Journal (Eugène Delacroix)/24 janvier 1824

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 54-56).

Samedi 24 janvier. — Aujourd’hui je me suis remis à mon tableau ; dimanche dernier 18, j’ai cessé d’y travailler. J’avais commencé le lundi précédent quelques croquis seulement, ou plutôt le mardi 13 ; j’ai dessiné et fait aujourd’hui la tête, la poitrine de la femme morte qui est sur le devant. À l’exception de la main et des cheveux, tout est fait.

— Ce soir présenté chez M. *** et demain dîner chez Mme Lelièvre. Je disais ce soir à Édouard que, au lieu de faire comme la plupart des gens qui ont fait leur progrès dans la guerre de la vie à l’aide de leur lecture, il m’arrive de ne lire que pour confirmer ceux que je fais à part moi, car depuis que j’ai quitté le collège je n’ai point lu ; aussi je suis émerveillé des bonnes choses que je trouve dans les livres ; je n’en suis aucunement blasé.

— Hier vendredi 23, en sortant de dîner chez Rouget[1], il m’a pris une paresse qui m’a conduit au cabinet littéraire, où j’ai parcouru la vie de Rossini ; je m’en suis saturé et j’ai eu tort. Mais au fait, ce Stendhal est un insolent, qui a raison avec trop de hauteur et qui parfois déraisonne.

Rossini est né en 1792, l’année où Mozart mourut.

Jeudi 22 janvier. Passé chez moi la soirée et une partie de la journée chez Soulier, où fait l’aquarelle du Turc par terre[1]. Il m’a envoyé à sa place dîner chez sa mère.

— Le mercredi 21, passé en partie aussi chez Sourlie et vu ma sœur.

— Été pour l’affaire du général Jacquinot chez M. Berryer[2].

Le soir, chez Leblond, qui avait passé partie de la journée chez Soulier.

  1. a et b Voir le Catalogue Robaut, no 54.
  2. Berryer était parent de Delacroix, petit-cousin, croyons-nous. Il est probable que c’est à ce titre que le général Jacquinot avait prié Delacroix de le mettre en relation avec le célèbre avocat. Bien qu’il y eût peu de points communs entre Delacroix et Berryer, lequel n’était nullement artiste, malgré sa curiosité des choses d’art, Delacroix allait souvent à Augerville, et il résulte de sa correspondance qu’il ne s’y déplaisait pas. Ses séjours dans la propriété de Berryer étaient autant de repos pour lui. Dans les dernières années du journal, il se montrera assez sévère pour l’esprit de son illustre parent, auquel il reprochera d’être éminemment superficiel. (V. Souvenus de M. Jaubert. Ce livre contient de très intéressants détails sur Delacroix, Berryer et la société d’Augerville.)