Journal (Eugène Delacroix)/29 avril 1851

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 54-57).

Mardi 29 avril[1]. — Ton des enfants dans le tableau de Python. Après avoir cherché et massé avec des tons frais et demi-teinte en même temps, modelé à sec en mettant des clairs très empâtés de blanc et très peu de vermillon.

Sur les ombres, frotté le ton de vermillon, bleu de Prusse et blanc, lequel doit déborder pour faire la demi-teinte bleuâtre, et sur lequel, pour faire le reflet, on met le ton de blanc et vermillon avec antimoine ou cadmium, mais l’antimoine fait plus frais. En repassant ce reflet qui doit faire mieux à sec, il faut ajouter le ton de bleu de Prusse ci-dessus à l’antimoine.

Les tons de repiqués vigoureux dans les ombres ou de contours prononcés en brun avec vermillon et cobalt. Ce ton est excellent pour préparer et chercher le dessin par la couleur dans les natures fraîches.

Pour finir les clairs, repeindre légèrement avec des demi-pâtes pour lier le rehaut de blanc avec la masse générale.

Pour retoucher la Vénus qui était trop jaune, frotté les ombres surtout et presque toutes les parties avec laque jaune et laque rouge. Pour le reflet dans les ombres sur ce frottis, antimoine avec bleu de Prusse, vermillon et blanc. Ce ton est très remarquable.

Pour les reflets de chairs tendres plus chauds, mettre cadmium, au lieu d’antimoine. Cette dernière couleur fait très bien aussi avec terre de Cassel, et blanc.

Cette préparation de bleu de Prusse, vermillon et blanc s’applique aux chairs dont la demi-teinte est violette, comme dans le pastel que j’ai fait d’après Mme Cavé. Pour celles, au contraire, dont la demi-teinte est verte, préparer avec terre d’ombre naturelle, blanc on tout autre ton verdâtre.

La terre verte peut servir beaucoup. Sur un de ces enfants qui étaient préparés trop rouge, un simple glacis de terre verte a fort bien fait.

Autre ton vert plus vif, que j’ai employé dans la Nymphe, en contraste avec le ton bleu de Prusse : vermillon, blanc, vert émeraude, jaune de Naples.

— La Nymphe sur une ébauche frottée et presque au ton, frotté le tout avec laque jaune et laque rouge. Remarqué les principaux accents, au bord d’ombres, avec cobalt et vermillon, ou peut-être mieux terre de Cassel et blanc foncé et vermillon (ton excellent pour les bords d’ombres ou pour des enfoncements qu’on rend chauds ou froids à volonté) ; posé demi-teinte de bleu de Prusse, vermillon, blanc, également vers l’ombre et vers le clair, de manière qu’en reflétant l’ombre avec un ton chaud ou doré vers le clair, ce ton se mêle avec les tons de chair dans le clair posés avec la variété convenable…

Par places dans l’ombre, le ton vert fait avec vert émeraude, jaune de Naples, et par places aussi comme demi-teintes dans le clair. Dans les parties sanguines, cette demi-teinte est nécessaire pour reprendre, comme dans l’Enfant au trident, où elle est faite avec de la terre verte, frottée presque sur toute la préparation qui était d’un ton de chair clair et déjà brillant.

Les tons de chairs, en s’ajoutant et se mêlant à ces frottis de terre verte, donnaient la demi-teinte sanguine.

— Dans la Nymphe, employé très beau ton de chair brillant et vigoureux de vermillon, blanc, jaune de chrome foncé avec vert émeraude, jaune de Naples.

— Le Cheval rouge. Sur une préparation demi-teinte de cheval alezan foncé, clairs presque couleur de chair, mais un peu plus vifs et en rubans. Plaques d’une demi-teinte plus forte et assez chaude, tout contre les clairs touchés de terre d’Italie brûlée et brun rouge et même vermillon, les côtoyant presque nettement. Dans l’ombre, sur une demi-teinte d’ombre, parties brunes avec terre d’Italie brûlée et momie, modifiées à propos avec terre de Cassel et blanc très foncé faisant un gris violet. Reflets sous le ventre orangés verdâtres, violâtres. — Reflets du côté du ciel très franc avec bleu de Prusse, vermillon, blanc.

Nuages du deuxième plan sous le char.

  1. Toutes les observations techniques présentées ici par le maître sur le Python, la Vénus, la Nymphe, la Minerve, la Junon, se réfèrent à la célèbre composition : Apollon vainqueur du serpent Python, qui décore le plafond de la galerie d’Apollon au Louvre. Nous avons donné dans le précédent volume la description littéraire faite par lui-même, de l’œuvre qui devait le plus contribuer à sa gloire.