Je t’apporte ce soir comme offrande ma joie

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Mercure de France (p. 79-80).

V


Je t’apporte, ce soir, comme offrande, ma joie
D’avoir plongé mon corps dans l’or et dans la soie
Du vent joyeux et franc et du soleil superbe ;
Mes pieds sont clairs d’avoir marché parmi les herbes,
Mes mains douces d’avoir touché le cœur des fleurs,
Mes yeux brillants d’avoir soudain senti tes pleurs
Naître, sourdre et monter, autour de mes prunelles,
Devant la terre en fête et sa force éternelle.

L’espace entre ses bras de bougeante clarté,
Ivre et fervent et sanglotant, m’a emporté,
Et j’ai passé je ne sais où, très loin, là-bas,
Avec des cris captifs que délivraient mes pas.

Je t’apporte la vie et la beauté des plaines ;
Respire-les sur moi à franche et bonne haleine,
Les origans ont caressé mes doigts, et l’air
Et sa lumière et ses parfums sont dans ma chair.