au duc de Joyeuse. Après l’avoir maltraité de plusieurs coups, on lui a volé les lettres dont il était chargé. Dès que le Roi a seu ceste nouvelle ou peut-être pour quelque autre raison, il est revenu à Paris et n’a point accompagné la Reine, son épouse, à Bourbon-les-Bains, comme il se l’était proposé[540]. »
Marguerite fut accusée de ce guet-apens. On prétendit qu’elle avait voulu connaître les lettres de son frère qu’elle jugeait calomnieuses contre elle. Le Roi le crut et jura de se venger.
Du lundi 1er août au dimanche 7, ladicte dame Roine de Navarre et son train, à Paris.
Le dimanche 7 août, une grande fête est donnée au Louvre. En l’absence de la Reine Louise qui faisait une saison aux eaux de Bourbon-Lancy[541], Marguerite reçoit de son frère l’ordre de venir la présider. La Reine de Navarre obéit, ne se doutant de rien ; et, parée de ses plus beaux atours, elle prend place sur le trône qui lui est réservé. Brusquement Henri III s’approche d’elle, suivi de ses mignons. Et là, devant toute la Cour, il l’apostrophe, lui adresse mille invectives, et lui reproche, en termes des plus violents, sa conduite et celle de ses femmes. La pauvre Reine l’écoute debout, ainsi que le veut l’étiquette ; elle ne répond rien, et toute en pleurs quitte le palais.
« Le Roi, écrit Busbec présent à cette pénible scène, a dit en présence de toute la Cour mille injures à sa sœur, la Reine de Navarre. C’était la seconde fois. Il paroit qu’il est assez bien informé des intrigues amoureuses de cette princesse ; car il lui a nommé tous les galans qu’elle avait eus depuis qu’elle est mariée et ceux qui étaient actuellement en faveurs. Le Roy enfin a fini sa querelle par lui ordonner de sortir de Paris et d’aller trouver le Roi de Navarre, son mari. Cette Reine, pleine de confusion, s’est retirée sur l’heure dans son appartement. Elle a fait elle-même ses malles des choses les plus précieuses, et, dès le lendemain, elle est partie, sans avoir d’autre suite que quelques-unes de ses femmes les plus affidées. On dit qu’elle est allée à Vendôme, qui est une terre appartenant à son mari[542]. »
L’affront fut plus sanglant encore.
Dès le lendemain lundi, 8 août, un carrosse stationnait, par ordre du Roi, devant l’hôtel de la rue Culture Sainte-Catherine, prêt à emporter loin de Paris l’infortunée Reine de Navarre. Quelques-unes de ses femmes l’attendaient à cheval, afin de suivre leur maîtresse, avec d’autres serviteurs. « La Reine de Navarre, écrit Busini à Vinta, ne voulait pas partir ; mais il lui fallut obéir sur l’heure aux ordres de son maître. » Et Marguerite, folle de désespoir, dut prendre le chemin de l’exil, non sans s’être écriée plusieurs fois « que son sort était plus malheureux que celui de la Reine d’Écosse, qu’elle désiroit que quelqu’un l’empoisonnât pour la délivrer de tous ses maux, mais qu’elle ne pouvait l’espérer, n’ayant ni amis ni ennemis[543]. »
Quant à Chanvallon, écrit toujours le même personnage, une troupe d’hommes masqués a cerné son logis pendant la nuit. Mais, après l’avoir fouillé en tous sens, on ne l’a point trouvé. Il s’est enfui, on ne sait où. Et Busbec ajoute : « On assure que depuis ce comique évènement, Jacques Harlay de Chanvallon s’est sauvé en Allemagne. C’est un jeune homme d’un caractère aimable et d’une figure fort gentille. Je ne sais pas si ce que l’on dit de sa noblesse est vrai. On l’assure fort équivoque[544]. »
Le lundy 8 août, ladicte dame et partie de son train disne au Bourg-la-Roine, souppe et couche à Pallezeau.
Le mardi 9 août, ladicte dame à Pallezeau.
« La Royne de Navarre, écrit L’Estoile dans son journal, partit de Paris pour s’acheminer en Gascogne retrouver le Roy de Navarre son mary, par commandement du Roy réitéré par plusieurs fois, luy disant que mieux et plus honnestement elle serait près son mary qu’en la Cour de France où elle ne servait de rien. De faict, partant ledict jour de Paris, s’en alla coucher à Palaiseau où le Roy la fist suivre par soixante archers de sa garde, sous la conduitte de Larchant, l’ung des capitaines diceux, qui la vint rechercher jusques dans son lit, et prendre prisonniers la dame de Duras et la demoiselle de Bethune, qu’on accusait d’incontinence et d’avortemens procurés, furent aussy par mesme moien arrestés le seigneur de Lodon, gentilhomme de sa maison, son escuier, son secrétaire, son médecin et aultres qu’hommes que femmes, jusques au nombre de dix, et tous menés à Montargis où le Roy luy-mesme les interrogea et examina sur les desportemens de ladicte dame Royne de Navarre, sa seur, mesme sur l’enfant qu’il estoit bruict qu’elle avait faict depuis sa venue en Cour ; de la façon duquel estoit soubçonné le jeune Chanvallon qui, de faict, à ceste occasion, s’en estoit allé et absenté de la Cour. Enfin le Roy n’ayant rien peu descouvrir par la bouche desdicts prisonniers et prisonnières, les remeist tous et touttes en liberté et licentia la Royne de Navarre, sa seur, pour continuer son chemin vers Gascongne ; et ne laissa pourtant d’escrire de sa main au Roy de Navarre, son beau frère, comme toutes choses s’estoient passées[545]. »
Cette version de l’Estoile nous paraît être la seule vraie. Elle est en effet en tous points conforme à ce que nous apprend la correspondance de la Reine-Mère. Cette dernière n’écrit-elle pas en effet, le 21 août à Bellièvre, apprenant que Madame de Duras, rendue à la liberté, est revenue à Paris et n’ose regagner encore son poste de dame d’honneur auprès de la Reine de Navarre ? « Monsieur de Bellièvre, je veu cet que me mandés que la dame de Duras ayst à Paris. Vous la conésès comme moy ; je voldres qu’el en feust dehors ; et vou prie cet trouvé qu’il seuyt bon de dire à sa mère que fera bien de l’en fere ennaler et que je serès marrye de l’y trover. Vous voyrè s’il è bon d’ynsin le faire. Ouis l’on m’a dyst que l’ècuyer qui a estè pris ayst relachè et qu’il a baillé une letre au Roy que sa mère aycripvist à mon fils, luy-mesme me l’a dict et que yl ne s’an donnay point de pouyne ; car je savet bien qu’il n’avoyt neule intelligence aveques elles[546]. »
D’autres, Busbec notamment et aussi Busini, ont écrit que l’affront infligé par Henri III à sa sœur avait eu lieu en pleine route, que le capitaine Larchamp de Grimonville, après s’être saisi de l’escorte, avait mis pied à terre, et que, pensant trouver Chanvallon dans le carrosse royal, il avait brusquement ouvert la portière et soulevé, sans autre façon, le masque qui recouvrait le visage de Marguerite. « Tuez-moi donc alors, sans plus me faire languir, se serait écrié la malheureuse Reine », regrettant qu’à cause d’elle tant de personnes souffrissent ainsi, et demandant d’où lui venait cette odieuse persécution[547].
« L’archevêque de Langres qui l’accompagnait, ajoute Busini dans sa lettre à Vinta, est allé à la hâte trouver la Reine-Mère qui était à La Fère avec Monsieur[548]. » Sans doute était-il porteur de la lettre désespérée que nous avons reproduite plus haut.
Sa mission ne fut pas inutile. Catherine obtint de suite de son fils que tous les prisonniers qui étaient déjà enfermés dans la Bastille seraient élargis, et qu’il laisserait sa sœur continuer paisiblement son chemin, pour aller, quand elle le pourrait, rejoindre son mari.
« Avec ces nouveaux troubles, écrivait peu après la Reine-Mère à Villeroy, je reçoy tant d’ennuis des lettres qui font mention de ma fille, que j’en suis cuidée mourir depuis que je suis de deça, ne se passant ung seul jour que je n’en aye quelque nouvelle alarme qui m’afflige si fort que je ne me sentis jamais en telle peine. Ce que l’on tient pour certain et qu’elle ne peut nier, elle a écrit à mon filz le duc de Lorraine, j’ay veu les lettres, pour le prier de la recepvoir en son pays. Ce me sont des afflictions si dures que je me sens comme hors moy[549]. »
Au cours de sa douloureuse pérégrination, Marguerite lui écrivait en effet des lettres, dont voici un spécimen :
« Madame, si au malheur où je me vois réduicte, il ne me restoit la souvenance de l’honneur que j’ay d’estre vostre fille, et l’espérance de vostre bonté, j’aurois déja, de ma propre main, devancé la cruauté de ma fortune ; mais me souvenant, Madame, de l’honneur que vous m’avez toujours faict, je me jette à vos pieds et vous suplie très humblement avoir pitié de ma trop longue misère ; et, prenant la protection de vostre créature, faire en sorte que le Roy se veuille contenter de mes maux et me tenir à l’avenir pour sa très humble servante, telle que j’eusse tousiours désiré, si j’eusse pensé qu’il luy eust esté agréable ; et tenant ce bien de vous, Madame, me donneriés une seconde vie que je ne désire conserver qu’à l’obéissance de vos commandemens, et la sacrifier toutes et quantes fois qu’il vous plaira et à vostre vollonté, Madame, ayant l’âme si troublée que je ne sais ce que j’escrips[550]. »
Le mercredi 10 août, ladicte dame et tout son train disne à Pallezeau, souppe et couche à Saint-Clerc.
Le jeudi 11 août, ladicte dame et tout son train disne, souppe et couche à Ablis.
Le vendredi 12 août, ladicte dame et tout son train disne à Ablis, souppe et couche au guey de Lonroi[551].
Le samedi 13 août, ladicte dame et tout son train disne, souppe et couche à Chartres.
Du dimanche 14 août au jeudi 18, séjour à Chartres.
Le vendredi 19 août, ladicte dame et tout son train disne, souppe et couche à Illiers.
Le samedi 20 août, ladicte dame et tout son train disne à Danjeau, souppe et couche à Chasteaudun.
Le dimanche 21 août, ladicte dame et tout son train disne à Chasteaudun, souppe et couche à La Ferté-Villeneuil.
Le lundi 22 août, ladicte dame et tout son train disne à La Colombe[552], souppe et couche à Marchesnoy (pour Marchenoir).
Le mardi 23 août, ladicte dame et tout son train disne à Marchesnoy, souppe et couche à Blois.
Le mercredi 24 août, ladicte dame et tout son train disne à Blois, souppe et couche à Eseures[553].
Le jeudi 25 août, ladicte dame et tout son train disne à Eseures, souppe et couche à Amboyse.
Le vendredi 26 août, ladicte dame et tout son train disne à Chenonceaux, souppe et couche au Plessis-les-Tours.
Du samedi 27 août au mardi 30, séjour au Plessis-les-Tours.
Le mercredi 31 août, ladicte dame et son train disne à Azé[554], souppe et couche à Chinon.
(Total des dépenses pour ce mois d’août, 2 447 écus, 58 sols, 9 deniers. — Payé seulement : 2 158 écus, 47 sols, 1 denier.)
Que pensait Henri de Bourbon du sanglant affront fait à sa femme ? Et dans quelle disposition d’esprit, dans quel état d’âme se trouvait-il au moment où lui arriva la nouvelle de cette fâcheuse aventure ?
Depuis un an, le Roi de Navarre vivait allègrement, se passant fort bien de sa moitié. En politique, il restait officiellement fidèle aux conventions du traité de Fleix, cherchait à calmer les ardeurs impatientes de ses plus turbulents amis et savait, en leur faisant de nombreuses concessions, conserver sa situation incontestée de chef du parti réformé. D’humeur voyageuse, tantôt à Saint-Jean d’Angély auprès du prince de Condé, à Pau à côté de sa sœur dont les négociations à l’occasion de son mariage avec le prince de Savoie n’aboutissaient pas, à Nérac, à Durance ou aux champs à chasser la bête, il surveille tout, pare à tout, surmonte tous les obstacles, et poursuit habilement sa destinée. En amour, le Béarnais ne perd pas non plus son temps. Vite oubliées, les belles filles de l’escadron volant, Dayelle, Rebours, Fosseuse ! Place cette fois à la maîtresse aristocratique, à la belle Corisande, à Diane d’Audouins, vicomtesse de Louvigny, veuve de Philibert de Gramont, comte de Guiche, vicomte d’Aster et sénéchal de Béarn, tué d’un coup de mousquet, en 1580, au siège de La Fère.
Corisande, qui va désormais jouer un rôle capital dans la vie du futur Henri IV, mérite mieux qu’un souvenir. Et, comme le fait très justement remarquer M. de Lescure, « elle a droit à l’attention et jusqu’à un certain point aux hommages de l’histoire. Elle eut plus que de la beauté et de l’esprit ; elle eut du courage et du désintéressement. Voilà enfin une maîtresse qui semble avoir aimé pour lui-même un roi qui ne put s’empêcher de l’estimer, une maîtresse qui paya d’un dévouement prodigue et constant une trop passagère faveur. Corisande est une des femmes, trop rares dans la vie d’Henri IV, dont on peut dire qu’elles n’ont rien coûté à la dignité du prince ni à la prospérité de l’État[555]. »
Il est difficile de préciser à quel moment se forma cette liaison. Retirée dans ses domaines de Béarn et principalement au château d’Hagetmau, ce n’est guère que vers la fin de 1582 qu’Henri de Navarre commença à lui faire sa cour. Il la rencontra d’abord à Pau ; puis il lui fit sa première visite à Hagetmau, le 20 janvier 1583. Ses livres de comptes portent en effet que le 19 il dîne à Navarrens, soupe et couche à Orthez, et que le 20 il dîne à Orthez, soupe et couche à Hagetmau. Et Sully écrit de son côté à cette date : « Le Roi de Navarre était alors au plus chaud de ses passions amoureuses pour la comtesse de Guiche, vers laquelle il fit un voyage en un endroit qu’on nomme Agemau[556]. » Depuis cette époque, il y revient sans cesse et partage son temps entre Casteljaloux, Nérac et Pau[557].
Marguerite est totalement oubliée. Toutefois, et pour sauver les apparences, le Béarnais consent à s’occuper vaguement d’elle, et il écrit de Bordeaux, les premiers jours de ce mois d’août, ne se doutant absolument de rien, au maréchal de Matignon : « Mon cousin, suivant ce que j’ay dict au sieur de Pontcarré, j’envoye ce porteur (Vissouse, son secrétaire), jusqu’à Paris pour mes affaires, mais principalement c’est pour voir la part qu’est ma femme et savoir de ses nouvelles, d’autant mesmement que j’ay entendu qu’elle est retournée devers Paris. Je vous prie lui faire bailler passeport et chevaux[558].)
Et, dans une autre lettre, il lui annonce qu’ « à cause qu’on se meurt à Nérac », il a l’intention d’aller demeurer dix ou douze jours à Mont-de-Marsan, « attendant la venue de ma femme[559]. »
Sur ces entrefaites le Roi de Navarre, en ce moment à Sainte-Foy disent les uns, à Bazas disent les autres, reçoit un courrier spécial, le 10 ou 11 août, porteur d’une lettre autographe du Roi de France. Dans cette lettre, Henri III lui annonçait que, « pour avoir descouvert la mauvaise et scandaleuse vie de Madame de Duras et Mademoiselle de Bethune, il s’estoit resoleu de les chasser d’auprès de la Reine de Navarre comme une vermine très pernicieuse et non supportable auprès de princesse de tel lieu[560]. » Mais le dissimulé monarque se gardait bien de lui en apprendre plus long et de le tenir au courant de l’insulte qu’il avait faite personnellement à la Reine de Navarre.
Toujours confiant et même reconnaissant, Henri de Bourbon répond le 12 août :
« Monseigneur, j’ay receu la lettre qu’il a pleu à vostre Majesté m’escrire du iv de ce mois[561], et ne sçay par quel service je puisse jamais recognoistre le soing singulier qu’il vous plaist avoir de chose qui me touche tant et de si près. Qui m’est une parfaite démonstration de la bonne volonté qu’il vous plaist me porter et une admonition continuelle de la mériter par tous les moyens dont je me puisse adviser. Je ne vous celeray donc, Monseigneur, qu’il y a longtems que le bruict de la mauvaise et scandaleuse vie de Madame de Duras et de Béthune estoit venu jusques à moy ; dont je ne pouvois avoir grand contentement, les voyant si près de chose qui m’est proche ; mais je considérois que ma femme, ayant cest honneur de vous estre ce qu’elle est et mesme d’estre près de Vos Majestés, je ferois quelque tort à vostre bon naturel si j’entreprenois d’en estre plus soigneux de loing que Vos Majestés de près… J’estois resolu, quand ma femme prendroit son chemin vers moy, de la prier de s’en deffaire avec le moins de bruit qu’elle pourroit… Au reste, Monseigneur, il n’est pas besoin que je vous dye que je la desire extresmement icy, et qu’elle n’y sera jamais assez tost venue…[562] »
Quelques jours après, le Roi de Navarre, « étant à Nérac » dit Duplessis-Mornay, apprenait toute la vérité. Soucieux avant tout de son honneur, il appelle ses conseillers intimes et leur demande ce qu’il faut faire. Tous décident que leur maître doit exiger du Roi de France une réparation solennelle, si Marguerite n’est pas coupable. Si, au contraire, ce qui lui a été reproché est vrai, qu’on la condamne publiquement. À cet effet, il enverra à la Cour un ou plusieurs ambassadeurs s’il le faut, afin d’obtenir pleine et entière satisfaction.
Lequel, de d’Aubigné ou de Duplessis-Mornay, fut-il le premier délégué par le Roi de Navarre auprès du Roi de France ? Il est avéré que tous deux reçurent à un moment donné la mission d’aller plaider la cause de leur maître. À en croire d’Aubigné, lui seul aurait été chargé d’une pareille ambassade :
« Ayant été obligé de m’en venir à Pau, je trouvai mon maître dans une furieuse colère pour les affronts que la Roine sa femme avait reçu à la Cour de France. Il tint sur cela un grand conseil dont le résultat fut qu’il me depecha au roi Henri III pour demander réparation desdits affronts faits à sa femme et d’autres griefs énoncés dans la commission signée de sa main qu’il me donna pour cet effet… Je me rendis à la Cour de France où je représentai au roy Henri III le juste ressentiment que le Roy de Navarre conservait de l’indigne traitement fait à sa femme, qu’il en demandait une réparation authentique, aussi bien que de plusieurs griefs qu’il avait reçus. Sur quoy S. M. très chrétienne me répondit qu’il écriroit sur cela au Roy son frère ; à quoy je repartis hardiment que de telles indignités ne se réparoient pas par des écritures ; et que tant qu’il resteroit un pied d’épée au Roi mon maître, il ne le souffrirait pas. » L’entretien s’envenimant et les têtes s’échauffant, ce qui ne doit guère surprendre pour qui connaît le caractère irascible et hautain de d’Aubigné, ce dernier fut brutalement renvoyé par le Roi, « lequel, ajoute-t-il, eut envie de me faire arreter. Mais la Reine Mère l’ayant adouci, il fut conclu de me renvoyer avec une réponse, qui portoit que Sa Majesté Très Chrétienne enverroit une personne de son conseil au Roi de Navarre, pour lui donner satisfaction sur tous les sujets de plaintes que j’étais venu faire de sa part[563]. »
Duplessis-Mornay, dans ses Mémoires, ne fait aucune allusion à l’ambassade de d’Aubigné. Bien au contraire, il se représente comme le seul à qui le Roi de Navarre ait confié cette délicate mission. D’Aubigné écrit qu’il se rendit à Paris. Ce fut à Lyon que Duplessis-Mornay, ayant quitté Nérac le 17 août, alla trouver le Roi de France, prêt à partir pour un voyage « aux eaux. » Introduit par d’Épernon auprès du monarque, il lui expose le sujet de sa mission, rappelle tous les incidents de l’affront fait à la Reine de Navarre, et au nom du Roi son maitre demande « qu’il plaise à Sa Majesté lui déclarer la cause de ceste si grande indignation qui l’a faict estimer digne de telle indignité, et en la peine où il se trouve, qui ne peult estre que très grande, lui dire ce qu’il a à faire. » Le Roi lui répondit « que le Roi de Navarre n’aurailt peu mieux faire que ce qu’il faisait d’envoier vers lui telle personne de confiance et qu’il s’était cru obligé de faire arrêter Madame de Duras et Mademoiselle de Béthune. » — « Ce n’est point pour elles que je suis venu, répliqua Mornay, mais pour le faict de la Roine, vostre sœur… Si elle a commis une faute digne de l’affront qui lui a été fait, le Roi mon maistre vous en demande justice, comme au maistre de la maison et au père de famille. Sinon, sire, comme il ne le croira que le plus tard qu’il pourra, il vous la demande des calomniateurs, sur le rapport desquels une telle injure aurait esté précipitée. » Ainsi pressé par la logique inflexible de l’ambassadeur, Henri III hésite ; il met l’affront en doute et cherche à en atténuer la portée. « L’honneur des femmes, s’écrie Mornay, ne se doibt jamais profaner, si elles ne l’ont profané elles-mesmes. » Le roi demande alors à voir sa mère. Il ne peut rien décider sans elle sur cette affaire de famille. « Ce sera bien long, réplique-t-il ; le trait est dans la blessure ; vous ne l’en arracherez pas. La Roine vostre sœur est en chemin pour rejoindre son mari. Que dira la chrétienté s’il la reçoit ainsi barbouillée ? » — « Que pourra-t-on dire, répliqua le monarque en le congédiant, sinon qu’elle est la sœur de votre Roi[564]. »
Mornay s’en revint à Nérac, porteur d’une lettre autographe de Sa Majesté au roi de Navarre. Mais ce dernier ne s’en tint pas aux vagues promesses qu’elle contenait. Il dépêcha un troisième courrier, Pierre de Malras, baron d’Yolet, pria Pibrac de défendre également sa cause auprès du frère de Marguerite et ne voulut rien faire avant de s’en être expliqué avec Bellièvre, qu’Henri III, justement effrayé des conséquences de l’acte qu’il avait si inconsciemment commis, jugea prudent d’envoyer auprès d’Henri de Bourbon.
Cette affaire, qui, ainsi que nous le verrons, dégénèrera en affaire politique, trainera huit longs mois encore, pendant lesquels l’infortunée Reine de Navarre, humiliée par son frère, dédaignée par son époux, va errer de ville en ville, sans but, sans ressources, sans protection, sans estime, ballotée tristement comme une épave abandonnée.
Le jeudi 1er septembre, ladicte dame et son train disne à Chinon, souppe et couche à Champigny[565].
Faisons remarquer ici que la Reine de Navarre, dans ce second voyage entrepris malgré elle à travers toute la France, ne s’arrêta pas à Vendôme, ainsi que plusieurs l’ont écrit, M. le comte Hector de la Ferrière entre autres[566], et que ce n’est point en cette ville, mais bien à Blois, à Chenonceau ou à Tours qu’elle reçut les 200 000 livres que, sur ses instances réitérées, la Reine-Mère lui envoya. Busbec est également dans l’erreur lorsqu’il écrit qu’elle se retira à Vendôme « qui est une terre appartenant à son mari ».
Le vendredi 2 septembre, ladicte dame et son train à Champigny.
Le samedi 3 septembre, ladicte dame et son train disne au faulbourg de Chinon, souppe et couche à Fontevrault.
Le dimanche 4 septembre, ladicte dame et son train disne à Fontevrault, souppe et couche à Loudun.
Le lundi 5 septembre, ladicte dame et son train disne à Loudun, souppe et couche à Mirebeau.
Le mardi 6 septembre, ladicte dame et son train disne à Vendeuvre, souppe et couche à Dissay[567].
Du mercredi 7 septembre au lundi 12, séjour à Dissay.
C’est de cette superbe résidence, mise à sa disposition par les d’Amboise, que Marguerite écrivit à son mari, avec lequel elle semble avoir conservé encore quelques relations, la lettre suivante :
« Monsieur, Osat estant passé par isi, je n’ai voulu perdre ceste comodité pour vous rendre conte, Monsieur, de mon voiage. Je pars demain pour aler à Poictiers où je séjourneré un jour pour i voir Madame de Sainte-Croix et Monsieur de Vilequier qui ma mandé qui si renderait esprès pour me voir ; qui est, Monsieur, vous aiant hier escrit par Vissouse ce qui ce presante et pour ne vous importuner, après vous avoir très humblement suplié, Monsieur, me continuer l’honneur de vostre bonne grasse, je vous baiseré, Monsieur, très humblement les mains[568]. »
L’itinéraire nous apprend également le motif pour lequel la Reine de Navarre s’arrêta à Poitiers.
Le mardi 13 septembre, ladicte dame et son train disne à Dissay, souppe et couche à Poictiers, où ladicte dame faict festin à Madame de Saincte Croix et aultres dames. Dépenses pour ce jour, 130 écus, 16 sols, 4 deniers.
Le mercredi 14 septembre, séjour à Poictiers.
Le jeudi 15 septembre, ladicte dame et son train disne à Rusfergue[569], souppe et couche à Vivonne.
Le vendredi 16 septembre, ladicte dame et tout son train disne à Vivonne, souppe et couche à Coué (pour Couhé).
Le samedi 17 septembre, ladicte dame et tout son train disne à Coué, souppe et couche à Civray.
Le dimanche 18 septembre et lundi 19, séjour à Civray.
Le mardi 20 septembre, ladicte dame et son train disne à Civray, souppe et couche à Villefagnan.
Le mercredi 21 septembre, ladicte dame et son train disne à Villefagnan, souppe et couche à Aigres.
Le jeudi 22 septembre, ladicte dame et son train disne à Aigres, souppe et couche à Beauvais sur Matha.
Le vendredi 23 septembre, ladicte dame et son train disne à Beauvais sur Matha, souppe et couche à Jarnac.
Du samedi 24 septembre au vendredi 30, séjour à Jarnac.
(Total des dépenses pour ce mois de septembre, 2 332 écus, 34 sols, 2 deniers. Payé seulement 2 197 écus, 7 sols, 8 deniers.)
Du samedi 1er octobre au lundi 17, ladicte dame et tout son train à Jarnac.
La situation de la Reine de Navarre ne s’améliorait pas. À peine arrivée à Jarnac, et non à Cognac comme tous ses historiographes l’ont écrit, ville où elle ne se rendit pas en ce voyage, elle reçut l’ordre de son époux de ne point entrer dans ses États, tant que satisfaction pleine et entière ne lui aurait pas été donnée par le Roi, son frère. Deux motifs, croyons-nous, dictaient principalement alors la conduite du Roi de Navarre. D’abord, les conseils de ses partisans qui cherchaient à profiter de cette occasion pour pousser à la guerre, ou tout au moins se faire accorder de nouvelles concessions ; en second lieu, l’influence de plus en plus dominante qu’exerçait sur le cœur et l’esprit du Roi, la comtesse de Gramont, laquelle, on le comprend, ne pouvait voir d’un bon œil arriver l’épouse légitime auprès de celui à qui elle venait de tout sacrifier, honneur, fortune, réputation.
Force est donc à Marguerite d’attendre la bonne volonté du Roi son mari, et d’insister auprès de sa mère pour que le Roi son frère envoie au plus vite en Béarn un ambassadeur, lequel plaidera sa cause et la sortira d’embarras. Bellièvre est désigné et se mettra incontinent en route, ce qui permet à Marguerite de se rapprocher un peu plus de la Gascogne, sans oser toutefois dépasser Coutras.
Le mardi 18 octobre, ladicte dame et son train disne à Jarnac, souppe et couche à Chasteauneuf.
Le mercredi 19 octobre, ladicte dame et son train disne à Chasteauneuf, souppe à Barbezieux.
Le jeudi 20 octobre, ladicte dame et son train disne à Barbezieux, souppe et couche à Chasley (pour Chalais).
Le vendredi 21 octobre, ladicte dame et son train, disne, souppe et couche à Chasley.
Le samedi 22 octobre, ladicte dame et son train disne à Chasley, souppe et couche à Coutras.
Du dimanche 23 octobre au lundi 31, séjour à Coutras.
(Total des dépenses pour le mois d’octobre, 2 216 écus, 58 sols, 7 deniers. Payé seulement 2 133 écus, 4 sols 4 deniers.)
Du mardi 1er novembre au vendredi 25, ladicte dame et tout son train à Coutras.
La première moitié du mois se passe en incertitudes. Tout à coup, Marguerite apprit que le 21 novembre son mari s’était emparé de Mont-de-Marsan. Fatigué d’attendre la solution tant de fois demandée à la Cour, inquiet surtout des menées de Bellièvre, qui au lieu de se rendre directement auprès de lui, s’était arrêté près de Bordeaux pour s’entendre avec le maréchal de Matignon et engager ce dernier à renforcer la garnison de Bazas, poussé d’un autre côté par ses partisans toujours prêts à prendre les armes, Henri de Navarre crut devoir s’emparer de force d’une ville qui faisait partie de son domaine, et qui, malgré la stipulation formelle du traité de Fleix qu’elle lui serait rendue, était depuis bientôt trois ans demeurée en la possession du Roi. En conséquence, le Béarnais prit ses dispositions de guerre, et réussit au-delà de toute espérance.
« M. le prince de Condé, écrit Duplessis-Mornay dans ses Mémoires, l’était venu voir à Nérac. Sans autre amaz, ils prennent leurs gardes et donnent à quelques-uns de leurs voisins rendez-vous au milieu des Landes. La nuit ensuivante, ils traversent la rivière qui sert de fossé à la ville avec des petits bateaux d’une pièce, pour porter escalade à la muraille. L’escarpe était haute et pleine de buissons épais, tellement qu’il fallut chercher des serpes et s’y faire un chemin. Dieu voulut néanmoins qu’on leur en donnât le loisir ; et parvenus au pied de la muraille, ils y posèrent une échelle assez proche de la sentinelle, et par là entrèrent dans la ville. À l’alarme qui fut donnée par un coup de pistolet qui leur échappa, accourut le peuple, mais qui fut tôt dissipé sans meurtre que d’un seul ; puis la porte fut ouverte au Roi de Navarre, et le tout composé si promptement, qu’à huit heures du matin les boutiques étaient ouvertes, chacun à sa besogne, sans aucune apparence d’hostilité[570]. »
Il ressort de ce document, et surtout des deux lettres qu’écrivit le Roi de Navarre, l’une à M. de Saint-Geniez, du 19 novembre, où il lui donne rendez-vous pour le surlendemain sous les murs de la ville, l’autre à Michel de Montaigne, alors maire de Bordeaux, le lendemain même de son entreprise[571], qu’Henri de Bourbon prit Mont-de-Marsan dans la nuit du 21 au 22 novembre 1583. Aucun doute ne saurait exister à cet égard, toutes les autres assertions, celle de de Thou notamment qui donne la date de 1581, devant être considérées comme fausses[572].
Ce fait d’armes eut un retentissement énorme. On put croire un moment à la Cour qu’une nouvelle guerre était engagée. Telle n’était pas cependant l’intention du Roi de Navarre, qui s’empressa par toutes sortes de missives de rassurer les esprits. Sa lettre aux Consuls d’Agen, datée de Nérac, quelques jours après l’entreprise, est encore celle qui nous fait connaître le mieux les motifs invoqués par lui pour expliquer la conduite qu’il a été forcé de tenir :
« Messieurs, vous avez cy devant peu entendre l’insolence de mes subjects du Mont de Marsan, qui ont ruyné mes maisons en temps de paix et brulé le lieu où s’exerçait la justice… Et en outre, continuans à uzer du mesprez en mon endroict, en ce qu’ils ferment la porte à mes gens et à tous ceulx qui s’avouent de moy, passant leur chemin par ladicte ville, et leur font ordinairement des affronts jusques à avoir ces jours passés foulé l’homme de ung de mes gardes jusques à la mort… Pour leur montrer en une juste rigueur plus de clémence qu’ils ne méritent, j’ay prins la peine de me y rendre en personne, n’ayant aultre intention que les reduyre à ce quy est de la raison et debvoir ; de quoy je vous ay bien volleu advertir et vous prier, Messieurs, de mettre le tout en bonne consideration et croire que je n’ay autre but que le bien de la paix et repos commun, le service du Roy Monseigneur et l’observation de ses edictz avecques la conservation de mes droictz et aucthorité et de ce qui m’appartient…[573] »
Le coup de main du Roi de Navarre n’était pas fait pour avancer les affaires de Marguerite, encore moins pour faciliter la mission dont Bellièvre avait été chargé. Ce dernier vit, en effet, Henri de Bourbon à Mont-de-Marsan, le lendemain même du jour où ce monarque s’en était emparé. L’entrevue fut plus que froide. Le Béarnais s’en tint à l’argumentation que Duplessis-Mornay avait fait valoir auprès d’Henri III : ou sa femme était innocente, et alors il fallait punir les calomniateurs ; ou elle était coupable, et dans ce cas il ne voulait pas la recevoir. Malgré toute son habileté, Bellièvre ne put avoir raison de son inflexible logique ; il comprit qu’il était inutile d’insister. Le Roi de Navarre le congédia du reste immédiatement, lui disant que s’il voulait reprendre les négociations, il fallait auparavant que Matignon retirât les garnisons qu’il avait mises dans toutes les villes de son gouvernement à Agen, à Condom, à Bazas, à Casteljaloux, voulant avoir ses coudées franches et ne pas être enfermé dans Nérac, « où rien ne lui sera libre, pas même sa personne[574]. »
Bellièvre s’en retourna à Bordeaux, d’où il écrivit aussitôt à la Reine de Navarre : « J’arrivai à Mont-de-Marsan à deux heures de nuit et tous les propos que j’eus du Roi furent plaintes et surtout de ce fait de Bazas. Je m’excusai sur ce que, ces choses n’étant pas avenues par moi, il fallait qu’elles fussent traitées par M. de Matignon : je remontrai au Roi qu’il savait bien l’affaire pour laquelle j’étais venu. Il répondit que, pour le moment, il ne pouvait penser à une autre affaire, mais qu’à mon retour, tout se négocierait mieux. Je n’ai pas moyen de forcer les volontés d’un tel prince, j’ai souffert ce coup tel qu’il me l’a voulu donner. Je vous supplie, Madame, de ne me l’imputer à faute de bonne volonté. Monsieur de Birague, qui n’avait pas encore pu voir le Roi, votre mari, est resté à Mont-de-Marsan[575]. »
Marguerite reçut cette lettre à Cadillac, où elle s’était avancée en quittant Coutras.
Le samedi 26 novembre, ladicte dame disne à Coutras, couche à Lybourne.
Le dimanche 27 novembre, séjour audict Lybourne.
Le lundi 28 novembre, ladicte dame disne à Lybourne, couche à Créon.
Le mardi 29 novembre, ladicte dame disne à Créon, couche à Cadillac.
Le mercredi 30 novembre, ladicte dame et son train, à Cadillac.
(Total des dépenses pour ce mois de novembre, 2 075 écus, 2 sols, 11 deniers. Payé seulement 1 938 écus, 9 sols, 11 deniers.)
Le jeudi 1er décembre et le vendredi 2, ladicte dame à Cadillac.
À la lettre précédente du chancelier de Bellièvre Marguerite répondit aussitôt :
« M. de Bellièvre, j’ai su de M. de Lésignan, comme vous estiés parti pour retourner à Bordeaux et n’ai toutefois su aucunes nouveles du seigneur Carles[576], mes parce que j’ai apris de Monsieur de Lusignan. Ses garnisons nouvelles sont venues bien à propos pour ceux qui désirent tenir mes afères en longueur, vous connaissez de tous leurs desfiances. Je vous suplie, escusé les aigreurs qu’ories peu remarquer et ne vous lasès de bien faire et pour le service du Roi et pour tirer de poine une misérable qui resantira éternellement une si grande obligation… M. de Lusignan m’a dit forse honnestes paroles de la part du Roi mon mari, qui me prie ne m’annuier point de ses longueurs et ne les prendre en mauvesse part, que ce n’est faute de bonne volonté ni d’amitié an mon endroit… Depuis Jarnac, je n’en aveis point eu[577]. »
Malgré ses griefs bien légitimes, le Béarnais, on le voit, reste bon prince et cherche à sauver les apparences. Mais, de cette simple querelle privée qu’elle était au début, cette affaire devient de plus en plus politique. La seule victime en est Marguerite, qui, de guerre lasse, ne sachant plus où porter ses pas, prend le parti de se retirer à Agen, ville de son domaine, où du moins nul ne pourra lui chercher
querelle.Le samedi 3 décembre, ladicte dame disne à Cadillac, souppe et couche à Saint-Macaire.
« Mon cousin, écrit-elle ce jour-là, au maréchal de Matignon, il ne se peut souheter mieux pour moi de dela que les nouveles qu’aves pris la poine de m’escrire. Dieu veuille que de désa les essais y respondent. J’eusse bien déssiré savoir ce que l’on vous mande pour Basas ; car despuis vous avoir laissé, j’entretins hier Montagne[578] qui me met en quelque doute que cela brouillerait ; ce qui vienderait bien mal à propos et principalement pour moi qui ai plus tost besoin d’estre aidée de toutes choses que o contrere. Vostre prudanse sora bien conduire tout. Je pars maintenant pour aller coucher à Saint Macaire, et ne fauderès à toutes ocasions de vous faire savoir de mes nouvelles, vous supliant m’an faire de mesme des vostres, et croire que je me conformeré tousiours antierement an vostre conseil, faisant plus d’estat de vostre amitié que de chose du monde, vous suppliant vous assurer de la mienne comme de cele qui vous sera esternellement vostre plus afectionnée et meilleure cousine.
Le dimanche 4 décembre, ladicte dame disne à Saint-Macaire, souppe et couche à La Réolle.
Le lundi 5 décembre, ladicte dame disne à La Réolle, souppe et couche à Marmande.
Le mardi 6 décembre, ladicte dame disne à Marmande, souppe et couche au Port-Sainte-Marie.
Le mercredi 7 décembre, ladicte dame disne au Port-Sainte-Marie, souppe et couche à Agen.
Du jeudi 8 décembre au samedi 31, la dicte dame et tout son train à Agen.
(Dépenses totales pour ce mois de décembre, 2 166 écus, 2 sols, 4 deniers. Payé seulement 2 142 écus).
Dans sa première entrevue avec le Roi de Navarre, Bellièvre, nous l’avons vu, ne réussit pas. Le capitaine Charles de Birague, « un de ces Italiens à l’esprit souple dont Catherine aimait à s’entourer[580] », se montra plus habile, et à force de finesse et de diplomatie obtint d’Henri de Bourbon qu’il consentirait à recevoir une seconde fois l’ambassadeur officiel d’Henri III, qui, dans l’espoir d’être rappelé, n’avait point quitté Bordeaux.
À quel moment et à quelle date cette seconde entrevue entre Henri de Bourbon et Bellièvre eût-elle lieu ? Fût-ce à Mont-de-Marsan, comme tout porte à le croire, ville où demeura le Roi de Navarre tout le mois de décembre, et aussi la première quinzaine du mois suivant ? Aucun auteur ne l’a précisée. En tous cas Marguerite, de plus en plus découragée, ne cesse d’écrire à son avocat les lettres les plus pathétiques, le suppliant d’intercéder de nouveau pour elle et, comme la première fois, de chercher par tous les moyens possibles à améliorer son misérable sort.
« Monsieur de Belièvre, le sieur de Praillon, vous dira la response que j’ai eue. Je vois bien que je ne puis fuir ni esviter le malheur de ceste veue. Ce n’est le premier et ne sera le dernier que je croi qui me viendera de tele part. C’est le propre de la fortune de dominer sur les actions extérieures, non sur les voulontés. Mes puisque ma vie est reduicte à la condision de cele des esclaves, j’obeire à la forse et à la puisance à quoi je ne puis resister ; et estant ma misère telle, j’estime ancore avoir resu de l’heur par la venue du sieur Praillon qui m’a donné assurance d’avoir relache de ceste creuele contrinte jusques à la fin de ce mois, terme que si Dieu vouloit prolonger jusques à la fin de ma vie, bien que se feut en l’abrégeant, je le tienderais à très grant grase, tenant la mort et ceste veue au mesme esgalité[581]. »
De cette lettre, si plaintive, si désolée ne faut-il pas rapprocher celle que l’infortunée Reine écrivit vers la même époque à la Reine sa mère et que nous avons déjà fait connaître, comme provenant de la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg : « Madame, puisque l’infortune de mon sort m’a resduite à telle misère que je ne suis si heureuse que dessiriés la conservation de ma vie, o moins, Madame, pui-je espérer que vous la vouderés de mon honneur pour estre tellemant uni avec le vostre et celui de tous ceulx et celles à qui j’ai l’honneur d’appartenir que je ne puis resevoir de honte qui n’en soit partisipans, prinsipalement mes nièpses, au prejudice desquelles le deshonneur que l’on me vouderoit procurer importerait plus qu’à neul autre ; qui me fait, Madame, vous suplier très humblement an cete considération ne vouloir permettre que le pretexte de ma mort se presne au despans de mon honneur et reputasion ; et vouloir tout faire, non pour moi mes pour tous ceux à qui je touche de si près, de tenir la main que mon honneur soit justifié, et qu’il vous plaise, Madame, ausi que j’aie quelque dame de calité et digne de foi qui puise durant ma vie tesmoigner l’estat an quoi je suis, et qui après ma mort asiste quant l’on m’ouverira, pour pouvoir par la connaissance de ceste dernière imposture faire connaitre à un chascun le tort que l’on n’a fait par si davant, etc.[582]. »
Et encore celles-ci, toujours à Bellièvre :
« Monsieur de Belièvre, je vous avois envoiè un laquais à Bordeaux pour savoir la response que Prallon vous avoit raportée, et voiant qui n’est revenu, je crains qui ne vous a trouvé, aiant despuis su qu’estiés aveque le Roi mon mari, auquel j’anvoie ce porteur pour resevoir ses commandemans sur la resolution qu’il ora prise avec vous, vivant avec tant d’annui que je ne puis avoir repos que je ne me voie hors de ce purgatoire, que je puis bien nommer ainsi, ne sachant si vous me mesterés an paradis ou an anfer ; mes quoi que ce soit il est tres malaisé que ce soit pis que ce que despuis six mois l’on m’a fait esprouver[583]. »
« Monsieur de Bellièvre, j’escris cete letre à l’avanture, ne sachant si ele vous trouvera ancore à Bordaux, pour le bruit qui court qu’estes acheminé vers le Mon de Marsan, ce que je ne puis croire, m’asurant que m’eusiés fait ce bien de m’avertir de la reseption des nouveles qui vous eussent fait partir. Toutefois, je le dessirerois, car quant vous marcheres, je m’asure que je pouré avoir toute asuranse de ce que je dessire. Je vous suplie, si estes ancore à Bordaux, m’obliger tant de m’escrire ce que orés apris pour mes afères, de quoi la longeur m’acable telemant que je pansé que j’en demeureré sous le fais…[584] »
Le rôle joué par Charles de Birague auprès du Roi de Navarre, en ce mois de décembre 1583, et les services qu’il rendit à Marguerite à cette occasion, sont suffisamment attestés par sa correspondance avec la Reine-Mère, déposée également à la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg[585]. Dans une de ses lettres notamment, il lui écrit d’Agen, à la date du 17 décembre 1583, qu’il n’a pas craint de remontrer au Roi de Navarre « que retarder à recepvoir sa femme de quatre jours seulement, c’estoit la déshonorer et faire parler tout le monde, et faire penser que ce fust plustot pour la mespriser que autrement, que ce n’estoit pas le moien que le Roy fist quelque chose pour luy, mais bien que en seriez mal content et qu’il faloit prendre autre chemin et ne yriter point le Roy qui avait moien de faire du bien et du mal. Et me semble qu’il estoit quasi en poyne ; car il me dit qu’il envoiait ung gentilhomme à Vos Majestés pour y satisfaire que je fisse que la Royne, fille de Votre Majesté vous recommandoit ses affaires et moy que je fisse bon office… Et enfin il m’a dépesché vers la Royne sa femme, avec une lettre, doble de la quelle V. M. l’aura icy enclos. » Et en terminant, après avoir assuré à la Reine-Mère que le Roi de Navarre lui a promis de recevoir sa femme « avec tout honneur et contentement », Birague propose, pour sortir de cette impasse, le moyen suivant « lequel est que s’il plaist au Roy que M. de Belièvre et moy promections audict Roy que le jour après qu’il aura receu la Royne que la garnison de la ville sortira, et nous demeurer avec luy quasy comme otaiges, je pense qu’il le fera et adjoutera foi à ce que ledit sieur de Bellièvre luy dira et à moy aussi quelque peu, et s’il s’opiniastroit, comme je doubte, que la garnison fust la première à sortir ; il me semble que le tout se peut faire avec honneste seureté[586]. »
Quant à Marguerite, elle ne tarit point d’éloges sur le compte de Charles de Birague, soit qu’elle écrive à sa mère, soit qu’elle s’adresse presque chaque jour à Bellièvre. Elle les supplie de ne point oublier les services qu’il lui a rendus, et « de vouloir faire tant pour elle que pour lui, qui a pris tant de peine et a si bien servi le Roi an ce voiage et tout autre lieu, qu’il ne reçut tant de perte à son occasion, aiant fait tant de despanse ; et qu’il plut au Roi y avoir esgard, et, fallant à la serimonnie du Saint-Esprit, qu’il n’y perdit ce qui li ont. »
Et Madame de Noailles (Jehanne de Gontaut), écrit de son côté à la Reine-Mère, par lettre datée d’Agen du 18 de ce mois, « que Monsieur de Birague est arrivé de Mon-de-Marsan où il a laissé le Roy de Navarre et qu’il a de beaucoup servy en ce voiage pour le service de Vos Magestés et pour selluy de la Royne de Navarre. Il a telle affection à son service, ajoute-t-elle, que suivant le commandement que vous luy en aves faict, il a voullu l’abandonner qu’il ne la veoye près du Roy son mary. La Royne de Navarre, vostre fille, se donne beaucoup d’enhuy, voiant ce retardement, et de veoir que il y a des personnes près du Roy de Navarre, son mary, que luy font de très mauvais offices et le conseillent fort mal, comme il se peult assez cognoistre par la responce qu’il a faict à M. de Bellièvre, qui a esté trouvée bien mauvaise de tous les serviteurs de Vos Magestés ; mais j’espère tant en Dieu que les choses prendront telle fin que le Roy et vous, Madame, désirez[587]. »
L’année 1583 finit sans que la solution si ardemment désirée par Marguerite arrivât. Son époux, nous l’avons dit, ne cherchait qu’à gagner du temps. Quant à son frère, Henri III, retombé dans sa mollesse habituelle et ses plaisirs, il semble qu’à ce moment il l’ait complètement oubliée. « On n’entend plus parler de la Reine de Navarre, écrit de Paris Busini à Vinta, à la date du 27 décembre. Son mari n’a nulle envie de la reprendre ; et elle ne veut pas retourner à la Cour. Quant à M. de Chanvallon, il a écrit de Sedan, où il s’est réfugié, à la reine d’Angleterre, pour lui demander asile dans son royaume[588]. » Marguerite toutefois, malgré ses infortunes, n’oublie pas ses amis. Témoin cette jolie lettre, pleine de cœur, adressée d’Agen à sa mère, en ces derniers jours de 1583, et où elle lui recommande chaudement le sénéchal de cette ville, M. de Bajaumont[589].
