Journal (Eugène Delacroix)/25 août 1850

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 36-37).

Vendredi 25 août. — Un critique dit de M. Bazin[1] : « M. Bazin est un homme de beaucoup d’esprit et qui se pique de n’avoir rien, en écrivant, de l’érudit de profession et du pédant. » Je me permettrai seulement de demander si, dans cette abstinence absolue de toute citation et de toute note en un genre d’ouvrage qui les réclame naturellement, si dans cette suppression exacte de tout nom propre moderne, là même où l’auteur y songe le plus et y fait allusion, si dans cette attention tout épigrammatique de ne laisser sans rectification aucune des petites erreurs d’autrui, il n’y a pas une sorte de pédantisme. L’honnête homme est celui qui ne se pique de rien, a dit La Rochefoucauld ; M. Bazin se pique d’être honnête homme. Quand on fait un métier, il faut franchement en être ; c’est à la fois plus simple, plus commode, et de meilleur goût.

— Ce que dit M. Villemain de l’histoire (quelle est toujours à faire, etc.) peut se dire de tout. Non seulement je puis trouver, dans les récits d’un autre, matière à de nouveaux récits intéressants à mon point de vue, mais le propre récit que je viens de faire, je le referai de vingt manières différentes. Il n’y a probablement que Dieu ou qu’un dieu pour ne dire des choses que ce qui doit en être dit.

  1. Il s’agit ici de Bazin, historien, né en 1797, mort en 1850, auteur d’ouvrages historiques estimés, notamment une Histoire de France sous Louis XIII et sous le cardinal Mazarin, qui obtint le prix Gobert.