J’ai revu, quasiment triomphal (Verlaine)
J’ai revu, quasiment triomphal,
La ville où m’attendaient ces mois d’ombre.
Mon malheur était lors sans rival,
Mes soupirs, qui put compter leur nombre ?
J’ai revu, quasiment triomphal,
Ces murs qu’on avait crus d’oubli sombre.
Le train passait, blanc panache en l’air
Devant la rougeâtre architecture
Où j’eus vécu deux fois un hiver
Et tout un été sans aventure.
Le train passa, blanc panache en l’air
Avec moi me carrant en voiture.
Sans aventure, ah ! oui, ces hivers
Et cet été, d’aventure aucune,
Moi qui les aime, à titres divers,
Soit en plein scandale ou sous la lune !
Sans aventure, ah ! oui, les hivers
Et cet été, la morne infortune !
Ingrat cœur humain ! mais souviens-toi,
Gentleman improvisé qui files,
Mais souviens-toi donc. Ici la Foi
T’investit loin du péché des villes.
Ingrat cœur humain, mais souviens-toi
Qu’ici la Foi but tes larmes viles !
Le train passe et les temps sont passés,
Mais je n’ai pas oublié la bonne,
La grande aventure et je le sais
Que Dieu m’a béni plus que personne.
Le train passe, les temps sont passés,
Mais l’heure de grâce reste et sonne.