« Madame, voiant les remumans qui sont survenus depuis quelques iours, il m’a samblé, Madame, que n’estoit à propos pour le bien et sureté de ce pais que Monsieur le sénéchal d’Agenés s’élongnast ; ce qui a faict que le voiant prest à partir pour se trover o premier jour de l’an à la Court, je l’ai prié de demeurer. Ce que je m’asure, Madame, sachant la fianse que vous aves en lui que le trouverés bon et pour se qu’il perdera pour ceste ocasion le moien de se présenter et de pouvoir demander l’honneur de l’ordre du Saint-Esprit ; ce qui ne serait resonable, n’estant retenu isi que pour le servise du Roi. Je vous suplie très humblement, Madame, le vouloir demander pour lui. L’on dit que le Roi les nomme et que l’on ni presante plus de requestes. Il ni peut nommer personne plus digne, plus homme de bien, ni plus votre serviteur. Il veut tenir ce bien de vous seule, Madame, vous aiant plus desdié de servise qu’a personne du monde ; ce qui m’afectione davantage et connaissant la bonne voulonté qui vous plait montrer aux ians d’honneur tels que lui et qui vous sont serviteurs comme il est des plus fidèles. Je ne vous an feré, Madame, plus longue supplication, et se porteur portant la despaiche que j’ai adressée à Monsieur de Belièvre pour vous randre conte du retour de M. de Birague et de la bonne espérance qui m’a aportée. Je ne feré cette plus longue que pour vous baiser, Madame, très humblemant les mains ; et, Madame, je vous suplie ancore très humblement obtenir cela du Roi et vous obligerès une personne de qui pouves tirer servise. C’est chose qui s’acorde à beaucoup qui n’an sont si dignes. Prie Dieu, Madame, qui vous donne une santé très heureuse et longue vie. Votre très humble et très obéissante servante, fille et sujete. »
ANNÉE 1584
« Maison de la Royne de Navarre. — Estat des gaiges des dames, damoiselles, gentilshommes et autres officiers de sa maison[591] ».
Les mêmes qu’en 1582, sauf en moins : | ||
Mme de Béarn |
Néant | |
Mme de Vermont |
— | |
Mme de Fredeville |
— | |
et en plus : | ||
Mme de Nouailles |
200 éc. | |
Mme de Surac |
Néant | |
Mme de Terride |
— | |
Mme d’Avantigny |
— | |
Mme du Bourg |
— | |
Mlle de Birac |
— |
Les mêmes qu’en 1582, sauf en moins : | ||
Mlle de Béthune |
Néant | |
Mlle Marguerite Burgensis demoiselle de Villesavin |
20 éc. | |
Mlle de Bois |
8 éc. | |
Mlle de Romefort |
— | |
Mlle de Certeau |
— | |
Mlle de Durfort de Duras |
46 éc. | |
Mlle Gabrielle de Raynier |
8 éc. | |
Mlle de Stanay |
28 éc. | |
Les deux filles de Mme de Birac |
Néant | |
Mlle Claude, de charge demoiselle de Vauberpier, gouvernante desdites filles |
30 éc. |
Les mêmes qu’en 1582, pas d’appointements. |
M. de Sainct-Thorens |
400 éc. | |
M. des Espaux |
— |
M. de Rupéreux |
200 éc. | |
M. des Espaux |
133 éc. | |
M. François de Lussan, sieur du Fauga |
— | |
Le sieur du Bourg |
— | |
Le sieur Guillaume Arthus, vicomte de Caen |
— |
Le sieur de la Tronche |
133 éc. | |
Le sieur de Louben |
— |
Le sieur d’Oranches |
100 éc. | |
Le sieur de Migermis |
— | |
Le sieur de Lavernay |
— | |
Le sieur du Dronzay |
— | |
Le sieur de la Liève |
— | |
Le sieur de Boullons |
— | |
Jacques de la Marche, sieur de Montagut |
— | |
Jehan Tournier, sieur de La Nauze |
— | |
Le sieur de Saulme |
— | |
Le sieur de Salelles |
— | |
Le sieur de Fongramier |
— |
Le sieur de Fredeville |
100 éc. | |
De Montifaut |
— | |
De Tuty |
— | |
Guy de Goulard, sieur de Marsan |
— | |
François de Cazolles |
— | |
Le sieur de Castelmore |
— | |
Jehan de Louis, sieur de la Souchardière |
— | |
Le sieur Morel |
— | |
Vidal Dermié |
— | |
Hérard de Pins, sieur de Limport |
— | |
Julien de Cambefort, sieur de Selves |
— |
Le sieur de Boissac |
100 éc. | |
De Maniquet |
— | |
De Medranna |
— | |
Guillaume de Rilhac, sieur de Lescot |
— | |
Jehan de Castenet, sieur de Campsegue |
— | |
Le sieur de Neufville |
— | |
Le sieur de Chassaigne |
— | |
François de La Rocque |
— | |
Guillaume de Blanval |
— | |
Fr. de Montaignac, sieur de la Rosselière |
— |
Le chevalier Salviati |
2 éc. | |
De la Plaigne |
100 éc. | |
De Montigny |
— | |
De Crécy |
— | |
De Matha |
— |
Les mêmes, sauf, en moins, Michel de Cruchet.
Me Nicolas Gallot |
40 éc. | |
Anthoine Buisson |
— |
Symon d’Auvergne |
20 éc. | |
Jehan Bazoches |
60 éc. |
Géraud Boissonnade |
200 éc. | |
Le sieur de la Mezure |
100 éc. | |
François Choisnyn |
133 éc. |
Pierre Berthin |
66 éc. 2 l. | |
Suit la liste de 22 valets de chambre, 1 maître de garde-robe, 1 valet de garde-robe, 4 huissiers de chambre, 4 huissiers de salle, etc., aux mêmes gages que précédemment. Mais la Reine, tout en reconnaissant les devoir, déclare ne pouvoir les payer en totalité, pas même quelquefois en partie.
|
Les mêmes, sauf, en moins, Parmentier.
Me François Rousselot, controleur général |
266 éc. | |
Jacques Lebreton |
66 éc. | |
Jehan Beloys |
— | |
Poncelet Charpentier |
— | |
Jehan Gaussin |
— | |
Pierre Chardon |
— | |
Noël Villeronde |
— |
Pierre Duchesne |
100 éc. | |
Claude Patin |
— | |
Gabriel Balbo |
75 éc. |
Me Antoine Charpentier |
500 éc. | |
Pour tous les autres offices, mêmes noms que précédemment, sauf quelques suppressions. |
Du dimanche 1er janvier au mardi 31, ladite dame Roine de Navarre et tout son train à Agen.
(Dépenses totales pour ce mois de janvier 2 267 écus, 47 sols, 11 deniers. Payé 2 237 écus, 18 sols, 11 deniers.)
Les négociations entre Bellièvre, Birague, Matignon, d’un côté, représentants du Roi de France, et Duplessis-Mornay, Yolet, Clervaut, de l’autre, ambassadeurs successifs d’Henri de Bourbon auprès d’Henri III, pour régler le sort de l’infortunée Reine de Navarre, continuèrent durant les trois premiers mois de cette année 1584, sans pouvoir aboutir. L’abondance des documents qui nous ont été conservés sur cette mémorable affaire nous fait un devoir de ne citer et même de ne résumer que les plus importants[592].
Dès le 2 janvier, le Roi de Navarre écrit à Charles de Birague, de Mont-de-Marsan, d’abord pour le remercier de lui avoir donné des nouvelles de sa femme, mais aussi pour l’avertir qu’il ne la recevra que lorsqu’il aura une réponse satisfaisante du Roi. « Je vous prie cependant, ajoute-t-il en terminant, faire entendre à ma fame qu’elle ne s’ennuie de cette longueur qui ne procède de moy et de laquelle il fauldra bientost veoir quelque fin ; et au reste l’asseurer que je continue tout jour en ce que je vous dis à vostre partement de ce lieu, comme aussy je vous prie faire tout jours estat de mon amitié. »
Et Birague de prévenir aussitôt la Reine Marguerite, la Reine-Mère et le roi Henri III des bonnes dispositions du Roi de Navarre « lequel, ce me semble, a eue très grande occasion de se contenter et demeurer satisfait[593].
N’est-ce pas à ce moment aussi qu’Henri de Bourbon écrivit à la Reine sa femme ces deux jolies lettres, publiées pour la première fois par M. Halphen et reproduites par Guadet, dans lesquelles il lui donne les motifs de sa conduite à propos de l’affaire de Mont-de-Marsan et la prie de patienter encore quelque temps. « Car, il importe et pour vous et pour moi, ajoute-t-il, qu’on veoye quand nous nous reassemblerons que ce soit de plein gré et sans aulcune apparence du contraire, et vous doibt suffire de ce qui s’est passé à vostre partement de Paris, sans que je veoye rien à vostre arrivée qui luy ressemble… Et lors je feroy paroistre à tous que comme je ne fais rien par force, aussy je ne crois rien sur les calompnies. C’est, ma mie, ce que je vous en puis dire pour le présent, remectant le surplus sur M. de Birague. Je vous baise bien humblemant les mains.
« Ma mye, sans ces brouillons qui ont troublé les affaires, nous aurions ce contentement d’estre à cette heure ensemble ; ilz ne m’ont point faict de plaisir[594]. »
Mêmes dispositions d’esprit d’Henri de Bourbon dans sa lettre du 4 janvier à M. de Vivans, où il affirme toujours qu’il reprendra sa femme, dès que le Roi aura fait sortir les garnisons des villes avoisinantes[595].
À quoi Henri III répond, dans sa lettre à Bellièvre, datée également de ce mois de janvier : « Si je pensois que mon dict frère fust en vérité meu des crainctes et considérations qu’il met en avant contre lesdites garnisons, je m’efforcerais de le contenter et passerais dès à présent par dessus toutes les raisons qui me retiennent de ce faire, car tant s’an fault que mon intention soit d’attempter à sa personne, que je désire plus que luy-mesme luy oster toute occasion de se deffier de ma bonne volonté. » Mais il croit devoir les maintenir par mesure de prudence ; « de sorte que ses raisons recherchées et basties sur fondements si foibles, au lieu de me contenter d’y condescendre à lever lesdites garnisons, seront plus tost suffisantes à me jeter moi-mesme en deffiance de la volonté de mon dict frère. » Néanmoins, il consent « à tirer d’Agen et de Condom les deux compaignies qui y ont esté mises et les esloigner de Nérac, pourvu qu’en mesme temps madicte sœur parte de celle d’Agen pour aller trouver ledict Roy, son mary… M. de Bellièvre, ce sera la réponse que je feray au sieur de Clervaut, de laquelle j’ai advisé vous advertir par ce porteur, afin que vous en conferiez avecques mon cousin le mareschal de Matignon…[596] »
Quant à la Reine de Navarre, elle ne cesse d’implorer dans ses nombreuses lettres, soit la clémence du Roi son frère, soit celle du Roi son mari, et de demander protection à sa mère, à Bellièvre, au mareschal de Matignon, à Pibrac lui-même, avec lequel elle n’hésite pas à se réconcilier à cette occasion, à tous ceux enfin qui veulent bien prendre en pitié son misérable sort[597].
Du mercredi 1er février au mercredi 29, ladicte dame Roine et tout son train à Agen.
(Total des dépenses pour ce mois de février, 1 950 écus, 41 sols, 9 deniers. Payé 1 929 écus, 29 sols, 9 deniers).
Marguerite était trop diplomate pour ne pas chercher, dès son arrivée, à s’attirer les bonnes grâces des Agenais. Bien qu’Agen fut sa ville, le comté d’Agenais lui ayant été donné le 18 mars 1578 par le Roi son frère, avec le Rouergue, le Quercy et les quatre Jugeries de Verdun, Rieux, Rivière et Albigeois, pour la couvrir d’une partie des rentes que lui constituait son contrat de mariage[598], elle avait à ménager les divers partis qui se disputaient cette cité, la Ligue commençant à y faire de nombreux adhérents. Mais la majorité de la population restait fidèle au Roi de France. Aussi accueillit-elle avec faveur l’arrivée de la Reine de Navarre, autant à cause de son commerce qui ne pouvait que gagner au séjour des serviteurs nombreux de la princesse, que parce qu’elle n’ignorait point sa mésintelligence avec son mari, dont elle ne pouvait oublier la turbulence et l’oppression lors de son séjour en 1577 ; Agen, du reste, était foncièrement catholique ; et tous ceux qui se targuaient de prendre en mains, comme Marguerite, la défense de la religion étaient sûrs de gagner les sympathies de ses habitants.
Marguerite descendit-elle à ce moment, comme elle devait le faire l’année suivante, au logis de la veuve de Pierre de Cambefort, cette jolie maison Renaissance, à pignons aigus, tourelles en encorbellement, fenêtres à meneaux élégamment ornées, porte au-dessus d’un perron demi-circulaire couronnée d’une accolade surmontée d’un fleuron et accostée de deux pinacles, et dont la façade, précédée d’une vaste cour, donnait sur la rue de l’Ave Maria[599] ? Tout porte à le croire, une tradition constante lui ayant toujours attribué cette maison comme lieu de séjour à Agen.
C’est donc là qu’elle dut recevoir, dès le 11 décembre de l’année précédente, c’est-à-dire quatre jours après son arrivée, une députation des consuls de Laplume, venant l’assurer de la fidélité des habitants de cette ville[600] ; et c’est de ce logis qu’elle expédia cette longue série de lettres, dont la plupart nous ont été conservées.
Nous avons déjà vu comment elle recommande à sa mère le sénéchal d’Agenais, M. de Bajaumont, et la supplie de lui faire octroyer par le Roi le collier du Saint-Esprit, à l’occasion du nouvel an.
Voici en quels termes élogieux elle plaide auprès du maréchal de Matignon, au commencement de cette année 1584, la cause des Agenais :
« Mon Cousin, ceulx de ceste ville m’ont dit qui vous despechoient un consul pour vous advertir de certains avis qu’ils ont eue, et m’ont priée vous tesmoigner le tort que l’on leur a dit vouloir prandre contre eux. Vous savés que ni a ville en Guienne qui se soit tousiours montrée plus afectionnée au servise du Roi que celle-si, qui n’a fait comme beaucoup d’autres qui n’ont voulu resevoir les garnisons ; et cete-si s’est toujours montrée obeissante à tous les commandemans qu’elle a resus de vous ; à quoi ils sont aussi résoleus de continuer et de ne reconnaître ni prendre nul parti que selui du servise du Roi, estant tous résolus de mourir plustost que retomber en la peine où ils se sont veus. Leur bon zèle mesrite bien qu’aies soin de les conserver ; outre ce qu’elle est plus importante pour le servise du Roi, après Bordeaux que nulle autre ; qui m’ampaischera, sachant combien vous l’avez en recommandation, de vous an dire davantage et vous remersier des honnestes offres qui vous a pleu me faire par vostre dernière lettre, qui me sont tousiours acroisance d’obligation ; et n’aves james faict moins d’estat de vostre bonne voulonté pour les paines que m’an aves tousiours randues. De quoi je desirerai me pouvoir revancher ausi dignemant, come je vous suis avec antière afection pour james, vostre plus afectionée et meileure cousine. Marguerite[601]. »
Et encore, dans cette autre lettre à Matignon où elle le remercie de ses « courtoisies » et de ses avances d’argent : « car, c’est an telle saison, écrit-elle mélancoliquement, que l’on counest ses vrais amis. »
« Nous ne sommes pas, ajoute-t-elle en terminant, sans beaucoup d’alarmes et de fraieurs de tous cotés, et vous asure que cette ville est bien résolue de se conserver an l’obeissance du Roi ; à quoi je tienderé la main, comme je dois pour le service du Roi, duquel j’atans tout mon appui et est ma seule consolation an tant d’afflictions et de dangers, et de penser avoir an vous un ami qui ne m’abandonnera comme je vous an suplie[602]. »
Marguerite ne pouvait se désintéresser de la question, qui, malgré les alarmes continuelles de ces temps de trouble, préoccupait à ce moment si fort les Agenais. Nous voulons parler de la fondation en cette ville du collège des Jésuites.
Nous avons déjà dit ailleurs[603] comment la municipalité agenaise, après avoir confié durant tout le xvie siècle l’éducation de la jeunesse à des régents pris indistinctement dans les deux religions, pourvu qu’ils fussent honnêtes et suffisamment instruits, s’était décidée, en 1582, à l’instar des autres grandes villes, à faire appel à la nouvelle congrégation de Jésus et à charger ces religieux de créer un collège dans Agen. De toutes parts les donations affluèrent. La maison noble de La Cassaigne, rue Grande-Horloge, fut acquise le 21 avril 1583, au prix de 2 333 écus, et chacun eut à cœur d’y apporter son obole. Les États du pays d’Agenais s’imposèrent pour une rente de mille livres ; l’évêque Janus de Frégose s’engagea à fournir une pension annuelle de 233 escus ; les chapitres de Saint-Étienne et de Saint-Caprais la somme de 500 livres ; les consuls et communauté d’Agen annuellement la somme de 1 200 livres ; Madame de Lisse, les meubles les plus précieux de son hôtel de Condom et de ses châteaux de Lisse et de Casseneuil, etc.[604].
Sollicitée par les consuls de contribuer, à titre de comtesse d’Agenais, à cette fondation utile entre toutes, la Reine de Navarre s’empressa d’accéder à leur demande, et, par lettres patentes du 23 février 1584, « reconnaissant combien les Jésuites aportent de bonne doctrine et enseignement à la jeunesse en leurs collèges, laquelle, estant nourrie au commencement de la cognoissance du verbe divin ne peut raporter pour le reste de la vie qu’une grande impression et sainte érudition pour ne tomber aux erreurs et hérésies, comme quelques-uns ont faict par le passé, auxquelles désirant estre pour à nostre possible, meme pour la jeunesse de ceste ville d’Agen, aux habitans de laquelle portons un singulier bon vouloir et dilection, poussée de désir à l’honneur de Dieu de gratifier et faire du bien à la susdite compaignie des Jésuites et leur donner plus de moyen d’entretenir à leur collège de cette ville des bons prédicateurs et bon nombre des régens pour l’instruction de la susdite jeunesse, à ces causes, avons par dévotion donné, légué, donnons et octroyons par ces presentes audit collège des Jésuites de pansion annuelle et perpétuelle pour chascun an la somme de huit vingt six escus, deux tiers, revenant à cinq cents livres, à prendre sur les premiers et plus clairs deniers de tous et chascun des droits et revenus à nous apartenans en nostre comté d’Agenois[605]. »
Marguerite déclare entendre que cette pension soit rachetée pour la somme de deux mille écus et elle en remet l’administration à Monseigneur l’Évêque d’Agen, ainsi qu’aux consuls de la ville. Enfin elle ajoute à cette donation annuelle la somme de 1 200 livres pour l’achat d’une maison voisine où serait élevée la chapelle du collège, désirant « que cette chapelle fût commencée avant qu’elle ne se retirât auprès du Roi son mari[606]. »
Certes la Reine de Navarre était sincère en comblant de ses bienfaits la ville d’Agen. Ses ressources malheureusement, surtout à ce moment, ne répondaient guère à ses libéralités. Aussi les consuls se virent-ils bientôt forcés d’exercer contre le trésorier de la Reine requêtes sur requêtes, pour qu’il exécutât les ordres de sa maîtresse ; ce qui amena dans la suite entre eux de nombreuses difficultés, que, malgré sa bonne volonté, cette princesse, toujours à court d’argent, ne put que bien rarement aplanir.
Du jeudi 1er mars au samedi 31, ladicte dame Roine de Navarre et son train à Agen[607].
(Total des dépenses pour ce mois de mars, 2 304 écus, 15 sols, 7 deniers. Payé 2 281 écus, 31 sols, 7 deniers.)
Tandis que Marguerite attendait impatiemment à Agen que son mari voulût bien la reprendre, celui-ci, tout en l’assurant chaque fois qu’il en avait l’occasion de ses bonnes intentions, ne se montrait nullement pressé de l’avoir auprès de lui. Le Roi de Navarre quitta Mont-de-Marsan le 17 janvier de cette année 1584 et se rendit directement à Pau. Il séjourna dans cette ville tout le mois de février et tout le mois de mars. Le prétexte était l’administration de ses États de Béarn, un peu trop négligée par lui durant ces derniers temps, et aussi le mariage de son écuyer et favori Frontenac, auquel il avait promis d’assister. La véritable raison, c’est qu’il cherchait à se rapprocher le plus possible de la belle comtesse de Gramont et de ses résidences habituelles de Guiche, de Bidache, d’Hagetmau surtout, où le Vert-Galant ne se gênait guère pour aller passer la plupart de ses soirées.
Depuis un an Corisande avait pris en effet sur Henri de Navarre un empire absolu ; « au point, lisons-nous dans Les Amours du Grand Alcandre, d’obtenir à ce moment du Roi une promesse de mariage, signée de son sang, et qu’il reconnut aussi le fils qu’elle avait eu précédemment de feu son mari Philibert de Gramont. »
Et d’Aubigné, qui ne pouvait pardonner à son maître d’oublier ses devoirs dans les bras de toutes ces charmeuses, d’écrire à ce propos dans ses Mémoires :
« Ségur s’en fut trouver le Roi de Navarre, à qui il rapporta que j’appelais publiquement la comtesse de Guiche sorcière, qui avait ensorcellé mon maître, et que j’avais même consulté la-dessus le médecin Hotteman pour savoir s’il ne connaissait point quelques philtres qui puissent désensorceller le Roi de Navarre ; ajoutant à tout cela qu’un prince des Huguenots avait autant de contrerolleurs de ses actions que de serviteurs. Comme il était piqué au jeu, il lui raconta encore que Monsieur de Bellièvre, logé vis-à-vis de la comtesse[608], la voyant aller à la messe accompagnée seulement d’un mercure, d’un bouffon, d’un more, d’un laquais, d’un singe et d’un barbet, m’avait demandé, en me citant les honneurs qu’on rend aux maîtresses des Rois de France, comment les courtisans de la Cour de Navarre laissaient ainsi aller la bonne amie de leur Roi, sans avoir l’honnêteté de lui faire cortège ; à quoy j’avais respondu qu’il n’y avait en nostre Cour qu’une noblesse généreuse et amatrice de la vertu, et que le mercure, le bouffon, le more, le laquais, le singe et le barbet qu’il venait de voir étaient les seuls esclaves qui y fussent[609]. »
On comprend donc les raisons pour lesquelles le Roi de Navarre cherchait à gagner du temps et à faire durer ainsi les négociations.
Le sieur d’Yolet qui, après d’Aubigné et Duplessis-Mornay, fut envoyé à la Cour le 26 décembre 1583[610], ne réussit pas autrement que ses prédécesseurs[611].
Il était réservé à M. de Clervaut, député en quatrième lieu auprès du Roi de France au commencement de cette année 1584, d’être plus heureux et de mener cette lamentable affaire à bonne fin[612].
Marguerite cependant, toujours déçue de ses espérances, redoute encore au début un nouvel échec :
« Monsieur de Bellièvre, j’ai resu depuis vostre partemant des lettres de la Roine par lesquelles elle me mande qu’elle avoit si bien parlé à Yolet qu’ele s’asuroit qu’à son retour il ni oroit plus de prolongation à mes afères, qui me fait croire que le sieur de Clervau n’i ora esté guère bien resu. Le roi mon mari a mandé à mon frère par créanse de M. de Laverdin et encore par intruction signée de lui qu’au retour de M. de Clervaut, il me verroit sans aucune remise, et M. de Laverdin m’an a fort asuré par un gentilhomme qui m’a anvoié, qui me fait avec l’esperance suporter mes annuis[613]. »
Les nouvelles arrivent pourtant chaque jour meilleures, et cela grâce à ses incessantes supplications et aussi aux bons offices de Bellièvre[614].
Ne vient-elle pas d’écrire à sa mère :
« Madame, suivant le commandement qu’il vous a pleu me faire par plusieurs de vos lettres, et le conseil que m’en a donné M. de Bellievre, que m’avés commandé de croire, j’escris au Roy. Vous sçavez, Madame, combien de fois j’ay recherché sa bonne grâce. Dieu veuille que cette-cy j’y sois plus heureuse qu’aux aultres. Puisqu’il ne m’a peu aimer par les merites de mon service et de ma très humble affection, j’espère, Madame, qu’ores que je suis accablée de tant de maux et d’ennuis qu’il m’aimera par pitié ; et si les Roys, comme l’on dit, sont semblables aux dieux qui aiment les cœurs affligés, le mien luy devra estre fort agréable. Je ne doubte point qu’il ne puisse faire beaucoup de bien comme il m’a faict de mal, lorsqu’il luy plaira me faire ressentir l’un, comme il m’a faict esprouver l’autre…[615] »
Et elle adresse en même temps la lettre suivante au Roy son frère :
« Sire, si les malheurs ne tombaient que sur moy, je serois seule misérable ; mais considerant qu’ils sont congneus bien qu’ils soient differens, cette difference ne m’est tant reprochable comme doibt estre la malice de ceux qui par leurs calomnies vouloient baptiser mon malheur execrable, ce qui n’est pas. Sire, vostre jugement soit donc mon juge équitable. Quittez la passion, et vous plaise de considérer ce que, pour vous obeir, m’a fallu endurer ; et telles passions, qui ne les a esprouvées, en blasmera les actions avant que les avoir considérées. Considérez-les donc, Sire, par les choses apparentes qui m’ont conduite là où vous me voyez. Encore que je sois vostre sœur et servante, et vous mon seul confort, j’espererois en la bonté de vous comme roy très chrétien[616]… »
En même temps elle écrit au maréchal de Matignon : « Mon cousin, je suis infinimant marrie de ce que m’escrivès pour ne recongnoistre par là le Roi mon mari et vous si bien ni an si bonne intansion que je l’ai tousiours désirée. J’espère que la responce qui viendra de la court accommodera tout cela, et de moi si je pouvois quelque chose, croiés, je vous suplie, que ji servires de bon cœur, sachant combien aiant creanse en vous come il an est auparavant, j’an pourrois esperer de contantement. L’on fait courre isi le bruict que M. de Belièvre i est retourné ; je le dessirerois, m’asurant que ce sera avec charge propre à accomoder les afères publiques et les miennes particulières, en quoi j’ai bien besoin de voir une pronte fin pour estre la longeur de mes annuis par trop insupportable. Toutefois quelque misère que j’aie, je suis tousiours an beaucoup de voulonté de vous servir come vous le connoigsteré an toutes les ocasions qui s’an ofriront, vous supliant faire estat de moi come de vostre plus afectionée et meilleure cousine.
Tant de peines allaient avoir leur fin[618]. Clervaut obtint d’Henri III qu’indépendamment de la garnison de Condom il retirerait également celle d’Agen et qu’il se contenterait de laisser cinquante hommes d’armes seulement dans Bazas. C’était entrer dans la voie des concessions. Il se hâta d’apporter cette bonne nouvelle à son maître qui lui donna l’ordre d’aller aussitôt le transmettre à Marguerite.
« Puisque M. de Clervaut, écrit-elle à Matignon, est venu de la part du roi m’apporter les assuranses de sa résolution de me revoir bientost, ce qui m’a encore esté confirmé par Frontenac, je panse avoir occasion de croire que je verrai une prompte fin aux lenteurs qui m’ont apporté tant de poines… Je vous supplie de croire qu’un des sujets qui me faict autant souhaiter d’estre auprès de luy est le désir que j’ay de vous voir tous deux bien ensamble, estimant que c’est le bien général et le nostre de tous trois en particulier… Je croy qui i a des persones qui n’ont l’esprit bandé qu’à accroistre et entretenir le mal ; et moi, misérable, je porte la poine de tout. Or, patience, j’espère que je trouveray autant de secours en Dieu que j’esprouve de malice aux hommes[619]. »
Du dimanche 1er avril (jour de Pâques) au jeudi 12, ladicte dame avec tout son train à Agen.
Un évènement, plus décisif que tous les arguments invoqués de part et d’autre, allait précipiter la solution de cette longue affaire. Nous voulons parler de la maladie subite du duc d’Anjou et du peu d’espoir que l’on eut bientôt d’obtenir sa guérison. Miné par une implacable maladie de poitrine, dont il avait ressenti déjà depuis temps les premières atteintes, François de Valois dut s’aliter dès les derniers jours du mois de mars. Sa sœur, qu’il aimait par dessus tout au monde, fut aussitôt prévenue.
« Mon cousin, écrit-elle dans l’affolement de sa douleur au maréchal de Matignon, à la date du 29 mars, la paine an quoi je suis de la maladie de mon frère ne m’a pas permis de demeurer plus lontans sans anvoier vers lui, et vous suplie me vouloir tant obliger de me mander ce que an aprandrés. La hate que j’ai de faire partir ce porteur qui san va vers lui ne me permet de faire cete lettre plus longue que pour vous suplier faire estat de mon amitié comme cele qui désire plus vous servir et vous demeurer vostre plus afectionée et meilleure amie. Marguerite[620]. »
Henri III ne se fit aucune illusion sur le sort qui était réservé à son frère. La succession au trône allait de ce fait devenir vacante. Il est juste de reconnaître que ce faible monarque fit preuve en cette circonstance d’une rare sagacité, et que, pour arrêter court les compétitions qui ne pouvaient manquer de se produire, il proclama bien haut, malgré tous les griefs et ressentiments qu’il avait contre lui, que son seul héritier serait désormais le Roi de Navarre.
« Je reconnais, dit-il publiquement à Mornay envoyé pour la seconde fois en ambassade auprès de lui par Henri de Bourbon, votre maître pour mon seul héritier. C’est un prince bien né et de bon naturel. Je l’ai toujours aimé et je sais qu’il m’aime. Il est un peu colère et piquant ; mais le fond est bon[621]. »
Désormais la réconciliation entre les deux époux s’imposait. Le Roi de Navarre le comprit ; et cédant aux instances de Mornay, lequel en un magnifique langage lui fit entendre raison, il arrêta lui-même toutes les dispositions qu’il y avait à prendre.
Le fidèle conseiller ne lui dit-il pas en effet : « Sire, les yeux d’ung chascun sont arrêtés sur vous. Il faut qu’en vostre maison on voye quelque splendeur, en vostre conseil une dignité, en vostre personne une gravité, en vos actions sérieuses une constance, ès moindres mesmes, égalité. Ces amours si découverts et auxquels vous donnés tant de temps ne semblent plus de saison. Il est temps, Sire, que vous fassiez l’amour à toute la chrétienté et particulièrement à la France[622]. »
Henri se le tint pour dit. Il écrivit aussitôt à Bellièvre : « Monsieur de Belièvre, depuis vous avoyr escrit, j’ay ouy Monsieur de Clervaut et veu la depesche que le Roy m’a envoyé par luy, par laquelle il me mande avoir ordonné à M. le mareschal de Matignon de tirer des villes de Condom et Agen les deux compaignies qui y ont esté mises, afin que je puisse mieux à mon plaisir recepvoir ma femme en ma maison de Nérac ; mais qu’il veut que les cinquante soldats mis dedans Bazas y demeurent pour la garde de ladicte ville. Ce qui m’a faict vous envoyer ce porteur exprès, afin que vous donniés ordre promptement de faire tirer desdites villes d’Agen et de Condom les dictes compaignies et de Bazas ce qui est par dessus les cinquante, en attendant que l’édit soit exécuté, afin que Sa Majesté soit obéie et satisfaicte d’une part et d’autre, pour aussitost après m’acheminer en ma maison de Nérac, et y faire venir ma femme et la y recevoir comme je doy[623]. »
Les garnisons de Condom et d’Agen furent aussitôt retirées et le roi de Navarre fit prévenir sa femme qu’il était prêt à la recevoir. On était à la veille de Pâques, qui cette année tombait le 1er avril. Malgré son ardent désir de réintégrer le domicile conjugal, Marguerite trouva bon de rester à Agen durant les fêtes, afin de pouvoir mieux y faire ses dévotions. Son mari accéda à ce désir.
« M. de Believre, écrit-il à ce dernier, parce que partant demain come j’avais délibéré, je ne pouvois arriver à Nérac que samedi ou dimanche, qui est le temps des dévotions, j’ay trouvé bon ce que ma femme m’a mandé, d’attendre jusques après Pasques ; et me semble qu’il sera plus à propos…[624] »
Enfin, d’un commun accord, l’entrevue fut fixée au vendredi 13, en la ville du Port-Sainte-Marie où la Reine de Navarre se rendrait seule venant directement d’Agen et où son mari irait la chercher.
Le vendredi 13 avril, ladicte dame et son train disne au Port Saincte Marie, souppe et couche à Nérac.
Certes, ce fut un jour mémorable dans la vie de la Reine Marguerite que ce vendredi, 13 avril, de l’année 1584 ; et ce ne dut pas être sans une bien légitime appréhension que l’infortunée Reine se rapprocha de son mari. Pour aussi misérable qu’ait été sa position dernière, que lui réservait l’avenir ? En quels termes allait-elle vivre désormais avec Henri de Bourbon ? Retrouverait-elle à Nérac, sinon le prestige ou même l’estime dont elle avait été entourée quatre ans auparavant, mais seulement le calme et le repos après lesquels elle soupirait ?
Marguerite toutefois eut la joie de voir, le matin de son départ, les Consuls d’Agen, en robe rouge, venir la saluer une dernière fois, la remercier des libéralités qu’elle avait accordées à la ville et l’accompagner en grande pompe, avec les jurats, depuis son logis jusqu’à la porte de la ville[625].
« Parvenue la première au Port-Sainte-Marie, écrit M. de La Ferrière dans sa monographie de Marguerite de Valois[626], la Reine alla à la rencontre de son époux. Sans dire un mot, le Roi l’embrassa ; puis, rentrant tous deux, ils montèrent dans une chambre du premier étage. Après s’être montrés à une fenêtre, ils se retirèrent au fond de l’appartement. Au bout d’une demi-heure, ils descendirent et Marguerite monta dans sa litière. Le Roi suivait à cheval. Durant toute la route, il s’entretint familièrement avec elle. « Êtes-vous content de moi ? dit-il à Birague qui les avait accompagnés. » « Je suis toujours satisfait, répondit-il, de tout ce qui peut donner du contentement à Votre Majesté. »
Où M. de La Ferrière a-t-il puisé ces renseignements si intimes ? Est-ce dans une lettre écrite par Birague, soit au Roi, soit à la Reine-Mère et qui se trouverait à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, seule source qu’il indique, mais avec beaucoup trop de vague ? Cette lettre du Roi de Navarre au Roi de France est en tout cas plus précise :
« Monseigneur, suivant le commandement qu’il a pleu à vostre Majesté me faire et le désir que j’ay d’y obéir et satisfère, je suis venu en ce lieu pour y recevoir ma femme, qui y est dès le treizième de ce mois ; de quoy je n’ay voulu faillir par Yolet, présent porteur, de vous advertir et vous ramentevoir la très humble et très fidêle affection que j’ai à tout ce qui touche le bien de vos affaires et service[627]…
Cette date du 13 avril concorde, nous le voyons, avec celle donnée par l’Itinéraire. Quant au lieu indiqué, ce doit être ou Nérac, ou plus encore le Port-Sainte-Marie, d’où le Béarnais s’empressa de dépêcher Yolet à la Cour pour qu’il prévint, sans tarder, le Roi de l’accomplissement de ce mémorable évènement.
Mais laissons parler surtout Michel de La Hugherie, cet envoyé du prince de Condé à Nérac pour offrir au Roi de Navarre son amitié et chercher aussi à lui faire contracter une alliance avec l’électeur de Cologne, afin de continuer la guerre, rabaisser l’orgueil de l’Espagne et porter une mortelle atteinte à la puissance toujours croissante de la maison de Lorraine.
Logé « en une hostellerie proche du logis du sieur du Pin, secrétaire du Roi, » La Hugherie eut plusieurs entretiens avec ce personnage et obtint de lui qu’il assisterait, caché, à l’entrevue du soir entre le Roi et la Reine de Navarre. Il vit aussi Pomponne de Bellièvre à qui il fut présenté par le Roi lui-même « dans sa belle allée de lauriers. »
« La Hugherye, lui dit le lendemain matin le Roi de Navarre qui l’avait mandé, mais qui déjà se trouvait à cheval entre la halle et son logis, je ne pourrai vous voir aujourd’huy, pour ce que je m’en vais recepvoir ma femme au Port-Sainte-Marie, et passeray tout ce jour en ceste affaire-là, laquelle je suis bien aise que vous voyez. »
Et la Hugherie continue en ces termes dans ses Mémoires :
« Peu après que j’eu laissé ledit sieur du Pin, le Roy et la Royne sa femme arrivèrent, environ les quatre heures, et furent tous deux seulz se promenant en la galerie du chasteau de Nérac jusques au soir, où je vey ceste princesse fondre incessament en larmes, de telle sorte que, quand ils furent tous deux à table où je les voulu voir (c’estait fort tard, à la chandelle en ce temps-là), je ne vey jamais visage plus lavé de larmes, ny yeux plus rougis de pleurs. Et me feyst ceste Princesse grande pitié, la voyant assise près du Roy son mary, qui se faisoit entretenir de je ne scay quelz discours vains par des gentilshommes qui estoient à l’antour de luy, sans que luy ny aultre quelconque parlast à ceste princesse, qui me feist bien juger ce que du Pin m’avoit dict que c’estoit par force qu’il l’avait reçeue. Et souddain qu’ilz furent levez de table, je me retiray, prévoyant que ceste réconciliation-là ne durerait guères et que tel traictement ferait prendre à ceste princesse nouveau party au trouble qui allait esclorre[628]. »
Ce tableau n’est-il pas un peu noirci, comme à plaisir ? Et devons-nous accorder une confiance absolue à ce récit d’un ennemi déclaré du Roi et de la Reine de Navarre, qui avait tout intérêt, n’ayant pas réussi dans sa mission, à présenter sous le jour le plus fâcheux l’aspect nouveau de la Cour de Nérac ? Une erreur, en tous cas, doit être relevée ici, soit qu’elle provienne de La Huguerie lui-même, ce qui donnerait encore moins de créance à son récit, soit qu’elle ait été commise par son éditeur M. de Ruble, assez coutumier du fait. Il est dit en effet dans ces Mémoires que l’envoyé du prince de Condé arriva à Nérac le 15 mai 1584, et, comme il y demeura trois jours pleins, qu’il en était parti le 19, le lendemain de l’arrivée de la Reine de Navarre. C’est donc à la date du 18 mai qu’il faudrait, d’après cet auteur, fixer cette arrivée. Or nous avons vu, par la lettre même d’Henri de Bourbon au Roi, datée du 13 avril, ainsi que par les livres de comptes de la Reine de Navarre, qui ne peuvent laisser subsister aucun doute, que ce n’est pas au mois de mai, mais bien le 13 avril, qu’eût lieu au Port-Sainte-Marie la réconciliation des deux époux, et que la Reine de Navarre, réintégra, le soir de ce même jour, à Nérac le domicile conjugal.
Un si grand nombre d’auteurs anciens ou modernes ont donné tant de dates fausses à cet évènement qu’il était bon, croyons-nous, d’y insister comme nous l’avons fait et de fixer à tout jamais ce point, demeuré douteux jusqu’à ce jour.
Du samedi 14 avril au lundi 30, ladicte dame et tout son train à Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois d’avril, 2 029 écus, 48 sols, 4 deniers. Payé, 1 898 écus, 22 sols, 4 deniers.)
Marguerite du reste semble bien vite avoir séché ses larmes, du moins si l’on en juge par les lettres qu’elle écrivit aussitôt après sa rentrée à Nérac, tant à sa mère qu’à Matignon ou au Roi son frère, et où tout à son aise elle leur exprime sa joie et son bonheur. « Monseigneur, écrit-elle dès cette fin d’avril au Roi son frère, je loue Dieu que je sois si heureuse que resevés plaisir du contentement où je suis avec le Roi mon mari ; et le suplye qui luy plaise nous maintenir aussi longtans an ceste bonne voulonté, comme je suis très résolleue, Monseigneur, de vous demourer pour james très humble servante, comme le devoir me le commande ; et tienderé à très grande félisité qui vous plaise le croire ainsy et m’onorer de vostre bonne grace et de vos commandemans, où je randeré tousiours, Monseigneur, très humble et très fidèle obéissance, comme celle que le ciel a faict naitre votre très humble et très obéissante servante, seur et sujete. Marguerite[629]. »
Mais une ombre continue d’assombrir ce tableau : la maladie de son frère bien-aimé.
« Madame, écrit-elle encore à ce moment à la Reine-Mère, Yolet vous dira l’honneur et bonne chère que j’ai resue du Roi mon mari et mon ami, et le contentement auquel je suis, qui seroit par faict si je vous savois, Madame, et mon frère an bonne santé ; mes avecq tele doute je ne puis vivre qu’an extreme paine, car il n’est jour que l’on n’an fasse courir bruis, qui me donnet de tres crueles appréhensions ; ancore que celui qui m’envoie Monsieur mon frère m’ait asuré qu’il l’avoit laissé sans fièvre, et vous, Madame, dict-on, hors de mal, comme il vous a pleu me escrire ; de quoi je loue Dieu…[630] »
Et au maréchal de Matignon :
« Mon cousin, estant revenu ancore un bruit de la recheutte des maladies de la Roine ma mère et de mon frère, j’ai pansé devoir ancore avoir mon recours à vous, comme à celui que je sai qui an pourra avoir nouvelles plus certenes et qui aprehanderoit plus ce malheur et plainderoit aussi autant mon desplaisir, lequel, despuis ses tristes et facheuses nouvelles, a bien changé ma joie an dœil, ne pouvant resantir ni espérer bien ni contantement an la préhension d’une si cruelle perte. Je vous suplie m’obliger tant que de m’escrire ce que vous an savés. J’estois sans cela trop heureuse, come je m’asure que Madame la mareschale le vous ora dict[631], de la compagnie de laquelle je vous ai tant d’obligation que je vous suplie de croire que je ne la puis james oublier et que je ne desirerois rien plus que d’avoir quelque bon moien de vous servir, ce qui serait avec mesme afection que la deves croire de votre plus affectionnée et meilleure cousine. Marguerite[632]. »
La joie d’Henri III et de la Reine-Mère d’avoir enfin obtenu ce qu’ils désiraient si fort se fait jour également dans les lettres qu’ils écrivirent à ce moment soit à Matignon soit à Bellièvre. « Mon cousin, écrit le Roi au maréchal, à la date du 28 avril, je sçais comme le sieur de Bellièvre a conduict l’affaire de ma sœur la Royne de Navarre au point que je le pouvais désirer, dont je suis très content envers luy et envers vous aussi, que je remercie d’avoir si bien aidé et contribué de vostre femme que vous lui avez envoyée et qui l’a si bien assistée et portée où son devoir requiert qu’elle demeure. »
Et Catherine de lui écrire ce même jour, également de Saint-Maur des Fossés où se trouve en ce moment la Cour de France :
« Mon cousin, je ne feray point longue lettre, car je me remestray au sieur du Laurens à cause de mon mal de teste ; mais sçachant que ma fille la Royne de Navarre est en bonne intelligence avec son mary, c’est ma parfaicte et entière guérison et de les sçavoir en semble comme Dieu et la raison commandent. Je sçay qu’il ne vous faut rien dire ny recommander de ce qui est sorty de ceste maison, et de ce qui est de l’honneur de la race. Priant Dieu, mon cousin, vous avoir en sa saincte garde[633]. »
Mais la lettre la plus curieuse, et que, malgré sa longueur, nous croyons devoir reproduire ici, tant à cause de l’intérêt général qu’elle présente que des détails piquants et rétrospectifs dont elle fourmille, est celle qu’adressa à Bellièvre, toujours en mission dans le midi, la Reine-Mère, aussitôt après qu’elle eut appris la réconciliation de sa fille avec le Béarnais :
« Je commancerai ma lettre par vous dire qu’après Dieu vous m’avés rendu la santé d’avoir par votre prudence et bonne conduite achevé une si bonne œuvre et si importante pour notre maison et honneur, d’avoir remis ma fille avec son mari, que je prie Dieu y puisse demeurer longtemps et vivre en femme de bien et d’honneur et en princesse dont méritent ses conditions d’être, pour le bien dont elle est née. C’est ce que je m’assure qu’elle fera et que Dieu lui assistera ; mais qu’elle continue à le reconnaître, comme l’on m’a assuré qu’elle a fait depuis que je ne l’ai vue. Je vous prie lui bien dire avant votre partement et lui remontrer toutes les choses que vous savez, mieux que je ne vous puis le dire, qui méritent être considérées et faites par telles personnes comme elle est, et aussi pour s’accompagner de gens d’honneur, hommes et femmes ; car outre que notre vie nous fait honneur ou déshonneur, la compagnie que nous avons nous y sert beaucoup, et principalement aux princesses qui sont jeunes et qui pensent être belles, Et elle pourra vous dire comme elle a toujours fait, que j’en ai de toutes façons, et en ai eues et hantées, étant jeune.
« À cela il y a une réponse qui ne saurait dire le contraire ; étant jeune, j’avois un Roy de France pour beau-père qui me bailloit ce qui lui plaisoit, et il me falloit lui obéir et hanter tout ce qu’il avoit d’agréable. Depuis qu’il fut mort, son fils que j’avois l’honneur d’avoir épousé, étoit entré dans sa place, à qui je devois pareille obéissance et plus. Et Dieu merci, encore qu’il vouloit ce que je faisois pour leur complaire, ces personnes n’ont jamais eu telle puissance sur moi et mes volontés qu’elles m’aient induites, ni que j’aie fait chose contre mon honneur et ma réputation, que, à ma mort, quant à ce fait, je n’en demande pardon à Dieu, ni que je craigne que ma mémoire en soit moins à louer. Et si, à cette heure que je suis veuve, elle pourroit dire, étant maîtresse de moi, que je les devois toutes éloigner et n’en hanter nulle. J’ai eu affaire à conserver tous les sujets des rois mes enfans, et les attirer à m’assister à leur faire service et non à les offenser, et ce que par raison ils devoient avoir le plus cher, que n’étant ni leur mère, ni parente, n’y voyant que ce que tout le monde y voit, je ne les desirois scandaliser. Et aussi, étant ce que je suis connue par tout le monde, ayant vécu comme j’ai jusques en l’âge que j’ai, je puis parler et hanter tout le monde. Et en cela qu’elle fasse comme moi, et en mon âge elle en pourra faire sans offense de Dieu ni scandale du monde. Mais, étant la fille du Roi, ayant épousé un prince encore qui s’appelle Roi, l’on sait bien qu’il la respecte tant qu’elle fait ce qu’elle veut, qui est cause que je dis qu’elle doit rejeter tout ce qui n’est digne d’être auprès d’une sage et vertueuse princesse, jeune, et qui pense d’être peut-être plus belle qu’elle n’est. Je sais bien que, quand vous serez hors d’auprès de là, je ne saurai par qui lui faire dire tout ceci ; car de lui écrire, à cette heure qu’elle est avec son mari, je ne lui écrirai plus rien qu’il ne puisse voir. Aussi, je vous prie lui dire qu’elle ne fasse plus comme elle faisoit, de faire cas de celles à qui il fera l’amour ; car il pensera qu’elle soit bien aise qu’il aime autre chose, afin qu’elle en puisse faire de même. Et qu’elle ne m’allègue en cela ! Car, si je faisais bonne chère à Madame de Valentinois, c’était le Roi ; et encore je lui faisois toujours connaistre que c’estoit à mon très grand regret. Car jamais femme qui aime son mari n’aime sa putain ; car on ne peut les appeler autrement, encore que le mot soit vilain à dire à nous autres. Et qu’elle ne souffre plus qu’il fasse l’amour dans sa maison à ses filles ni femmes ; car si j’eusse été aussi bien la fille de son Roi, comme il était mon Roi, je vous assure que si je l’eusse su, je ne l’eusse enduré ; quand on ne sait, l’on est excusé, ou que ce sont femmes sur qui l’on n’a puissance. Je crois que cela lui a fait mal en son endroit et qu’il a pensé qu’elle ne l’aimoit point. Mais en lui obéissant en ce que la raison veut et que les femmes de bien doivent à leur mari, et ses autres choses, quand elle lui fera connaître que l’amour qu’elle lui porte et ce qu’elle est ne lui peuvent faire endurer, il ne le saurait que trouver très bon et estimer, et l’aimera davantage.
« Je vous en ai voulu mander mon avis et vous prie de lui dire avant de partir et tout ce que vous pourrez ajouter, de quoy je ne me serois avisée ; comme vous aves plus de jugement, et, étant sur les lieux, pourrez mieux connaître ce qui sera nécessaire de lui remontrer et conseiller. Vous avez fait tant que ce peu je m’assure ne l’auriez oublié, encore que je ne vous l’eusse mandé ; mais l’affection de mère et le désir qu’elle puisse vivre heureusement et avec honneur m’a fait vous mander ceci ; car je connais tant par tous vos effets combien vous êtes affectionné, que de ma part je m’en sens tant obligée que je n’aurai de repos en mon esprit que je n’aye reconnu par quelques bons effets le service que vous avez fait, et je vous prie croire que j’en chercherai toutes les occasions et les moyens, pour n’être ingrate de ce qui m’a rendue si contente.
« Vous saurez par ce porteur toutes nos nouvelles et de votre femme qui n’a plus de fièvre ; qui sera cause que je ferai fin, priant Dieu vous avoir en sa sainte garde.
« De Saint-Maur-des-Fossés, ce xxve avril 1584.
« La bien vostre.
Et M. le comte Baguenault de Puchesse, qui le premier a publié cette lettre[635], d’ajouter : « On ne s’attendait pas assurément à voir la Reine-Mère présenter d’une façon si complète une sorte d’apologie de sa conduite passée et présente. Revenant sur le temps de sa jeunesse, elle rappelle ce qu’elle dut supporter de François Ier et de Henri II, et semble cette fois moins sûre de la vertu de Diane de Poitiers[636]. Quant à ses dames d’honneur, elle avoue qu’elle en a gardé beaucoup par nécessité, mais qu’elle voudrait voir à sa fille de meilleures connaissances. »
Du mardi 1er mai 1584 au jeudi 31, ladicte dame et tout son train audict Nérac.
(Total des dépenses pour ce mois de mai, 1899 écus, 40 sols, 6 deniers. Payé 1628 écus, 16 sols, 9 deniers.
La Cour de Navarre n’était pas à Nérac depuis un mois qu’Henri de Bourbon apprit tout à coup que sa sœur, Catherine, était tombée gravement malade à Pau, ville qu’elle ne quittait guère et où son frère l’avait investie de tous les droits de souveraineté. Aussitôt il va la voir, mais non sans prévenir le Roi son maître par cette lettre du 10 mai :
« Monseigneur, je suis veneu en ce lieu de Pau en grande haste, à cause de l’extresme maladie de ma seur ; laquelle commençait à se mieux porter ; je me delibère de partir demain pour aller à Nérac, où est ma femme, pour incontinent après m’achemyner en Languedoc, par l’advis de M. de Bellièvre, qui m’a faict entendre estre besoin pour vostre servise de m’y rendre au plus tost[637]. »
Henri quitta Pau en effet le 12 mai et rentra à Nérac le 13, après avoir couché le premier jour à Nogaro et diné le lendemain à Sos. Mais il en repartait le 16 pour parcourir à petites journées la Gascogne et se diriger vers son comté de Foix où il resta tout le mois de juin et celui de juillet[638]. Marguerite, durant ce temps, demeura toute seule à Nérac.
« Monseigneur, écrit-elle à son frère, au bas d’une lettre où elle le remercie bien humblement de ce qu’il vient de faire pour elle, je ne vous escris rien des aferes de ce pais, pour ce qu’elles sont toujours an mesme estat. Nous atandons Messieurs de Matignon et de Belièvre, et le Roi mon mari et moi ne sommes ansamble, aiant esté contrentz de nous séparer tous pour le mauvès air, estant morte une de mes filles en ce chasteau. Soudin que nous serons rasemblés, je ne fauderé, s’il survient quelque nouveauté, de vous en avertir[639]. »
Malgré « le mauvais air », Marguerite ne quitta point, ce mois de mai, le château de Nérac, où elle surveillait les nombreuses réparations que son mari avait jugé utile d’y effectuer. Ne voyons-nous pas en effet, dans les registres de la Chambre des Comptes de Nérac, qu’en cette année 1584 il est question : « de la construction d’un nouveau bâtiment au château de Nérac », d’un meilleur agencement de la chambre de la Reine de Navarre, de l’entretien tout particulier des jardins, tonnelles et escalier de la tour, de l’achat d’arbres et de plantes exotiques ? etc.[640] Ne faut-il pas du reste aménager le plus convenablement possible la vieille demeure des d’Albret, en vue de recevoir l’hôte puissant, dont on annonce déjà la venue, le favori entre tous d’Henri III, l’archi-mignon, comme on l’appelle à la Cour, presque le vice roi, le fameux duc d’Épernon ?
Cliché Ph. Lauzun
PRIS SUR UN MANUSCRIT DE 1782
signé Dupin de Francueil
Ce fut en effet vers le milieu de ce mois de mai, et non après la mort de son frère[641], qu’Henri III eut l’idée d’envoyer en Gascogne, Jean-Louis de Nogaret de La Valette, premier duc d’Épernon, avec la mission d’offrir officiellement au Roi de Navarre la couronne de France en qualité de premier héritier du roi régnant, mais à la condition que ce prince abjurerait la religion protestante, se ferait catholique et reviendrait à la Cour. Les deux Rois contracteraient en même temps un traité d’alliance offensive contre la maison de Lorraine et la Ligue, dont les visées devenaient chaque jour plus inquiétantes.
« Le 16 may, écrit L’Estoile dans son journal, le duc d’Épernon soupa avec le Roy au logis de Gondy au faubourg Saint-Germain, d’où il partit, après avoir perdu deux mille cinq cents écus au passe dix contre ledict de Gondy, pour aller en Gascogne trouver le Roy de Navarre et lui porter lettres de Sa Majesté, par lesquelles elle le priait, pour ce que la vie du duc d’Alençon était déplorée, de venir à la Cour et d’aller à la messe, parce qu’il le voulait faire reconnaître pour son vrai héritier. Il s’en alla accompagné de plus de cent gentilhommes, à la plupart desquels le Roy donna cent, deux cents et trois cents écus pour se mettre en bon équipage. »
Scipion Dupleix lui attribue la même cause, « Le Roy ayant permis à d’Épernon d’aller en Gascogne pour visiter la dame de La Valette sa mère, laquelle il n’avait point veue depuis sa grande faveur, et voulant l’employer envers le Roy de Navarre, duquel il désirait plus ardemment que jamais la conversion à la religion catholique, comme le seul moyen de le faire déclarer légitime successeur de la couronne, et de destruire entièrement la Ligue. Il l’instruisit donc de ses volontés sur ce sujet et lui donna pour conseil es occurences nécessaires Bellièvre[642]. »
Marguerite apprit cette nouvelle à Nérac. Mais comme son mari se dirigeait vers le comté de Foix, où devait avoir lieu l’entrevue, elle n’en eut nul souci pour le moment. Son esprit n’est tourné que vers son frère agonisant. Elle ne pense qu’à lui, se désole et malgré tout conserve encore quelque espoir : « Mon cousin, écrit-elle vers la fin de ce mois de mai au maréchal de Matignon, je ne vouderais que Montigni s’an retournast an Franse sans vous escrire et vous remersier des bonnes nouvelles que m’aves mandées de mon frère, duquel je connaissais desia à estre an poine ; car, aiant sa maladie esté si dangereuse, je ne me puis asurer si je pase un ou deux jours sans en savoir. J’en ai eu du Roi mon mari qui n’avait encore vu M. d’Espernon et l’atandait. Il m’asseure que deves aussi an estre si bien averti que je n’an alongeré ma lettre, et vous supplieré pour fin croire que n’aves nulle amie de qui fassiés estast qui vous désire plus servir que vostre plus affectionnée et meilleure cousine. Marguerite[643]. »
Et encore à M. de Villeroi : « … Si je n’avais peur de vous donner trop de poine, je vous suplierois, despaichant à M. le mareschal de Matignon, me vouloir escrire des nouveles de la santé de mon frère, de qui on me donne tous les jours de nouvelles fraieurs[644]. »
Tout espoir de sauver le duc d’Anjou était depuis lontemps perdu. Marguerite devait apprendre sous peu le fatal dénouement.
Du vendredi 1er juin au samedi 30, ladicte dame Roine et son train audict Nérac.
(Total des dépenses pour ce mois de juin, 2.000 écus, 54 sols, 8 denier. Payé, 1. 697 écus, 18 sols, 1 denier.)
Le dimanche 10 juin, François de Valois, d’abord duc d’Alençon, puis duc d’Anjou, expirait à Chateau-Thierry, où il s’était retiré depuis le commencement de sa maladie, plutôt depuis sa rechute, provoquée par le dernier désastre qu’il avait essuyé dans les Flandres et connu dans l’histoire sous le nom de « la folie d’Anvers[645]. »
Si cette mort faisait du Roi de Navarre l’héritier présomptif de la couronne de France, elle enlevait à Marguerite son meilleur appui, sa dernière espérance. Toute à sa douleur, elle arrête momentanément au château de Nérac les réparations commencées, revet sa chambre, et comme au château de Pau celle de son mari, de tentures de deuil, ordonne que toutes les dames et tous les gentilshommes de sa suite se couvriront de noir et ne veut plus entendre parler ni de fêtes, ni de réceptions[646]. Bien plus, elle déclare à sa mère ainsi qu’au Roi son mari que si d’Épernon vient à Nérac, elle refuse de le recevoir, « préférant s’absenter plutôt que de troubler la fête. »
De l’archi-mignon, en effet, Marguerite avait beaucoup à se plaindre. Elle ne pouvait oublier qu’à la Cour de son frère d’Épernon s’était montré son plus cruel ennemi, et qu’il se trouvait à côté du Roi, le soir du 7 août où ce monarque l’avait en pleine fête si outrageusement insultée. Aussi persista-t-elle dans sa résolution. Il fallut pour l’adoucir que la Reine Mère donnât l’ordre formel à Bellièvre de lui faire entendre raison[647].
« Madame, lui écrivit-il de Pamiers, le jour même de l’entrevue entre le Roi de Navarre et d’Épernon, ce m’est et ce me sera toute ma vie un extrême regret de vous écrire pour une occasion qui m’est et à tous les serviteurs de cette couronne si dure à supporter. Vous aves perdu votre frère qui vous aimait uniquement. Dieu vous a conservé la Reine votre mère, qui s’intéresse plus de vous que de sa propre vie ; elle m’a commandé de vous soumettre la lettre qu’elle vous écrit sur le refus qu’aves fait de recevoir M. d’Épernon. Si le Roi votre frère, en l’envoyant, ne lui eut pas commandé de vous visiter, il eut semblé à ce prince qu’il ne veut pas de vous au rang d’amitié que tous les gens de biens désirent qu’il fasse. Je vous écris par le commandement de votre mère, vous suppliant de vous conformer à ses instructions. C’est l’avis de tous vos amis à la Cour. Donnez-moi la charge de dire au duc d’Épernon que vous lui ferez bon accueil[648]. » Et Brantôme d’ajouter que la Reine de Navarre finit par consentir à ce que sa mère lui demandait, mais avec cette réponse au Roi son mari : « Eh bien, Monsieur, je demeureray et lui fairay bonne chère, pour votre respect et l’obédience que je vous doibs. Mais, ces jours là, je m’habilleray d’un habillement dont je m’habillay jamais qui est de dissimulation et d’hypocrisie ; car je masqueray si bien mon visage de feintise, qu’il n’y verra que tout bon et honneste recueil et toute douceur ; et pareillement je poseray à ma bouche toute discrétion[649]. »
Combien préferait-elle s’entretenir à ce moment avec l’évêque de Dax, François de Noailles, de la perte de son frère bien-aimé et recevoir de ce prélat quelqu’une de ses lettres, toujours si dignes et si compatissantes, dans le genre de celle-ci :
« Du 20 juin 1584. Madame, Si la perte de laquelle il a pleu à Dieu visiter non seullement vostre Majesté et toute la France, mais aussi toute la chrétienté, fut advenue il y a deux ans ou trois ans et lors que vous n’aviez encore goutté que tout l’heur et félicité que la fortune peult despartir aux grands, je n’eusse ozé vous adresser cete-ci. Mais puisqu’il a pleu à Dieu vous laisser naguère boire à longs traitz le calice d’affliction auquel vos ennemis avoient destrampé l’amertume de vostre propre intérêt, j’estime à la vérité qu’elle n’aura non seullement désagréable ce mien petit office de consolation, mais que ce sera aussi chose superflue de la consoler sur l’occasion qui s’offre, et comme dict l’Arioste :
Portar, come si dice, a Samo vasi,
Nottole a Athene, e crocodilli a Egitto.[650]
« Car vostre innocence a tellement sceu appeler à son secours la prudence et la patience ensemble, que la victoire vous en est demeurée…[651] » Quatre jours avant la mort du duc d’Anjou, Marguerite avait perdu également l’un de ses plus anciens et de ses plus dévoués serviteurs, son ex-chancelier Pibrac, qui mourut à Paris le 6 juin, âgé seulement de cinquante six ans. Certes, sa disparition fut moins cruelle pour elle que celle de son frère. Néanmoins, elle le regretta vivement, ne pouvant oublier ni la charge qu’il avait remplie si convenablement autrefois auprès d’elle, ni sa passion pour sa personne, ni les lettres arrogantes et souvent injustes qu’elle lui avait écrites et qui l’avaient brouillée si tapageusement avec lui trois ans auparavant, ni surtout les services tout récents qu’il avait bien voulu lui rendre encore au près de sa mère, alors que, misérable et abandonnée de tous, elle avait fait appel à son bon cœur et à sa générosité. « Peu de jours auparavant que le duc d’Anjou mourut, écrit à cet effet Guillaume Colletet dans sa Vie de Guy du Faur de Pibraci, nostre grand Guy de Pibrac[652], après avoir souffert les ennuis d’une longue maladie, mourust aagé de 56 ans, l’an 1584, le 6 des cal. de juin, après avoir esté jugé très digne de succéder à la charge de messire Christophe de Thou, premier président au Parlement de France, que la mort venoit de ravir au grand regret des Français. »
C’est du 20 au 25 juin qu’eut lieu à Saverdun d’abord, puis à Pamiers, l’entrevue du Roi de Navarre et de d’Épernon. Dupleix, dans son Histoire d’Henri III, nous en a transmis tous les détails. « Le Roi de Navarre, aiant connoissance du crédit que le duc d’Épernon avoit auprès du Roy et de la commission qu’il lui avoit donnée, n’attendit pas qu’il le vint trouver, ainsi que le duc s’y acheminoit et déja estoit à Saverdun pour descendre à Pamiers où estoit le Roy de Navarre, à quatre lieues l’un de l’autre. Le Navarrois par une cavalcade inopinée le devança et l’alla trouver à Saverdun, où il n’y eut que des compliments, le duc se réservant à luy exposer commandemans de Sa Majesté avec plus de bienséance en luy rendant ailleurs ses devoirs. Le Roy de Navarre estant donc retourné à Pamiés, le duc d’Épernon y alla le lendemain, accompagné de plus de cinq cents gentilshommes. Le Navarrais par un excès de faveur avait délibéré de luy venir au devant ; mais n’aiant que peu de noblesse pour l’accompagner, son conseil trouva plus à propos qu’il l’attendit à pied hors de la ville. Ce qu’il fit. Et aiant accueilli très gracieusement le duc le traita avec toute sorte de magnificence. » D’Épernon lui exposa alors les motifs de son ambassade ; « Que le Roi, n’ayant plus de frère, désirait le tenir en son lieu et place ; qu’ayant perdu tout espoir des enfants de son mariage, il le voulait faire déclarer et recognoistre pour le plus proche et légitime successeur de sa couronna » ; que toute la noblesse de France ne demandait qu’à l’acclamer comme tel, mais à la condition qu’il se fit catholique ; et qu’ainsi, d’accord avec son maître, il pourraient tous deux combattre utilement et efficacement les ennemis du royaume.
Henri de Bourbon en « fut grandement émeu. » Mais les ministres veillaient à ses côtés, et n’eurent pas de peine à lui faire comprendre que, l’ayant si souvent berné, le Roi de France « n’estoit même plus assez puissant pour s’an faire croire. » Il déclara donc à d’Épernon qu’il ne changerait jamais de religion, tout en l’assurant de son dévouement au Roi et en le remerciant « du soin qu’il prenait de ses intérets. »
L’entrevue de Pamiers était terminée, sans avoir pu aboutir. D’Épernon, cependant, ne se découragea pas, et il demanda au Roi de Navarre de le revoir encore à Pau, puis à Nérac, où le duc avait promis au Roi son maître d’aller visiter sa sœur. Henri y consentit de bonne grâce et partit immédiatement pour Pau, où il arriva le 30 juin au soir, afin de l’y recevoir.
Du dimanche 1er juillet au mardi 31, ladicte dame et tout son train audict Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois de juillet 2.361 écus, 54 sols, 11 deniers. Payé 2.122 écus, 3 sols, 3 deniers).
Le Roi de Navarre demeura à Pau du 1er au 11 juillet. De grands préparatifs furent faits pour recevoir dignement l’envoyé du Roi de France.
La vaisselle d’argent royale fut aussitôt mandée à Nérac. D’autre fut louée à Michel du Baile « afin de servir, le 10 juillet, au festin que S. M. a faict à M. d’Épernon. » On alla chercher des corbeilles de fruits à Orthez. Des chasseurs furent mis en campagne, qui rapportèrent, « le 6 juillet, quelques servis, chevreuils et autres bêtes fauves de la vallée d’Ossau ; d’autres, quelques autres bêtes fauves et autres pièces de gibier de la vallée d’Aspe, pour servir aux festins que S. M. a faicts à M. d’Épernon. » Un envoyé extraordinaire partit pour Mazères, afin d’en rapporter des hérons. Enfin on depescha deux hommes sur les pics les plus élevés des environs « pour rapporter de la neige, toujours afin de servir audict festin[653] ». Seulement toute la Cour était en habits de deuil.
Au jour fixé, le roi de Navarre, avec une plus brillante escorte de gentilshommes qu’à Pamiers, alla jusqu’au hameau de Pontacq, distant de Pau de quatre lieues, à la rencontre du duc d’Épernon[654].
Mais, pas plus en Béarn que dans le comté de Foix, d’Épernon ne réussit dans son entreprise. Le Béarnais demeura inflexible. Il ne restait plus à l’archimignon qu’à venir à Nérac présenter, ainsi qu’il en avait reçu l’ordre du Roi son maître, ses hommages à la Reine Marguerite. D’Épernon quitta Pau le 11 juillet. Il n’arriva cependant dans la capitale de l’Albret que les premiers jours du mois d’août. Sans doute que, dans l’intervalle, il dut aller rendre visite à sa mère Madame de La Valette, Jeanne de Saint-Lary de Bellegarde, et mettre quelque ordre dans la gestion des nombreux domaines qu’il avait en Gascogne, au château de Caumont notamment qu’il possédait comme fief patrimonial, mais non encore à celui de Cadillac, que ne devait lui apporter que trois ans après sa femme Marguerite de Foix Candalle.
Du mercredi 1er août au samedi 11, ladicte dame et son train audict Nérac.
Fidèle à la promesse qu’elle avait faite à Bellièvre, la Reine de Navarre, malgré son aversion pour le personnage, consentit à recevoir le duc d’Épernon, mais ce fut bien à contre-cœur. La lettre suivante en fait foi :
« Mon cousin, écrivait-elle déjà le 7 juillet au maréchal de Matignon, je resus ancore hier par Praillon que M. de Bellièvre m’envoie une lettre de la Roine ma mère, pleine de commandemans si exprès pour voir Monsieur d’Espernon, avec telles cominations, d’autant que jaime sa vie et son repos, qui ne m’a forsée à lui obéir ; ce que toutefois j’ai encore remis après an avoir averti et resu le commandement du Roi mon mari, auquel je dois ce respaict. J’espère sa response dans six ou sept jours, et après je croi qui fauldra que je souffre ceste veue. Je la voi si afligée de la perte que nous avons faicte que certes la crainte que j’ai de l’annuier et la perdre me faict faire une force à moi-mesme que je ne pansais être an ma puissance ; et me voiant contrainte à consantir à sa voulonté, je n’ai voulu faillir de vous an avertir soudin comme selui de tous mes amis que j’onore plus et par qui je dessire plus resgler mes actions, sachant que je ne les puis guider par plus prudent conseil ni qui serait obligée de plus d’afection et bons ofises ; de quoi je vous supplie croire que me connoistrés toujours très désireuse de m’an revancher et vous servir, come vostre plus afectionnée et meilleure cousine. Marguerite[655]. »
La Reine de Navarre ne négligea cependant rien pour faire en cette occasion, ainsi qu’elle en avait l’habitude « grand appareil. » La vaisselle d’argent fut rapportée de Pau à Nérac. Le vieux château des d’Albret prit encore un air de fête ; et Marguerite ne dédaigna point de s’adresser à ses bons amis d’Agen pour louer « chez les estagniers » de cette ville « 17 douzaines de plats, 24 nappes et 24 douzaines de serviettes[656]. »
D’Épernon arriva à Nérac le samedi soir, 4 août. Henri de Navarre, venant de Lectoure, y était arrivé dans la matinée de ce même jour. L’envoyé du Roi de France y demeura deux jours, le 5 et le 6 août. Les livres de comptes de Marguerite l’attestent suffisamment, par l’état des dépenses extraordinaires qui furent faites à ce moment[657]. Quant à l’entrevue, Brantôme nous en fournit tous les détails.
« Pour rendre donc content le Roy son mari, écrit-il, car elle « l’honorait fort, aussy luy rendoit il de mesmes. Elle se desguisa de telle façon que M. d’Épernon venant arriver en sa chambre, elle le recueillit de la mesme forme que le Roy l’en avait priée et qu’elle luy avait promis ; si bien que toute la chambre, qui estoit pleine d’une infinité d’assistans qui se pressoient pour veoir ceste entrée et entrevue, en furent fort esmerveillés. Et le Roy et M. d’Espernon en demeurèrent contens ; mais les plus clair-voyans et qui cognoissaient le naturel de la Reine se doubtaient bien de quelque garde dedans. Aussy, disoit-elle qu’elle avoit joué un rolle en ceste comedie mal volontiers. Je tiens de bon lieu tout cecy[658]. »
Marguerite ne se fait pas à cette visite de son ancien ennemi. Elle redoutait quelque piège de sa part. Henri de Navarre de son côté n’était guère plus rassuré de les voir l’un à côté de l’autre. Aussi jugea-t-il à propos de se rendre lui-même à Nérac, et, comme son devoir le lui prescrivait, d’assister à l’entrevue. « Mais aussi, dit Dupleix, le Roy de Navarre, qui redoutait l’esprit de sa femme, arriva incontinent à Nérac, où le duc d’Épernon, come il a esté toujours adroit et prudent, leva de leurs esprits toutes sortes de soubçons et de deffiance[659].
Les choses marchèrent mieux qu’on ne l’avait supposé, témoin cette curieuse lettre de Madame de Noailles, Jeanne de Gontaud, à la Reine-Mère, où elle l’entretient de tout ce qui se passe en ce moment à Nérac :
Du 5 août 1584. « Madame, S’en retournant le sieur de La Roche trouver V. Majesté, j’ay bien volleu par luy, Madame, vous faire entendre des nouvelles de la Royne de Navarre (vostre filhe) qui se porte bien, la grâce à Dieu, et mesmes despuis qu’elle a esté assurée de vostre santé. Le Roi son mary arriva en ce lieu sapmedi et Monsieur d’Épernon aussy[660]. La Royne de Navarre vostre filhe luy a faict fort bonne chère, sçaichant, Madame que vous l’auriez bien agréable comme ledict La Roche vous pourra dire. Le Roy de Navarre à son retour a faict fort bonne chère à la Royne, sa femme, et luy a teneu tant d’honnestes propos qu’elle en a beaucoup de contentement ; et croyez, Madame, qu’elle faict tout ce qu’elle peult et que vous pouvés désirer pour conserver son amityé ; et me remectant audict sieur La Roche, je ne vous en diray davantage sy n’est, Madame, vous assure du fidelle et très humble servise que je désire vous faire pour ma vye et de vous rendre l’obeissance que je vous doibs. M… » Et en post-scriptum. « Madame, depuis ma lettre escripte, M. de Pernon a parlé si longuement à la Royne de Navarre vostre filhe, qu’elle m’a dict qu’elle estoit fort contente de luy. Il m’a dict aussi le semblable ; et s’en retournet aussy content qu’il pouvoit désirer ; et je m’assure, Madame, que vous aurez plaisir de sçavoir ceste nouvelle. Ledict sieur de Pernon vous, en rendra de plus certaine dans peu de jours[661]. »
Madame de Noailles se faisait quelque peu illusion sur les sentiments vrais du duc d’Épernon. Sa mission avait totalement échoué. Aussi, comprenant qu’il n’avait rien à attendre pour le moment ni du Roi ni de la Reine de Navarre, ne resta-t-il que peu de temps à Nérac. Il en repartit le 7 au matin, pressé de rejoindre à Lyon, où il l’attendait impatiemment, son maître le Roi de France. Dupleix écrit que l’obstination du Navarrais, jointe à la blessure que se fit en arrivant le duc d’Épernon occasionnée par une chute de cheval, combla l’esprit de ce monarque d’une extresme fascherie. »
Le même jour, Henri de Navarre s’empressait également de quitter Nérac pour aller coucher à Hagetmau, où l’attendait, avec non moins d’impatience, la belle Corisande[662]. Marguerite resta donc toute seule à Nérac ; mais ce ne fut pas pour longtemps, cette princesse ayant fait vœu, dans sa douleur, d’aller le 15 août, jour de l’Assomption, en pèlerinage à Notre-Dame de Bon-Encontre, près d’Agen, lieu peu connu encore où l’on avait découvert au commencement de ce xvie siècle (1511 ou 1512) une Vierge miraculeuse.
Le dimanche 12 août, ladite dame et partie de son train dîne à Chastelviel, souppe et couche au Port-Sainte-Marie. Le reste du train à Nérac.
Chastelviel pour Castelviel. Situé entre Nérac et le Port-Sainte Marie, à cinq kilomètres à peine de cette dernière ville, sur les premiers contreforts des côteaux qui bordent la rive gauche de la Garonne, le château de Castelviel, jadis aux de Lard de Galard, puis aux Bazon, appartenait depuis 1575 au sieur Jean de La Brunetière, par son mariage avec Jeanne Antoinette de Bazon[663]. Ce sont eux qui eurent donc l’insigne honneur de recevoir à leur table, le dimanche 12 août 1584, la Reine Marguerite. Ce château passa ensuite à la famille d’Alespée, de Nérac, puis aux de Guilloutet, qui en sont encore propriétaires.
Le lundi 13 août, ladite dame et partie de son train dîne à Brax, souppe audit lieu et couche à Agen ; le reste de son train à Nérac.
Nous ne savons pas qu’il ait jamais existé dans la paroisse de Saint Pierre de Brax, à six kilomètres d’Agen, dans la plaine de la rive gauche, un château assez important pour recevoir comme il convenait la Reine de Navarre. Au xviie et xviiie siècles étaient seigneurs de Brax les du Bouzet, puis les Laclaverie, en qualité de seigneurs de Sainte-Colombe. Leurs armoiries se voient encore sur la litre de l’église de Brax, au dessus de ce qui reste des vieux murs en petit appareil cubique. En tous cas, Marguerite y demeura toute la journée du lundi, peut-être à Graves, peut-être en un endroit appelé, Au castet de la Reine, ou plus simplement au modeste hôtel de ville de cette communauté, d’où elle eut soin de prévenir les consuls d’Agen de son arrivée.
Le 13 août, en effet, les consuls réunissent en toute hâte la Jurade et font part « qu’ils sont advertys que présentement la Reine de Navarre doibt entrer dans la présente ville. » Ils demandent « comment ils se doibvent gouverner pour la recevoir ; et attendeu qu’elle vient de Brax où elle a diné ce jourd’hui et passe la rivière au devant de la présente ville, s’il serait bon de l’aler recevoir avec les robes de livrée au passage, ou bien au cousté de deça sur le « bord de ladite rivière ; et s’il leur plaist de leur acister, comme aussi de leur conseiller ce qu’il faut qu’ils fassent pour l’accompagner à La Rocqual où elle va en rominaige à Notre-Dame[664].
« Les sieurs Consuls et Jurats ont conclu, résolu et arrêté que les dits sieurs Consuls iront avec leurs robbes de livrée sur le bord de la rivière de Garonne, au devant la présente ville, pour saluer ladite Royne et recepvoir ses commandemans, estant accompagnés des dits sieurs Jurats qui ont promis luy acister ; et estant arrivée, lorsqu’elle voulra aller audict rominaige, quatre desdits sieurs Consuls, avec une bonne trouppe d’hommes avec hallebardes, la doyvent conduire pour évister les bruits qui en pourraient venir. À quoy lesdits sieurs Consuls ont promis leur acister[665]. »
Les routes étaient en effet peu sûres, même aux approches de la ville ; et le bruit courait toujours que le Roi d’Espagne voulait faire enlever la Reine de Navarre en vue de la démarier et de se servir ensuite de son droit pour disputer au Béarnais la succession du Royaume[666].
Le mardi 14 aout, icelle dame et partie de son train à Agen ; le reste du train à Nérac.
Le mardi 15 dudict mois d’août, ladicte dame et partie de son train a disné à Nostre-Dame de Bonne-Fortune, souppe et couche à Agen ; le reste du train audict Nérac.
Bonne-Fortune pour Bon-Encontre, ce dernier nom donné à la vierge miraculeuse par la mère du petit berger qui venait de la découvrir sous un buisson et qui la lui avait de suite apportée, en s’écriant : Dieu nous donne Bonne-Encontre[667] !
La première histoire qui ait été écrite sur Bon-Encontre remonte à l’année 1642. Elle a pour titre : L’Heureux Rencontre du Ciel et de la Terre, par le R. Père Vincent de Rouen, religieux du Tiers Ordre de Saint-François[668]. Voici en quels termes cet écrivain raconte le pèlerinage de la Reine Marguerite :
« …C’estoit une chose bien nouvelle à ce peuple de voir une Roine de France aller en cet équipage, (Marguerite alla à pied d’Agen jusqu’à la chapelle), offrir ses services et consacrer ses couronnes à la Roine du Ciel. Toute la noblesse de l’Agenais suivait les pas et imitait les vœux de sa princesse. Tout le monde admirait comme elle faisait éclipser les éclats de sa gloire en présence de celle qui se voit maintenant ornée des clartés célestes. Cette grande Roine entre humblement dans ce pauvre oratoire et se confond soi-même de voir un lieu si peu digne de la Majesté qu’elle y vient vénérer. Elle courbe la tête et toutes ses grandeurs sous le joug amoureux de celle qui a un Dieu pour son fils et son suget, et se répute heureuse, toute roine qu’elle est, si Marie daigne la recevoir au nombre de ses humbles servantes.
« Mgr de Frégose, lors évêque d’Agen, qui l’avait accompagnée en ce pèlerinage, célébra le divin mystère de notre foi dans la sainte chapelle…[669] » Mais la Reine de Navarre, la trouvant trop petite, déclara qu’il fallait en cet endroit élever une somptueuse église et que pour sa part elle y contribuerait.
Marguerite demeura toute la journée du 15 août à Bon-Encontre. Elle était descendue, elle et sa suite, « dans une maison assez spacieuse voisine de l’oratoire, celle d’Antoine Noguès, hôtelier. La dépense fut faite au nom de la ville d’Agen par Pierre Pourcharesse, trésorier[670]. »
Le jeudi 16 août, ladicte dame et partie de son train audict Agen ; le reste du train à Nérac.
Le vendredi 17 août, ladicte dame et partie de son train disne, souppe et couche au Port-Saincte-Marie ; le reste du train à Nérac.
Le samedi 18 août, ladicte dame et partie de son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Du dimanche 19 août au vendredi 31, séjour audict Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois d’août 3.140 écus, 7 sols, 7 deniers. Payé 2.685 écus, 46 sols, 7 deniers.)
Du samedi 1er septembre au vendredi 14, ladite dame et tout son train audit Nérac.
À ce moment fut résolu par la Reine de Navarre, à qui la solitude de Nérac commençait à peser, un nouveau déplacement. Depuis plus d’un mois Henri de Bourbon n’avait point paru en Albret. Se partageant entre le Béarn et le Bas-Quercy, il ne songeait qu’à la politique ou à ses amours. Sa femme était totalement négligée. Aussi, triste et malheureuse chaque jour davantage, Marguerite se décida-t-elle à aller aux eaux d’Encausse en Comminges, non pour chercher des distractions, ni pour rétablir sa santé en parfait état, mais bien pour demander à ces eaux salutaires (elles en avaient la réputation au xvie siècle, comme du reste aussi celles de Bagnères,) de devenir grosse et de pouvoir ainsi donner un héritier à la couronne de Navarre.
Aucun auteur jusqu’à ce jour n’a parlé de ce voyage. Il ne nous a été révélé que par ses livres de comptes et aussi par une de ses lettres au maréchal de Matignon.
Le samedi 15 septembre, ladite dame et son train à Lectoure.
Ce jour-là en effet la Reine de Navarre quitta Nérac et se rendit à Lectoure, où elle avait donné rendez-vous à son époux. Nous voyons en effet par sa correspondance, ainsi que par son itinéraire, que le Roi de Navarre quitta Montauban le 12 septembre, dîna le 13 à Castelferrus, soupa et coucha à Lavit-de-Lomagne, et qu’il arriva le 14 à Lectoure.
Les Archives municipales de Condom d’un autre côté relatent que le 15 septembre également la Reine de Navarre passa dans cette ville, « se rendant aux Eaux d’Encausse[671]. »
L’entrevue de Lectoure entre les deux époux dura deux jours, le samedi 15 et le dimanche 16. Il n’y fut question que de politique. Henri entretint sa femme des graves décisions qui venaient d’être prises à l’assemblée de Montauban, tenue au commencement de ce mois par tous les chefs du parti réformé, le prince de Condé, le comte de Laval, le vicomte de Turenne, Châtillon, etc., à laquelle assista Bellièvre, représentant du Roi, et où il fut décidé qu’une adresse serait envoyée à Henri III par Laval et Duplessis-Mornay, renfermant les plaintes dudit parti relatives à l’inexécution de l’Édit et demandant la prolongation du terme où devaient être rendues les places de sûreté[672]. Ce qui grâce à d’Épernon qui favorisait à ce moment les visées du Roi de Navarre, lui fut accordé.
Le dimanche 16 septembre, ladicte dame et son train au dit Lectoure.
Le lundi 17 septembre, ladicte dame a disné à Lectoure, souppe et couche à Auch.
Ce jour-là également le Roi de Navarre quitta Lectoure pour se rendre à Pau, où il arrivait le lendemain.
Le mardi 18 septembre, ladicte dame a disné à Auch, souppe et couche à Manseube (pour Masseube).
Le mercredi 19 septembre, ladicte dame a disné à Manseube, souppe et couche à Boullongne[673].
Le jeudi 20 septembre, ladicte dame a disné à Boulogne, souppe et couche en Causse.
Du vendredi 21 septembre au dimanche 30, ladicte dame à Encausse.
(Total des dépenses pour ce mois de septembre, 2.380 écus, 22 sols, 2 deniers. Payé : 2.078 écus, 59 sols, 2 deniers).
Le site d’Encausse est des plus séduisants. À l’extrémité d’une vallée étroite et ombreuse, dominé par le Cagire et par le pic de Gar qu’avaient divinisé les populations primitives, témoin cette inscription gravée sur un autel votif trouvé à son sommet, DEO GARO CIVES AUREATI[674], au confluent des deux petites rivières de l’Arrousec et du Job, le bourg d’Encausse, aujourd’hui canton d’Aspet, arrondissement de Saint-Gaudens, portait autrefois le nom Codz ou Cutz. Ses eaux thermales étaient connues des Romains, puisque on a découvert près de leurs sources des poteries, des mosaïques et une statue d’Isis. Scaliger croit même voir en ce lieu les thermes Onésiens dont parle Strabon. Très fréquentées aux xvie et xviie siècles, elles furent célébrées par de nombreux poètes, Pierre de Rignol[675], Chapelle et Bachaumont, et avant eux par Salluste du Bartas, le chantre préféré de Marguerite, celui dont la Muse Gasconne avait si gracieusement salué en 1578 son entrée à Nérac. Ne serait-ce pas le charme de ses vers et peut-être aussi leurs promesses qui auraient attiré Marguerite en ces lieux ?
Or, comme ma Gascogne heureusement abonde
En soldatz, blés et vins, plus qu’autre part du monde,
Elle abonde de mesme en bains non achetez,
Où le peuple estranger accourt de tous costez,
Où la femme brehaigne[676], où le paralitique,
L’ulcéré, le gouteux, le sourd, le sciatique,
Quittant du blond soleil l’une et l’autre maison,
Trouve, sans desbourser, sa propre guérison.
Encausse en est témoin, et les eaux salutaires
De Cauderetz, Barège, Aigues-Caudes, Baignères,
Baignères la beauté, l’honneur, le paradis
De ces monts sourcilleux… etc.[677]
En tous cas Marguerite voulut expérimenter leurs vertus curatives. Elle y demeura dix-neuf jours.
Nous ignorerions complètement ses impressions, si nous n’avions retrouvé au fonds français de la Bibliothèque nationale cette lettre autographe, entièrement inédite, qu’elle adressa au maréchal de Matignon, et où elle lui donne les détails suivants, assez significatifs :
« Mon cousin, j’ai resu par le retour du secretere de M. le senéchal d’Agenois une lettre de la Roine ma mère, par laquelle elle se plaint ancore que je ne lui escris asés souvent, et me commande vous anvoier mes lettres ; je rechercherois cest honneur-là à toutes heures, si san ofrait quelque digne sujet ; mes n’an aiant, la crainte de l’importuner me faict comaistre ceste aultre faute, de laquelle a pour n’estre plus accusée, je vous anverré celle que trouverés an se
paquet que je vous suplie, avec mes despeches, lui faire tenir. J’espère bientost partir de se beau lieu pour m’an retourner à Nérac, où le Roi mon mari m’assure se devoir trouver. J’ai beu neuf iours de cet eau, de quoi je me trouve fort bien à cet heure. Je prans des bains. Il faut que le profit que nous an raporterons tous soit grant, grant, pour l’incommodité que nous suportons. Car, vous ne vites james de tels logis ; et despuis deux jours qui commanse à pleuvoir, nous sommes dans la fange jusqu’au ienou. Je panse que M. d’Espau[678] vous an escrira des nouvelles, et m’an remestant à lui, je vous suplieré faire estat de mon amitié et de la voulonté que j’oré tousiours de la vous tesmougner en toutes les occasions où j’oré le moien de vous servir, désirant vous demeurer pour jamés vostre plus afectionnée et fidèle cousine.Cette lettre n’est point datée. Mais elle ne peut avoir été écrite que d’Encausse, et non de Bagnères, attendu que le Roi de Navarre, qui en 1581 était aux Eaux-chaudes avec Fosseuse, vint chercher sa femme à Bagnères et ne l’attendait pas, comme il est dit ici, à Nérac ; qu’en 1581 Marguerite n’avait entamé encore aucune correspondance suivie avec le maréchal de Matignon, nouvellement nommé, et que cette lettre se trouve au milieu de toutes celles qu’elle lui écrivit en 1584 ; enfin, que dans ses lettres de Bagnères à sa mère, à son frère, à Chanvallon et jusque dans ses Mémoires, elle ne se plaint alors ni du mauvais temps, ni des sordides logis qu’elle était forcée d’habiter. Aucun doute, pensons-nous, ne peut donc exister à cet égard.
Du lundi 1er octobre au mardi 9, ladicte dame et tout son train audit En Causse.
La cure finie, Marguerite reprit le chemin de la capitale de l’Albret. Mais elle ne traversa pas une seconde fois la Gascogne. Elle préféra descendre la riche vallée de la Garonne qu’elle n’avait qu’entrevue en 1579, lors de sa séparation d’avec sa mère, et rentra à Nérac, à son cœur défendant sans doute et à petites journées, ainsi que nous l’apprennent ses livres de comptes, toujours si précieux pour nous.
Le mercredi 10 octobre, ladicte dame Roine a disné à Sainct-Martory, et souppe et couche à Alais (pour Alan[680]).
Sis au milieu des pentes verdoyantes qui étagent les contreforts de la rive gauche de la Garonne, le château d’Alan appartenait depuis le XIIIe siècle aux évêques de Comminges. Ils en faisaient leur résidence préférée. On y voit encore, au milieu de riches constructions modernes, une porte fort curieuse sur le tympan de laquelle la vache de Béarn supporte à son cou l’écusson écartelé de Foix et de Comminges, avec cette légende au-dessous, DILIGENTES PACEM QUIESCITE NOBISCUM, et, à la pointe de l’ogive, ces trois mots, SIGNUM DEI VIVI.
Jean de Foix, fils du dernier comte de Comminges et évêque à la fin du xve siècle, le remit à neuf et l’embellit considérablement. Ce fut Urbain de Saint-Celais, successeur de Charles de Bourbon et évêque nommé par la Reine-Mère en 1581, qui tint à honneur d’y recevoir le plus somptueusement possible la fille de sa bienfaitrice, la Reine de Navarre.
Le jeudi 11 octobre, ladicte dame et tout son train, tout le jour audit Alan.
Le vendredi 12 octobre, ladicte dame et son train a disné à Saint-Élix[681], couché à la Vernoze.
À Saint-Élix se trouvait également un beau château Renaissance, flanqué de tours rondes à ses quatre coins et qui, d’après la légende, aurait été construit par François Ier pour Diane de Poitiers. Or, la comtesse de Valentinois n’en fut jamais propriétaire, mais simplement la famille Potier de la Terrasse qui le posséda jusqu’à la fin du xvie siècle. En 1676, il fut acquis par René de Saint-Lary, seigneur de Bellegarde, maréchal de France, chez lequel voulut descendre la Reine de Navarre. À M. le comte de Suarez d’Almeida, le château de Saint-Élix est encore remarquable par son riche mobilier et son parc, dessiné au xviie siècle par Le Notre[682].
Le samedi 13 octobre, ladicte dame et tout son train a disné à Sechet (pour Seysses)[683], souppe et couche à Grenade.
Le royal convoi suivait, on le voit, la rive gauche de la Garonne. Comme à l’époque où, en sens inverse, elle accompagnait la Reine-Mère, Marguerite ne jugea pas à propos de s’arrêter à Toulouse. Elle fit ce jour-là plus de 70 kilomètres.
Le dimanche 14 octobre, ladicte dame et son train disne sur la Garonne, souppe et couche à Port-Sainte-Marye.
Fatiguée de voyager toujours par terre, Marguerite préféra s’embarquer ce jour-là sur la Garonne, alors navigable depuis Toulouse, et descendre paisiblement le cours du fleuve, sans s’arrêter ni à Moissac, Valence, Lafox, Agen, ni aussi sans cette escorte de violons et de mariniers, lesquels, comme à l’époque de son retour de Montauban avec son mari, jouaient tout le long du trajet et « dansaient sur le bord de la rivière. »
Le lundi 15 octobre, ladicte dame a disné au Port-Sainte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Du mardi 16 octobre au mercredi 31, ladicte dame et tout son train audict Nérac.
(Dépenses totales pour ce mois d’octobre, 2510 écus, 14 sols, 10 deniers. Payé 2052 écus, 21 sols, 1 denier).
Henri de Bourbon vint le 15 à Nérac pour recevoir sa femme. Mais une fois son devoir accompli, il reprit bien vite la route de Pau, où il se trouvait le 24 octobre.
Restée seule à Nérac, Marguerite prend encore en main les intérêts de tous ceux qui s’adressent à elle. N’insiste-t-elle pas à ce moment tout particulièrement auprès de son mari pour plaider la cause des officiers du Roi et magistrats de la ville de Périgueux, qui se plaignaient « qu’il n’y eût libre accès ni demeure en ladite vile pour l’exercice de la justice et pour les parties qui la y vont chercher[684] ? »
Néanmoins la mésintelligence augmente chaque jour entre les deux époux. Le moment n’est pas loin où une nouvelle séparation, cette fois définitive, rompra les faibles liens qui les rattachent encore l’un à l’autre.
Du jeudi 1er novembre au vendredi 30, ladicte dame et son train audit Nérac.
(Total des dépenses pour ce mois de novembre 2.331 écus, 23 sols, 9 deniers. Payé 1734 écus, 57 sols, 8 deniers.)
Du samedi 1er décembre au lundi 31, ladicte dame et son train audit Nérac.
(Total des dépenses pour ce mois de décembre 2.727 écus, 57 sols, 2 deniers. Payé 2.145 écus, 55 sols, 11 deniers.)
L’année 1584 s’acheva fort tristement pour la Reine Marguerite. Abandonnée de tous, de son frère qui la détestait, de sa mère plus froide à son égard, de son mari qui vivait ouvertement avec la comtesse de Gramont, méprisée de l’entourage du Béarnais, réduite comme compagnie à ses seules dames d’honneur, elle commence à trouver insupportables et le séjour qui lui sert de prison et la situation qui lui est faite. N’a-t-elle pas en outre tout à craindre de sa rivale, qui peut-être convoite sa place et a tout intérêt à la voir disparaître ? Il ne lui reste donc qu’une voie qui s’ouvre à son ambition non éteinte, à ses idées religieuses, à ses désirs toujours inassouvis d’intrigues et d’aventures, la Ligue, de plus en plus puissante, si magistralement inspirée et dirigée par l’homme qu’elle a tendrement aimé dans sa prime jeunesse, par Henri de Guise. Un mot de lui, un signe, un souvenir de ce premier amant, et Marguerite de se jeter aveuglément dans son parti, comme elle s’était jetée autrefois dans ses bras.
ANNÉE 1585
« Maison de la Royne de Navarre. Estat des gaiges des dames, damoiselles, gentilshommes et autres officiers de sa maison, etc.[685] ».
Madame de Candalle, dame d’honneur ; même traitement que précédemment[686].
|
Mme de Nouailles. |
Mme de Curton. |
Mme de Duras. |
Mme de Gondrin. |
Mme de Sainct-Orens. |
Mme de Chasteau-Villain. |
Mme de Duras. |
Mme la marquise de Canilhac. |
Mme d’Estissac. |
Mme de La Chastre. |
Mme de Miossens. |
Mme la comtesse de Carman. |
Mlle de Tournon. |
Mlle d’Estrac. |
Mme d’Arpajon. |
Mme de Saignes. |
Mme de Thignonville. |
Mme de Béthune. |
Mme de Béthune, sa fille. |
Mme de Cheverny. |
Mme de La Chapelle. |
Mme de d’Avantigny. |
Mme de Terride. |
Mme (en blanc). |
Mme id. |
Mme du Bourg. |
Mme (en blanc). |
Mlle de Birac. |
Mlle de Goguier. |
Mme de Guerponnitte. |
Mlle de Picquot. |
Mlle de la Marsillière. |
Mlle de Béthune.
Mlle de Villesavyn.
Mlle Marguerite Le Bon.
Mlle de Romefort.
Mlle du Certeau.
Mlle de Civrac.
Gabrielle de Raynier.
Mlle Marguerite d’Estanai.
Mlle de Vaubernier, gouvernante desdites filles.
Me de Riberac.
Me de Saincte-Geme.
Me de Bourgon.
Me du Lys.
Mlle de la Martonie.
Mlle d’Épernay.
Mlle Myron.
Barbe Chausson.
Marie Chausson.
Marie Lebel.
Marguerite Crosnier.
Léonore Hayet.
Jehanne de Corbie.
Nicette Despeirera, lingère.
Françoise de Sainte-Gemme.
Ysabeau de Raine.
Guillaume La Fleiche et Marguerite La Fleiche.
Nicolas Brissot.
M. de Sainct-Orens.
M. des Espaux.
Le sieur de Ruppéreux.
Le sieur d’Anthérac.
Le sieur du Bourg.
Guillaume Artus, vicomte de Caen.
Le sieur de la Tronche.
Le sieur de Loubens.
Le sieur d’Oranches.
Le sieur de Migermis.
Le sieur de Lavernay.
Le sieur de Dronzay.
Le sieur de La Lieve.
Le sieur de Boullons.
Jacques de la Marche, sieur de Montagut.
Le sieur de La Nauze.
Le sieur de Saulme.
Jehan de Salelles.
Le sieur de Fongramier.
Le sieur de Frédeville.
Le sieur de Montifaut.
Le sieur de Tuty.
Le sieur de Marsan
François de Cazolles.
Le sieur de Castelmore.
Jehan de Louys.
Le sieur Morel.
Le sieur de Renes.
Le sieur de Limport.
Les mêmes qu’en 1582.
Les mêmes.
Me Gilbert de Beaufort.
Henri Le Meignan, évêque de Dignes.
Guillaume de Lis, abbé de St.-Martin
Jacques du Val, abbé de Nogent.
Claude Coquelet.
N. de Chavagnac.
Les mêmes.
Les mêmes.
Les mêmes.
Les mêmes.
Les mêmes qu’en 1582.
Les mêmes.
M. Antoine Charpentier.
Du mardi 1er janvier au jeudi 31, la Roine de Navarre avec tout son train audict Nérac.
(Total des dépenses pour ce mois, 2.707 écus, 41 sols, 2 deniers. Payé 2.495 écus, 23 sols, 1 denier).
Le 31 décembre 1584, était conclu entre les princes de la maison de Lorraine et le roi d’Espagne Philippe II le traité de Joinville, en vertu duquel ce monarque prenait officiellement la Ligue sous son patronage et à sa solde.
Entre autres clauses il était stipulé : « Que les parties contractaient une ligue offensive et défensive pour la conservation de la foi catholique, tant en France qu’aux Pays-Bas ; qu’arrivant la mort du roi Henri III, le cardinal de Bourbon serait installé en sa place comme prince vraiment catholique et le plus proche héritier de la couronne, en excluant entièrement et pour toujours tous les princes de France, étant à présent hérétiques et relaps, et des autres ceux qui seraient notoirement hérétiques, sans que nul pût jamais régner qui aurait été infecté de ce venin on le tolérerait dans le royaume ; que le Cardinal venant à être Roi renouvellerait le traité de Cambrai, fait en l’an 1558 entre les rois de France et d’Espagne ; qu’il ferait bannir par édit public tous les hérétiques… que S. M. Catholique enfin, tant que la guerre durerait, fournirait aux princes français cinquante mille pistoles par mois, dont il en avancerait quatre cent mille de fixe mois en fixe mois. Etc. »
C’était répondre par un coup droit à l’alliance non dissimulée qui venait de s’établir entre le roi de France et le roi de Navarre ; c’était provoquer ouvertement ce dernier ; c’était enfin faire un nouvel appel aux armes et déchaîner sur la France toutes les passions religieuses qui, malgré tant d’efforts, allaient se réveiller plus vivaces, plus violentes que jamais.
Directement visé par ce pacte mémorable, Henri de Navarre ne s’en alarma point outre mesure. Mais il redoubla de prudence, se tint toujours sur ses gardes, et par tous les moyens possibles se prépara à toute éventualité. À cet effet il se rapproche de Montmorency ; il noue avec Matignon les relations les plus courtoises ; et tantôt à Castres, tantôt à Bergerac, plus souvent encore à Montauban, il tient en haleine son parti, décidant avec ses principaux conseillers qu’il est temps de s’opposer aux entreprises des ligueurs, lesquels, soutenus par l’or espagnol, enrôlent des troupes, achètent les consciences et entrent ouvertement en campagne.
Encore hésitante sur le parti qu’elle doit prendre, Marguerite passe le plus tristement possible tout ce long hiver à Nérac. N’est-il pas des premiers jours de l’année 1585 ce joli billet qu’elle écrit à son mari absent, et dont les termes humbles, doux, presque suppliants, attestent que si toute affection entre les deux époux s’est envolée, leurs rapports néanmoins subsistent encore convenables, ainsi qu’il appartient à des gens qui ont souci de leur dignité ?
« Monsieur, je n’eusse tant demeuré à anvoyer savoir de vos nouvelles, sy la douleur quy despuis Nouël m’a retenue au lict me l’eut permis ; mais elle m’a donné si peu de relache que je n’ai james peu jouir de ce bien jusqu’à cet heure ; ce qui m’eut fait vivre ancore an plus grant paine, si la pansée qui vous a pleu me donner de vostre bonne grase ne m’eut fait espérer di estre tousiours conservée, comme, Monsieur, je vous an supplie très humblemant. Si j’estimès les nouveles de Nesrac dignes d’occuper vos yeux à les lire, je vous dirois, Monsieur, de celle de nos Rois que nous avons solennisés à la fason acoustumée et si est trouvée bonne compaignie. La faite se feut peu dire belle, si elle eust eu l’honneur de vostre présance ; car sans cela rien à mon jugemant ne se peult estimer agréable ; et pour ne vous randre ma lettre aultre, Monsieur, je vous baise humblemant les mains. M.[687] »
Mais la situation s’aggrave de jour en jour, et Marguerite comprend bientôt qu’elle n’a plus rien à attendre de son époux.
Du vendredi 1er février au jeudi 28, ladicte dame et son train audit Nérac.
(Total des dépenses pour ce mois de février, 2.295 écus, 25 sols, 8 deniers. Payé 2.103 écus, 27 sols, 5 deniers).
Il se passa d’étranges choses à Nérac durant cet þiver de 1585 et plus particulièrement en ce mois de février.
D’abord, il est hors de doute que, dès ce moment, soit sous la pression directe d’Henri de Guise, soit pour se venger des humiliations qu’elle subissait sans cesse, Marguerite s’affilia à la Ligue, entra en communication directe avec le Roi d’Espagne, et s’enrola sous la bannière des pires ennemis de son mari. Espérait-elle, ainsi que certains l’ont écrit, voir poser sur sa tête, à la mort de son frère, la couronne de France ? Ou songeait-elle seulement à se créer une position indépendante, qui lui permît de vivre en toute liberté, sans avoir à redouter ni les colères de son frère, ni les menaces de son mari ?
Car n’accuse-t-elle pas à cette heure Henri de Navarre d’avoir donné à M. de Ségur l’ordre de l’enlever et de l’enfermer dans le château de Pau ? « Ma femme, écrit plus tard le Roi de Navarre à ce dernier, dict qu’estiez venu à Nérac exprès pour l’enlever et mener prisonnière à Pau, avec plusieurs aultres propos de mesme[688]. » Et ne prétendit-elle pas que la comtesse de Gramont avait cherché plusieurs fois à l’empoisonner ?
Elle-même, en retour, ne fut-elle pas accusée d’une tentative semblable à l’égard de son mari ? L’Estoile, dans son Journal, l’affirme. En tous cas, l’affaire Ferrand est là pour prouver en quelle suspicion étaient tombés tout à coup les deux époux à l’égard l’un de l’autre.
« J’ai averti Sa Majesté, écrit de Pau le 9 février Henri de Navarre à Matignon, de ce que j’ai découvert par Ferrand, secrétaire de ma femme, auquel elle avait donné congé ; et estant venu jusques-icy, je ne l’eusse fait arrester, sans le propos qu’il y a tenu. Je m’asseure que nul ne pourra trouver mauvais qu’en chose qui regarde la conservation de ma personne et pour esviter les entreprises que quelques ungs que vous pouvez penser avaient désignés, jen aye usé de la sorte[689]. »
Cette affaire Ferrand fit grand bruit à la Cour[690].
Voici comment la raconte Turenne dans ses Mémoires :
« Nous voyons, écrit-il, les pratiques de la Ligue croistre et paroistre de jour à autre, auxquelles evidemment la Reine Marguerite participait, et voyons un sien valet de chambre aller et venir, je conseille audit Roy de le faire prendre, le mener à Pau et soudain luy faire confesser ce qu’il saurait. La charge en fut donnée au capitaine Maselière de Nérac qui l’alla attendre sur le chemin de Bordeaux, venant trouver M. de Guise. Ainsi fut-il exécuté ; mais arrivé à Pau, on obtmit le principal, qui estoit de le faire chanter, et encore à Nérac sçavoir les formes qu’on y tiendroit, et tout cela pour gagner temps, durant lequel le Roy et la Reine Mère furent avertis de la prise, font une depesche, se plaignans de ce qu’un Français pris dans la France en aurait été tiré en une autre souveraineté, le redemandent avec menaces[691]. » Ferrand fut relâché faute de preuves. En tous cas Marguerite ne saurait être impliquée dans cette affaire, qualifiée par quelques uns de tentative d’empoisonnement, aucun personnage du nom de Ferrand ne figurant en 1585 dans la liste de ses serviteurs. S’agirait-il de Nicolas Ferrand, son chirurgien de 1578 ? Mais il était déjà remplacé ou congédié depuis 1580.
Tel ne fut pas l’avis, d’après d’Aubigné toujours si sujet à caution, de l’entourage immédiat du roi de Navarre. Ce dernier en effet, poussé par Corisande, aurait désiré profiter de l’incident pour répudier Marguerite et épouser la comtesse. D’autres même auraient résolu la mort de la Reine de Navarre. Mais d’Aubigné se serait interposé et l’aurait sauvée.
« J’avais oublié, écrit-il dans ses Mémoires, de rapporter que lorsque la Reine de Navarre fut revenue auprès de son mari du voyage où elle avait reçu l’affront rapporté ci-dessus, cette princesse s’était réconcilié avec tous les serviteurs de mon maitre, hormis moi ; ce qui n’empeche pas néanmoins que, dans un conseil où je fus appelé, je ne fisse changer, par mes remontrances, les avis qui allaient tous à la faire mourir ; de quoi le roi son mari me remercia très fort[692]. »
L’affaire, croyons-nous, ne prit pas de telles proportions. Des excuses furent faites par le Roi de Navarre à sa femme. Il lui envoya Frontenac pour lui expliquer les motifs qui l’avaient poussé à faire arrêter son serviteur ; et Marguerite de répondre que « si elle avait cru son mari si curieux, elle eut fait passer par lui toutes ses dépêches. »
Du vendredi 1er mars au lundi 18, ladicte dame et son train audict Nérac.
Le séjour de Nérac devenait néanmoins de plus en plus difficile pour Marguerite. Le Roi de Navarre n’y paraissait plus. Mais sa surveillance redoublait chaque jour, au point que l’infortunée princesse pouvait se croire enfermée dans une véritable prison. Abandonnée de tous, ayant tout à craindre de sa rivale, sentant même son existence menacée, Marguerite prit le parti de s’enfuir de ce lieu, autrefois de délices, aujourd’hui de tristesse et de désolation.
Bien qu’aucun document certain ne nous l’apprenne, c’est dans cette première quinzaine de mars qu’elle dut recevoir des instructions précises d’Henri de Guise, de façon à pouvoir agir de connivence avec lui, dès que le signal de la prise d’armes serait donné. Aussi chercha t-elle un endroit où elle put se préparer en toute liberté. La ville d’Agen, qui faisait partie de son apanage, lui parut tout indiquée, tant par sa position stratégique et ses remparts encore bien conservés, que par le bon esprit de ses habitants, essentiellement dévoués à la cause catholique, ennemis jurés du Roi de Navarre et qui n’avaient point gardé des divers séjours qu’elle y avait fait un trop mauvais souvenir.
Le prétexte à fournir, elle le trouva facilement. Le Carême commençait. À Nérac, le culte catholique était à peine toléré. À Agen au contraire la station quadragésimale était prêchée pour la première fois à Saint-Étienne par un père Jésuite, de ceux que Marguerite avait elle-même placés à la tête du Collège. Elle exprima à son mari le désir de s’y retirer jusqu’à Pâques. Le Roi de Navarre y consentit volontiers. Et Marguerite de se tenir prête dès le 18 mars, époque où les ratifications du traité de Joinville devaient être échangées entre le Roi d’Espagne et le cardinal de Bourbon et où la Ligue devait donner le signal des hostilités.
Le mardi 19 mars, ladicte dame et partie de son train à Agen ; le reste audict Nérac.
Un document de premier ordre, actuellement aux Archives municipales d’Agen, va nous donner sur l’entrée, le séjour et les faits et gestes de la Reine Marguerite en cette ville, durant cette année mémorable de 1585, les détails les plus circonstanciés et les plus curieux.
C’est « l’Information faicte en la Ville d’Agen par Me Jacques Bonnaud, conseiller du Roy et receveur général de ses finances en Guyenne, suivant les lettres patentes dudit seigneur du 16 décembre 1585, mais faite un an seulement après, le 29 novembre 1586, sur les pertes et dommaiges soufferts en ladite ville par les Consuls, manans et habitans d’icelle à l’occasion des trouppes des gens de guerre que la Royne de Navarre y a ci-devant mises et de la peste qui a aussi beaucoup travaillé lesdits habitans durant ledit temps[693]. »
Le questionnaire, dressé par les Consuls, renferme treize articles. Vingt-sept témoins furent entendus.
Nous nous bornerons à résumer les passages les plus intéressants des principales dépositions, notamment celles des sieurs Pierre de Lafont, habitant de Layrac, premier témoin entendu, Jehan Dupré, second témoin, également de Layrac, Me Octavien de Longueville, licencié en droits et juge de Preychac, Jehan Solier, homme d’armes du sieur de Gondrin, etc.
« Dict estre mémoratif, le sieur Jehan Dupré, qu’au mois de mars mil cinq cent quatre-vingt cinq, du jour n’est mémors, il vit entrer en ladicte ville d’Agen la Royne de Navarre par la porte Sainct Anthoine, estant dans une crèche ou carosse, et certaine damoyselle avec elle, ayant seulement pour sa conduite deux ou trois hommes à cheval ; et alla descendre et se loger en la maison de feu Pierre Cambefort, bourgeois dudit Agen[694] ; que le soir dudict jour, le lendemain et plusieurs jours ensuyvant, ses officiers, ses gens et serviteurs et plusieurs gentilshommes de ce païs y entrèrent à la foulle ; laquelle dame on disait estre venue en ceste ville pour assister aux prédications, comme de fait elle y assistoit, et au service divin pendant le Caresme et après, et faisait tout acte de piété et de religion. »
Mêmes dépositions chez les autres témoins, Pierre de Lafont ajoutant que « tout le peuple fut soudain infiniment heureux qu’elle fît à Agen sa demeure[695]. » Ce fut donc sans bruit, pour n’éveiller aucun soupçon, que la Reine de Navarre fit, ce mardi 19 mars, son entrée dans la ville d’Agen. Le journal des Consuls, pas plus que les registres des Jurades, ne mentionnent son arrivée.
Du mercredi 20 mars au dimanche 31, ladicte dame et son train audict Agen.
(Total des dépenses pour ce mois de mars, 2.179 écus, 22 sols, 8 deniers. Payé 1.603 écus, 6 sols).
Du lundi 1er avril au dimanche 21, jour de Pâques, ladite dame et tout son train audit Agen.
Jusqu’à ce jour de Pâques tout alla pour le mieux, bien que la Reine de Navarre augmentât chaque jour et son train et sa garde. Mais les Consuls de n’y faire nulle attention. « Car sur le bruit qui survint de la Ligue, ladicte dame Royne fist entendre au Conseil qu’elle se défiait du Roy de Navarre son mary et de plusieurs aultres de sa religion ; au moyen de quoy elle avait délibéré d’y dresser deux compaignies de gens de pied pour la sureté de sa personne et qu’elle les souldoyaient à ses dépens ; et de fait, luy qui dépose, vu que sur la fin du mois d’avril lesdites deux compagnies y furent dressées soubs la charge du cappitaine d’Aubiac et de Ligardes, ne sait de quel nombre de soldats elles étaient[696] ».
Le maréchal de Matignon du reste, instruit de l’arrivée de Marguerite à Agen, l’y toléra parfaitement, ne craignant qu’une chose, c’est que, sous le prétexte de venir voir sa femme, le Roi de Navarre ne pénétråt dans cette ville et ne s’en rendît maître. Aussi dans les nombreuses lettres qu’il adresse aux Consuls, en cette fin de mars et au commencement d’avril, ne cesse-t-il de les exhorter à faire bonne garde et à refuser l’entrée de leur ville à quiconque leur paraîtrait suspect[697].
« Messieurs, l’honneur que ce vous est qu’il ait pleu à la Royne de Navarre aller en vostre ville vous doibt encore aulmenter l’affection à vous bien conserver, comme je vous en prye, et vous assure que je vous acisteray de tout ce qu’il me sera possible[698] ».
Et Bellièvre, dans sa correspondance avec la Reine-Mère, ne confirme-t il pas à ce moment la tranquillité d’esprit et, disons-le, le peu de perspicacité du maréchal, acceptant de très bonne foi les raisons, assez peu plausibles, alléguées par la Roine de Navarre pour quitter Nérac, où, disait-elle, elle ne se trouvait point en sûreté :
« Madame, lui écrit-il, arriva hier ici un enseigne de la compagnie du maréchal de Matignon ; il m’a dit que la Reine votre fille s’étoit retirée à Agen, non que M. le maréchal estime que ladite dame veuille faire à Agen chose qui doive déplaire à Vos Majestés ; mais elle s’y réfugie pour estimer qu’elle n’était pas en sûreté à Nérac sachant la mauvaise volonté de la comtesse de Guiche et le pouvoir qu’elle a sur le Roi. »
Et tout aussi crédule que le maréchal, Bellièvre ajoute dans une seconde lettre : « Je n’ai pas omis de dire à M. de Clervaut le tort que le Roi de Navarre se fait de préférer l’amitié de la comtesse à celle de la Reine sa femme, qui a été contrainte de se retirer à Agen pour se préserver de la comtesse, qui entreprend contre sa vie[699] ».
Simples prétextes, nous l’avons dit. Marguerite était déjà affiliée à la Ligue, ayant envoyé, dès son arrivée à Agen, son médecin Choisnin au duc de Guise pour lui demander des instructions et l’assurer de sa fidélité à la cause de la Sainte-Union.
Les Ligueurs de leur côté ne restaient pas inactifs. Le 21 mars, ils s’emparèrent de Châlons, ayant à leur tête Henri de Guise ; un peu plus tard, Mayenne occupait Dijon ; presque tout l’est de la France se rangeait de leur côté ; et leur association étendait ses rameaux jusques aux villes les plus éloignées du Midi et du Sud-Ouest de la France.
Les Réformés en même temps prenaient les armes. Condé réunissait une armée en Charente, tandis qu’Henri de Navarre, s’emparant d’Auch, de Fleurance et entrant en maître dans toutes les villes de son gouvernement, faisait mine de menacer Agen.
Aussi les Consuls de cette dernière ville tinrent-ils, le 4 avril, avec la Jurade, une réunion importante et décidèrent-ils qu’ils interdiraient l’entrée de leur ville au roi de Navarre, si jamais il se présentait ; que toutes les provisions disponibles et denrées alimentaires, qui pourraient se trouver dans la banlieue d’Agen, seraient requisitionnées pour ravitailler la ville ; que la garde des portes serait doublée ; enfin que chaque matin, à six heures, ils se réuniraient à la maison commune pour gérer les affaires de la cité[700].
Ils ne pouvaient se montrer plus vigilants. Une seule chose néanmoins échappait à leur clairvoyance. Leur plus redoutable ennemi n’était ni Guise, ni Navarre, mais bien Marguerite elle-même, qui n’avait point encore levé le masque. L’occasion s’en présenta bientôt.
Du lundi 22 avril au mardi 30, ladicte dame et tout son train à Agen.
(Dépenses totales pour ce mois d’avril, 2.045 écus, 20 sols, 11 deniers. Payé 1,603 écus, 6 sols).
Tandis que Marguerite, tout entière à ses exercices de dévotion, dissimulait les projets belliqueux qu’elle avait formés, les troupes qui devaient l’aider dans ses entreprises continuaient d’arriver de plus belle et par leur turbulence et leurs exactions commençaient à inquiéter l’esprit de la population.
« Et bientost après, dépose toujours Me Jehan Dupré, y fust dressé un régiment de dix autres compagnies de gens de pied, soubz la charge du sieur Du Bouzet qui avait l’une des dites compaignies[701], et les sieurs de Monbiel, Cansegne, de Bessière, Gajan, Charry, Jougla, Pauqua, de Cruzol et du Four, chacun une des dites compaignies qui furent toutes logées dans ladite ville, et la grande foulle et oppression des habitans, d’autan que quand il n’y eut plus moien de les soldoier, ils vivoient à discrétion ; et oultre ce qui ès environs de ladicte ville y avoit neuf aultres compagnies de gens de pied, conduites par les cappitaines de Limport, de Cezan, de Palandran, Saint-Gruère, de Molinié, d’Estanel, de Teyrac, de Gaches et de Crozat, qui ordinairement venaient en ladite ville, y vivaient de la mesme façon que les dix aultres compaignies, aux despens desdits habitans. Au moyen de quoi, plusieurs des dits habitans furent contraints s’absenter de ladite ville et se retirer aux champs és aultres villes et chasteaux, tous pour le service du Roy, pour ne pouvoir plus supporter la dicte dépense et ravages faicts en leurs maisons[702] ».
Aussi fut-il très mal reçu le maréchal de Matignon, lorsque, ne se doutant encore de rien, il offrit à la fin de ce mois d’avril à la Reine de Navarre une compagnie de gens de pied à ses ordres pour la garder.
« Monsieur, écrit-il à un ministre du Roi à Paris, l’espérance que j’ay qu’il plaise au Roy me faire pourveoir à ce que j’ay faict remonstrer à Sa Majesté qu’il est nécessaire pour ceste province, me gardera en faire aucune redicte. La Royne de Navarre est à Agen. Je crains fort que ceste ville ne se perde. J’avois escrit à la Royne de Navarre, que s’il luy plaisait, je luy envoierais une compaignie de gens de pied, au lieu de celle de Boisjourdan, que le Roy n’y peult entretenir. Elle m’a faict response qu’elle n’en veult, que la ville en a assez. Il seroit besoing que le Roy mandast Boisjourdan avec sa compagnie pour aller servir de dela. Le Roy de Navarre et ladite Royne ne dissimulent plus l’inimitié qui est entre eulx. Je m’en iray à Agen aussitôt que je verray que je pourrai laisser ceste ville… Bordeaux, du dernier avril 1585[703].
Et le Roi de lui répondre, à la date du 3 mai suivant, pour le remercier d’avoir conservé le Château-Trompette de Bordeaux, mais surtout pour lui intimer l’ordre de s’acheminer le plus tôt possible vers Agen : « Car, dit-il, j’ay esté adverty que ma sœur a délibéré de s’en assurer et que désia elle se vante qu’elle l’a du tout à sa dévotion ; à quoy je vous prie remédier et n’en sortir point qu’avenant que ma dicte sœur y veuille séjourner longuement et qu’elle et madite ville dépendent de ma disposition ; estant chose que j’ai très à cœur « pour l’assiette et importance de la place ; à laquelle donc je vous prie pourveoir si bien que j’an reçoive contentement, et néanmoins vous y conduire avec vostre accoustumée prudence, afin de n’efaroucher personne.[704] »
Mais l’ordre allait arriver trop tard. Plus avisée, et sans doute pour devancer les mesures du maréchal, Marguerite résolut de tenter dans Agen un véritable coup d’État.
Du mercredi 1er mai au vendredi 31, ladicte dame et son train audict Agen.
(Total des dépenses pour ce mois de mai 2.317 écus, 4 sols, 9 deniers. Payé 1.933 écus, 57 sols, 11 deniers.)
Marguerite tient sa petite armée sous la main. Deux compagnies de gens de pied, sous les ordres de d’Aubiac et de Ligardes, sont préposées, dans la ville même, à sa garde. Au dehors, plus de vingt compagnies n’attendent que le signal de commencer la campagne. Chaque jour de nouveaux gentilshommes, « entrés de nuit dans la ville », viennent se mettre à sa disposition. Enfin elle reçoit des Guise l’ordre de hâter ses préparatifs de combat. Mais d’abord, il faut qu’elle soit sûre de la ville d’Agen. Le 15 mai, elle convoque à cet effet dans la grande salle de l’Évêché tous les notables de la cité.
« Le 15 de may 1585, écrit dans ses Mémoires le consul Trinque, contemporain de ces évènements, la Royne de Navarre fist assembler le peuple, Monseigneur l’Évesque d’Agen, M. de Blasimon prieur de Saint-Caprasy, la Cour présidialle, Messieurs les Consuls[705], les sergens et caporals, et elle leur fit une grande remonstrance, leur disant que Monsieur le maréchal de Matignon avait conspiré contre elle. Et la Royne leur fist lever la main à tous et de luy promettre fidélité. Elle se fit donner les clefs de la Porte du Pin et changea le capitaine Murio qui commandait pour lors à ladite porte. Et à sa place elle y fist mettre pour commander le capitaine Falachon ; et changea le sergeant qui estoit au Pont de Garonne, et y fit mettre quantité de gens de guerre qui estoient commandés par M. de Duras[706]. À la fin les habitans de la ville d’Agen s’en sont très mal trouvez et repentis d’avoir donné cette authorité. Et ceux qui liront ce que dessus prennent garde à l’advenir de ne tomber pas en une pareille faute[707]. »
Et tous les témoins de l’enquête de déposer pareillement. « Et est le déposant mémoratif que le Conseil et principaux habitans de la ville furent mandés se trouver à l’Evêché où ladicte ame se rendit, où ledit déposant estoit aussi par curiosité ; et après quelques remonstrances faictes par ladite dame, de la deffiance crainte qu’elle avait dudit seigneur Roy de Navarre son mary et aultres de son party, pour conclusion elle demanda les clefs de la ville qui lui furent baillées. Et pendant ce Conseil, il y avait deux compaignies en armes au milieu de la place de ladite ville, près ledict evesché[708]. »
Toute résistance était impossible. Les Consuls le comprirent, et, bon gré, mal gré, durent abdiquer leur liberté entre les mains de l’altière princesse.
Celle-ci ne perdit point de temps. Elle ouvrit les portes de la ville à toutes les compagnies qui dévastaient depuis un mois les environs, et par le pillage, la violence, les exactions, elles eurent bien vite ruiné la malheureuse cité. Au début, le receveur des tailles Nicolas dut livrer les deniers desdites tailles et du taillon. Marguerite put ainsi payer ses troupes, dont le commandement fut confié, partie à François de Lignerac, bailli des montagnes d’Auvergne, sur le compte duquel nous reviendrons[709], partie à Monsieur de Duras, dont la femme Marguerite de Gramont, toujours aux côtés de Marguerite, peut être considérée, ainsi que nous l’avons déjà dit au moment où elle fut chassée de la Cour, comme son mauvais génie.
Mais les ressources furent vite épuisées. On procèda alors à des emprunts forcés sur les particuliers, lesquels ne furent jamais remboursés. Puis, on logea les soldats dans les maisons des protestants, qui furent dévalisées ; ensuite un peu partout, les officiers chez les plus riches, la troupe là où elle pouvait contenir. La ville fut écrasée sous le poids de telles charges, et l’exode des habitants commença.
« À dict savoir que pour raison de ces gens de guerre, la plupart des principaulx habitans de ladite ville se retirèrent et se cachèrent ès villes prochaines et chasteaux forts des environs, Monsieur le lieutenant Redon à Villeneuve, Loubatery à Clermont, Cambefort à Moyrax, les conseillers Raymond et Boyssonnade, juge ordinaire, à Castelcullier, le conseiller Valier à Pujols, les conseillers de la Roche Durepaire au Castella, Codoing à Guillot, et aultres ès environs où ils pouvaient, quitant et abandonnant leurs maisons[710].
« Mais, à cause de leur absence, lesdites maisons furent pillées, ravaigées et saccaigées, à cause que la dite dame mettait en chacune une compaignie entière de ses gens de pied, qui faisaient toutes sortes de dommaiges, dont ils se pouvaient adviser et vendaient les meubles desdits habitans ; et oultre que ledit sieur lieutenant Redon fust quelque temps qu’il payait 10 escus par jour pour la nourriture du sieur de Mauléon qui estoit logé en sa dicte maison, et aussi que plusieurs des dits habitants furent emprisonnés, vexés et tourmentés par desfaut de fournir ou payer ce qu’on leur demandait[711].» « Le sieur de Ranse, entre autres, qui « demeura de longs jours incarcéré en un gros pilier, resté seu debout au milieu de la rivière[712] ».
« Et dit aussi savoir, pour avoir vu, que le plus souvent il n’estoit ouvert qu’une des portes de ladite ville où le sergent majour gardait ; et quelquefois on n’en ouvrait aucune, si ce n’estoit sur le soir, qui estoit cause que les pauvres habitans à grand difficulté pouvoient faire apporter quelque peu de leurs blez, vins et aultres provisions, et ce qui demeuroit aux champs demeuroit à la disposition tant de la garnison de ladite ville que de celles des lieux circonvoisins ; au moyen de quoy, lesdits habitans ne pouvaient faire que bien peu de récolte et de provisions[713]. »
De tels tableaux se passent de commentaires.
Du samedi 1er juin au dimanche 30, ladicte dame et tout son train audict Agen.
(Total des dépenses pour ce mois de juin, 2.344 écus, 22 sols, 2 deniers. Payé 493 écus, 14 sols, 10 deniers.)
Henri de Navarre ainsi que la Cour de France ne se firent pas longtemps illusion sur les projets de la Reine Marguerite. De si grands préparatifs leur donnèrent aussitôt l’éveil.
« Monsieur de Ségur, écrit le 10 juin, de Bergerac, Henri de Bourbon, despuis vostre partement les affaires n’ont pas reçeu beaucoup de changement. Ceux de la Ligue continuent à ramasser le plus d’hommes qu’ils peuvent ; leurs entreprises réussissent en peu de lieux et leurs effectz sont encore faibles. Ma femme se fortifie le plus qu’elle peut à Agen[714]. »
Et le 28 juin, toujours au même, de Lectoure :
« Nous vivons en incertitude, attendans la résolution de la guerre ou de la paix, et toutesfois bien asseurez que l’ung et l’aultre ne nous peuvent apporter que du mal. Le mareschal de Matignon n’advance guères. Ceulx d’Agen commencent à courir. Ma femme dict qu’estiez venu à Nérac exprès pour l’enlever et mener prisonnière à Pau, avec plusieurs aultres propos de mesme. Monsieur et Madame de Duras triomphent, et ne croiriez les insolens propoz dont ils usent. Notre patience dure tant qu’elle peut. Dieu veuille qu’elle puisse continuer[715]. »
Catherine, de son côté, ne se fait nulle illusion sur les projets rebelles de sa fille. À la date du 15 juin déjà, elle s’en plaint amèrement à Bellièvre. « …Je voy que Dyeu m’a laisé ceste createure pour la punytion de mes péchés, aus aflyxion que tous les jour ayle me donne. C’est mon flo (pour fléau) en cet monde. Je vous aseure que je an suys si afligée que je ne say quel remède y trover, que me aulgmente daventege mon annuy. Je vous prye panser cet que je y pourès fayre ; et, quand je vous voyré, que m’en pussiez conçoler…[716] »
Enfin, le 11 juin, Cavriana, médecin italien qui suivait la Cour partout où elle se transportait, écrit à Vinta : « La Reina de Navarra, non immemore dell injuria ricevuta ora fa l’anno, s’arma contro noi, ed ajuta gli avversarii, e fortifica Agen, dove e, terra principale della Guyenna, con tostte le terre et castella vicine, di modo che il fuoco e molti capi si spargono que e la per il rigna[717].
Néanmoins Marguerite s’efforce encore, mais bien vainement, de se conserver les bonnes grâces des Agenais.
« Le 23 de juin, écrit le consul Trinque dans son livre de raison, veille de Saint Jean, feust faict un grand feu à la place d’Agen, où la Reyne de Navarre mist le feu, accompagnée de MM. les consuls avec leurs robes consulaires. Les gens de la suite de la Reyne firent un autre feu au cimetière de la Chapelle, au bout duquel ils avaient mis un crumel avec trois chats. La Reyne les regardait, mais elle n’y mist point le feu[718]. »
C’est à ce moment, en effet, dès la dernière quinzaine de juin, que Marguerite songea à se fortifier dans Agen et qu’elle commença ces grands travaux qui allaient bouleverser la ville, en vue de bâtir une citadelle entre la Porte-Neuve et le couvent des Jacobins. Ce dernier, on le sait, occupait un vaste emplacement au-dessus des murailles qui longeaient le Gravier, dans la partie la plus haute de la cité[719]. La position, au point de vue stratégique, était on ne peut mieux choisie. Malheureusement ce quartier se trouvait habité par les familles les plus riches qui y avaient construit de superbes hôtels. On juge de leur émoi, lorsque, par ordre de la Reine, elles virent peu à peu tomber leurs élégantes demeures. « À dict estre veritable que ladite dame avait désigné pour lors de faire une cytadelle au couvent des Jacobins de ladicte ville, qui est le plus beau endroict d’icelle, regardant sur la prairie du Gravier, et y avoit commencé de faire des fossez, couppant une belle grande rue qu’on appelle la rue de Garonne, et avoit faict abattre toutes les maisons de toute une rue, depuis la Porte Neuve jusques aulx Jacobins, en laquelle rue y avoit de beaux bastiments, mesmes les maisons d’un nommé Joffrion, d’une damoyselle de Pujols, de Savignac et aultres qu’il ne sait le nom, et estime qu’il y a bien cinquante maisons rais terre et environ trente ou quarante qui ne sont du tout par terre ; mais ne sait le déposant le nom de tous les propriétaires, moins à quelle portion de taille[720]. »
Et les habitants étaient tous réquisitionnés « tant de la dite ville que juridiction, pour travailler à abattre les dites maisons, en oster les ruynes et en apporter le bois au couvent des Jacobins, travailler aussi aux fossés tant de ladicte cytadelle que de ladicte ville et faire des esperons, l’ung à la Tour de la Poudre, l’autre à la Porte Neuve et l’autre à la Porte Sainct Georges ; et que si la dicte dame eut continué à faire, la susdite ruyne eust rendu ladicte ville déserte et misérable[721].
Commencés à la fin de juin, ces travaux continuèrent tout le mois de juillet et tout le mois d’août.Du lundi 1er juillet au mercredi 31, ladicte dame et son train audict Agen.
(Dépenses pour ce mois de juillet, 2.371 écus, 55 sols, 8 deniers. Payé 1.884 écus, 31 sols.)
Ce n’est pas seulement à Agen que Marguerite arbora l’étendard de la Ligue. Comtesse d’Agenais, de Quercy, de Rouergue et des quatre Jugeries de Verdun, Rieux, Rivière et Albigeois, elle résolut de s’en rendre souveraine maîtresse, ou tout au moins de placer l’ensemble de ses domaines sous la domination de la Sainte Union.
Son premier essai fut contre la ville de Tonneins, qui appartenait au roi son mari, et qui se trouvait être un centre protestant des plus considérables. Bien plus, commandant la vallée de la Garonne, cette ville, suffisamment fortifiée, se présentait comme un boulevard avancé contre toute armée du maréchal de Matignon, qui tenterait d’envahir l’Agenais du côté de l’ouest. Sa possession était donc ardemment convoitée par la Reine de Navarre.
Ses premières armes ne furent point heureuses. Bien qu’aucun document ne nous renseigne exactement sur cette entreprise, nous savons cependant par la lettre suivante du Roi de Navarre, qui vint en personne au secours de cette place, que la petite armée de Marguerite fut battue à plate-couture. Elle nous fixe également sur la date de l’affaire qui s’engagea dans les premiers jours de juillet, le 3 probablement.
Le lendemain 4, Henri de Navarre écrivait en effet à M. de Meslon, gouverneur de Monségur :
« Meslon. Le faict pour lequel je m’acheminay icy a si heureusement succédé, Dieu mercy, qu’il n’est besoing que vous ameniez vos trouppes. Ramenez-les incontinent et faictes travailler à bon escient aux fortifications. Si ceulx de la Ligue ne font mieulx que ce qu’ils ont faict jusques icy, je leur conseille qu’ils ne s’en meslent point. Le cappitaine Geoffre, cadet de la Reinière et son enseigne y ont esté tuez, et trente ou quarante soldats sur la place et le reste noyé, se pensantz sauver par eaue. Et la présente n’estant à aultre fin, je ne vous la feray plus longue, pour prier Dieu, vous avoyr, Meslon, en sa saincte et digne garde. De Thonneins, ce IIIIe jour de juillet 1588. Vostre meilleur maistre et amy, Henry[722]. »
Mézeray écrit de son côté que Marguerite commença ses hostilités par la prise de Tonneins, dont ses gardes s’emparèrent par surprise ; mais qu’à leur tour « ils furent bientôt investis par le Roi son mari, forcés et taillés en pièces presque en un moment[723]. »
L’affaire de Tonneins ne fait donc aucun doute. Ce qui est bien moins croyable, c’est l’affirmation de presque tous les auteurs que Marguerite commandait en personne son armée. Aucun document sérieux ne vient confirmer ce racontar. Aussi nous inscrivons nous en faux contre cette assertion, ses livres de Comptes à la main qui la font résider à Agen tout le mois de juillet et qui n’auraient point manqué, dans le cas contraire, de signaler ce déplacement. Si elle eût d’ailleurs quitté la ville qu’elle était en train de ruiner, la Reine de Navarre aurait couru grand risque de ne plus pouvoir y rentrer. La plus élémentaire prudence exigeait donc qu’elle n’en sortît pas.
Même réserve de notre part pour le siège de Villeneuve qui suivit de près l’affaire de Tonneins, et dont le résultat fut aussi défavorable à la Reine de Navarre.
Marguerite, entrée de plain pied dans la Ligue, ne pouvait en effet rester sur ce premier échec. Le traité de Nemours, signé le 7 juillet, en vertu duquel Henri III, faisant sur les conseils de sa mère une volte-face complète, s’unissait avec les Guise et retirait aux Réformés toutes les libertés qu’il leur avait concédées jusque là, allait la fortifier plus encore dans ses résolutions. Aussi profitant de la stupeur dont cette mesure frappait les Réformés, des soucis de toutes sortes qui assaillirent à ce moment le Roi son époux, « dont la moustache, au dire de l’historiographe Pierre Mathieu, blanchit soudainement à cette nouvelle », et qui écrivait à Ségur le 8 juillet, de Nérac : « Excusez-moy si je ne vous écris de ma main, j’ay tant d’affaires que je n’ay pas le loisir de me moucher[724], » elle décida de frapper un grand coup et de s’emparer de Villeneuve-sur-Lot, place de premier ordre, autant par son importance commerciale que par sa position stratégique, cette ville se trouvant à cheval sur le Lot et très fortifiée des deux côtés.
Mézeray, et d’après lui Cassany-Mazet, ont longuement raconté ce siège[725]. Aux quelques détails authentiques qu’ils ont pu trouver dans les documents de l’époque, mais dont ils se sont bien gardés d’ indiquer les sources, ils ont, chacun de leur côté, cru devoir dramatiser leur récit, y mêler des discours inventés par eux de toutes pièces et même l’agrémenter de dialogues que l’on dirait préparés pour la scène.
Il n’est que temps, pensons-nous, de remettre les choses au point.
Et d’abord, pas plus qu’à Tonneins, Marguerite ne se mit à la tête de l’expédition. D’après ses livres de Comptes, toujours si détaillés, elle ne quitta point Agen de tous ces mois de juillet et d’août. Ce furent donc, ou Lignerac, ou d’Aubiac, ou plutôt le vicomte de Duras, c’est-à-dire de vrais hommes de guerre et non une amazone romantique, qui commandèrent la petite troupe. Toujours est-il que ses soldats s’emparèrent d’abord de la partie de la ville la plus faible, sise sur la rive gauche du Lot, laquelle du reste aurait été livrée par surprise et même sans coup férir. Mais ils se heurtèrent contre les ouvrages fortifiés du pont et la citadelle de la rive droite, défendus par Nicolas Cieutat et son fils Arnaud, seigneurs de Pujols et premiers consuls de la ville ; et ils durent commencer un siège en règle. Qu’y a-t-il de vrai dans la fameuse légende, répétée à satiété par tous les auteurs à la suite de Mézeray, d’après laquelle, mandé par Marguerite en personne à la tête de son armée, le vieux Cieutat se serait rendu seul et sans armes, « comme un consul de l’ancienne République de Rome[726] » auprès de l’altière princesse, non sans ordonner au préalable à son fils de défendre jusqu’à la dernière extrémité avec cent arquebusiers la tour du Pont de la rive droite, aurait été par elle condamné à mort, traîné par ses gardes au pied de la tour où s’était enfermé son fils, et là, par une feinte aussi ingénieuse que théâtrale, se serait vu dégagé brusquement et ramené en triomphe à l’hôtel de ville, cependant que, poursuivis l’épée dans les reins par les héroïques défenseurs de la cité, les soldats de Marguerite se seraient repliés en désordre, et dès le lendemain, toujours avec la princesse, auraient levé le camp au bruit des trompettes guerrières et libératrices du roi de Navarre, qui venait du côté nord secourir la ville ?
Rien d’authentique, rien de sérieux, ne vient confirmer un seul de ces faits ; aussi, jusqu’à preuve du contraire, ne pouvons-nous les accepter. Tout ce qu’il est permis d’écrire, c’est que Villeneuve fut assiégée au mois de juillet 1585 par la petite armée de la Reine Marguerite et que cette ville fut victorieusement défendue, non comme Tonneins par Henri de Navarre en personne, mais par ses seuls et courageux habitants, à la tête desquels nous ne nous refusons pas de placer Nicolas et Arnaud de Cieutat, consuls à cette époque. La Reine-Mère, écrit le 25 juillet Busini à Vinta, se prépare à retourner en Guyenne, non-seulement pour réduire Navarre, mais pour aplanir encore les difficultés qu’il a avec son épouse, « laquelle a voulu s’emparer de Villeneuve, e gli saria riuscito, si il marito non avessi provisto con farli disfare quatro compagnie d’ifanteria ha con lei[727].
Battue à Tonneins, battue à Villeneuve, Marguerite, qui n’avait point quitté Agen, d’où elle écrivait le 25 juillet un billet à un certain M. Dupuy, de Condom, pour l’engager à venir la trouver de suite[728], tenta encore la fortune du côté de la Gascogne. Elle n’y fut pas plus heureuse.
« Mon cousin, écrivait en effet le 20 août le Roi de Navarre à Matignon, je suis venu en ceste ville de Lectoure où ma venue a esté bien à propos pour y pourvoir, car il y avait beaucoup d’entreprises dessus. « Ceste nuict, ceulx d’Agen ont essayé de surprendre Samezard[729] qui est à M. de Raillac, à mi chemin d’icy à Agen. Ils ont laissé des armes et des chevaux, et là-dedans ils sont tous catholiques. Ils se sont fortifiés et retranchés au passage d’Agen, de sorte que, sans nombre de gens, on ne les pourrait voir. À mon retour de Béarn, j’espère parler à eux… »
Et en post-scriptum : « Le capitaine Belsunce vient d’arriver qui dit que ceulx de Valence, qui est à une lieue de La Magistère, ont cinq compagnies d’Agen dedans leur ville. Les habitans tiennent un fort et ne peuvent supporter de voir manger leur bien…[730] »
Il ne restait plus à Marguerite qu’à s’enfermer dans Agen et attendre les évènements.
Du jeudi 1er août au samedi 31, ladicte dame et tout son train audict Agen.
(Dépenses pour ce mois d’août, 2.483 écus, 27 sols. Payé 2.107 écus, 13 sols, 4 deniers.)
La ville d’Agen n’était pas au bout de ses peines. Un nouveau fléau allait s’abattre sur elle, en ce mois d’août 1585, et ajouter à ses calamités. Mais laissons parler les témoins de l’enquête, dont les dépositions simples et touchantes sont plus éloquentes que n’importe quel récit.
« … Et a dict que le grand débordement et dégât faict par les gens de guerre des vivres des habitans et des circonvoisins fut cause d’amener un prix excessif aux vivres ; tellement que la plupart du temps, il ne se trouvoit nul pain à vendre, ce qui faisoit mourir et endurer beaucoup de personnes de faim, et qu’à son advis, avec le mauvais traitement qui ruynoit lesdits habitans, cela engendra la peste-contagion en ladite ville, ce que touteſois on ne pouvoit persuader à ladite dame de le croire et donner congé aux habitans de se retirer aux champs.
« Et a dict aussi que ladite dame empeschoit les habitans de se retirer aux champs pour changer d’air, ni mesmes laisser sortir aucuns de leurs meubles, et que, pour cest effect, le sergen-majeur desdites compaignies estoit toujours à la Porte qui estoit ouverte. « Dict bien savoir aussi qu’à cause de ladite famine, contagion et vexation des habitans, il est mort un grand nombre de personnes en ladite ville, de toutes qualités et de tous rangs ; ne sait le nombre ; mais bien a ouy dire à plusieurs médecins et habitans que durant huict mois que la peste y a esté, il y est mort de quinze à dix huict cents personnes[731]. »
De ce nombre il faut citer le prieur des Pères Carmes, « lequel, écrit Trinque dans ses Mémoires, mourut dans son couvent, le 18 août, de la présente année, de la contagion de la peste. »
Quoique moins violente que l’épidémie qui devait surgir en 1629, 1631 et 1653, celle de 1585, on le voit, fit de cruels ravages dans la ville d’Agen. Comment en aurait-il pu être autrement, lorsque l’on songe à l’entassement de ruines qui s’amoncelaient chaque jour davantage dans cette malheureuse cité, à la chaleur accablante de l’été, au travail forcé imposé aux habitants, aux mauvais traitements, au manque de nourriture, à toutes les misères auxquelles ils étaient condamnés !
Marguerite tout d’abord ne voulut pas y croire. C’était, disait-elle, « une finte inventée par les consuls pour la forcer à quitter la ville[732]. » Bientôt cependant elle prit peur et se rendit à l’évidence. Mais force lui était cette fois de rester dans la ville qu’elle avait choisie, toute issue lui étant fermée pour songer à aller ailleurs. Et ses exigences ne firent que redoubler, ses vexations qu’augmenter, sous la pernicieuse influence du vicomte et de la vicomtesse de Duras et de la soldatesque turbulente qu’elle entretenait aux frais des habitants.
La Reine de Navarre assista cependant au feu de joie qui fut imposé aux Consuls, le 19 de ce mois d’août, en l’honneur de l’édit du Roy, portant « que tous les ministres de la R. P. R. vuidassent le royaume de France dans un mois, que tous les Huguenots allassent à la messe dans six mois, ou autrement qu’ils sortissent hors du royaume de France[733] », édit qui n’était que la conséquence du traité de Nemours. « Mgr l’Évesque d’Agen y fist chanter le Te Deum laudamus. »
N’était-elle pas engagée irrévocablement avec les chefs de la Ligue et ne devait-elle pas obéir à tous les ordres qu’elle recevait d’eux ?
Les deux lettres suivantes, inédites, du duc de Guise à l’ambassadeur d’Espagne, dom Bernardino de Mendoça, datées l’une de Chalons, du 15 août 1585, l’autre de Troyes, du 14 septembre, prouvent jusqu’à l’évidence l’entente parfaite à ce moment de Marguerite avec les chefs de la Sainte-Union :
« … Je vous fis aussy dernièrement entendre combien il estoit nécessaire secourir de moyens la princesse de Béarn[734], laquelle pour rien ne layrrait les armes et maintiendrait selon notre desseing la guerre en Gascogne, quelque desseing que l’on eust à l’estaindre. Je vous suplye en faire une depesche en toute diligence, afin qu’elle puisse toucher par nostre rescripcion, qui est pour cest fect à Fonterrabie, les cinquante mil escus que nous deuvions recepvoir, ou aultrement nos desseings de continuer la guerre viendraient à faillir ; car en final est certain qu’elle y atirera les armes. »
Et cet autre, plus explicite encore :
« J’écris présentement au Roy vostre maistre pour le suplier de secourir tout en diligence la Royne de Navarre de quelque bone somme de denyers, afin qu’elle, que nous avons establie comme obstacle aux desseings de son mari et instrument fort propre pour contrayndre le Roy très chrestien d’entrer en la guerre promise par le dernier Édict, ne soit abandonnée de ses gens, maintenant que nous avons le plus de besoing de son intencion… et remonstrez à Sa Majesté les bons offices que la dicte dame faict en Guienne pour la conservacion de nostre religion, laquelle sans son secours et les moiens dont jusques à ce jour nous l’avons aydée en seroit déjà bannie, pour estre le principal pays où tous les hérectiques de France ont establi leur refuge et retraicte et où ils délibèrent de dresser et assembler leurs principales forces…[735]. »
Les affaires d’ailleurs tournaient au tragique. On sait que, cédant aux conseils de sa mère, le versatile Henri III avait contracté avec la Ligue une nouvelle alliance, signée à Nemours au commencement de juillet et contre laquelle protesta énergiquement le roi de Navarre[736]. Henri III lui répondit en lui envoyant une députation pour le conjurer une dernière fois de se faire catholique, de rendre les places de sûreté et d’abandonner son parti. Il faut lire tout entière la belle réponse du futur Henri IV[737]. L’Église aussitôt lança sur lui ses foudres. Le 9 septembre, le roi de Navarre et le prince de Condé étaient excommuniés et la guerre partout déclarée.
Nous copions dans la collection Simancas un curieux sonnet, composé à cette époque, sur les affaires de France » et que nous croyons inédit :
Voyant de notre temps l’inconstante manière
Qui attend d’heure à aultre un changement nouveau,
L’on peult accomparer la France à ung tableau
Ou quatre grands joueurs jouent à la première :
Le Roy, sur qui doibt choir la perte tout entière,
Dit : Passe, sy je puis, bien que le jeu soit beau ;
— Je l’envye, dit Bourbon, en quictant son chapeau,
Sans veoyr ce qui luy vient à la carte dernière.
— Je tiens, dit Béarnais, y allast-il de plus ;
De Guise, soubs espoir de quelques petits flus,
L’enforce de son reste et l’autruy y hazarde.
Mais le Roy Catholique, assistant tout debout,
Y estant de moytié, couvertement reguarde
À luy fournir argent, pour enfin avoir tout[738].
Du dimanche 1er septembre au mardi 24, ladicte dame Roine de Navarre et tout son train en la ville d’Agen.
Cependant les démolitions dans Agen continuaient de plus belle ; les exactions de la dame de Duras irritaient chaque jour davantage ce qui restait de ses habitants, les têtes s’échauffaient, un vent de rébellion commençait à souffler sur la ville. Mais comment oser résister à Marguerite, à la sœur du Roi de France, à son alliée depuis le traité de Nemours, à celle qui ne disait effectuer ces travaux que pour mieux défendre la religion catholique et se prémunir uniquement contre toute attaque du Roi son mari ? Fort embarassés se trouvaient les consuls, d’un côté tenant charge d’âmes des habitants de la cité, de l’autre ayant perdu toute autorité à l’égard de Marguerite, souveraine maîtresse qui agissait selon ses caprices, sans même les consulter.
Son plan, nous l’avons dit, était de dresser un formidable ouvrage de défense sur tout le côté du triangle formé par la ville d’Agen, qui dominait le Gravier et la rivière de la Garonne, et qui, se trouvant l’endroit le plus élevé, là où était construit le couvent des Jacobins, pouvait aussi bien servir pour repousser toute attaque du côté de son mari que pour surveiller la population hésitante de la ville, laquelle, dans le cas où elle viendrait à se révolter, serait prise entre le fort de la Porte du Pin, à l’est, occupé par ses troupes, et cette citadelle des Jacobins qu’elle cherchait à rendre inexpugnable. L’ingénieur de Rives, à sa dévotion, dirigeait les travaux et fortifiait également les assaillants, c’est-à-dire au nord les portes Saint-Georges et Saint Antoine, au midi l’éperon de la Tour de la Poudre, et au sud-est la Porte-Neuve, point extrême de la voie stratégique qu’avait tracée la Reine elle-même pour se rendre du logis qu’elle habitait au couvent des Jacobins[739]. Poussée par les Guise, Marguerite ne garda plus aucune mesure.
« Je vous assure que toutes ces choses, écrit à la date du 14 septembre la Reine Mère à Villeroy, me donnent beaucoup de peine et principalement le faict de la Royne de Navarre, à quoy ne m’avez pas respondu de ce que vous priais de savoir du Roy, s’il trouveroit bon que j’en mandisse quelque chose à Monsieur de Guise, d’autant qu’il m’a asseuré et promis de luy mander qu’il ne se mesleroit jamais plus d’elle et qu’elle ne s’adressast plus à luy. Si ce n’estoit que je me diverty le plus que je puis, alant à la chasse et me promenant, je pense que je serois malade…[740] »
Les 15, 16 et 17 septembre, la Reine de Navarre fit abattre quarante-quatre maisons, en plus de celles que nous avons déjà indiquées.
Ces trois jours-là, en effet, écrit le consul Trinque, « la Roine fist abattre toutes les maisons depuis la Porte-Neuve jusques aux Jacobins, pour faire bastir la citadelle.
C’était la ruine définitive, l’effondrement de la vieille cité d’Agen, la déformité pitoyable infligée au plus beau, haut et éminent endroict de ladicte ville[741]. »
Les Consuls n’hésitèrent plus. Résolus d’en finir par eux-mêmes, ils décidèrent toutefois qu’il était prudent de prévenir le maréchal de Matignon, c’est-à-dire le représentant du Roi, lequel attendait anxieusement à Tonneins que l’occasion se présentât de faire rentrer la ville d’Agen sous l’obéissance de son maître, de qui il avait reçu du reste de formelles instructions. Ils lui envoyèrent donc un émissaire, chargé de lui soumettre leur projet et de lui demander conseil. Matignon les approuva fort et les encouragea dans la voie qu’ils proposaient. « … Suivant l’expres commandement à nous fait par Sa Majesté, leur répondit-il, vous donnons pouvoir et puissance de remettre la ville en la première liberté et obéissance dudit seigneur, prendre et saisir les forts d’icelle, chasser et expeller par la force et avec armes, si besoing est, les cappitaines, soldatz et aultres gens de guerre qui y sont, et nous y donner l’entrée pour la tenir en l’obéissance de sadite Majesté ; le tout, portant tous honneurs, respect et avec le très humble service que est deu à la Reyne de Navarre, ses dames et filhes, sans attempter à aulcune personne de ceulx qui sont à sa suite, ne portant les armes pour offenser ceulx de ladite ville[742]. »
On ne pouvait pousser plus loin la déférence.
Sûrs désormais de l’appui du maréchal, les Consuls et tout le Corps de ville arrêtèrent leurs dispositions de combat.
Le secret le plus absolu fut gardé.
Il fut décidé que le lendemain mercredi, 25 septembre, deux attaques seraient tentées simultanément, l’une contre la Porte du Pin, l’autre contre le fort des Jacobins, heureusement inachevé.
À la tête de trente hommes seulement, mais bien décidés à en finir, le consul Jean Gardès et les trois jurats, Pierre Corne, Crespin Trinque et Étienne Beaulac, tous quatre bourgeois et simples marchands de la cité, se ruent de grand matin, tandis qu’Agen dormait encore, sur le poste de la Porte du Pin. Les soldats surpris ne font aucune résistance, abandonnent la porte et se précipitent en ville pour donner l’alarme. Les officiers de Marguerite arrivent à leur tour, rallient leurs troupes et attaquent si furieusement les conjurés que, pris d’épouvante, dix huit de ces derniers s’enfuient aussitôt. Mais les douze autres restent à leur poste et se défendent vigoureusement. « Un fut tué, écrit le consul Trinque, deux autres blessés. Les ennemis mirent alors le feu à la porte, après avoir combattu quatre heures. Mais M. Dufranc vint au secours avec trente hommes, qui fist fuir les ennemis[743].
Maîtres de ce côté, les Agenais se portent en masse devant les Jacobins pour prêter main-forte à la petite troupe qui n’osait guère s’aventurer au milieu des ouvrages de défense accumulés par les soldats de la Reine Marguerite. Tout le couvent, où cependant étaient restés les Frères, avait été converti en une véritable forteresse. Plusieurs canons étaient déjà en place, et tout le dortoir des novices transformé en magasin de munitions. Des poudres y étaient amoncelées.
Certes, les troupes de Marguerite, une fois remises de leur première alarme, n’allaient pas tarder à prendre l’offensive et à avoir facilement raison de ces bourgeois plus courageux qu’expérimentés, lorsqu’un évènement imprévu vint augmenter la confusion et précipiter leur déroute. Tous les auteurs l’ont raconté à leur façon. Nous préférons donner ici la version peu connue du Père Jean Réchac, jacobin, qui dans sa vie de saint Dominique rapporte ainsi les détails de cet incident, tout en attribuant aux troupes du Roi de Navarre la cause de cette agression, ce qui est absolument faux.
« …Marguerite, qui s’estoit rendue odieuse dans Agen, lorsqu’elle voulut faire une citadelle dans la ville, ne trouva pas les Agenais en humeur de la deffendre. Elle fut contrainte de se faire un asile du couvent des Jacobins. Mais le roi s’estant préparé de l’assiéger, elle se retira dans ce couvent. Mais par une disgrace imprévue, un des soldats du Roi de Navarre qui estoit entré dans le couvent, mist le feu aux poudres, qui emportèrent tout le noviciat. Tous les novices et plusieurs de leurs Pères y furent escrasés ou tués soubs les ruines, à la réserve de deux religieux qui se trouvèrent dans les embrasures des fenetres ou des portes ; l’un desquels disait son office devant la fenêtre, l’autre sortait de sa chambre.
« Le Père Réchac, ajoute Labénazie qui nous transmet le texte de son récit, nomme ces deux religieux qui vivaient encore du tems qu’il escrivoit son histoire. Il rapporte cette aventure sur le rapport de ces deux religieux qui eschappèrent à ceste incendie et qu’il produit comme deux témoins irréprochables de la vérité de cet accident. Le Père Faber, prieur du couvent, ajoute-t-il encore, dans un mémoire qu’il a escript de sa main dit que ce fut le 25 septembre, à la première occasion que la Reine Marguerite « se recepit in hunc couventum contra impetum servorum regis Henrici ; tumultu facto cives fugaverunt eam. » Le feu prit aux poudres, qui ruina tout le petit dortoir. Frère Estienne, au début y fust écrasé. Il fut tué dans cette action 60 bourgeois, et entre autres le père du frère Audebert, « pro tuitione rei publicæ ictu catapultæ vitam commutavit[744]. »
Labrunie, Saint-Amans, et de nos jours tous les historiens qui ont parlé de la Reine Marguerite, ont rapporté cet incident. Le fait est vrai, bien que du récit du Père Réchac il faille retrancher quelques erreurs. Le feu fut mis véritablement aux poudres, sinon par un soldat du Roi de Navarre qui, on le sait, était fort loin de là et ne prit aucune part à la rébellion d’Agen, tout au moins par un bourgeois de la ville, ou encore peut-être par simple imprudence. Quoi qu’il en soit, le couvent sauta presque en entier ; la panique se mit dans les rangs des soldats de Marguerite, et il en résulta un sauve-qui-peut général. N’alla-t-on pas jusqu’à dire que Matignon, à la tête de ses troupes, était déjà en vue de la porte Saint-Georges ? Il ne restait plus à la Reine de Navarre qu’à fuir au plus vite, si elle ne voulait pas être prise.
Le départ fut lamentable. Dans le désordre et l’affolement général, seul Lignerac, le bailli d’Auvergne, celui que Marguerite allait dénommer ce jour-là le Chevalier de la Belle-Fleur, ne perdit pas la tête[745]. Il réunit en toute hâte quelques bons cavaliers, en fit une escorte à la Reine, et, quoi qu’il pût arriver, lui conseilla de partir sans plus tarder. À peine vêtue, sans même avoir le temps d’endosser son habit d’amazone, Marguerite sauta en croupe derrière lui. Madame de Duras en fit autant derrière un autre gentilhomme, et les filles d’honneur suivirent comme elles purent.
« Elle partit avec tant de hâte, écrit insolemment comme toujours le Divorce satyrique, qu’à peine se put-il trouver un cheval de croupe pour l’emporter, ni des chevaux de louage ni de poste pour la moitié de ses filles, dont plusieurs la suivaient à la file, qui sans masque, qui sans devantier, et telle sans tous les deux, avec un desaroy si pitoiable, qu’elles ressembloient mieux à des garces de lansquenetz à la route d’un camp, qu’à des filles de bonne maison ; accompagnée de quelque noblesse mal harnachée, qui, moitié sans bottes, moitié à pied, la conduisirent sous la garde de Lignerac aux monts d’Auvergne[746]. » L’étrange cortège sortit par la Porte Neuve, la seule des portes d’Agen restée libre, volontairement sans doute, et on le vit gagner la campagne et remonter le cours du fleuve, sans que nul ne daignât ni le poursuivre, ni l’arrêter.
La lutte était finie, la liberté reconquise.
« Le lendemain, écrit simplement Trinque, lequel dans cette journée mémorable du 25 septembre avait si bien mérité de sa petite patrie, M. le maréchal de Matignon arriva dans la ville d’Agen, qui trouva qu’on avait bien fait ; et en récompense de cela donna à ladicte ville d’Agen cinq cens trente escus, que M. d’Arasse, trésorier, leur délivra[747]. »
La ville en avait grand besoin :
« A dict en effet le témoin Pierre de Lafont, plus d’un an après, que tant à cause desdits gens de guerre, foules, oppressions, ruynes de maisons, que de ladicte contagion de peste, ladicte ville est extrêmement pouvre et beaucoup de personnes que le déposant cognoist sont misérables, qui avaient auparavant d’honnestes moyens ; et croit que de longtems ladicte ville ne sera remise en l’estat qu’elle estoit, tant de richesses que de batimens, s’il ne plaist au Roy y user de grandes libéralités[748]. »
Le Roi se rendit à l’évidence. À la suite de la députation d’Alain de Vaurs, envoyé vers lui pour demander des secours immédiats, il adressa aux Agenais des lettres dans lesquelles il les félicitait d’avoir su conserver leur ville en son obéissance, révoquait la cession de l’Agenais à sa sœur, réunissait cette province au domaine de la couronne, et pendant cinq années exemptait la ville de tout impôt, mais à la condition qu’aucune enquête ne serait faite sur la journée du 25 septembre, « approuvant et autorisant tout ce qui avait été fait ce jour-là[749]. »
Le mercredi 25 septembre, la Reine de Navarre et tout son train disne à Agen et couche à Brassard (pour Brassac), avec partye du train, et le reste dudict train souppe et couche à Agen. — Dépenses : 58 écus, 8 sols, 2 deniers.
Plusieurs auteurs, M. de Saint-Poncy entre autres, ont contesté le départ précipité d’Agen de la Reine Marguerite, ainsi que « ce désordre picaresque qui l’accompagna », dont Bayle notamment se fait l’écho, d’après le texte même du Scaligerana. On lit en effet dans son Dictionnaire ces piquants détails :
« La Reine de Navarre se mist en croupe derrière un gentilhomme, sans coussinet. Elle s’escorcha toute la cuisse, dont elle fust un mois malade, et en eust la fièvre. Le médecin qui la pansa est maintenant avec le Roy ; elle lui fist donner des étrivières. Elle fut mesme contrainte d’emprunter une chemise d’une chambrière au prochain lieu, jusqu’à ce qu’elle vint au commencement de l’Auvergne[750]. »
D’autres ont écrit que, poursuivie par une troupe de cavaliers lancés à ses trousses, Marguerite parcourut douze grandes lieues d’une seule traite, et ne s’arrêta même que lorsqu’elle fut arrivée à Carlat[751].
De toutes ces exagérations, il faut en rabattre. Sans aller jusqu’à dire, avec M. de Saint-Poncy, que la sortie d’Agen de la Reine de Navarre fut des plus honorables, que ses troupes se défendirent avec courage non seulement contre « ces bourgeois rebelles, » mais encore « contre les soldats de Matignon, » qui, on l’a vu, n’arrivèrent que le lendemain, que dans cette affaire « Marguerite déploya une remarquable énergie » et s’en alla, « emportant le respect et l’affection de ce pays, resté fort attaché au souvenir de sa dernière comtesse, » etc.[752], ce qui, nous l’avons suffisamment démontré, est complètement faux, le livre des Comptes de la Reine, avec l’entrefilet précité, est assez explicite pour que nous entrevoyons la vérité.
Si, en effet, ce mercredi 28, « la Reine de Navarre et tout son train, dîna à Agen, » c’est qu’elle eut le temps de préparer tranquillement son départ, à peu près sûre de ne pas être inquiétée par les habitants. Marguerite quitta donc cette ville sans trop de hâte, et elle ne fit pas le premier jour et d’une seule traite ces douze lieues légendaires que la plupart des auteurs ont rapportées. Elle se rendit, par la vallée de la Garonne d’abord, puis celle de la Séoune, jusqu’au château de Brassac, à l’entrée du Quercy, possédé à ce moment par Jean de Galard de Béarn, baron de Brassac[753], et distant d’Agen de huit lieues à peine ; ce qui du reste, nous le reconnaissons, était déjà bien suffisant pour une femme portée en croupe qui, comme Marguerite, n’avait pas l’habitude du cheval.
Quant à son train, une partie la suivit, notamment celles de ses filles qui purent trouver quelques galants cavaliers voulant bien les prendre derrière eux ; l’autre demeura à Agen. Nous allons voir, toujours dans ces précieux livres des Comptes, que les bons Agenais, bien peu vindicatifs, les laissèrent parfaitement tranquilles, sans user à leur égard de représailles, et qu’ils tinrent à honneur d’exécuter jusqu’au bout l’ordre de Matignon, lequel, on le sait, leur avait recommandé, le 20 septembre, de Tonneins, « d’avoir à porter tous honneurs et respect qui étaient deus à la Royne de Navarre, à ses dames et à ses filhes, sans attempter à aulcune personne de ceulx qui sont à sa suite. »
Le jeudi 26 septembre, ladicte dame et partye de son train disne à Castelnau et couche à Saint-Project, et le surplus dudict train en la ville d’Agen. — Dépenses : 4 écus, 16 sols.
De Brassac à Castelnau, qui est Castelnau de Monratier dans le Lot, château fortifié appartenant alors à la puissante famille de Roquefeuil, il y a vingt-sept kilomètres ; de Castelnau de Monratier à Saint-Projet, qui est Saint-Projet du Tarn-et-Garonne, canton de Caylus, arrondissement de Montauban, trente kilomètres ; ce qui fait pour cette seule étape cinquante-sept kilomètres ou près de quinze lieues, à vol d’oiseau. Nous dépassons déjà les douze lieues rapportées par les écrivains du temps. Évidemment, le départ d’Agen s’est transformé en déroute, la déroute en véritable panique.
Le vendredi 27 septembre, ladicte dame et partye de son train disne à Villeneufve, souppe et couche à Bournaisel, et le surplus de son train souppe et couche à Agen. — Dépenses : 4 écus, 16 sols.
Il s’agit ici de Villeneuve, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Villefranche, département de l’Aveyron, à vingt-quatre kilomètres de Saint-Projet, et de Bournasel, près de Rignac, arrondissement de Rodez, à vingt-deux kilomètres de Villeneuve, célèbre par son château ruiné de la Renaissance. Total, ce jour-là, quarante-six kilomètres, toujours à vol d’oiseau.
Le samedi 28 septembre, ladicte dame et partye de son train disne à Bournaisel et couche à Entraygues, et le reste dudict train disne et couche en la ville d’Agen. Dépenses : 4 écus, 16 sols.
De Bournasel à Entraygues qui est au confluent du Lot et de la Truyère, la distance est de trente-deux kilomètres. L’étape ce jour-là fut moins fatigante. À Entraygues se trouvait un magnifique château fort du XIIIe siècle. Comme à Brassac, à Castelnau de Monratier, à Saint-Projet, à Bournasel, Marguerite, on le voit, ne s’arrêtait que dans de véritables forteresses, dont les maîtres étaient à sa dévotion et où seulement elle pouvait se croire en sûreté.
Le dimanche 29 septembre, ladite dame et partie de son train disne, souppe et couche à Monsalvy, et le surplus dudit train en la ville d’Agen. — Dépenses : 4 écus, 16 sols.
D’Entraygues à Monsalvy, un peu plus de deux lieues. Marguerite commence à se remettre de sa frayeur. Ce jour-là est dimanche. Il lui faut assister aux offices dans la célèbre abbaye de ce lieu, dont la belle église du XIe siècle est protégée par les chateaux-forts du Mandulphe et de Coffinhal.
Le lundi 30 septembre, ladicte dame et partie de son train disne à Montsalvy, souppe et couche à Carlat, et le surplus dudict train, à Agen. — Dépenses : 963 écus, 48 sols, 9 deniers.
(Total des dépenses pour ce mois de septembre, 2.502 écus, 41 sols, 3 deniers. Payé, 2.118 écus, 16 sols, 9 deniers : et quant au surplus de ce qui reste à payer pour ledit mois de septembre, montant à la somme de 384 écus, 24 sols, 6 deniers, ledit présent tresorier n’en a failct aucun payement ez lad. dame, à faulte de fonds et recepte suffisante.)
La pénible odyssée était finie. Marguerite prenait le parti de demeurer, du moins quelque temps, dans ce sombre château de Carlat, à onze kilomètres sud-est d’Aurillac, sur une colline élevée, au-dessus des gorges profondes et pittoresques du Goul, dans le pays le plus sauvage de cette partie de la Haute-Auvergne ; forteresse imprenable, qui, au dire de d’Aubigné « sentait plus la tannière du larron que la demeure d’une Reine[754]. » Marcé, frère de Lignerac, en était gouverneur. Ce fut la raison principale pour laquelle le bailli d’Auvergne, son amant disent les pamphlets de l’époque, en tous cas son geôlier, y conduisit Marguerite, qui du reste avait reçu en apanage la vicomté de Carlat et celle de Murat. La Reine de Navarre était donc là chez elle[755]. Ses épreuves, malheureusement, n’étaient point terminées.
Du mardi 1er jour d’octobre au jeudi 31, ladicte dame Roine de Navarre et partie de son train au chasteau de Carlat.
(Total des dépenses pour ce mois d’octobre, 1.856 écus, 54 sols, 8 deniers. Payé, 1.790 écus, 46 sols, 8 deniers.)
« Et abordant ce chasteau de Carlat, écrit d’Aubigné dans son Histoire Universelle[756], le capitaine de la place dit à cette princesse qu’elle estoit la bien venue. À quoi il eut la response qu’il méritoit. Et puis voyant une fenestre grillée à neuf sur une roche précipiteuse de trente brasses, le capitaine s’excusa sur le commandement qu’il en avait exprès du Roi. Elle refusa de le croire, disant que son frère et son mari lui feraient plustot ouvrir ce passage. »
De gré ou de force, la Reine de Navarre était bien prisonnière dans le château de Carlat. Mais tout d’abord elle ne se plaignit pas. Harassée de fatigue, malade pendant plus d’un mois, Marguerite ne songe qu’à rentrer en possession de ses bijoux, de son linge, de son argent, se trouvant absolument dénuée de tout. Elle écrit au duc de Guise, elle envoie le vicomte de Duras en Espagne demander des secours à Philippe II, et elle expédie le capitaine Marcé ou de Marzé, frère de Lignerac, à Agen, pour rapporter tout ce que dans sa fuite précipitée elle y a laissé.
Le 17 octobre, le duc de Guise, qui ne considérait point encore la partie comme perdue, écrivait à dom Bernardino Mendoça, ministre de Philippe II, la lettre suivante, inédite :
« Mons., vous avez sceu maintenant come par faulte de recours d’argent, la Royne de Navarre a esté contraincte de quiter Agen et laysser la Guienne à la merci de ceulx de la Religion, lesquels courans et pillans à leur volonté ne sont resserrez ni empechés de personne, bien que en apparence il y ait forces sufisantes pour ce faire ; ce qui me donne beaucoup de défiances, al effect desquelles je espère toutefois de remédier par le bon secours du Roy vostre maistre, en atendan lequel s’il plaisait à Sa Majesté d’aider ladite Dame de la somme dont je lui ai faict la très humble prière par ma dernière depesche, elle pourroit se remettre sus et exécuter quelque belle entreprinse qu’elle a sur la mesme ville dont elle a esté sortie et sur plusieurs aultres de grande importance ; mais il fauldrait qu’elle feust formée du costé de Lion et s’il estoit possible que ce feust par letre de change audit Lion…[757] »
Vains efforts ! Philippe II ne partageait point ces illusions. Ne comptant plus sur l’habileté militaire de Marguerite, il faisait la sourde oreille et lui refusait tout secours.
Du côté d’Agen, les affaires de la Reine de Navarre ne marchaient guère mieux. Elle y avait laissé comme trésorier provisoire un certain Choisnin, chanoine, dit M. de La Ferrière, mais qui n’est autre que François Choisnin, son conseiller et secrétaire depuis 1582, lequel était chargé de liquider la situation et de faire partir le reste de son train, sa garde-robe, ses bijoux. Mais sa mission n’était guère facile, les Agenais commençant à demander de nombreuses indemnités et à exiger le paiement des sommes dues.
C’est ainsi qu’un certain Jean Vialles réclame 256 écus, « pour le louage, nourriture, entretenement de 26 chevaux de bast, durant dix jours, pour avoir porté les coffres et meubles de ladite dame Roine, de ceulx de Madame de Duras et de ceulx des filles, damoiselles, femmes de chambres et officiers de Sa Majesté » ; — que Germain Plantié et Antoine Delprat, marinier, demandent également qu’il leur soit payé ce qui leur est dû pour le transport « en 2 grands bateaux, d’Agen au Port, des coffres et hardes de Madame de Noailles et autres filles et damoiselles[758] », etc.
Tout ce que Marcé et Choisnin purent obtenir, c’est que le reste du train de la Reine quittât au plus vite Agen, où il ne se considérait plus en sûreté, et provisoirement s’en allât au Port-Sainte-Marie achever ses préparatifs de départ.
Le livre des Comptes est formel à cet égard et nous donne sur cette nouvelle odyssée de la maison de la Reine de Navarre les détails les plus circonstanciés. Nous y lisons en effet :
Le mercredi 2 octobre, le surplus dudict train disne à Agen, couche au Port-Sainte-Marie.
Du jeudi 3 octobre au jeudi 31, le surplus dudict train au Port-Sainte-Marie.
Du vendredi 1er novembre au samedi 30, ladicte dame Roine de Navarre et partie de son train à Carlat.
(Dépenses totales, 2.015 écus, 14 sols, 1 denier. Payé, 770 écus, 32 sols, 1 denier.)
Du vendredi 1er novembre au lundi 11, le surplus dudict train au Port-Sainte-Marie.
Le mardy 12, le surplus dudict train souppe et couche à Agen.
Le mercredi 13, ledict train disne à Agen, souppe et couche à Lafotz.
Les jeudi 14, vendredi 15 et samedi 16 tout le jour audict Lafotz.
Le dimanche 17, ledict train disne à La Magistère, souppe et couche à Vallance.
Les lundi 18, mardi 19 et mercredi 20, ledict train à Mouassac.
Le jeudi 21, ledict train disne à Mouassac, couche à Lozerte.
Le vendredi 22, tout le jour audict Lozerte.
Le samedi 23, ledict train disne à Lozerte, souppe et couche à Cahors.
Le dimanche 24, ledict train tout le jour audict Cahors.
Le lundi 25, ledict train disne à Cahors, souppe et couche à Beauregard.
Le mardi 26, ledict train disne à Beauregard, souppe et couche à Villefranche-de-Rouergue.
Les mercredi 27 et jeudi 28, à Villefranche-de-Rouergue.
Le vendredi 29, ledict train disne à Villefranche-de-Rouergue, souppe et couche à Rignac.
Le samedi 30, ledict train disne à Rignac, souppe et couche à Villecomtal.
Du dimanche 1er décembre au mardi 31, ladicte dame et son train à Carlat.
(Dépenses totales, 2.004 écus, 1 sol, 1 denier. Payé, 494 écus, 43 sols, 1 denier.)
Le dimanche 1er décembre, le surplus dudict train disne à Entraygues, souppe et couche à Monsalvy.
Le lundi 2, tout le jour à Monsalvy. Le mardi 3, ledict train disne à Monsalvy, souppe et couche à Carlat.
Ce jour-là, Marguerite rentra en possession d’une bonne partie de ce qu’elle avait laissé à Agen[759]. Quelques objets cependant manquaient à l’inventaire, notamment de magnifiques perles d’une très grande valeur, auxquelles la Reine tenait beaucoup. Elle s’adressa aussitôt aux consuls, qui ne répondirent pas. Furieuse de ce manque d’égards, elle leur écrivit une nouvelle lettre où elle les accusait de les avoir volées, les somma de les rendre au plus vite et les menaça, s’ils ne lui obéissaient, de revenir à Agen à la tête de ses troupes et de mettre la ville au pillage. En même temps elle chargeait Mlle de Noailles, une de ses demoiselles d’honneur demeurée en Agenais, de prendre en mains cette affaire et d’intercéder pour elle.
« Dans la chambre du Conseil de MM. les Consuls de la ville d’Agen, est procédé à un interrogatoire au sujet de lettres où il est question de perles appartenant à la Reine de Navarre et de la menace qu’aurait faicte ladite dame Reine de rentrer à Agen et de mettre la ville au pillage…
« …Et est entendu le sieur Darquié, de garde à la porte Saint-Antoine, qui a pris et amené un messager portant des lettres de la demoiselle de Noailles, qui ont été lues, plus un billet dedans où il est fait mention de quelques perles ayant appartenu à ladite Reine ; ainsi que d’une nommée Marie, veuve de feu Cazabon, qui escript à lad. damoiselle et lui parle desd. perles. Il ressort que lad. damoiselle est chargée de les recouvrer. » Il est dit de plus dans un de ces billets que la Reine est bien décidée à venir à Agen les prendre ou mettre la ville au pillage. » Mais ce dernier propos est contredit et même nié[760].
Par une très curieuse coïncidence, nous lisons dans l’Inventaire des Archives départementales des Basses-Pyrénées que le Roi de Navarre accorde à ce moment une gratification de 700 écus aux capitaines Marsollan, Coustous et Saint-Avit, pour avoir enlevé à des soldats deux colliers de pierreries appartenant à la Reine de Navarre[761]. Sont-ce les mêmes perles ? Et, dans ce cas, le Roi de Navarre les rendit-il à sa femme ? Tout porte à croire qu’il n’en fut rien, les rapports entre les deux époux restant plus que tendus, et Henri de Bourbon ne cachant pas son mépris pour celle qu’il appelait autrefois « m’amie. »
« …Ne craignes rien, mon âme, écrit le 7 décembre de cette année le Roi de Navarre à la comtesse de Gramont, quand ceste armée qui est à Nogaro m’aura monstré son dessein, je vous iray voir et passerai sur les ailes d’Amour, hors de la cognoissance de ces misérables terriens, après avoir pourveu, avec l’aide de Dieu, à ce que ce vieux renard (de Matignon) néxécute son dessein. Il est venu un homme, de la part de la Dame aux chameaux, me demander passeport pour passer cinq cens tonneaux de vin, sans payer taxe, pour sa bouche ; et ainsy est escript en une patente. C’est se déclarer ivrognesse en parchemin. De peur qu’elle ne tombast de si hault que le dos de ses bestes, je le luy ai refusé. C’est estre gargouille à toute oultrance. La Royne de Tarvasset n’en fit jamais tant…[762] »
La dame aux chameaux est incontestablement la Reine de Navarre. Tous les écrivains sont d’accord sur ce point. La brouille entre les deux époux est définitive. Le mépris et la haine ont succédé à la tolérance et à l’amitié. Tout s’écroule devant Marguerite, victime de plus en plus de ses inconséquences, de ses fautes, de sa légèreté.
ANNÉE 1586
Même état de maison que l’année précédente, mais purement nominatif aucun serviteur ne pouvant être payé[763].
Ladicte dame Roine et tout son train, au chasteau de Carlat. (Dépenses pour ces trois mois, 6.948 écus. Payé 6.708.)
Il existe peu de renseignements sur le séjour de Marguerite de Valois au château de Carlat. Aussi, tous les historiens qui se sont occupés d’elle varient-ils d’appréciation sur sa situation matérielle, politique et morale, durant les douze mois que cette princesse y demeura. Les uns, comme le comte de Saint-Poncy, s’appuyant sur Brantôme, Darnalt, le père Hilarion de Coste et tous les panégyristes de la Reine Marguerite, écrivent que jamais elle ne se trouva plus heureuse, ni plus respectée[764]. D’autres au contraire, comme d’Aubigné, Bayle, Dulaure, et après eux MM. Imberdis dans son Histoire des Guerres Religieuses en Auvergne, de Lescure, Ludovic Lalanne[765], et principalement le comte Hector de La Ferrière[766], soutiennent que son séjour y fut des plus misérables, entrecoupé de crimes, d’empoisonnements, d’assassinats.
Entre ces versions si opposées il faut, croyons-nous, établir un juste milieu. Les quelques documents authentiques qui nous sont restés et que vient de si bien utiliser du reste notre collègue et ami M. le comte de Dienne dans son Étude historique sur la vicomté de Carlat[767], nous apprennent que les premiers mois furent relativement calmes, mais qu’à la fin de cette année 1586 le malheur s’abattit de nouveau sur l’infortunée princesse. Nous allons les résumer à notre tour.
Catherine de Médicis et avec elle Henri III apprirent, avec un plaisir non dissimulé, la sortie d’Agen de la Reine de Navarre et la réintégration de cette ville et de tout le pays d’Agenais sous l’obéissance du Roi. Leur premier soin fut d’empêcher Marguerite de recommencer. La trouvant trop indépendante encore à Carlat et déplorant une fois de plus « les déportemans de sa fille la Royne de Navarre[768], » la Reine-Mère, sous le fallacieux prétexte de lui venir en aide, mais dans le but de la déloger de la forteresse imprenable qu’elle habitait, lui offrit comme résidence le château d’Ibois, près d’Issoire. Flairant le piège, Marguerite refusa.
La très curieuse lettre suivante, non datée, mais qui forcément fut écrite à ce moment là, c’est-à-dire dans les premiers mois de son séjour à Carlat, nous donne les raisons alléguées par elle :
« Madame, le sieur de Suraine m’a dit la charge qu’il vous a pleu lui donner, qui estoit celle même qui vous avoit pleu baller à La Roche. Je remercie très humblemant vostre Majesté du chatau qui lui plait m’oferir. Je n’an ai, Dieu merci, point de besoin, estant an une très bonne plase qui est à moi, asistée de beaucoup de jans d’onneur et y vivant très honorée et an toute sureté ; et quant à ce qui vous a pleu, Madame, lui commander me dire que se n’estoit à moi à faire la gaire, s’a bien esté, Madame, à moi à me garder ; ausi n’aie antrepris autre chose, mès à cela, Madame, et pour ne retomber an la puissance de ceux qui m’ont voulu oter le bien, la vie et l’onneur. Je vous suplie très humblemant croire, Madame, que je n’i espargnerai rien et que je vous demeureré, Madame, toute ma vie, sans vous randre jamès ma presence annuieuse, comme je l’ai particulieremant declaré au sieur de Sureil[769]. »
Ces gens d’honneur n’étaient point, comme on a pu l’écrire, une bande d’aventuriers sans foi ni loi. C’était, au contraire, les représentants de la plus ancienne noblesse d’Auvergne, qui, tous ou presque tous, se firent un devoir d’aller rendre leurs hommages à la Reine de Navarre, même de la recevoir chez eux. Dans le nombre figurent les Beauclair, d’Oradour, Brézons, Morlhon, Messillac, Roquemaurel, Montal, Scorailles, de Matha, de Dienne, de Fontanges, de Noailles[770].
Marguerite règne donc, à ce moment, en souveraine maîtresse au château de Carlat qu’elle fortifie autant qu’elle le peut, donnant son nom à l’une des quatre grosses tours qui le flanquaient, et qui a été appelée depuis Tour Margot. Elle cherche, en même temps, toujours sur les ordres d’Henri de Guise, à organiser en cette région, comme elle l’avait fait à Agen, le parti de la Sainte-Union.Ladicte dame Roine et tout son train, au chasteau de Carlat.
(Dépenses totales pour ces trois mois, 6.502 écus ; payé, 5.934.)
Au mois d’avril, la Reine de Navarre tomba sérieusement malade. Les fatigues, le changement de régime occasionnèrent une fièvre maligne. Les médecins de son entourage ne suffirent plus. On en fit venir de tous côtés, notamment un de Moulins, le sieur de Launay, praticien fort en renom, qui ne la quitta point de quarante jours. Les livres de comptes de la Reine nous fournissent la somme exacte qui lui fut octroyée à son départ pour ses services : « À Delaunay, médecin, demeurant à Moulins, six vingt douze escus pour estre venu à Carlat, pour visiter ladite dame en sa maladie, où il demeura 40 jours, à raison de trois écus par jour, » soit cent vingt livres[771].
Le bruit de sa mort courut aussitôt à la Cour. « Un de ces ans, écrit Brantôme, vinrent nouvelles à la Cour qu’elle estoit morte en Auvergne, n’y avoit pas huict jours. Il y eut quelqu’un qui rencontra là dessus et dit : “Il n’en est rien ; car despuis ce temps il a faict trop beau et clair au ciel ; que si elle fust morte, nous eussions veu esclipse de soleil, pour la grande simpathie que ces deux soleils ont ensemble, et n’eussions rien veu qu’obscurités et nuages[772].” »
Marguerite se remit cependant assez vite. On crut à la Cour qu’elle allait changer de résidence : « La Reina de Navarra, écrit à ce moment Cavriana à Vinta, mutera luogo, e si crede che venira in Touraine, à una casa della Reina, detta Chenonceaux, dove si cominciera a formare gli articoli per la pace. » Et il ajoute complaisamment sur Catherine : « La buona madre sta bene, salvo che la gotta alcima volta la piglia ; ma al corpo buono risponde il cuore ingentibus negotiis par ; e di vero mostra bene di essere di quel serenissimo ceppo in ogni cosa[773]. »
Le 4 juin, Marguerite était suffisamment rétablie pour pouvoir aller à Vic, siège du baillage du Carladais, où les habitants lui offrirent une réception splendide et notamment le spectacle d’une fête locale, avec danses champêtres, représentation théatrale et joyeuse collation[774]. »
Ladicte dame Roine de Navarre et tout son train, au château de Carlat.
(Dépenses totales pour ces trois mois, 6.305 écus. Payé seulement 1.233 écus)
Par ces chiffres éloquents, on voit que Marguerite n’avait plus d’argent. Ses misères allaient recommencer.
Envoyé en Espagne pour plaider sa cause auprès de Philippe II et rapporter des subsides, le vicomte de Duras revint les mains vides. Dans sa colère, la Reine le congédia. « Choisnin, écrit M. de La Ferrière sans indiquer la source où il a puisé ce renseignement, dont la place de trésorier avait été reprise par le titulaire, réclama une indemnité de 6.000 livres. Marguerite l’ayant refusée, il soufleta l’huissier qui lui refusait l’entrée de l’appartement de la Reine. Chassé de Carlat pour cette insulte et batonné au départ pour des propos injurieux contre la Reine, il jura de se venger et n’en eut que trop tôt l’occasion. » Enfin, auprès de Lignerac lui-même son crédit était épuisé. Voyant qu’il ne pourrait jamais être remboursé des sommes qu’il lui avait avancées au départ d’Agen et qui se montaient à plus de 10.000 livres, le bailli d’Auvergne fit main basse sur les bijoux de la Reine. Une scène terrible éclata entre eux. À peine Marguerite put-elle sauver quelques bagues qu’elle envoya de suite à des banquiers de Lyon, les sieurs Manelli et Ricardi, d’origine florentine, mais qui la volèrent effrontément. L’infortunée princesse écrivit au grand duc de Florence pour se plaindre « de la volerie et très grande perfidie que quelques banquiers de Lyon, ses subjects, se sont advissez de lui faire, et le supplie de lui venir en ayde[775]. » On ne sait s’il parvint à les lui faire rendre.
De la violence Lignerac passa à la jalousie. La peste survenant en ce pays d’Auvergne, ce qui, d’après certains écrivains modernes, fut la seule cause du départ subit de Carlat de la Reine Marguerite[776], le gouverneur du château, le capitaine de Marzé, vint subitement à mourir. Les ennemis de Marguerite, et après eux Bayle, Dulaure, le Divorce satyrique, l’accusèrent de l’avoir empoisonné pour rester maîtresse de la place. D’autres prétendent que ce fut son frère, jaloux de lui ; d’autres encore qu’il mourut simplement de la contagion. En tous cas, la Reine de Navarre perdait en lui son plus ferme soutien, son plus chaud défenseur.
Quelques jours plus tard, nouveau drame dans la chambre même de Marguerite. Lignerac y entre de grand matin, trouve près du lit de la Reine le fils de son apothicaire, et dans un accès de rage folle le poignarde instantanément. C’est du moins ce qu’écrit, le 19 juillet, dom Bernardino de Mendoça, ambassadeur d’Espagne, à Philippe II : « … Entiendo que la Reyna Madre se lamentana poco ha con Silvio del aver muerto apunalada M. de Lenerac, en el mismo aposento de la Princessa de Bearne, aun hijo de un boticario tan cerca de su cama que se mancho con lo sangue y dezia se ser por zelos, que era lo peor[777]. »
Mais à ce moment entre en scène un autre personnage, qui n’a jusqu’à présent joué qu’un rôle secondaire et dont l’influence va attirer sur Marguerite de nouveaux malheurs. Ce personnage c’est Aubiac. Aucun historien n’a encore donné sur le nouvel amant de Marguerite, ou du moins sur son origine, des renseignements exacts. Les uns le présentent comme un serviteur de bas étage. Les autres, comme M. de Saint-Poncy, le font descendre des Roquemaurel d’Aubiat, ancienne et noble famille d’Auvergne, ayant des rameaux en Quercy, etc. Toutes ces versions sont erronées.
Jean de Lart de Galard, de l’illustre famille de Galard en Condomois, Agenais, Périgord, etc., était issu de la branche d’Aubiac en Bruilhois, par les de Lart. Surnommé Aubiac, il était le second fils d’Antoine de Lart de Galard, écuyer, seigneur de Birac, d’Aubiac et de Beaulens, et de Renée de Bourzolles. Son frère aîné, Joseph de Lart de Galard, avait épousé, le 21 février 1572, Marie de Noailles. Ses trois sœurs étaient : Gabrielle, mariée le 2 août 1559 à Charles de Bazon ; Madeleine, surnommée Mlle d’Aubiac, demoiselle d’honneur de la Reine Marguerite depuis 1583 ; Catherine, épouse du sieur de Montpeyran.
Par la curieuse lettre de son frère aîné, reproduite précédemment par nous en note, au sujet de l’affaire d’Agen, comme aussi par les dépositions de l’enquête, nous savons qu’Aubiac accompagna Marguerite dans sa fuite, non comme écuyer, mais comme capitaine de l’une des compagnies qu’elle avait fait entrer dans cette ville pour la garder. Il ne cachait point son amour pour elle. Ne s’écria-t-il pas la première fois qu’il la vit à Agen : « Ah, l’admirable créature ; si je pouvais lui plaire, je ne regretterais pas la vie, dussé-je la perdre le lendemain ! »
Était-il aussi laid que d’Aubigné veut bien l’écrire : « Escuyer chétif, rousseau et plus tavelé qu’une truite, dont le nez teint en escarlate ne s’estoit jamais promis au miroir d’être un jour trouvé dans le lit avec une fille de France[778] ? » Cavriana dit le contraire : « Il était noble, jeune, beau, mais audacieux et indiscret[779]. » Il est vrai que ce dernier ne l’avait jamais vu.
Quoiqu’il en soit, Aubiac demeura au service de Marguerite et prit à Carlat le titre d’écuyer de la Reine[780]. Cette dernière ne tarda pas à se montrer sensible à son amour, et elle l’encouragea à supplanter Lignerac, après la mort de son frère, dans le commandement du château. De l’enfant sourd-muet, qui, d’après les pamphlets du temps, naquit de cette liaison illégitime, il ne saurait être question ici ; car, encore une fois, nous croyons avec Scaliger et bon nombre de ses contemporains que la Reine de Navarre n’eût jamais de progéniture. Le temps, du reste, lui eût fait défaut pour accoucher à Carlat, lieu où elle ne resta que jusqu’au mois d’octobre.
Mais une inimitié profonde surgit entre Aubiac et Lignerac, lequel, d’accord cette fois avec Henri III et la Reine Mère, s’empara du château, exigea que Marguerite abandonnât la place et se réfugiật ailleurs. Joyeuse, d’un autre côté, arrivait, cherchant à détacher d’elle le peu de partisans qui lui demeuraient fidèles. Il ne restait plus à l’infortunée princesse qu’à déguerpir ; Lignerac, écrit Henri de Noailles à sa mère Jeanne de Gontaud, lui ayant ordonné « qu’il falhait que l’oncle d’Ysabeau (c’est ainsi qu’il appelle Aubiac, son cousin par alliance, sautast le rocher ; nouvelle qui luy fut si rude qu’elle se trouva bien en peine, et après avoir garanty par prières et aultrement ce personnaige, elle ayma mieus vuyder et changer de place que demeurer là sans luy. »
Ce fut donc, en grande partie, pour sauver Aubiac que Marguerite consentit à quitter Carlat. Laissons Henri de Noailles continuer sa si curieuse lettre, datée du 21 octobre : « ..... Et ayant prins son chemin en crouppe derrière luy et accompaignée encore de Cambon[781], de Lyneyrac, et de quelques autres de sa maison, de ses filhes et de Madamoiselle d’Aubiac, elle se retira à un chasteau, près Lancher, qui est à la Royne mère du Roy, appelé Yvoy, où pour estre suivie de fort près par le sieur marquis de Canillac, avec quarante ou cinquante gentilshommes, qui avoit commandement du Roy de s’en saisir. Elle se trouva tant surprinse qu’elle fut contraincte d’ouvrir la porte après avoir faict un peu de semblant de se deffandre, et Aubiac qui s’estoit desguisé pour se sauver fut recogneu et mené à une maison dudict sieur marquis appelé Saint-Cirgues ; et ladicte Marion (Marguerite) à une petite ville auprès, en attendant la volonté du Roy, vers qui ledit sieur marquis avait depesché, et croys que cela le retient, mais on n’attend l’heure qu’il arrive. On dit que ceste pauvre princesse est si éplorée qu’elle s’arrache tous les cheveux. Lyneyrac l’a traictée fort cruellement et contraincte de payer jusques au dernier denier de tout ce qu’il luy a mis en avant qu’elle luy debvoit et contraincte de luy laisser des gages. Jugez le bien qu’elle en doibt dire. À la vérité cela est estrange. Je croy qu’on la gardera bien à s teure de courre…[782] »
Aucun document, mieux que celui-ci, ni plus digne de foi, ne saurait peindre la triste situation où se trouvait Marguerite à ce moment. Reprenons ses livres de Comptes et voyons avec eux quelle fut la fin de sa pénible odyssée.
Du mercredi 1er octobre au lundi 13 octobre, ladicte dame et son train au chasteau de Carlat.
Le mardi 14 octobre, ladicte dame disne audict Carlat, souppe et couche à Murat.
Ce jour-là en effet, Marguerite se décida à quitter Carlat. Ce ne fut pas toutefois « par une froide et obscure nuit de décembre » comme l’écrit M. de La Ferrière, ni en héroïne dramatique de roman, mais bien au grand jour et avec partie de son train. La lettre précitée d’Henri de Noailles en fait foi. Aussi ne devons-nous accepter qu’avec la plus grande circonspection cette narration trouvée dans le fonds de Mesmes, où, à côté de certaines vérités, s’étalent bien des erreurs :
« La vérité est telle que le sieur de Lignerac, pour quelque mécontement et jalousie qu’il a eue de la Reine de Navarre qu’elle ne se saisît du château, l’a chassée. Et si vous connaissez l’humeur de l’homme, vous penseriez que c’est une quinte aussitôt prise, aussitôt exécutée. Il a retenu quelques bagues en paiement, comme il dit, de dix-huit mille livres qu’il a dépensées pour elle, qui, après avoir bien contesté en son esprit, se résolut de s’en aller à Mirefleurs[783], Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/385 Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/386 Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/387 Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/388 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/389 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/390 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Lauzun - 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- ↑ Recueil des Lettres missives d’Modèle:Roi, par Berger de Xivrey, Modèle:T., préface, Modèle:Pg.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées des Archives de Condom (Auch, 1881). — Lettres tirées de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg et publiées par la Société historique de Gascogne (Auch, 1886).
- ↑ On sait que Modèle:M. a été chargé de continuer pour la Collection des Documents inédits de l’Histoire de France la magistrale publication des Lettres de Catherine de Médicis, commencée par Modèle:M. dans les cinq premiers volumes (1559-1577).
- ↑ Brantôme, Vie des Dames illustres, édit. Lalanne, Modèle:T..
- ↑ Idem.
- ↑ C’est par erreur que plusieurs auteurs la font naître à Fontainebleau, tantôt en 1552 comme Mongez, Hilarion de Coste, le Père Anselme, etc., tantôt même en 1551.
- ↑ Mémoires de Marguerite de Valois, édit. Charpentier, p. 22.
- ↑ Bibl. nat. Fonds français. Modèle:No 3,227, Modèle:Pg. — Idem : Mémoires de Marguerite ; éd. Charpentier, Modèle:Pg.
- ↑ Voir, entre autres nombreux documents sur cette affaire, les Lettres de Modèle:Roi à Modèle:M. (1565-1572), publiées par Modèle:M.. (Paris, Picard, 1897.)
- ↑ Le Laboureur : Additions aux Mémoires de Castelnau, Modèle:T. Modèle:Pg. — Idem : Mongez, Histoire de la reine Marguerite de Valois, Modèle:Pg.
- ↑ Voir, principalement dans les Mémoires de Marguerite, le récit de cette nuit célèbre et des dangers qu’elle courut.
- ↑ Bibliothèque nationale. Fonds Dupuy, Modèle:No 217.
- ↑ Mémoires de Marguerite, édit. Charpentier, Modèle:Pg. — Idem : Journal de l’Estoile, etc., etc.
- ↑ Idem, p. 103.
- ↑ Idem. p. 106.
- ↑ Mémoires de Marguerite, édit. Charpentier, p. 119.
- ↑ Idem, pp. 175-176.
- ↑ Lettres missives du Roi de Navarre, publiées par Berger de Xivrey. Tome Modèle:Sc, pages 113-117.
- ↑ Voir sur tous ces combats les Mémoires du temps : d’Aubigné, Mémoires et Histoire universelle ; Sully, Œconomies royales ; etc., etc.
- ↑ Voir pour cette affaire de Marmande les longs détails qu’en donne d’Aubigné au tome Modèle:Rom, p. 257 (éd. de 1626), de son Histoire universelle, et ceux quelquefois contradictoires de Sully dans ses Œconomies royales. Dans sa Notice sur la ville de Marmande (Villeneuve-sur-Lot, 1872), le regretté Ph. Tamizey de Larroque en a reproduit les principaux passages.
- ↑ Arch. mModèle:E d’Agen. BB. 33. La plupart des lettres du maréchal de Biron aux Consuls d’Agen ont été publiées par Modèle:M. dans le Recueil de la Société académique de cette ville, t. Modèle:Sc, 2Modèle:E série, Modèle:Pg125-160, 1885.
- ↑ Nous ne reproduirons pas ici la légende, devenue fameuse quoique entièrement fausse, d’après laquelle en cette année 1577 Henri de Navarre aurait surtout mécontenté les bons bourgeois d’Agen, en s’avisant avec ses favoris « d’éteindre au milieu d’un bal les chandelles pour faire main basse sur les belles dames gasconnes et violenter, soit une certaine Anne de Cambefort, qui, nouvelle Lucrèce, se serait précipitée par la fenêtre pour conserver son honneur », soit une autre, Catherine Duluc, fille d’un médecin, que certains auteurs, sans aucune preuve à l’appui, substituent à la première. Cette accusation, inventée à plaisir pour la première fois par un libelle ligueur de 1586, L’avis d’un catholique anglais, relevée déjà énergiquement par Duplessis-Mornay dans sa Lettre d’un gentilhomme catholique français, contenant brève réponse aux calomnies d’un certain prétendu anglais (Mémoires de la Ligue, Modèle:T., Modèle:In-4°, Modèle:Pg437), mais de nouveau accréditée par quelques-uns de nos anciens annalistes, Labénazie, Labrunie et naturellement Saint-Amans à la page 398 du tome premier de son Histoire du département de Lot-et-Garonne, a été définitivement jugée et reconnue fausse de toutes pièces par Modèle:M., à la page 343-344 du tome Modèle:Sc de la Revue de Gascogne et, en même temps que lui, par une substantielle note de Modèle:M., le consciencieux éditeur de l’Abrégé chronologique de Labrunie, aux pages 116-118 du tirage à part de cet ouvrage. Une fois pour toutes il a été fait par eux justice de ces ridicules et invraisemblables accusations.
- ↑ Voir, pour tout le séjour d’Modèle:Roi à Agen à cette époque, la remarquable étude de Modèle:M., La ville d’Agen pendant les guerres de religion, chapitres Modèle:Sc et Modèle:Sc, parue seulement dans la Revue de l’Agenais, tomes Modèle:Sc et Modèle:Sc, et dont malheureusement il n’a été fait aucun tirage à part.
- ↑ Lettres du maréchal de Biron : Op. cit.
- ↑ Archives municipales d’Agen, BB. 33. Modèle:Pg30.
- ↑ Brantôme : Vie des Dames illustres. Art. Catherine de Médicis.
- ↑ Notamment l’Estoile dans son Journal.
- ↑ Mémoires de Marguerite, édit. Charpentier, p. 209.
- ↑ Modèle:Abr, KK, Modèle:Vol.163.
- ↑ Que nos lecteurs nous pardonnent cette longue liste de noms, dont la plupart ne présentent que peu d’intérêt. En la donnant Modèle:Lang pour cette première année du voyage, 1578, nous avons tenu à leur montrer ce que pouvait être à cette époque l’état de maison d’une fille de France, en même temps reine de Navarre. Pour les autres années, nous nous contenterons de signaler simplement les changements survenus dans ce nombreux personnel.
- ↑ Modèle:Abr KK, Modèle:Vol.163, Modèle:Pg87 et suivantes.
- ↑ Chastres est aujourd’hui Arpajon.
- ↑ Angerville-la-Rivière, canton de Puiseaux, Modèle:Abréviation de Pithiviers (Loiret).
- ↑ Cléry-sur-Loire, Modèle:Abréviation d’Orléans.
- ↑ Saint-Dye-sur-Loire, canton de Bracieux, Modèle:Abréviation de Blois.
- ↑ Nous croyons devoir arrêter, dès à présent, le chiffre journalier des dépenses de la reine Marguerite. Nous nous contenterons de donner à la fin de chaque mois le total de ses dépenses et de celles de sa maison.
- ↑ Champigny, canton de Richelieu, Modèle:Abréviation de Chinon, célèbre par sa sainte chapelle.
- ↑ Sans doute Couhé-Vérac, Modèle:Abréviation de Civray (Vienne).
- ↑ Bien qu’on lise Bonay, ce doit être Renay, près de Mansle, Modèle:Abréviation de Ruffec.
- ↑ Nègres pour Aigre, chef-lieu de canton de l’Modèle:Abréviation de Ruffec.
- ↑ Neufvy pour Neuvicq, canton de Malha (Charente-Inférieure).
- ↑ Brantôme. Vie des Dames Illustres, Modèle:Art.Marguerite de Valois.
- ↑ Tollyer pour Étauliers, canton de Saint-Ciers, Modèle:Abr de Blaye (Gironde).
- ↑ Chronique Bordelaise par de Lurbe, p. 91.
- ↑ L’archevêque de Bordeaux était alors Antoine de Sansac.
- ↑ Chronique Bordelaise par Jean de Gauffreteau, p. 204, Modèle:T.Modèle:Rom.
- ↑ Histoire de Bordeaux par l’abbé Patrice John O’reilly. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg302.
- ↑ Bibl. nat. Fonds français, Modèle:N°15905, fModèle:E 139. — Cf. : Lettres de Catherine de Médicis, par Modèle:M., Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg87.
- ↑ Dom Devienne écrit Modèle:M..
- ↑ Brantôme, Vie des Dames Illustres, art. Marguerite.
- ↑ Chronique Bordelaise par Jean de Gauffreteau. — Id. par de Lurbe. — Id. Modèle:Corr Jeban Darnalt (1606). Histoire du collège de Guienne par E. Gaullieur (Paris, 1874). — Histoire du Parlement de Bordeaux par Modèle:M. (1877). — Histoire de Bordeaux par Modèle:M. (1895). — Archives historiques de la Gironde : pièces diverses ; etc.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3300 fModèle:E 41, ancien fonds Béthune, 8803. « Despeches faictes par la Reine-Mère au voiage faict par elle en Guienne, Languedoc, Provence, Dauphiné, etc. — Voir aussi Lettres de Catherine de Médicis, publiées par Modèle:M. Baguenault de Puchesse Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg40.
- ↑ Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, documents publiés par Abel Desjardins dans la collection des Documents inédits de l’Histoire de France, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg193.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3300, fModèle:E44. — Voir aussi Lettres de Catherine de Médicis, publiées et si bien annotées par Modèle:M., Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg46.
- ↑ Lettres missives d’Modèle:Roi par Berger de Xivrey, t. 1, p. 200.
- ↑ Lettres de Catherine de Médicis, Modèle:T.Modèle:Rom., Appendice, Modèle:Pg388 Modèle:Et suiv.
- ↑ Lettre de Catherine au roi son fils, du 4-5 octobre 1578. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°46 verso et Modèle:F°50 verso. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg30 Modèle:Et suiv.
- ↑ Archives de Modèle:M.. Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg60.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3300, fModèle:E 52. — Cf. Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg63.
- ↑ Lettres missives d’Modèle:Roi, Modèle:T1, Modèle:Pg201.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3300, fModèle:E 52. — Lettre de Catherine au roi son fils. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg63. — On n’a pas oublié que l’année précédente, le roi de Navarre, à la tête de ses troupes, avait mis le siège devant cette ville.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°52. Lettre de Catherine au roi son fils.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°55. Longue lettre, datée d’Agen du Modèle:RomModèle:E d’octobre.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Lézignan pour Lusignan-Grand, à 12 Modèle:Abr d’Agen, canton du Port-Sainte-Marie.
- ↑ Archives Modèle:Abr d’Agen. Modèle:Lié, Modèle:F°32 et 33, où est relaté le curieux récit de l’entrée des deux Reines, et aussi Modèle:Lié.
- ↑ Modèle:Abr d’Agen, Modèle:Lié, Modèle:F°28. Lettre publiée déjà par Modèle:M. dans le tome Modèle:Rom, 2Modèle:E série, Modèle:Pg145, du Recueil de la Société Académique d’Agen, 1885.
- ↑ L’original de cette chronique appartient à l’Évêché d’Agen. Une bonne copie en existait à la bibliothèque du château de Saint-Amans, laquelle, après diverses péripéties, a fini par être achetée par la bibliothèque départementale de Lot-et-Garonne où elle se trouve aujourd’hui. (Voir le chapitre sur les Ermites de Saint-Vincent, Modèle:T.1, de nos Couvents de la ville d’Agen.)
- ↑ Modèle:Abr d’Agen, Modèle:Lié.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°55 Modèle:Et suiv.
- ↑ Modèle:Lang. Modèle:F°62. — Cf. : Lettres de Catherine de Médicis, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg398.
- ↑ Le 18 mars en effet de cette année 1578 et afin de payer autrement qu’en argent, comme il le lui avait promis au moment de son mariage, la dot de sa sœur, Modèle:Roi, par lettres patentes, lui céda les comtés d’Agenais, de Rouergue et de Quercy, les Modèle:Tiret2 de Rivière, Verdun, et le comté de Gaure, pour lui tenir lieu des Modèle:Unité de rente qui constituaient sa dot. — Arch. mun. d’Agen, Modèle:Lié, Modèle:F°30. — Idem. Modèle:Lié. Voir aussi Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg163, 1894.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3300. Lettre de Catherine à Modèle:Roi. — Cf., Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg77.
- ↑ Lettres de Catherine. Fonds français, Modèle:N°3300. — Id. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg78.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°, Modèle:Fo 64. — Cf. Modèle:T., Modèle:Pg.
- ↑ Dom Vaissette, Histoire du Languedoc, Modèle:T., Modèle:Pg.
- ↑ Annales de la ville de Toulouse, par Lafaille. — Modèle:Id. Archives municipales de Toulouse, etc.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3385, Modèle:F°5.
- ↑ Il n’est pas un chroniqueur ancien ou moderne qui n’ait modifié à sa guise ou d’après des documents erronés l’itinéraire des deux Reines. Les uns, comme Modèle:M., les font aller directement d’Agen à Auch (tome Modèle:Rom, Modèle:Pg29), d’Auch à Modèle:Tiret2 et de là à Toulouse (Modèle:Id. Modèle:Pg36). D’autres comme Mongez, dans son Histoire de Marguerite de Valois, Modèle:Pg235, les font quitter La Réole pour se rendre directement à Auch, etc. Le travail que nous entreprenons rectifiera ces erreurs qui se renouvèlent tout le temps que les deux Reines passèrent en Gascogne.
- ↑ Histoire générale du Languedoc, Modèle:T.Modèle:Rom. — Voir d’Aubigné, le Divorce satirique, etc.
- ↑ Lettre du 14-15 novembre 1578. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°85. Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.117-121.
- ↑ Modèle:M., Histoire de Marguerite de Valois, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg38. — De Batz, Modèle:Roi en Gascogne, Modèle:Pg126, etc.
- ↑ C’est par une erreur incompréhensible que Modèle:M., qui se targue d’avoir eu en mains « les comptes authentiques de la trésorerie de la Reine de Navarre », écrit à la page 38 du Modèle:T.Modèle:Rom de son Histoire de Marguerite de Valois que ce fut à la suite du séjour des Reines à l’Isle-en-Modèle:Corr qu’Henri de Navarre les convia à une chasse à l’ours dans le pays de Foix. Cet épisode, sur lequel nous reviendrons ne se présenta que l’année suivante, en mai 1579.
- ↑ Biet pour Aubiet, village à 18 kilomètres à l’est d’Auch.
- ↑ Lettre de Catherine au roy son fils du 22 novembre. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°90 Modèle:Vo. — Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.129-130.
- ↑ Modèle:Abr d’Auch. Modèle:Lié. Reg. in-Modèle:Fo (1556-1581).
- ↑ Archives de la ville d’Auch. Livre vert. Ce procès-verbal de l’entrée des deux Reines a été publié Modèle:Lang par Modèle:M., dans son Histoire de la ville d’Auch, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg402-407. Appendice. — Cf. : Monlezun, Histoire de la Gascogne, Modèle:T.Modèle:Rom, 421, Manuscrits d’Aignan du Sendat, etc.
- ↑ Archives municipales d’Auch. Livre vert Rég. des délibérations.
- ↑ Mémoires du duc de Bouillon. Collect. Petitot, Modèle:T.Modèle:Rom., Modèle:Pg174.
- ↑ Mongez, Histoire de la reine Marguerite, Modèle:Pg236. — Sully, Œconomies royales. — Comte de Saint-Poncy, Histoire de Marguerite, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg33. — Lafforgue, Histoire de la ville d’Auch, Modèle:Pg211. etc.
- ↑ Mémoires du VModèle:E de Turenne, Coll. Petitot, Modèle:Vol.Modèle:Rom, Modèle:Pg176-177.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:Vol.3194, Modèle:Fo 132. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg127.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Bibl. nat. Fonds Dupuy, Modèle:N° 211, fModèle:E 13. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg131.
- ↑ Mémoires du vicomte de Turenne. Modèle:Abr
- ↑ Œconomies royales, collection Petitot, Modèle:T.Modèle:Rom, 2Modèle:E série, Modèle:Pg283-284.
- ↑ D’Aubigné, Histoire universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg350 Modèle:Et suiv. Modèle:Éd. de Ruble.
- ↑ Lettres de Catherine. Fonds français, Modèle:Vol.3300, Modèle:Fo 92.
- ↑ Brantôme, Vie des Dames illustres, chap. Marguerite.
- ↑ Œconomies royales, Modèle:Abr Petitot, Modèle:T.Modèle:Rom, 2Modèle:E série, Modèle:Pg282.
- ↑ Lettres de Catherine. Fonds français, vol. Modèle:N°3384, fModèle:E 60.
- ↑ Idem, Modèle:N°3300, Modèle:F°95. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg140 Modèle:Et suiv.
- ↑ Lettres de Catherine de Médicis, publiées par Modèle:M., Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg405 (Modèle:Lang). — Cf. : Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:Fo108.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Lettre de Catherine au roi son fils du 12 décembre. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°111. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg167.
- ↑ Idem, Modèle:N°3300, fModèle:E 111. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg168.
- ↑ Nous avons déjà rappelé ailleurs (Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées des archives de Saint-Pétersbourg, Modèle:Pg4), que, durant les deux années de 1578 et 1579, la ville de Condom fut le théâtre de graves désordres, dont furent victimes Modèle:Me Jehan Duffranc, lieutenant-général, et le sieur Imbert, lieutenant-particulier, qui se virent Modèle:Tiret2 leurs offices par Lettres patentes du Roi, sur la demande formelle du président Bousquet. Ils furent même exilés de la ville. Une longue enquête s’en suivit, qui aboutit à la réintégration par la Jurade des deux magistrats. (Modèle:Abr de Condom, Modèle:Abr des Jurades pour 1578-1579).
- ↑ Lettre de Catherine au roi son fils du 13 décembre 1578 au soir. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F° 111. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg170.
- ↑ Lettre de Catherine à son fils, du 16 décembre 1578 (Fonds français. NModèle:E 3300, Modèle:F°113, Modèle:Vo). — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg173.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg280.
- ↑ La plus impardonnable est l’erreur commise par le comte Léo de Saint-Poncy. À la page 39, Modèle:T.Modèle:Rom, de son Histoire de Marguerite de Valois, il écrit : « Avant de se rendre à Nérac, le roi et la reine de Navarre passèrent tout le mois de janvier au Modèle:Tiret2 où Marguerite resta avec tout son train jusqu’au 2 février inclusivement. » Puis, à la page 40, il ajoute : « Ce fut un jour mémorable dans les annales de Nérac que l’entrée de Marguerite de Valois, mardi 3 février 1579 », et, en note, « cette date nous est fournie par les livres de dépense de Marguerite. » Contrairement à cette assertion, il ressort, on vient de le voir, du texte même de la lettre de Catherine au Roi son fils que Marguerite fit son entrée le 15 décembre. Quant aux livres de comptes de la Reine de Navarre que nous publions ici avec son itinéraire, ils ne contiennent (on le verra dans la suite, puisqu’interrompus du 23 novembre au 31 décembre 1578, ils reprennent jour par jour à partir du 1Modèle:Er janvier 1579), aucune mention spéciale de l’entrée solennelle de la jeune Reine à Nérac, à la date du 3 février. On remarquera au contraire que pendant tout le mois de janvier, et il dut en être de même pendant les derniers jours de 1578, ce fut de sa part un va et vient continuel entre le Port-Sainte-Marie, où s’était installée sa mère, et Nérac où elle se rendait à chaque moment pour voir son mari et négocier avec lui.
- ↑ Agen, imp. Noubet, 1807.
- ↑ Notice historique sur la ville de Nérac, par le comte de Villeneuve-Bargemont, Agen, 1807. On trouvera dans cet opuscule, Modèle:Pp.68-77, le texte du poème « dressé par Salluste du Bartas pour l’accueil de la Reine de Navarre, faisant son entrée à Nérac. »
- ↑ Idem.
- ↑ Le château de Nérac, avec planches et planModèle:Corr (1896).
- ↑ Voir : Faits d’armes de Geoffroy de Vivans par Ad. Magen. Agen, 1887.
- ↑ Acte publié Modèle:Lang par Modèle:M. Baguenault de Puchesse, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg413. Appendice.
- ↑ Lettre de Catherine du 16 décembre. Fonds français, Modèle:N°3308, Modèle:F° 113. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg173.
- ↑ Modèle:Lang. Fonds français, Modèle:N°15905, Modèle:F° 212. Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg177.
- ↑ Lettre de Catherine. Ancien fonds français, Modèle:N°3202, Modèle:F° 18.
- ↑ Mémoires de Sully, Londres, 1778, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg154.
- ↑ Mémoires de Marguerite, Modèle:Éd. Guessard, Modèle:Pg158.
- ↑ L’Escadron volant, joli sonnet, sigué M. L., publié dans la Guirlande des Marguerites, Modèle:Pg73. Nérac 1876.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées, Modèle:Lié, 34, 35, 37 Modèle:Et suiv.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées, Modèle:Lié.
- ↑ Idem, Modèle:Lié.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées, Livres des comptes du Roi de Navarre, B. divers (1578-1579).
- ↑ Fonds français, Modèle:N°15560, Modèle:F°150.
- ↑ Lettre de Catherine au Roi son fils « escript sudict Port-Saincte-Marie, le vendredy 26 décembre 1578 au matin. » Fonds français, 3300, Modèle:F° 116. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg190.
- ↑ Voir pour l’acte de fondation du Paravis, Samazeuilh : Dictionnaire de l’arrondissement de Nérac. Abbé Barrère, Histoire du diocèse d’Agen, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg319. J. de Laffore, Notes sur les monuments religieux ou féodaux du Lot-et-Garonne, Modèle:Pp.153 Modèle:Et suiv., etc., etc.
- ↑ Lettre du roi de Navarre au vicomte du Turenne, du 26 décembre 1578. (Lettres missives, Supplément, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg131.)
- ↑ Lettre de Catherine du 24 décembre 1578. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°116. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg181. — Modèle:Lang, appendice : Pièce transcrite Modèle:Lang, Modèle:Pg415.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Archives nationales, série KK, Modèle:Vol.164. — Ainsi que nous l’avons dit, nous n’insérerons plus au commencement de chaque nouvelle année que les changements survenus depuis l’année précédente dans ce nombreux personnel.
- ↑ Ce qui prouve bien que les deux Reines étaient logées dans la ville même du Port-Sainte-Marie et non au couvent du Paravis.
- ↑ Modèle:Abr, Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°124. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg200.
- ↑ Lettre de Catherine « du Port-Sainte-Marie, le jour et feste des Roys ». Fonds français Modèle:N°3300, Modèle:F°126. Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg205.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg415. Modèle:Lang.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois à Pomponne de Bellièvre, par Modèle:Abr Tamizey de Larroque. Toulouse, Privat, 1897, Modèle:Pg7-9.
- ↑ Lettre du 10 Janvier 1579. Fonds français Modèle:N°3300, Modèle:F°128. Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg214.
- ↑ Idem., Modèle:F°138. Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg217.
- ↑ Lettres des 16 et 19 janvier. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°133. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg223 et suivantes.
- ↑ Cette lettre de Catherine au Roi son fils du 24 janvier 1579 (Fonds français 3300, Modèle:F°134), est vraiment admirable ! Elle finit par perdre patience devant tant de mauvais vouloir, et c’est avec une véritable éloquence et un grand sens politique qu’elle iui adresse ses doléances.
- ↑ Mémoires et Lettres de Marguerite de Valois, publiés par Modèle:M.. Paris, 1842.
- ↑ Lettre du 26 janvier 1579. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°139. Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg235.
- ↑ Lettres de Marguerite, Modèle:Édit. Guessard, Modèle:Pg196-203. L’annonce que son frère, le duc d’Anjou, est allé à Alençon (ce qui arriva, d’après L’Estoile, le 25 janvier de ce mois), nous permet de dater cette lettre à quelques jours près de cette fin de janvier.
- ↑ Lettres de Marguerite, Modèle:Édit. Guessard.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite, publiées par Modèle:M. Tamizey de Larroque, Modèle:Pg9-10.
- ↑ Lettre du 2 février au Roi. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°143. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg245.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ « Discours de ce qui s’est passé à la conférence de Nérac, rédigé par le secrétaire du maréchal de Damville. » Pièce fort intéressante, très claire et très bien tenue, tirée des manuscrits de la Bibliothèque municipale de Toulouse, manuscrit 612 ; Modèle:Pg, Modèle:F°284-294. Elle a été publiée pour la première fois par Modèle:M. Baguenault de Puchesse. Lettres de Catherine de Médicis, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg441-448. Appendice.
- ↑ Lettre du 4 février. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°145. Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg249.
- ↑ Histoire de Marguerite de Valois, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg40.
- ↑ Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg249.
- ↑ Les 27 articles de la Conférence de Nérac ont été imprimés pour la première fois en 1579 par Frédéric Morel, imprimeur ordinaire du Roi. (Modèle:Abr Imprimés), et réédités depuis, maintes et maintes fois, en 1580, 1581, 1591, etc., et de nos jours dans le Corps diplomatique de Dumont, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg337, la France protestante, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg159, etc., etc.
- ↑ Cette pièce des plus intéressantes existe à la Modèle:Abr Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°147. Elle a été publiée Modèle:Lang, avec les autres ci-après énoncées, par Modèle:M. Baguenault de Puchesse. Lettres de Catherine de Médicis, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg417 Modèle:Et suiv., Modèle:N°Modèle:Rom de l’appendice.
- ↑ Bibliothèque municipale de Toulouse, manuscrit 612. Modèle:Pg, Modèle:F°284-294. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom. Appendice, Modèle:N°Modèle:Rom, Modèle:Pg441-448.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°9. Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, des Lettres. Appendice Modèle:N°Modèle:Rom, Modèle:Pg449-452.
- ↑ Lettre de Catherine au roi son fils. Fonds français, Modèle:N°3300, Modèle:F°145. Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg250 Modèle:Et suiv.
- ↑ Nous ne relevons dans le journal du secrétaire de Damville, présent à la conférence, qu’une seule mention de partie de plaisir : « Ce vendredi, écrit-il, la Reine de Navarre demeura au conseil ladicte après-dinée, et, au sortir dessendit au parc, pour voir courre la bague au Roy son mary et aux aultres seigneurs de la suitte, cependant que la Reyne-Mère estoit à Vespres. Le sieur de Fontenilles, ne pouvant donner dedans la bague, dict tout hault en gascon que quelque ministre l’avait enchanté, qu’il ne sçavait où se vouer, parceque dans Nérac n’y avoit aulcung sainct ni saincte, les églizes estans toutes abatues. »
- ↑ Lettre du 12 février. Fonds français, 3300, Modèle:F°157, Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg159.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:N°331, Modèle:F°29.
- ↑ Journal du secrétaire de Damville.
- ↑ Lettre du 23 février au maréchal de Damville. Fonds français, Modèle:N°3248, Modèle:F°21. — C. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg280.
- ↑ Lettre du 25 février au maréchal de Damville. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°5.
- ↑ Lettre du 4 mars. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°5. Il est probable qu’elle séjourna à ce moment au couvent de Paravia, attendu que quelques jours avant, et alors qu’elle croyait tout rompu, la Royne avoit deja commandé d’aprester son disner lendemain aux religieuses du Paradis » dit le Journal du secrétaire de Damville.
- ↑ Lettre à la duchesse d’Uzès, Fonds français, Modèle:N°3387, 18. Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg292.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3887, Modèle:F°42. Autographe. Lettre inédite.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3387, Modèle:F°44. Autographe. Lettre inédite. — Il ne faut pas oublier, comme l’écrit Marguerite dans une autre lettre, que la duchesse d’Uzès avait alors au moins soixante ans : « Je vois bien, ma Sibille, qu’il y a une grande sympathie entre vous et moi, et que la différence de soixante ans à vingt-cinq n’empêche la conformité de nostre humeur. » (Fonds français, ancien fonds Béthune, Modèle:N°8890.)
- ↑ Lettres de Marguerite de Valois, publiées par Guessard. On a vu précédemment par les menues dépenses du Roi de Navarre combien ce prince ne négligeait rien pour rendre aux deux Reines et à leur aimable suite le séjour de Nérac aussi agréable que possible.
- ↑ Lettre de Catherine du 10 mars 1579. Fonds français, Modèle:N°3310, Modèle:F°11. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg296.
- ↑ Ce discours de la Reine-Mère a été publié Modèle:Lang sous le titre de : Recueil des propos tenus par la Reyne mère du Roy à la noblesse de Guyenne, en la salle de l’Évêché d’Agen, le Modèle:Rom-maj de mars 1579, par Modèle:M. Baguenault de Puchesse, Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp. 452-454 en appendice. — Cf. : Modèle:Abr Fonds français Modèle:N°3319, Modèle:F°26.
- ↑ Archives Modèle:Abr d’Agen. Modèle:Lié, Modèle:F°44-45. — Cf Histoire religieuse du diocèse d’Agen, par l’abbé Barrère, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg328 ; Saint-Amans, Histoire du département de Lot-et-Garonne ; Tholin, Agen pendant les guerres de religion, etc., etc.
- ↑ Lettre de Catherine. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°11. — Cf : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg199.
- ↑ Lettre du 15 mars. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°14. Cf : Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg302. — Cf : Archives Modèle:Abr d’Agen. Modèle:Lié.
- ↑ Lettre de Catherine au maréchal de Damville. Fonds français, Modèle:N°3203, Modèle:F°44. — Cf : Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg306.
- ↑ Mémoires du duc de Bouillon, 1579, Modèle:Abr Petitot. Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg179-183. Le duel eut lieu entre Henri de La Tour, vicomte de Turenne, assisté de Jean de Goutaud, baron de Salignac, chambellan du roi de Navarre, et Jean de Durfort, vicomte de Duras et seigneur de Rauzan, assisté de son frère Jacques de Durfort de Duras.
- ↑ Lettre de Catherine du 19 mars. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°17. — Cf : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg310.
- ↑ Voir de Thou, Brantôme, L'Estoile, Sully, etc.
- ↑ Lettre à Damville, précitée.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3319. Modèle:F°163. Cf : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg494. Appendice.
- ↑ Lettre du 25 mars au Roi. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°22.
- ↑ Modèle:Lang. Cf. Modèle:Rom, Modèle:Pg320.
- ↑ Lettre du 6 avril. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°28. Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg328. Saverdun en Foix était une place forte, laissée aux Réformés par l’édit de Nérac. Or, au moment de la Conférence, elle était prise par les troupes catholiques. Henri de Navarre ne voulut suivre Catherine qu’à la condition formelle qu’elle serait rendue à son parti. Ce à quoi s’emploie très loyalement la Reine-Mère.
- ↑ Lafox, château à Modèle:M., où les deux Reines s’étaient déjà arrêtées le 15 octobre précédent et dont nous avons parlé à cette date.
- ↑ Collection Baguenault de Puchesse. Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg327.
- ↑ Catherine de Bourbon, sœur du Roi de Navarre.
- ↑ Lettre du 6 avril. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°28. — Cf Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg331.
- ↑ À relever dans les comptes du Roi de Navarre, pour le mois d’avril 1579, la mention suivante : « Au capitaine Laqueuille, 60 sols tournois, données par ordre de Sa Majesté aux tambours de la garnison du Mas-de-Verdun pour que la garnison vint faire une salve à Sa Majesté près Beaumont-de-Lomagne, allant conduire la Reine-Mère sur les champs de Grenade. »
- ↑ Pour Mauvezin. Nous ferons remarquer que l’itinéraire que nous donnons de la Reine Marguerite concorde en tous points avec celui du Roy de Navarre dressé pour cette époque par Bergier de Xivrey. Pourquoi ce dernier est-il dans la suite, comme précédemment, si incomplet.
- ↑ Lettre du 11 avril. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°29. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg333.
- ↑ Lettre du 12 avril, Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°30. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg335.
- ↑ Lettre du 14 avril. Fonds français, Modèle:N°3387, Modèle:F°1. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg337.
- ↑ Lettre de Marguerite, Modèle:Éd. Guessard, Modèle:Pp.198-199.
- ↑ Lettre du 23 avril. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°32. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg341.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Marquein, canton de Salles sur Lhers, dans l’Aude, à l’extrême limite de ce département.
- ↑ Lettre de Catherine à Damville, du 22 avril. Fonds français, Modèle:N°3345, Modèle:F°71. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg340.
- ↑ Lettre du 23 avril. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°32. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg341.
- ↑ Il s’agit ici du projet de mariage entre François d’Alençon, quatrième fils de Catherine, actuellement duc d’Anjou, avec la Reine Élisabeth d’Angleterre ; union que désirait ardemment Catherine et qui n’aboutit pas.
- ↑ Lettre du 23 avril. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°32. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg340-345.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Lettre du 26 avril. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°35. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg347.
- ↑ Lettre du 29 avril, Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°36. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg348.
- ↑ Lettre de Catherine du 3 mai. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°38. Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg353.
- ↑ Lettre de Catherine du 6 mai. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°39. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.355-356.
- ↑ Extrait des procès-verbaux des États du Languedoc, tenus à Castelnaudary du 27 avril au 4 mai 1579. Bibliothèque municipale de Toulouse, manusc. reg. 611, Modèle:F°290-308. — Cf. : Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.481-485. Appendice.
- ↑ Lettre de Catherine, du 8 mai, au roi son fils. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°39. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg357.
- ↑ Lettre à la duchesse d’Uzès. Fonds français, Modèle:N°3387, Modèle:F°32. Autographe.
- ↑ La fin du mot manque. Il faut lire probablement Fanjeaux, plutôt que Fajac la Relenque, trop à gauche de la route de Castelnaudary à Carcassonne.
- ↑ Lettre du 8 mai. Modèle:Loc. cit.
- ↑ Lettre du 8 mai 1579, Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°39. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg359.
- ↑ Lettre du 8 mai 1579. Fonds français, Modèle:N°3319, Modèle:F°30. — Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg359.
- ↑ Œconomies Royales. Coll. Petitot, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg284.
- ↑ Histoire universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg362, Modèle:Éd. de Ruble.
- ↑ Mongez : Histoire de Marguerite de Valois, Modèle:Pg263.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées. Modèle:Lié.
- ↑ Fonds français, Modèle:N°3319, 45. Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg365.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:F°46.
- ↑ Modèle:Lang, 3381, Modèle:F°31. Cf. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg367.
- ↑ Saint-Félix, village de la Haute-Garonne, dans la vallée de la Garonne entre Carbonne et Cazères. Ancien château de Montmorency.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. Comptes du roi de Navarre.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. Modèle:Lié. Modèle:Id. Comptes du roi de Navarre, Modèle:Pg603 et suivantes.
- ↑ Voir sur Catherine de Bourbon l’attrayant ouvrage de Madame la comtesse d’Armaillé.
- ↑ Le Château de Pau, par Bascle de Lagrèze, Modèle:Pg253 et suivantes.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois, publiées par Modèle:Abr Tamizey de Larroque, 1897, Modèle:Pg12-13.
- ↑ Jacques Lallier, seigneur du Pin.
- ↑ Mémoires de Marguerite. Modèle:Éd. Charpentier, Modèle:Pg212 et suivantes.
- ↑ Mémoires de Marguerite. Modèle:Éd. Charpentier, Modèle:Pg246.
- ↑ Journal de l’Estoile. Année 1590.
- ↑ Modèle:Abr des Basses-Pyrénées. Comptes du Roi de Navarre. Juin 1379.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Mémoires de Marguerite. Modèle:Éd. Charpentier, Modèle:Pg216.
- ↑ Brantôme : Vie des dames illustres. Modèle:Art.Marguerite.
- ↑ Pontiacq-Villepinte, canton de Montaner, arrondissement de Pau.
- ↑ Belloc-sur-l’Adour, canton de Plaisance (Gers), en face de Castelnau Rivière-Basse.
- ↑ Modèle:Roi en Gascogne, par Modèle:Abr de Batz de Trenquelléon. Paris. Oudin, 1885, Modèle:In-8°, de 338 Modèle:Abr
- ↑ Mémoires de Marguerite, Modèle:Éd. Charpentier, Modèle:Pg216-247.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées, B. 157. Comptes du roi de Navarre, année 1582.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T., Modèle:Pg233, note.
- ↑ Archives municipales de Laplume. Supplément aux Archives départementales de Lot-et-Garonne, série E, Modèle:Pg92.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées, Modèle:Lié. Comptes du Roi de Navarre, juillet 1579.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. Modèle:Lié. Juillet 1579.
- ↑ Nous ignorons pourquoi, dans ses notes sur l’Histoire universelle de d’Aubigné, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg368, Modèle:M. a pu écrire qu’à cause de sa maladie à Eauze, Henri de Navarre ne put assister à la réunion de Juillet. » Bien au contraire, il en présida toutes les séances. Même erreur dans l’Histoire de Montauban par Le Bret. (Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg80) où il est dit qu’ « une indisposition empêcha le roi de Navarre de venir dans cette ville. »
- ↑ Mémoires du duc de Bouillon. Modèle:Abr Petitot. 1579, Modèle:Pg185.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg36.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom, Supplément, Modèle:Pg137-138.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg236-240.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg241.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg240-241.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. Modèle:Lié. Comptes pour août 1579.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Lettres missives. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg139-140.
- ↑ Marguerite exagère un peu. Ce bonheur ne dura que trois années, au bout desquelles, comme nous le verrons, commencera pour elle l’ère des infortunes.
- ↑ Voir le charmant ouvrage : Catherine de Bourbon, par Modèle:Mme. Paris, Didier, 1872.
- ↑ Mémoires de Marguerite. Modèle:Éd. Charpentier, Modèle:Pg217-218.
- ↑ Voir aussi notre étude sur Le Château de Nérac, avec une reproduction de plan en relief du vieux château (Agen, 1896).
- ↑ La vue de 1610, reproduite plus tard en lithographie par Lomet, donne une idée fort exacte de ce qu’étaient à cette époque le château de Nérac et ses différents parcs.
- ↑ Mémoires de Michel de la Huguerye, publiés par le baron de Ruble, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg307.
- ↑ Salluste du Bartas dédia à cette époque à la Reine Marguerite, « qu’il s’étoit donnée, dit-il, pour marraine, » un des premiers poëmes de son recueil la Muse Chrétienne, intitulé : La Judith. Modèle:Édit. 1579.
- ↑ Voir dans la Guirlande des Marguerites, Modèle:Pg13, la note explicative qui accompagne le sonnet consacré à ces deux arbres désormais historiques.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. Comptes du roi de Navarre, 1579.
- ↑ Idem, B. 1518 et B. 237.
- ↑ Idem, B. 46 et B. 2365.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. B. 2380.
- ↑ Modèle:Lang, B. 2374, 47, 46, etc.
- ↑ Mémoires de Marguerite, Modèle:Éd. Charpentier, Modèle:Pg218.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées, B. 163.
- ↑ Œconomies royales. Modèle:Abr Petitot, Modèle:Pg285.
- ↑ D’Aubigné, Histoire universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg381.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg140. Lettre du 12 août 1579.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg144. Lettre du 22 août, de Nérac, à la Reine-Mère.
- ↑ Modèle:Abr d’Agen, BB. 33, Modèle:Pg55. Inédite. Cf. : Lettre du roi de Navarre à Modèle:M., du 16 septembre 1579. — Cf. : Lettres missives. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg245.
- ↑ D’Aubigné, Histoire universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:AbrModèle:Rom, Modèle:Ch.Modèle:Rom-maj. — Cf. : Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg245.
- ↑ Modèle:Abr, Fonds français, vol. 3330. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg196. — Cf. Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg246.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg249-251.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg254-253.
- ↑ Dupleix, Histoire d’Modèle:Roi. Édition Denis Béchet, 1663, Modèle:Pg76.
- ↑ Bibliothèque Impériale de Saint-Pétersbourg. Modèle:N. du Modèle:Abr, Modèle:Fol.36. Lettre déjà publiée par nous pour la première fois dans les Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées de la Modèle:Abr. Auch, 1886, Modèle:In-8° Modèle:Pg6.
- ↑ Modèle:Lang. Modèle:N. du Modèle:Abr, Modèle:Fol.34.
- ↑ Modèle:Abr, Fonds français, Modèle:Vol.3387, Modèle:Pg50. — Cf : Guessard, Modèle:Pg208.
- ↑ Lettres, du 28 décembre 1579, de la Reine de Navarre à la Reine-mère et au Roi son frère. Modèle:Abr de Saint-Pétersbourg. Voir plus haut, page 43, la note explicative que nous avons écrite sur ces évènements de Condom.
- ↑ Jean de Lettes, évêque de Montauban, eut le premier l’idée de fonder un collège en cette ville. Elle n’aboutit pas. En août 1579 ce projet fut repris, et les habitants adressèrent une requête au Roi qui, en octobre de cette année, accorda des lettres patentes en faveur de cet établissement. Henri de Navarre en sa qualité de chef des Réformés voulut y contribuer. À cet effet il assigna une somme de 200 livres à prendre chaque année sur ses revenus du comté de Rodez. Marguerite à son tour ne voulut point rester en arrière, et elle accorda, le 28 décembre 1579, « à l’imitation du roy son mary, une pension annuelle de 200 livres pour l’entretenement dudit collège. » L’original de cette libéralité, signé de la main de la Reine, est conservé aux archives départementales de Tarn-et-Garonne. D. Fonds du collège. — Voir à ce sujet : la Notice historique sur le collège de Montauban, par Modèle:M. Bourbon. Bulletin archéologique du Tarn-et-Garonne, Modèle:T.Modèle:Rom, 1870.
- ↑ Notice historique sur la ville de Nérac, par le comte de Villeneuve-Bargemont, Agen, 1807, Modèle:In-8°, Modèle:Pg31.
- ↑ Journal de l’Estoile, à la date du 3 février 1580.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg287.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg268.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg273.
- ↑ Mémoires de Marguerite. Modèle:Éd. Charpentier, Modèle:Pg210.
- ↑ Mémoires du duc de Bouillon. Modèle:Abr Petitot, Modèle:Pg187.
- ↑ Voir l’Itinéraire, par Berger de Xivrey.
- ↑ Voir la liste de ses menues dépenses pour l’année 1580 au Modèle:Vol., KK. des Archives nationales.
- ↑ Dépenses extraordinaires du Roi de Navarre. Archives des Basses-Pyrénées, B. 54.
- ↑ Dépenses extraordinaires du Roi de Navarre. Archives des Basses-Pyrénées. B. 54 (Mars 1580).
- ↑ Lettres missives. Supplément, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg164.
- ↑ Mémoires de de Thou. — Cf. : Biographie du capitaine Merle par le capitaine Goudin. Modèle:Abr Petitot. — Cf. : Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg262, etc., etc.
- ↑ Documents inédits pour servir à l’histoire de l’Agenais publiés par Modèle:Abbr Tamizey de Larroque, numéros Modèle:Rom-maj et Modèle:Rom-maj, d’après le Modèle:Vol., Modèle:Pg39 et 40, du fonds français de la Bibliothèque nationale.
- ↑ Lettres missives, supplément, Modèle:T.Modèle:Rom Modèle:Pg161.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées de la Modèle:Abr de Saint-Pétersbourg, publiées par nous. Auch 1886, Modèle:Pg10-11.
- ↑ Modèle:Abr, Fonds français. — Cf. : Journal de l’Estoile.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg277.
- ↑ Mézeray, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg486, Modèle:Édit. in-folio, 1685.
- ↑ Histoire de France, Modèle:Éd. 1857, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg495.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg308.
- ↑ Revue des questions historiques. Modèle:No de juillet 1898, Modèle:Pg194-204.
- ↑ Modèle:Abr, Fonds français, Modèle:Vol.15.362, Modèle:Pg94. — Cf : Documents pour servir à l’Histoire de l’Agenais, par Ph. Tamizey de Larroque, Modèle:Pg149.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Lettre Modèle:Rom-maj, déjà publiée Modèle:Lang par nous dans les Archives historiques de la Gascogne, fascicule onzième, Modèle:Pg13, 1886.
- ↑ Lettres de Marguerite, publiées par Guessard, Modèle:Pg207.
- ↑ Mémoires de Marguerite. Modèle:Éd. Charpentier, Modèle:Pg219-220.
- ↑ Histoire Universelle de d’Aubigné. Modèle:Éd. de Ruble, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg381 Modèle:Et suiv.
- ↑ Lettres missives. Supplément, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg178. Note.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français Modèle:Vol.15362, Modèle:Pg39 et 15572, Modèle:Pg146. — Cf. : Documents inédits pour l’histoire de l’Agenais, Modèle:Pg 153-157.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom et supplément, Modèle:T.Modèle:Rom.
- ↑ Mémoires de d’Aubigné.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg285. (Modèle:Abbr Collection de Modèle:M. de Conches.)
- ↑ Lettres missives, Modèle:Pg288-295. (Fonds Brienne. Modèle:Vol.207.)
- ↑ Idem, Modèle:Pg296-298.
- ↑ Archives nationales. Recettes de la Reine de Navarre, Modèle:Vol.166, KK.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:Vol.3300.
- ↑ Modèle:Abbr Collection Feuillet de Conches. — Cf. : Causeries d’un curieux, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg79.
- ↑ Voir son Itinéraire fin avril et commencement de mai 1580.
- ↑ Noble François de Cassagnet, de la famille de Tilladet en Armagnac, seigneur de Modèle:Abr Orens et de la Roque, chevalier de l’ordre du Roi, capitaine de cinquante hommes d’armes et sénéchal du Bazadais. Il joua un rôle important, à cette date, dans toutes les affaires du Condomois.
- ↑ Archives municipales de Condom. — Lettre déjà publiée par nous Modèle:Lang, en 1881, dans les Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées des Archives municipales de Condom.
- ↑ Lettres missives, supplément, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg183.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg307.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom (1873).
- ↑ Mezeray, Histoire de France.
- ↑ Dupleix. Histoire de Modèle:Roi.
- ↑ Sully. Œconomies royales. Modèle:Abr Petitot, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg289. Voir aussi d’Aubigné, Histoire Universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Davila et les autres Mémoires du temps.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg302.
- ↑ Archives communales d’Auch. BB. 5, Modèle:Pg542. Lettre inédite.
- ↑ Registre des Jurades (1564-1585).
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées des Archives de la ville de Condom, Auch, Modèle:Abr Foix, 1881. Modèle:In-8° de 40 pages.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, et Modèle:T.Modèle:Rom, supplément.
- ↑ Voir : Sully, Œconomies royales, et d’Aubigné, Histoire Universelle, qui donnent de grands détails sur cette escarmouche. — Cf. : Histoire de Marmande, par Ph. Tamizey de Larroque, etc., etc.
- ↑ Voir : de Thou, Dupleix, etc. Voir aussi : Le Maréchal de Biron et la prise de Gontaud, par Ph. Tamizey de Larroque. Agen, 1897.
- ↑ Journal du chanoine François de Syrueilh, édité pour la première fois en 1873 par Modèle:M., dans le tome Modèle:Rom des Archives historiques de la Gironde, Modèle:Pg245-357. — Cf. : Histoire de Sainte-Bazeille, par l’abbé Alis, Agen, 1892. — Cf. : Lettres du maréchal de Biron, publiées dans le tome Modèle:Rom des mêmes Archives historiques de la Gironde, notamment Modèle:Pg166.
- ↑ Modèle:Abr Fonds Béthune, Modèle:Vol.8890, Modèle:Fol.56. — Cf : Guessard, Modèle:Pg211.
- ↑ Lettre du maréchal de Biron au Roi du 3 août 1580. (Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg166.)
- ↑ Mémoires de Marguerite.
- ↑ Livres des comptes de la Reine de Navarre. KK. 167. Archives Nationales.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées, Modèle:Lié.
- ↑ Lettre de Biron au Roi du 7 septembre (Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg173).
- ↑ D’Aubigné. Histoire Universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg44.
- ↑ Ce Modèle:M. ou Malbès, devait être un Lamothe-Vedel. Quant au jeune Caussens, il était, croyons-nous, de la famille des Monlezun, seigneurs de Béraut et de Ligardes, ainsi qu’il ressort de notre note, page 40 des Lettres de Marguerite de Valois, tirées des archives de la ville de Condom, 1881.
- ↑ Archives municipales de Condom. Orig. Cf. : Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg194. — Modèle:Id. Lettres de Marguerite de Valois, publiées par nous en 1881.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg173.
- ↑ Lettres du maréchal de Biron aux consuls d’Agen, publiées par Modèle:M. (Recueil de la Société Académique d’Agen, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:2e série, Modèle:Pg156.)
- ↑ D’Aubigné. Histoire Universelle. Nous croyons avec d’Aubigné, bien que de nombreux auteurs aient placé l’affaire de Montagnac après celle de Nérac, que ce fut bien là l’itinéraire de Biron, allant de Laplume à Montagnac, de Montagnac à Francescas, de Francescas à Nérac et ensuite à Mézin.
- ↑ Sully. Œconomies royales.
- ↑ La Guirlande des Marguerites, Modèle:Pg116.
- ↑ Voir Histoire de la Gascogne, par Monlezun, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg429. — Cf. : Mémoires de Poeydavant, etc.
- ↑ Voir notre étude Châteaux gascons du Modèle:Rom-majModèle:E siècle, Auch, 1898, où nous donnons d’amples détails sur ce siège de Valence-sur-Baïse. Voici ce qu’en dit le journal de Syrueilh. « Et pour ne rendre point otieuse ladicte armée, il alla assiéger ladicte ville de Vallance, laquelle Monsieur le mareschal peu de tems avant l’avoit prinse, et despuys, s’estoit revoltée ; qui fut cause que mondict sieur le baron l’assiégea de rechef. Et après que les assiégés eurent souffert Modèle:Rom ou Modèle:Rom coups de canon se rendirent. Et furent les murailhes de ladicte ville rasées à fleur de terre de fond en comble comme ainsin furent celles d’une autre ville nommée Moncrabeau » (Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg330).
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg319.
- ↑ Thouars, au confluent de la Baïse et de la Garonne.
- ↑ Puymiclan, canton de Seyches, à Modèle:Unité à l’est de Marmande.
- ↑ La Sauvetat-du-Dropt, canton de Duras (Lot-et-Garonne).
- ↑ Villeneuve de Duras, canton de Duras (Lot-et-Garonne).
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées. Comptes du Roi de Navarre, 1580.
- ↑ Père Anselme, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg387. Cet auteur donne comme date de ce combat l’année 1586, qui a été contestée par plusieurs historiens, Modèle:M. entre autres (Voir Revue de Gascogne, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg41).
- ↑ Voir : Lettres de Catherine de Médicis, tome Modèle:Rom.
- ↑ Il est à peine besoin de relever ici une des trop nombreuses erreurs qui fourmillent dans l’ouvrage du comte de Saint-Poncy à savoir que Catherine de Médicis assista en personne aux conférences de Fleix. (Histoire de Marguerite de Valois, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg99 et 101), quand au contraire elle laissa tout pouvoir à son fils le duc d’Anjou, venu seul en Guienne.
- ↑ Dupleix. Histoire d’Modèle:Roi (1580).
- ↑ Voir la remarquable brochure de Modèle:M. : Le Parlement de Bordeaux et la Chambre de justice de Guyenne en 1582. Bordeaux, 1866. Modèle:In-8° de 203 Modèle:Pp.(Extrait des actes de l’académie de Bordeaux.)
- ↑ Mémoires de Michel de la Hugherie, Modèle:Éd. de Ruble, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg111.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg330 et 351.
- ↑ « Le château de Gurson ou de Curson, écrit Modèle:M., dans le Périgord Illustré (in-8Modèle:O 1831, Modèle:Pg566), situé sur un mamelon, avait la forme d’un parallélogramme et était flanqué de quatre grosses tours. Il occupait toute la surface du mamelon. Ses murs crénelés avaient deux mètres d’épaisseur, et chaque tour pouvait renfermer plusieurs pièces de canon. Ce château avait trois étages et comprenait plus de 400 appartements. Son ornementation intérieure était splendide… » Voir également l’article que lui a consacré Ducourneau dans sa Guienne monumentale et le dessin romantique qu’il en donne à la page 36 du tome premier.
- ↑ Le château de Coutras remontait au Modèle:S. D’abord aux d’Albret, puis aux de Foix, il fut vendu en 1517 par Claude de Foix au maréchal de Saint-André, qui, de concert avec sa femme, Marguerite de Lustrac, l’embellit somptueusement, l’ornant de jardins, de pièces d’eau, « de sablonières. » La tradition veut que cette dernière, à qui il appartenait au moment où la reine de Navarre vint l’habiter et qui avait épousé en secondes noces Geffroy de Caumont dont elle était également veuve depuis 1574, ait assisté de ses fenêtres à toutes les péripéties de la fameuse bataille engagée le 20 octobre 1587 par le Roi de Navarre contre les troupes royales. Joyeuse, on le sait, y trouva la mort. C’est au château de Coutras que fut porté son cadavre, devant lequel s’inclina respectueusement l’heureux vainqueur, qui à son tour était venu y chercher un peu de repos. (Voir : Châteaux historiques de la Gironde par Édouard Guillon (Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg394). Le château et le comté de Coutras passèrent à la mort de Marguerite de Lustrac dans les mains de sa fille Anne de Caumont, qui, ruinée par son mari le comte de Saint-Paul, dut l’aliéner avec la plupart de ses immenses domaines. (Voir notre Monographie du Château de Gavaudun. Agen, 1899)
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg336.
- ↑ Œconomies royales, Modèle:T.Modèle:Rom, chapitre Modèle:Rom, Modèle:Pg307. Modèle:Abr Petitot.
- ↑ Mémoires du duc de Bouillon, 1581.
- ↑ Trois amoureuses du Modèle:Rom-majModèle:E siècle, par le comte Hector de Laferrière. Paris, C. Lévy, 1885.
- ↑ Archives nationales, KK. 168.
- ↑ Itinéraire, fourni par Berger de Xivray, Modèle:T.Modèle:Rom des Lettres missives.
- ↑ Chronique Bourdelaise, par de Lurbe ; Supplément, par Darnalt. Bordeaux 1620. Modèle:In-4°, Modèle:Pg55.
- ↑ Histoire de la ville de Bordeaux, par Dom Devienne, Modèle:1re partie, Modèle:Pg178. Cf. Oreilly, Histoire de Bordeaux ; — Gauffreteau ; — Syrueilh, etc.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg333. Modèle:Corr.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Blois, 7 février 1581.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg336. Modèle:Corr.
- ↑ Bordeaux, Coderc, 1866, Modèle:Vol. Modèle:In-8°, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg372. — Voir aussi Léo Drouyn, Guienne militaire, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg255. — Idem. Les artistes du duc d’Épernon, par Modèle:M. (Bordeaux, 1888) — Idem, Père Anselme, Modèle:T.Modèle:Rom, etc.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Itinéraires du roi de Navarre (1581).
- ↑ Mémoires de d’Aubigné.
- ↑ Histoire universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg148.
- ↑ Modèle:Abr Ancien fonds français, Modèle:Vol. (ancien 8890), Modèle:Pg65. Lettres inédites.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg337, Modèle:Corr.
- ↑ Lettres de Catherine de Médicis, Modèle:T.Modèle:Rom, Appendice, Modèle:Pg465.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg363.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, 337, Modèle:Corr.
- ↑ Canton de Carbon-Blanc (Gironde).
- ↑ Mémoires de Marguerite.
- ↑ Œconomies royales, Modèle:T.Modèle:RomModèle:Er, Modèle:Chap.Modèle:Rom, Modèle:Pg310. Modèle:Abr Petitot.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.197 et 337. Journal de Syrueilh, Modèle:Pg176 et suivantes, et aussi Modèle:T.Modèle:Rom, Correspondance du maréchal de Biron.
- ↑ Modèle:M. entre autres, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg101. Mongez, Modèle:Pg268, etc.
- ↑ Journal de Syrueilh. Modèle:Abr de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg337.
- ↑ Les Amours d’Modèle:Roi, par Modèle:M.. Paris, Ach. Faure, 1864.
- ↑ Mémoires de Marguerite.
- ↑ Archives nationales, KK. 167 et 168, et Archives des Basses-Pyrénées, B., 2495-2547.
- ↑ Archives nationales, KK. 168, Modèle:Pg395.
- ↑ Modèle:Abr, Fonds français, Modèle:N°15891.
- ↑ Les Eaux-Chaudes dans la vallée d’Ossau, Basses-Pyrénées.
- ↑ Bagnères-de-Bigorre.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg375 et 376. Cf. : Dépenses extraordinaires du Roi de Navarre, pendant le mois de juin. Archives des Basses-Pyrénées, B. 63 et Revue d’Aquitaine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg160 et 161.
- ↑ Bibliothèque nationale. Fonds Dupuy ; Modèle:Vol.217, folio 3. Cette lettre, que Guessard n’a point reproduite, a été publiée seulement dans le tome Modèle:Rom de la Revue Rétrospective (tome Modèle:1er, 3Modèle:E série, 1898).
- ↑ Mémoires de Marguerite.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées de la Bibliothèque Impériale de Saint-Pétersbourg, Modèle:Pg23.
- ↑ Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg148 : La Reine Marguerite.
- ↑ Modèle:Abr de l’Arsenal. Recueil de Conrard, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg113. — Cf. : Guessard, Lettres de Marguerite, Modèle:Pg446-447. Cet éditeur semble ignorer que cette lettre ait été écrite de Bagnères ; et il la reproduit ainsi que les suivantes, sans aucun commentaire.
- ↑ Les livres de comptes semblent être ici en désaccord avec les Mémoires. D’après les premiers, en effet, Marguerite ne serait restée que vingt jours à Bagnères, alors qu’elle écrit dans ses Mémoires « au bout d’un mois ou cinq semaines ». C’est que probablement, y ayant été fort malheureuse, le temps dut lui sembler plus long.
- ↑ De Thou, Histoire Universelle. Livre 74, année 1581.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg394 Modèle:Et suiv.
- ↑ Lettre de Modèle:M. au Roi, du 20 novembre 1581 (Documents pour servir à l’histoire de l’Agenais, publiés par Ph. Tamizey de Larroque, Modèle:Pg158).
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:Unité, Modèle:F°771. Lettre non datée. Publiée déjà par Ph. Tamizey de Larroque (Annales du Midi, Modèle:T.Modèle:Rom, 1897).
- ↑ Le divorce satyrique, Bruxelles, 1878, Modèle:Pg18.
- ↑ Dom Vaisselle : Histoire Générale du Languedoc, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg643 ; l’abbé d’Artigny dans ses Remarques sur le sieur de Pibrac ; Mougez : Histoire de la Reine Marguerite, etc.
- ↑ Cette question a été traitée, comme toujours remarquablement, et résolue dans ce sens par notre ami si regretté Ph. Tamizey de Larroque dans sa Notice sur Guy du Faur de Pibrac, parue dans la Revue de Gascogne, Modèle:T.Modèle:Rom et Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg253, avec tirage à part (1870).
- ↑ Histoire Générale du Languedoc, par Dumège, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg87, d’après l’annaliste Lafaille.
- ↑ Mongez. Histoire de la Reine Marguerite, Modèle:Pg273. — Voir pour plus amples détails sur cette affaire la réponse de Pibrac lui-même dans son Apologie, Modèle:Pg260, Modèle:Édit. Guessard.
- ↑ Voir l’Apologie, Modèle:Pg245 et suivantes.
- ↑ Lettres de Marguerite, Modèle:Édit. Guessard, Modèle:Pg216.
- ↑ Idem, Modèle:Pg221.
- ↑ Idem, Modèle:Pg223.
- ↑ Voir son itinéraire pendant ces mois de septembre, d’octobre et de novembre 1581 (Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom).
- ↑ Livres des comptes du roi de Navarre. Modèle:Abr des Basses-Pyrénées, Modèle:Lié, 64, etc.
- ↑ Mémoires de Marguerite.
- ↑ Mémoires de Marguerite.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane. Documents recueillis par G. Canestrini, et publiés par Modèle:M. dans la collection des Documents inédits sur l’histoire de France, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg407.
- ↑ Lettres tirées de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, déjà publiées par nous, Modèle:N°Modèle:Rom, Modèle:Pg24.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français. N. 15,565. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg420.
- ↑ Archives nationales, série KK., volume 169.
- ↑ Guessard, dans son édition, page 181, écrit en note quinze cents écus.
- ↑ Mémoires de Marguerite.
- ↑ Lettres de Marguerite, édition Guessard, Modèle:Pg215. (Collection Béthune, Modèle:T.8890, folio 46.)
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg433.
- ↑ Idem, Modèle:Pg436.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg437.
- ↑ Idem, Modèle:Pg438.
- ↑ Dans sa bonne Monographie de la ville de Casteljaloux, Samazeuilh ne fait aucune mention à cette époque du passage de la petite Cour de Navarre.
- ↑ C’était Michel de Montaigne, le propre auteur des Essais.
- ↑ Louis de Foix, comte de Gurson, fils de Germain-Gaston. Il fut tué, avec ses deux frères, au combat de Moncrabeau. Il avait épousé en 1579 Charlotte-Diane de Foix-Candalle (Note Clément Simon).
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg342.
- ↑ Le château du Barrault, à trois kilomètres au nord-est de Créon, datait du Modèle:S. Il appartenait, à la fin du Modèle:S, à François Jauberi de Barrault, tout dévoué à la cause du roi de Navarre. Son fils, en 1611, devint maire de Bordeaux. Il est possédé actuellement par Modèle:M., qui l’a restauré en conservant ses caractères architectoniques d’autrefois. (Voir : Léo Drouyn, La Guienne militaire ; Ribadieu, Les Châteaux de la Gironde ; Édouard Guillon, Les Châteaux historiques et vinicoles de la Gironde ; etc.)
- ↑ Chef-lieu de canton, arrondissement de Jonzac (Charente-Inférieure).
- ↑ Baignes-Sainte-Radegonde, chef-lieu de canton, arrondissement de Barbezieux (Charente).
- ↑ Châteauneuf-sur-Charente, chef-lieu de canton, arrondissement de Cognac (Charente).
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg440.
- ↑ Burie, chef-lieu de canton, arrondissement de Saintes (Charente-Inférieure).
- ↑ Brisambourg, canton de Saint-Hilaire de Villefranche, arrondissement de Saint-Jean d’Angély (Charente-Inférieure).
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg185.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées, B. (1582).
- ↑ Saintes, 1876, Modèle:In-8°.
- ↑ Voir aussi le travail de Modèle:M. Audiat : Les Entrées royales à Saintes. (Paris, Dumoulin, 1875.)
- ↑ Études et Documents sur la ville de Saintes, par Modèle:M., Modèle:Pg291.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg443.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. Supplément, Modèle:Pg220.
- ↑ « Mon cousin, écrivait-elle le 20 février au maréchal de Matignon, à cause d’une fluxion qui m’est tombée sur les jambes, je ne puis partir d’icy plus-tôt que le premier jeudi de Caresme, pour estre à Chenonceau le mardy d’après, où vous direz à ma fille que j’attendrai de ses nouvelles ; et seray bien ayse de veoir mon fils le Roy de Navarre, pour l’asseurer de la bonne volonté que le Roi mon filz lui porte ; mais je ne veulx pas aller loin ; car je ne puis plus porter les courvées comme j’ay autrefois faict. » (Modèle:Abr, fonds français, Modèle:N°10240, folio 71. — Cf. Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg6.)
- ↑ Champigny-sur-Vende, Modèle:Abr de Chinon, en Touraine, château à Louis de Bourbon, duc de Montpensier.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg444.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg419.
- ↑ Canton d’Aulnay (Charente-Inférieure). Le château de Dampierre est de la belle époque Renaissance. On y remarque d’élégantes cheminées et de curieux caissons de plafonds à la française.
- ↑ Chizé sur la Boutonne, arrondissement de Melle (Deux-Sèvres.)
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg445.
- ↑ Mémoires de d’Aubignė (1582).
- ↑ Journal de Michel Le Riche, 1846.
- ↑ Lettres de Catherine à Matignon. Fonds français, 3351, Modèle:Pg77.
- ↑ Voir Dupleix, Histoire de Modèle:Roi, Modèle:Pg167.
- ↑ Voir les intéressants détails que nous fournit sur ce château Modèle:M., dans sa remarquable brochure : Les Conférences de La Mothe Saint-Héray. Paris, Ém. Lechevallier, 1895. Modèle:In-8° de 63 pages.
- ↑ Journal de Michel Le Riche.
- ↑ Journal de Michel le Riche.
- ↑ Mémoires de Duplessis-Mornay.
- ↑ Voir : Le Parlement de Bordeaux et la Chambre de justice de Guienne en 1582, par Modèle:AbrModèle:LiéBrives-Cazes. Bordeaux, 1866.
- ↑ Journal de Michel le Riche. — Voir pour plus amples détails sur cette conférence le travail de Modèle:M., Les Conférences de La Mothe Saint-Héray.
- ↑ Archives historiques de la Gironde. Lettres publiées dans les Actes de l’Académie de Bordeaux, 1865, Modèle:Pg458. — Cf. Lettres missives, Supplément, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg223.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg446.
- ↑ Journal de Michel Le Riche, Modèle:Pg364. — Cf. : Les Conférences de La Mothe Saint-Héray, par Modèle:M..
- ↑ Montreuil-Bonnin, canton de Vouillé (Vienne.)
- ↑ Lettres de Catherine de Médicis. Fonds français, 3350.
- ↑ L’Estoile, dans son Journal, donne bien à tort la date du 8 mars 1582.
- ↑ Vendeuvre, canton de Neuville, arrondissement de Poitiers (Vienne). On y voit encore les ruines d’un vaste château, ayant appartenu, dit-on, au commencement du Modèle:S, au général Bonnivet.
- ↑ La Guerche, arrondissement de Loches, célèbre par le beau château que Modèle:Roi avait fait construire pour Agnès Sorel.
- ↑ Sans doute Saint-Quentin, canton de Loches, où se trouve un vieux château, habité dit-on également par Agnès Sorel.
- ↑ Brantôme. Vie des Dames illustres. Modèle:Art..
- ↑ Ce lieu de Veret devait devenir plus tard célèbre par le fastueux château qu’y firent construire les ducs d’Aiguillon et l’existence princière qu’ils y menèrent au temps de leur splendeur. Démoli de fond en comble à la Révolution, il n’en reste plus, comme souvenir, que deux gouaches magnifiques de van Blarenberghe, de 0Modèle:E 44 de hauteur sur 0Modèle:E 70 de large, où le célèbre miniaturiste nous le présente, dans l’une, vu de la rive droite du Cher avec ses terrasses superposées et le brillant cortège du ministre de Modèle:Roi ; dans l’autre, vu des prairies de derrière, avec des groupes de paysans chargeant du foin et des troupeaux qui paissent.
- ↑ Pontlevoy, canton de Montrichard (Loir-et-Cher), célèbre par sa magnifique abbaye, où Marguerite dut ce jour-là entendre l’office divin.
- ↑ Cheverny, canton de Contres (Loir-et-Cher), vieux château du commencement du Modèle:S, rebâti à neuf en 1634 par le comte de Cheverny et remarquable surtout par son ornementation intérieure.
- ↑ Canton de Bracieux (Loir-et-Cher).
- ↑ Clery-sur-Loire (Loire), célèbre par la dévotion établie par Modèle:Roi.
- ↑ Boigny (Loiret), ancien chef-lieu de l’ordre de Saint-Lazare en France.
- ↑ Sans doute La Cour-Marigny (Loiret).
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg449.
- ↑ Nous savons par l’état de sa maison que le sieur de Saint-Pons et le sieur Lefebvre étaient déjà en 1578 deux de ses médecins.
- ↑ Modèle:Abr Autographe. Fonds Dupuy. Modèle:T.217, Modèle:Fol.18. Lettre inédite.
- ↑ Dans ses Dépenses extraordinaires, nous lisons en effet : « À un messager que Modèle:Abr a envoyé de Nérac à Agen pour faire venir des médecins à Pau, 30 sols Modèle:Abr » (Archives départementales des Basses-Pyrénées. Mai 1582).
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg451-455, et Modèle:T.Modèle:Rom, Supplément, Modèle:Pg227.
- ↑ Modèle:Abr Autographe. Fonds Dupuy. Modèle:T.217, Modèle:F°12. — Cf. Guessard, Modèle:Pg283.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg421.
- ↑ Modèle:Abr Autographe. Fonds Dupuy, Modèle:T.217, Modèle:Fol.24. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg288. »
- ↑ Modèle:Abr Autographe. Fonds Dupuy, Modèle:Vol.211, Modèle:Fol.15. Cette lettre si curieuse a été publiée pour la première fois en partie par Modèle:M. H. de La Ferrière dans son livre Trois Amoureuses au Modèle:S, Modèle:Pg205. Elle a été donnée ensuite Modèle:Lang par Modèle:M. Baguenault de Puchesse dans le numéro de Mai-Juin 1900 de la Revue Historique. Le savant éditeur des Lettres de Catherine de Médicis l’accompagne de spirituelles et piquantes réflexions sous ce titre : Les idées morales de Catherine de Médicis. — Cf. : Lettres de Catherine de Médicis, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg36.
- ↑ Les Amours d’Modèle:Roi, par Modèle:M.. Paris, Ach. Faur, 1864.
- ↑ Modèle:Abr Autographe, Fonds Dupuy, Modèle:T.217, Modèle:Fol.22. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg284, lequel date faussement cette lettre « des premiers jours de mars 1582, aussitôt, dit-il, après l’arrivée de Marguerite à la Cour, » alors que nous savons par ses livres de comptes que cette princesse n’y rentra que tout à fait à la fin de mai.
- ↑ Archives nationales, KK. 169.
- ↑ Le château de Saint-Maur-les-Fossés, sur la Marne, canton de Charenton (Seine), avait été construit par Philibert Delorme pour le cardinal Du Belley ; il venait d’être agrandi par Catherine de Médicis. (Voir Histoire de Saint-Maur-des-Fossés, par Z. J. Pierart, 2 Modèle:Vol.d Modèle:In-8°, Paris, Claudin, 1876.)
- ↑ Entre la Marne et le Grand Morin, canton de Lagny (Seine-et-Marne).
- ↑ Montceaux (Seine-et-Marne), où Catherine venait de faire construire un superbe château qu’Modèle:Roi donna plus tard à Gabrielle d’Estrées.
- ↑ Crouy-sur-Ourq, canton de Lizy, Seine-et-Marne.
- ↑ Le château, bâti par Modèle:Roi, est un superbe spécimen de l’architecture de la première Renaissance.
- ↑ Sans doute Chailly en Bière (Seine-et-Marne), sur la lisière de la forêt de Fontainebleau.
- ↑ Archives nationales, KK, Modèle:Vol.169.
- ↑ Canton de Malesherbes (Loiret).
- ↑ Modèle:Abr Autographe. Fonds Dupuy, Modèle:T.217, Modèle:Fol.9.
- ↑ Voir le curieux discours de Duplessis-Mornay, ayant pour titre : Si le roi de Navarre doit aller en Cour ou non ? dans ses Mémoires.
- ↑ Voir à la fin de ce chapitre l’explication de cette anomalie.
- ↑ Modèle:Abr Autographe. Fonds Dupuy, Modèle:Vol.217, Modèle:Fol.15. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg291.
- ↑ Modèle:Abr Supplément du Fonds Français, Modèle:Vol.1009-4. — Cf. : Lettres missives, Modèle:T., Modèle:Pg484. Duplessis-Mornay s’attribue la rédaction de cette longue lettre.
- ↑ Voir pour la réforme du calendrier faite par Modèle:Roi l’Art de vérifier les dates.
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg352. — Cf. : Journal de L’Estoile.
- ↑ Archives nationales, série KK., Modèle:Vol.. Cet état ne figure pas en tête du volume, comme pour les années précédentes. Mais il est facile de le relever dans la liste des dépenses de la Reine de Navarre, à partir de la page 34 et suivantes.
- ↑ Journal de l’Estoile.
- ↑ Journal de l’Estoile.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Journal de l’Estoile.
- ↑ Journal de l’Estoile.
- ↑ Idem.
- ↑ D’Aubigné. Histoire Universelle, Modèle:Édit. de Ruble, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg170.
- ↑ Mémoires et Lettres de Marguerite de Valois, publiés par Guessard, Paris, 1842, Modèle:Pg445 à 479. (Modèle:Abr de l’Arsenal. Recueil de Conrard, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg113-155.)
- ↑ Causeries du Lundi, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg148 et suivantes.
- ↑ Lettres de Marguerite, publiées par Guessard, Modèle:Pg460, 462, etc.
- ↑ Idem, Modèle:Pg449.
- ↑ Modèle:Abr de l’Arsenal. Recueil de Conrard, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg123. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg456.
- ↑ Modèle:Abr de l’Arsenal. Recueil de Conrard, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg126. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg456.
- ↑ Journal de l’Estoile.
- ↑ Modèle:Abr de l’Arsenal. Recueil de Conrard, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg145. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg470.
- ↑ Trois Amoureuses au Modèle:S, par le comte Hector de Laferrière.
- ↑ Modèle:Abr de l’Arsenal. Recueil de Conrard, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg155. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg478.
- ↑ Voir la lettre fort curieuse de la Reine-Mère à Bellièvre, du 25 juin de cette année, où elle cherche à régler, comme elle le peut, la situation par trop obérée de sa fille. (Fonds Modèle:Abr, Modèle:V.15907, Modèle:Fol.129. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg107.)
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg465.
- ↑ Dupleix, Histoire d’Modèle:Roi. — Cf. : Mémoires de Bassompierre, etc.
- ↑ Modèle:Abr de Saint-Pétersbourg. Lettre publiée Modèle:Lang pour la première fois par nous, dans les Archives historiques de la Gascogne, fascicule onzième, Modèle:Pg32.
- ↑ Lettres du baron de Busbec, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg203.
- ↑ « Le Roy, mondit sieur et fils, écrit Catherine, de Paris le 9 août à Modèle:M., partist hier pour s’en aller, passant par Olinville et Fontainebleau à Bourbonlancys, où la Royne ma fille est allée prendre les beings, et s’en revenir ensemble à ce mois de septembre en ceste ville. » (Modèle:Abr Modèle:Abr Colbert, Modèle:N°473, Modèle:Pg440. Manuscrits français, Modèle:N°3308, Modèle:Abr 72. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg120.)
- ↑ Lettre de Busbec, du 27 août 1583, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg211. — Cf. : Journal de l’Estoile.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.467-468.
- ↑ Lettres de Busbec, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg214.
- ↑ Journal de l’Estoile, 1583.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:N°15907, Modèle:Abr 214. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg125. Cette Madame de Duras, dont il est si souvent question ici et que nous verrons, en 1585, maîtresse absolue de l’esprit de la Reine, jouer à Agen un rôle si néfaste, était Marguerite de Gramont, fille d’Antoine de Gramont, vicomte d’Aure et d’Aster, belle-sœur de la fameuse Corisande, et dame d’honneur de la Reine de Navarre depuis 1581. Elle avait épousé Jean de Durfort, vicomte de Duras, célèbre par son duel avec Turenne, sur le Gravier d’Agen, qui fut tué, en février 1585, au siège de Saint-Saurin-sur-l’Île, sans laisser de postérité. (Père Anselme, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg736.) Plusieurs auteurs l’ont confondue avec sa belle-sœur Marguerite de Montgommery, épouse de Jacques de Durfort, qui continua la race, et surtout avec sa belle-mère Barbe Cauchon de Maupas, épouse de Symphorien de Durfort, seigneur de Duras, mais qui en 1583 aurait eu plus de 60 ans. Aucun doute du reste ne saurait exister, Catherine dans une de ses lettres à Bellièvre ayant soin, en parlant de sa mère, de la nommer « Madame de Gramont. » (Voir, Revue des questions historiques, octobre 1901, l’article que Modèle:M. Baguenault de Puchesse consacre au renvoi par Modèle:Roi de Marguerite de Valois.)
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane. Lettre du 22 août, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg468. — Modèle:Abr Lettres de Busbec.
- ↑ Idem. L’archevêque de Langres était à ce moment Charles de Pérusse d’Escars. Comment se fait-il que cet auteur, généralement bien informé, ait écrit que la Reine-Mère se trouvait à ce moment à La Fère auprès de son fils le duc d’Anjou, lorsqu’il est avéré, d’après sa correspondance, qu’elle séjourna à Paris du 30 juillet au 9 août, où elle reçut l’ambassadeur d’Angleterre et d’où elle écrivit à cette dernière date une lettre au Roi d’Espagne, une autre à Modèle:M., une troisième à Modèle:M. ? (Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.118-119.) Comment expliquer en revanche que, résidant à Paris le 8 août, jour de l’affront sanglant infligé à sa fille, elle n’ait point paru au bal du Louvre, et que, le lendemain 9, elle n’en souffle mot dans aucune de ses lettres, ajoutant négligeamment que le Roi est parti pour rejoindre sa femme aux bains de Bourbon-Lancy ? Mais est-on en droit d’exiger tant de franchise de la fille des Médicis ? Catherine, d’après sa correspondance, était encore à Paris le 9 août. Le 13 elle se trouvait à Compiègne, et le 14 à La Fère, auprès de son dernier fils. (Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg121-122.)
- ↑ Bibliothèque Impériale de Saint-Pétersbourg. Documents français, Modèle:Vol.Modèle:Rom. Publiée en partie par Modèle:M. Hector de la Ferrière. (Deux années de missions à Saint-Pétersbourg, Paris 1867, Modèle:Pg32.)
- ↑ Modèle:Abr Fonds Dupuy, Modèle:Vol.217, Modèle:Abr 191. — Cf. : Guessard, Modèle:Pg293.
- ↑ Le Gué de Longroi, canton et arrondissement de Chartres (Eure-et-Loir.)
- ↑ La Colombe, canton d’Ouzouer-le-Marché, arrondissement de Blois (Loir-et-Cher.)
- ↑ On lit Eseures ou Escures. Ne serait-ce pas Seur, canton de Contres, arrondissement de Blois, entre cette ville et Amboise ?
- ↑ Azay-le-Rideau.
- ↑ Les Amours d’Modèle:Roi, par Modèle:M.. Paris, 1864.
- ↑ Œconomies Royales, Modèle:T.Modèle:Rom.
- ↑ Voir Itinéraire d’Modèle:Roi par Berger de Xivray, Modèle:T.Modèle:Rom, des Lettres missives.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom. Supplément, Modèle:Pg254.
- ↑ Idem. Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg567.
- ↑ Mémoires de Duplessis-Mornay, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Chap.67. Modèle:Pg364 (Modèle:Édit. La Fontenelle, 15 Modèle:Abr Modèle:In-8°).
- ↑ Nous croyons cette date erronée, le scandale n’ayant éclaté au bal du Louvre que le 7 au soir.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg571, d’après les Mémoires de Philippe de Mornay, Modèle:T.Modèle:Rom, Supplément, Modèle:Pg175. Amsterdam, elzévir, 1651. — Cette lettre, qui n’est datée d’aucun lieu, est-elle bien authentique ? Nous nous permettons d’en douter. Ce n’est ni le style, ni l’esprit d’Modèle:Roi.
- ↑ Mémoires de d’Aubigné, 1583. Voir également son Histoire Universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg371. Modèle:Édit. de Ruble.
- ↑ Mémoires de Duplessis-Mornay, Modèle:Éd. La Fontenelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg364 et suivantes. — Voir surtout le mémoire inédit : Relation de ce qu’avait faict Modèle:M. auprès du roi Modèle:Roi, y estant envoyé par le Roy de Navarre (Modèle:Abr, fonds Brienne, Modèle:Vol.295, Modèle:Fol.229-231).
- ↑ Champigny, canton de Richelieu, arrondissement de Chinon (Indre-et-Loire), célèbre par son château, ayant appartenu aux ducs de Montpensier, démoli par ordre de Richelieu.
- ↑ Trois Amoureuses au Modèle:S, Modèle:Pg218.
- ↑ Vendeuvre était le château où elle s’était arrêtée l’année précédente, aujourd’hui canton de Neuville, à Modèle:Unité de Poitiers. Dissay, à Modèle:Unité de Poitiers, célèbre par le magnifique château bâti quelques années auparavant par Pierre d’Amboise, évêque de Poitiers.
- ↑ Modèle:Abr Fonds Dupuy, Modèle:Vol.217, Modèle:Fol.6.
- ↑ Nom inconnu. Ne serait-ce pas Croutelle ?
- ↑ Vie de Duplessis-Mornay. — Cf. Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg592, Note.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg591 et 593.
- ↑ Voir, sur la prise de Mont-de-Marsan, d’Aubigné, Histoire Universelle, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg187 et suivantes.
- ↑ Archives municipales d’Agen. BB. 33. folio 211. — Cf. : Revue de l’Agenais, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg553.
- ↑ Voir Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, et aussi les Mémoires de Duplessis-Mornay, de d’Aubigné, etc. — Voir surtout le Mémoire manuscrit et encore inédit ; Ce que Monsieur de Bellièvre a dict au Roi de Navarre « pour luy persuader de reprendre la Royne sa femme ; la response du Roy de Navarre au sieur de Bellièvre et la réplique dudict sieur de Bellièvre » (Modèle:Abr Fonds Brienne. N. 295 Modèle:F°247-256, et Modèle:Abr Modèle:No 23.334. Modèle:F°63), où il est dit que la Reine-Mère ne voulait pas que Madame de Duras et Mademoiselle de Béthune, causes de tous ces malheurs, accompagnent la Reine de Navarre, lors de son départ de Paris, ces dames seules ayant provoqué la colère du Roi son fils et attiré sur sa fille le malheur qui en est advenu.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français. N. 15,891. Modèle:Pg393.
- ↑ Marguerite entend dénommer ainsi Charles de Birague.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français. Modèle:Lié, Modèle:F°764. Lettre publiée par Ph. Tamizey de Larroque, au tome Modèle:Rom des Annales du Midi (1897).
- ↑ Michel de Montaigne, le célèbre auteur des Essais, alors maire de Bordeaux.
- ↑ Modèle:Abr Manuscrit français. Modèle:Vol.3,325, Modèle:F°85 (Ancien fonds français. Modèle:Lié), Lettre inédite.
- ↑ Étude sur Marguerite de Valois, par le comte Modèle:Abr de La Ferrière, 1885.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:N°15.907, Modèle:F°768. — Cf. : Tamizey de Larroque. Modèle:Op. cit.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées de la bibliothèque de Saint-Pétersbourg, publiées par nous. Auch, 1886, Modèle:Pg32.
- ↑ Modèle:Abr, fonds français, Modèle:N°15.907, Modèle:Fol.769.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:N° 15907, Modèle:Fol.769.
- ↑ Deux années de mission à Saint-Pétersbourg, par le comte Modèle:Abr de Laferrière, Paris, 1867, Modèle:Pg32.
- ↑ Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. La copie de cette lettre a été déjà publiée au tome Modèle:Rom des Archives historiques de la Gironde, Modèle:N°Modèle:Rom, Modèle:Pg348.
- ↑ Modèle:Abr Fonds français, Modèle:N°15.556, folio 227.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg478.
- ↑ François de Durfort, baron de Bajaumont, sénéchal d’Agenais de 1572 à 1585.
- ↑ Modèle:Abr Modèle:Abr français Modèle:N°3.325 (Modèle:Abr nModèle:E 8.828). Autogr. sans date, Lettre inédite.
- ↑ Archives nationales. KK. Modèle:Abr 173, Modèle:Pg90. Ce volume ne donne pas, comme les précédents, la liste des serviteurs de la Reine de Navarre. Mais il est facile de la relever dans l’état de leurs gages.
- ↑ Voir sur ces négociations : Mémoires et Histoire Universelle de d’Aubigné ; Mémoires de Duplessis-Mornay ; Histoire du Maréchal de Matignon, par Jacques de Caillière ; Journal de l’Estoile ; Négociations diplomatiques avec la Toscane ; Lettres de Busbecq, etc. ; et de nos jours : Lettres missives d’Modèle:Roi, publiées par Berger de Xivrey ; Lettres inédites d’Modèle:Roi au chancelier de Bellièvre, par Modèle:M. (1872) ; Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées de la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg, publiées par nous (Auch, 1886) ; Lettres inédites de la même à Bellièvre, par Ph. Tamizey de Larroque (Toulouse, 1897), etc., etc., sans compter toutes les lettres, encore inédites, déposées aux Manuscrits de la Bibliothèque Nationale et dont nous croyons devoir reproduire, au cours de notre travail, les plus intéressantes. À citer aussi l’article de Modèle:M. Baguenault de Puchesse dans la Revue des Questions Historiques (octobre 1901).
- ↑ Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Nos 136, 137, 138, 139, Modèle:Pg348 et suivantes.
- ↑ Lettres inédites d’Modèle:Roi, publiées par Modèle:M., Modèle:Pp.49 et 51, d’après le Modèle:Vol.15907 du fonds français de la Modèle:Abr, Modèle:Fol.727. — Cf. : Lettres missives, Supplément, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.190 et 191.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg624.
- ↑ Modèle:Abr, fonds Brienne, Modèle:N°265, Modèle:Fol.257. — Cf. Modèle:Corr Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg625.
- ↑ Modèle:Abr Modèle:Abr français, Modèle:N°3.325, Modèle:Fol.70, 76. Lettres inédites au mareschal de Matignon. — Voir aussi les lettres de Catherine à Bellièvre, janvier et février 1584, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg170, 172, fonds Modèle:Abr Modèle:N°15,907. Voir surtout le mémoire inédit : Harangue à Modèle:Roi faicte par le roi de Navarre, par Modèle:M., etc. Modèle:Abr, fonds Brienne, Modèle:Vol.295, Modèle:Fol.219-229.
- ↑ Lettres patentes d’Modèle:Roi, transcrites au Parlement de Bordeaux le 26 septembre 1578. Archives municipales d’Agen, BB. 33, Modèle:Fol.304.
- ↑ Cette maison qui, dans les derniers temps appartenait à la famille Martinelli, a été détruite en 1857, pour l’agrandissement du Collège, lors de la Modèle:Corr de ce dernier en Lycée impérial. Deux jolies aquarelles de feu le dessinateur Mainville nous en ont gardé le souvenir : l’une, celle de la façade ouest, est au Musée d’Agen ; l’autre, représentant la façade principale, se trouve en notre possession. Nous en avons publié un joli dessin, dû au crayon si artistique de notre regretté ami Pierre Benouville, dans l’Écho de Gascogne du 5 mars 1889.
- ↑ Archives départementales de Lot-et-Garonne. Archives de la commune de Laplume. E. Supplément. 424. (Modèle:Lié.)
- ↑ Modèle:Abr Modèle:Abr français. N. 3325, Modèle:Abr 73. (Modèle:Abr N. 8828). Lettre inédite.
- ↑ Idem. Modèle:Abr 64. Lettre inédite.
- ↑ Notice sur le Collège d’Agen (1888).
- ↑ Archives municipales d’Agen, GG, 209, 211.
- ↑ IdemModèle:Corr GG. 209.
- ↑ Archives municipales d’Agen, FF. 38. Jurade du 27 mars 1584.
- ↑ Le scribe met ici « du lundi, Modèle:1er mars ». Cette date est erronée et doit être rectifiée comme nous le faisons, en vertu de la réforme toute nouvelle (1583) du calendrier grégorien, dont il paraît ne tenir aucun compte. (Voir le dernier paragraphe de notre chapitre. Année 1582).
- ↑ Est-ce à Mont-de-Marsan lors des premières négociations, ou à ce moment à Pau ?
- ↑ Mémoires de d’Aubigné, éd. Buchon Modèle:Pg495. Voir également le texte quelque peu différent qu’en donne Lalanne dans son édition, Modèle:Pg69.
- ↑ Lettre d’Henri de Navarre au maréchal de Matignon (Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom. Modèle:Pg606).
- ↑ Pierre de Malras, baron d’Yolet, gouverneur de Buzet dans le diocèse de Toulouse.
- ↑ Claude Antoine de Vienne, seigneur de Clervaut, membre du Conseil d’État du Roi de Navarre. Voir l’éloge que fait de lui ce dernier dans sa lettre à Bellièvre du 17 novembre 1581, publiée par Modèle:M..
- ↑ Modèle:Abr fonds Modèle:Abr N. 15907. Modèle:Abr 767. Cf : Tam. de Larroque. Modèle:Op. cit.
- ↑ Ce dernier n’avait-il pas reçu de Catherine le mandat impératif de remettre la Reine de Navarre à son mari ? « Monsieur de Bellièvre, lui écrit-elle en effet le 26 janvier, je suis très déplaisante et ennuyée de la response que vous a faicte le Roy de Navarre sur le faict de ma fille ; car c’est une remise fondée bien légerement, laquelle neantmoings offense grandement le Roy monsieur mon filz et ne préjudicie moings à la réputation de madicte fille, apres une si longue attente et la grande démonstration qu’elle a faicte de son désir de se revoir auprès de luy, qui ne méritoit telle recompense… Toutefois je vous prye ne habandonner le faict de madicte fille, et ne vous en revenir que vous ne l’aiez, s’il est possible, remise avecque son mary. Car si vous partez et revenez devant que cela soit faict, je crains fort que les choses s’alterent et aigrissent de fason que nous rentrions an nos premieres misères, à la ruyne de ce pauvre royaume menacé de toutes parts et à l’infamye trop grande de toute nostre maison ; à quoy je vous prie d’entière affection remedier, si faire se peult ; car si vous ne le faictes, nul autre en viendra à bout… » (Modèle:Abr fonds Modèle:Abr, N. 15907, Modèle:Abr 345. — Cf. Modèle:Abr de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg172.)
- ↑ Modèle:Abr, fonds Béthune. Modèle:Vol.8888. Modèle:Abr 194. Cf : Guessard, Modèle:Pg295.
- ↑ Modèle:Lang, fonds Dupuy, Modèle:N°217, Modèle:Fol.187.
- ↑ Modèle:Abr, Modèle:Abr français, Modèle:N°3.325, Modèle:Abr 95 (Modèle:Abr, Modèle:N°8.828). Lettre autographe et inédite.
- ↑ Voir également les lettres de cette princesse, Modèle:Nos Modèle:Rom et Modèle:Rom, qu’a publiées Modèle:Abr Tamizey de Larroque dans les Annales du Midi (1898), et toutes celles, inédites, que renferment les fonds français et Dupuy de la Bibliothèque nationale.
- ↑ Modèle:Abr, Modèle:Abr français, Modèle:N°3325 (ancien fonds Modèle:Abr Modèle:N°8828). Lettre autographe. — Cf. : J. de Caillière, Vie du maréchal de Matignon, Modèle:Pg166.
- ↑ Modèle:Abr, Modèle:Abr Modèle:No3325. Lettre autographe et inédite.
- ↑ Mémoires de Duplessis-Mornay.
- ↑ Idem, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg516.
- ↑ Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Modèle:Abr 915. Modèle:Lié. Cf. : Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg639 et Halphen, Modèle:Pg50. — Cette lettre, qui n’est pas datée, doit avoir été écrite vers la fin du mois de mars. Voir également la lettre du 20 mars écrite par le Roi de Navarre à Bellièvre, tirée de la Bibliothèque nationale, Modèle:Vol.15907, et publiée par Modèle:M., Modèle:Pg43.
- ↑ Modèle:Abr de Saint-Pétersbourg. Modèle:Abr 915. Modèle:Lié. Lettre non datée. Cf. Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, 649, où nous croyons devoir rectifier l’erreur commise en note par Berger de Xivrey. Pâques ne tomba pas cette année 1584 le 26 mars, mais bien le Modèle:1er avril.
- ↑ Archives municipales d’Agen, Modèle:Lié.
- ↑ Trois Amoureuses au Modèle:Rom-majModèle:E siècle (Paris, C. Lévy. 1883), Modèle:Pg228.
- ↑ Modèle:Abr de Saint-Pétersbourg, Modèle:N°914, Modèle:Rom 15. Cf. : Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg645.
- ↑ Mémoires de Michel de La Hugherie, publiés par le baron A. de Ruble. (Paris, 1877, Modèle:Vol., Modèle:In-8°). Voir notamment Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg294-319.
- ↑ Modèle:Abr Modèle:Abr français, Modèle:No 3325. Modèle:Abr Lettre inédite.
- ↑ Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Modèle:Abr 46, pièce 23. Cf. : Tamizey de Larroque, Modèle:Abr
- ↑ La maréchale de Matignon était Françoise de Daillon du Lude, fille de Jean du Lude et d’Anne de Batarnai.
- ↑ Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Vol.3325, folio 87 (Modèle:Abr 8828). Modèle:Abr Lettre inédite.
- ↑ Idem. Cf. : Vie du maréchal de Matignon, par J. de Caillière. C’est par erreur que dans cet ouvrage ces deux lettres sont datées de l’année 1585 ; il faut lire 1584.
- ↑ Modèle:Abr, fonds français, Modèle:No 15.907, folio 421. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg180.
- ↑ Revue historique, Mai-Juin 1900, Modèle:Pg68.
- ↑ Idem. Voir une autre lettre de la Reine-Mère, du 12 juin 1582, où elle écrit à propos de la passion d’Modèle:Roi : « De Modèle:Mme, c’estoit comme de Modèle:Mme, en tout honneur. »
- ↑ Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Modèle:Abr 914, Modèle:N°8. — Cf. : Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg654. Voir aussi dans ce Recueil la lettre beaucoup plus explicite, datée également de Pau, du 10 may 1584.
- ↑ Voir Itinéraire d’Modèle:Roi. Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom.
- ↑ Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Lettre nº Modèle:Rom, publiée déjà par nous. Modèle:Abr Modèle:Pg34.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées. Modèle:Lié.
- ↑ Presque tous les historiens, Mézeray entre autres, ont écrit que d’Épernon ne quitta la Cour qu’après la mort du duc d’Anjou. L’Estoile, Busbecq et les documents suivants affirment le contraire.
- ↑ Dupleix. Histoire d’Modèle:Roi. Année 1584.
- ↑ Modèle:Abr, Modèle:Abr Modèle:No 3325, Modèle:Pg93. Modèle:Abr Lettre inédite.
- ↑ Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, Modèle:No Modèle:Sc de notre ouvrage précité.
- ↑ Voir, pour tous les détails de la mort et des obsèques de ce prince, le Journal de l’Estoile, D’Aubigné, Histoire Universelle, et les procès-verbaux manuscrits conservés au fond français de la Bibliothèque nationale, Modèle:N°3902 et 20647.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées, Modèle:Lié.
- ↑ Voir la belle et touchante lettre que Catherine écrit à Bellièvre, le 11 juin, c’est-à dire le lendemain même de la mort de son dernier fils, où elle est « si malheureuse de tant vivre qu’elle voyt tout mourir autour d’elle ; » et où elle ajoute : « Je vous prye de dire à la Royne de Navarre, qu’elle ne soit cause de me augmenter mon affliction, et qu’elle veuille reconestre le Roy son frère comme elle doit et ne veille fayre chouse qui l’ofense, comme je say qu’il se sentira l’aistre, si elle ne voit Monsieur d’Épernon ; je dy le voyr, comme venant de son Roy et de son frère aîné, Modèle:Corr portant de ses lettres ; m’asseurant que, si elle le voyt, qu’elle se remettra aussi bien avec lui qu’elle y fut jeamès, ou, ne le faisant, elle me donnera beaucoup d’enviuy pour le mal qu’elle se fera. » (Modèle:Abr, fonds français, Modèle:No 15909, folio 254. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg190.)
Voir aussi les lettres des 4 et 15 juillet, où Catherine se plaint que sa fille ne veuille profiter de cette occasion unique pour rentrer en grâce auprès du Roi son frère. (Fonds français, Modèle:No 15907, folio 498 et 515.)
- ↑ Modèle:Abr fonds français, Modèle:N°15891, folio 346. — Cf. : H. de La Ferrière, Modèle:Abr
- ↑ Brantôme, Vie de Marguerite de Valois, Modèle:Éd. Garnier, Modèle:Pg223.
- ↑ « Porter, comme l’on dit, des vases à Samos, des chouettes à Athènes et des crocodiles en Égypte. » Modèle:Lang, Modèle:Ch.Modèle:Rom-maj.
- ↑ Modèle:Abr, Modèle:Abr Modèle:Vol., Modèle:Pg336. — Cf. : Revue de Gascogne, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg283.
- ↑ Publiée par Ph. Tamizey de Larroque. Paris, Aubry, 1871, Modèle:Pg34.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées. Modèle:Lié. Livres des comptes du Roi de Navarre.
- ↑ Dupleix, Histoire d’Modèle:Roi. Voir aussi dans le Recueil de Berger de Xivrey les différentes lettres que le Roi de Navarre écrit « à ses meilleurs serviteurs » pour les grouper à cette occasion autour de lui, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg672 et suivantes.
- ↑ Modèle:Abr Modèle:Abr français, Modèle:Vol.3325, folio 60. Modèle:Abr et datée. Lettre inédite.
- ↑ Archives municipales d’Agen, Modèle:Lié. Jurade du 25 juillet. États des linges fournis pour la Reine de Navarre.
- ↑ Archives nationales, Modèle:Lié. On y voit en effet que les dépenses se montèrent le 4 août à 113 écus, 24 sols, 4 deniers ; le 5, à 231 écus, 49 sols ; et le 6 à 182 écus, 24 sols, 8 deniers.
- ↑ Brantôme. Vie de Marguerite de Valois. Modèle:Éd. Garnier, Modèle:Pg224.
- ↑ Dupleix. Histoire d’Modèle:Roi.
- ↑ C’est-à-dire la veille, le samedi 4 août, la lettre étant datée de Nérac du lendemain Modèle:Lié, qui était un dimanche.
- ↑ Modèle:Abr, fonds français. Modèle:Vol., Modèle:Pg233. — Cf. ; Tamizey de Larroque. Documents inédits pour servir à l’histoire de l’Agenais, 1875, Modèle:Pg167.
- ↑ Itinéraire de Berger de Xivrey. Voir sur Corisande l’intéressante Notice biographique, publiée par Modèle:M. dans le Bulletin de la Société Ramond (29Modèle:E année, 1894) et son portrait, reproduit à la Modèle:Pg126, t. vi, 2Modèle:E série, 36Modèle:E année, du même Bulletin, d’après l’original conservé dans la galerie du duc de Gramont.
- ↑ Notes historiques sur des monuments féodaux ou religieux du dép. de Lot-et-Garonne par Jules de Bourrousse de Laffore (Agen 1882).
- ↑ La Rocqual est le nom du coteau, au pied duquel fut découverte la petite madone. On a élevé de nos jours, à son sommet, une statue colossale de la Vierge, qui domine tout le pays.
- ↑ Archives municipales d’Agen, Modèle:Lié. Jurade du 13 août 1584.
- ↑ Voir sur ces bruits, peu fondés à notre sens, l’Histoire du maréchal de Matignon par Jacques de Caillière, et les services qu’aurait rendus à la Cour la maréchale de Matignon en dévoilant à temps, au commencement de cette année 1584, ces intrigues souterraines et ce projet de complot ; Modèle:Pg164 et suivantes.
- ↑ Voir Histoire de Notre-Dame de Bon-Encontre, par un Prêtre Mariste. (Avignon, Seguin frères, 1883). Petit Modèle:In-8° de 372 pages. Ouvrage très documenté.
- ↑ Toulouse, par Arnaud Colomiez, 1642. Modèle:In-12 de 11 Modèle:Abr, 882 Modèle:Pp. Très rare.
- ↑ L’Heureuse Rencontre, Modèle:Pg324.
- ↑ Archives municipales d’Agen, Modèle:Lié. Mandat pour solde des dépenses de la collation offerte à la Roine de Navarre.
- ↑ Archives municipales de Condom.
- ↑ Mézeray, Histoire de France.
- ↑ Boullogne-sur-Gesse, canton de Saint-Gaudens (Haute-Garonne).
- ↑ Foix et Comminges, par Ernest Roschach (Paris, Hachette, 1862). Modèle:In-12.
- ↑ Pierre de Rignol, Modèle:Lang (1619).
- ↑ Vieux mot, synonyme de stérile.
- ↑ Poésies de Salluste du Bartas, troisième jour de la Première Semaine, lesquelles parurent en 1578, eurent un nombre infini d’éditions et furent l’ouvrage le plus lu peut-être de la fin du Modèle:S.
- ↑ Modèle:M. ou des Espaux, second supérintendant de la maison de la Reine.
- ↑ Modèle:Abr, fonds français, Modèle:Vol.3,325 (Modèle:Abr 8.828), Modèle:Pg89. Modèle:Abr Lettre inédite.
- ↑ Alan, canton d’Aurignac, arrondissement de Saint-Gaudens (Haute-Garonne).
- ↑ Modèle:Abr Élix, canton de Fousseret, arrondissement de Muret (Haute-Garonne).
- ↑ Voir : Le château de Modèle:Abr Élix, par l’abbé Carrière, et récemment : La construction du château de Modèle:Abr Élix (1540-1528), par Modèle:M., archiviste de la Haute Garonne (Extrait du Bulletin archéologique).
- ↑ Seysses-Tolosane, canton et arrondissement de Muret.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom Modèle:Pg698 et en note : « Lettre de Marguerite au Roi son mari », tirée de la Bibliothèque de Tours.
- ↑ Archives nationales, KK., Modèle:Vol.174, Modèle:Pg111.
- ↑ Voir année 1582. Mais pour cette année 1585 aucune somme ne fut payée.
- ↑ Modèle:Abr Autographe. Fonds Dupuy, Modèle:Vol.217. Lettre inédite. Non datée, cette lettre ne peut avoir été écrite que quelques jours après la fête des Rois, en 1585. Elle est trop humble pour remonter à 1580, année où le roi de Navarre se trouvait à ce moment à Mazères et sa femme à Nérac. En 1581, ils étaient tous deux à Coutras ; en 1582, tous deux ensemble à Nérac. En 1583, Marguerite passa le mois de janvier à Paris. En 1534, à Agen. Seule l’année 1585 nous paraît donc devoir concorder avec le ton de cette lettre.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg79.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg7.
- ↑ Voir aussi Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg546, où il est dit que « si le Roi de Navarre fit arrêter un de ses secrétaires qui avait accompagné sa femme, c’était pour obtenir de lui quelque révélation, surtout en ce qui louche Modèle:M.. » Mais depuis longtemps Chanvallon était bien oublié !
- ↑ Mémoires du duc de Bouillon. Modèle:Abr Petitot, Modèle:Pg209.
- ↑ Mémoires de d’Aubigné.
- ↑ Archives municipales d’Agen. Modèle:Lié. Cette enquête a été utilisée déjà, d’abord par Modèle:M., dans son Mémoire, La domination de la Reine de Navarre à Agen, en 1585, paru dans le Bulletin du Comité des Travaux historiques pour l’année 1890. Modèle:Abr 2 et 3 ; puis par Modèle:M. dans son travail, La Ville d’Agen pendant les guerres de religion, Modèle:Chap.Modèle:Rom, paru dans la Revue de l’Agenais, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg91. Très fouillées, très consciencieuses, ces deux études n’ont malheureusement jamais été tirées à part. Nous leurs ferons de nombreux emprunts.
- ↑ Voir la note précédente que nous avons consacrée au souvenir de cette Maison de la Reine Marguerite, rue de l’Modèle:Lang, plus tard rue des Colonels-Lacuée, maison aujourd’hui détruite, et dont nous reproduisons la gravure.
- ↑ Archives municipales d’Agen, Modèle:Lié.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Déposition de Modèle:Me Dupré. Nous dirons plus loin, en 1586, ce qu’était cet Aubiac et quelle triste fin lui fut réservée.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:Lié, Modèle:Pg9.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié, Modèle:Pg10.
- ↑ Modèle:Abr, fonds français, Modèle:N°15,891, Modèle:Fol.391 et 398.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié.
- ↑ Michel du Bouzet, seigneur de Roquepine et de Sainte-Colombe, était fils aîné d’Arnaud du Bouzet et de Marie de Loze. Il prit part à toutes les luttes religieuses de la Gascogne (Voir Généalogie des du Bouzet par Noulens, Maisons historiques de Gascogne, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg86.)
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Déposition de Jehan Dupré. Tous les autres témoins déposent dans le même sens.
- ↑ Modèle:Abr, fonds français, Modèle:Vol.15.569, folio 176. Cf. ; Archives historiques de la Gironde, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg285.
- ↑ Histoire du maréchal de Matignon, par Jacques de Caillières, Modèle:Pg159.
- ↑ Pour cette année 1583, les consuls d’Agen étaient : Modèle:Me de Lescazes, licencié ès droits et avocat, sire Jehan Gardès, bourgeois et marchand, sire Alain de Vaurs, bourgeois et marchand, sire Arnaud Albinhiac, bourgeois, Modèle:Me de Landas, avocat, et sire Pierre Mathieu, marchand.
- ↑ Ce Duras était Jean de Durfort, vicomte de Duras, fils de Symphorien de Durfort et de Barbe Cauchon de Maupas, dame d’honneur de Marguerite, le même dont le duel avec Turenne était resté si fameux.
- ↑ Certains mémoires concernant l’antiquité d’Agen, escripts à la main par feu Modèle:M., consul et jurat de la ville d’Agen, et commençant en l’an 1570. Extrait de la Chronique du frère Hélie, dont l’original se trouve à l’Évêché d’Agen, mais dont une copie, provenant de la bibliothèque de Saint-Amans, existe actuellement aux archives départementales de Lot-et-Garonne. (Voir le chapitre relatif à l’Ermitage d’Agen, au tome Modèle:Rom, Modèle:Pg445 de notre travail : Les Couvents d’Agen avant 1789). Cf. : Revue de l’Agenais, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg531 et suivantes.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Déposition de Pierre de Lafont.
- ↑ François Robert de Lignerac, seigneur de Pléaux, Saint-Chamans, Bazanes, Nerestang, gentilhomme de la chambre du Roi, bailli et lieutenant général de la Haute Auvergne. Il ne fit sa soumission à Modèle:Roi qu’en 1596 et mourut en 1613. (Note de Modèle:M. de Dienne.)
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Déposition de Modèle:Me de Lafont.
- ↑ Modèle:Lang. Déposition de Modèle:Me de Longueville.
- ↑ Modèle:Lang. Déposition de Modèle:Me de la Rigaudière, juge d’Astaffort.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Dépositions de Modèle:Me, de Lafont, Dupré.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg74.
- ↑ Modèle:Lang, Modèle:Pg79.
- ↑ Modèle:Abr, fonds français 15.908, Modèle:F°42. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg318.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg612.
- ↑ Mémoires du consul Trinque. Revue de l’Agenais, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg534.
- ↑ Voir le plan du couvent des Jacobins au tome Modèle:Ier, Modèle:Pg61, de notre travail sur les anciens Couvents d’Agen avant 1789.
- ↑ Déposition de maître Pierre de Lafont. Archives municipales, Modèle:Lié. Dans ce même registre se trouve « l’Estat et roolle des maisons abattues et desmolies dans la ville d’Agen, depuis le mois de mars 1585 jusqu’au 25 de septembre, ensemble du nom des propriétaires et à quelle portion de tailles. » Les principales rues atteintes furent : la rue de la Porte Neuve, où se trouvaient les maisons de Modèle:Me Jauffrion, d’Antoine Delfont, de Guillaume de Lary, procureur ; la rue de l’Modèle:Lang, avec les maisons de Bernard Durand, procureur, Firmin de Pujols, chevalier, de Pierre Galaup, de Jehan Lescazes, de la Mothe-Cambefort, etc ; la rue du Mortier ; enfin la rue Garonne, où furent renversées plus de quinze maisons, dont celles de Bertrand Teyssèdre, de Jehan Delmoly, de Norete de Sorel, de Modèle:Me, de Durand Labrunie, etc.
- ↑ Modèle:Lang.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg82. — Archives de Modèle:M. de Neslot.
- ↑ Mézeray. Histoire de France, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg596.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg85.
- ↑ Mézeray. Histoire de France, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg596 et suivantes. — Cf. Cassany-Mazet. Histoire de Villeneuve-sur-Lot. Modèle:1re édition, 1837, Modèle:Pg89-97.
- ↑ Mézeray, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg597.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg585.
- ↑ Archives du château de Malliac à Modèle:M. (Gers).
- ↑ Pour Saint-Mézard, sur la rive gauche du Gers, à douze kilomètres en aval de Lectoure.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg122.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Déposition de Modèle:Me.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Rapport fait par Modèle:MM. au juge enquêteur, Modèle:M..
- ↑ Journal du consul Trinque.
- ↑ Nom sous lequel les Ligueurs désignaient le plus souvent Marguerite de Valois.
- ↑ Archives nationales. Modèle:Lié. Modèle:Lié : pièces 119. Collection Simancas.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg98.
- ↑ De Thou. — Voir aussi Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg125 Modèle:Et suiv.
- ↑ Archives nationales. Modèle:Lié. Collection Simancas.
- ↑ Archives municipales. Modèle:Lié. Déposition des témoins précités et aussi des sieurs Gardès et Buard, bourgeois et marchands de la ville d’Agen.
- ↑ Bibliothèque nationale. Nouveau fonds français. Modèle:No 5128, Modèle:F°86. — Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg351.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Déposition de Modèle:M. Fauveau, praticien.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Ordonnance datée de Tonneins du 20 septembre. Pièces justificatives à l’enquête, Modèle:Rom.
- ↑ Journal du Consul Trinque. Revue de l’Agenais, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg533. Ce Modèle:M. n’était autre qu’Étienne de Nort, seigneur de Franc, près d’Agen, qui, en récompense de ses services, fut élu premier consul l’année suivante.
- ↑ Labénazie. Histoire manuscrite, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg282.
- ↑ François de Robert de Lignerac, seigneur de Pléaux, Saint-Chamant, Bazannes, Nerestan, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi. Il devint gouverneur d’Aurillac, bailli de la Haute-Auvergne, et l’un des plus chauds Ligueurs de cette contrée. Il se soumit cependant à Modèle:Roi et le servit fidèlement jusqu’à sa mort, arrivée le 13 mars 1613, au château de Saint-Quentin, dans la Marche.
- ↑ Divorce satyrique, édition Gay, 1878, Modèle:Pg22. — Voir aussi la Chronique du frère Hélie, Labénazie, Labrunie, Saint-Amans, Bayle, Brantôme, etc., etc. Une lettre fort curieuse, à peu près inconnue et qui confirme entièrement notre récit, est celle qu’écrivit Messire Joseph de Lart de Galard, chevalier de l’ordre du Roi, seigneur de Goulard en Bruilhois, d’Aubiac et de Birac, à l’un de ses frères, résidant en Limousin. Après s’être apitoyé sur la mort d’un autre de ses frères, il lui rend compte en ces termes de l’affaire d’Agen. La lettre est datée de Birac, près de Marmande, du 21 septembre 1585 ; « …Je vous advise que les habitans d’Agen se sont eslevés contre la Royne de Navarre, à son de tocsain ; et après grande occision de ses gens et sur le conflit, elle, advertie que la victoire inclinoit pour les citoyens qui avoient forcé une de ses citadelles et maistrisé la ville, réservé la citadelle des Jacobins, où elle s’estoit retirée, (quelques jours auparavant mercredy dernier que cela fut exécuté) et la porte Saint-Antoine, n’eut remède que se sauver en trousse avec quarante ou cinquante chevaux, mon frère étant du nombre, et le lendemain, suivie par Modèle:M. de Matignon, avec trois ou quatre cornettes de cavalerie ; mais il fust loint, car elle avait gagné Cahors en Quercy d’une traite. Madame de Noailles, avec vos nièces, se retira dans le Couvent de la Nonciade, où elle se porte très bien, graces à Dieu… » (Archives de la famille de Noailles. — Cf. : Cabinet historique, 1873, Modèle:Pp.411-412.)
- ↑ Journal de Trinque.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié.
- ↑ Archives municipales, Modèle:Lié. Pièces justificatives de l’enquête, Modèle:Rom. — Cf. : Modèle:Lié. Pièces justificatives, Modèle:Rom, etc.
- ↑ Dictionnaire de Bayle. Modèle:Art..
- ↑ Modèle:M. entre autres : Trois amoureuses au Modèle:S, Modèle:Pg239. — Cf. : Brantôme, etc.
- ↑ Histoire de Marguerite de Valois, par le comte Léo de Saint-Poncy, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.216-221.
- ↑ Voir Généalogie de la famille de Galard, par Noulens, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg1107.
- ↑ Divorce satyrique. Cf. : Journal de l’Estoile. — Voir sur le château de Carlat l’intéressante notice de Modèle:M. de Sartiges, parue dans le Dictionnaire statistique du département du Cantal ; Cf. : Histoire des guerres religieuses en Auvergne, par Modèle:M., Riom. 1846 ; enfin, le beau volume de Modèle:M. de Dienne et G. Saige : Étude historique sur la vicomté de Carlat. Monaco, 1900. Modèle:In-4° de 388 pages.
- ↑ Voir notamment Davila et Modèle:M., Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg225 Modèle:Et suiv.
- ↑ D’Aubigné, Histoire Universelle, Modèle:Éd. de Ruble, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg305.
- ↑ Archives nationales, Modèle:Lié, Modèle:Lié. Collection Simancas.
- ↑ Archives nationales, Modèle:Lié.
- ↑ Dans les dépenses de la Reine nous lisons entre autres choses qu’elle dut payer à ce moment 3 écus, 20 sols à Pierre Veret, portefaix, « pour avoir porté, d’Agen à Carlat, plusieurs bouteilles d’eau de senteur. » (Modèle:Abr, Modèle:Lié.)
- ↑ Archives municipales d’Agen, Modèle:Lié.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées. Modèle:Lié.
- ↑ Lettres missives, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg153 ; — d’après l’Modèle:Abr de l’Arsenal. Modèle:Abr Histoire, Modèle:No179, Modèle:T.Modèle:RomModèle:Er.
- ↑ Archives nationales. KK. Modèle:Vol.175.
- ↑ Histoire de Marguerite de Valois, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg222-251.
- ↑ Mémoires de Marguerite. Introduction. Modèle:Abr elzévirienne.
- ↑ Trois Amoureuses au Modèle:Rom-majModèle:E siècle.
- ↑ Modèle:Lang
- ↑ Modèle:Abr Modèle:N°15,908, Modèle:F°78. Cf. : Lettres de Catherine, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg375.
- ↑ Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, Modèle:N°Modèle:Rom du manuscrit. Lettre publiée pour la première fois par nous, dans le fascicule onzième des Archives historiques de la Gascogne. Auch, 1886.
- ↑ Étude historique sur la vicomté de Carlat, par le comte de Dienne, Modèle:Pg338, note.
- ↑ Archives nationales, Modèle:Lié.
- ↑ Brantôme, Vie des dames illustres, Modèle:Art.Marguerite.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg638.
- ↑ Histoire de Marguerite, par Modèle:M., Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg237.
- ↑ Archives des Médicis, Modèle:Lang. Modèle:No 4.726, Modèle:Pg509. — Cf. : Trois Amoureuses au Modèle:Rom-majModèle:E siècle. Modèle:Lié.
- ↑ Vicomte de Sartiges. Modèle:Lang
- ↑ Archives nationales, Modèle:Lié, Modèle:Lié, pièce 124. Modèle:Abr Simancas.
- ↑ Divorce satyrique.
- ↑ Négociations diplomatiques avec la Toscane, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg667.
- ↑ Il est dit au livre des comptes, pour cette année 1586, Modèle:Lié, « que le sieur d’Aubiac, escuyer de l’écurie de ladicte dame Reine, touche chaque mois la somme de 12 écus. »
- ↑ Ce Cambon était Pantaléon de Robert du Cambon, propre frère de Lignerac.
- ↑ Le texte de cette lettre, qui faisait partie de la collection Noailles, Modèle:Fol.323, Modèle:1re série, à la bibliothèque du Louvre brûlée lors de la Commune, a été heureusement sauvé par Modèle:Abr Tamizey de Larroque, pour l’avoir publié en janvier 1870 dans la Revue des Questions historiques.
- ↑ Ne serait-ce pas le chevalier de Mirefleur qu’il faudrait lire et non le chevalier de Belle fleur, dans l’appellation de Lignerac faite par Marguerite au départ d’Agen ?
- ↑ Modèle:Abr Fonds de Mesme, Modèle:Vol.604, Modèle:F°15.
- ↑ Château qui appartenait alors à Louis de La Rochefoucauld, comte de Randan, ligueur déterminé.
- ↑ Voir aussi le dessin, Modèle:Fol.85, du bel armorial manuscrit de Guillaume Revel, héraut d’armes du roi Modèle:Roi, déposé à la Bibliothèque nationale.
- ↑ Modèle:Abr Fonds Dupuy, Modèle:Vol.217, Modèle:Fol.193 ; Cf. : Fonds Brienne, Modèle:Vol.295, Modèle:Fol.155 ; — Cf. : Collection Simancas, Modèle:Lié, Modèle:Lié ; — Cf. : Guessard, Modèle:Pg297.
- ↑ Modèle:Abr de Saint-Pétersbourg. — Cf. : La Ferrière, Modèle:Pp.240-242.
- ↑ Divorce satyrique. — Voir, dans l’ouvrage de Modèle:M., Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg273, les jolis vers que Marguerite aurait écrits plus tard, au souvenir de son amant infortuné.
- ↑ Négociations diplomatiques, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pp.661 et 669.
- ↑ Bibliothèque du Louvre. Papiers des Noailles. Lettre publiée déjà par Louis Paris, dans le Cabinet historique, 1874, Modèle:Pp.71-72. — Cf. : Généalogie des Galard, par Noulens, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg972.
- ↑ À deux kilomètres de Saint-Amand, où se trouvait également un vieux château.
- ↑ Négociations diplomatiques, Modèle:T.Modèle:Rom, Modèle:Pg669.
- ↑ Nous possédons un bois fort curieux, représentant le château d’Usson tel qu’il était au Modèle:S, d’après une gravure originale de l’époque. Ses multiples enceintes, ses bastions, ses courtines et ses tours hérissées de défenses, devaient en faire véritablement un des châteaux les plus forts de France. On sait qu’il fut entièrement rasé en 1634 par ordre de Richelieu. Il n’en reste plus une seule pierre. Nous en donnons une reproduction ci-contre.
- ↑ Bayle, entre autres.
- ↑ Hilarion de Coste, Éloge de la Reine Marguerite.
- ↑ Darnalt, Les Antiquités d’Agen et pays d’Agenais, Modèle:Ch.Modèle:Rom, Éloge de la Reine Marguerite.
- ↑ Les noms de lieu sont en caractères italiques.