Journal (Eugène Delacroix)/5 mai 1851

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 57-60).

Lundi 5 mai. — Sur le gris jaunâtre du fond clair des nuages jaune de Naples, blanc, enfin le ton de l’esquisse ; l’ombre avec un ton liquide jaunâtre ou le jaune de Naples, la momie, etc., qui laisse un filet de ton gris de dessous entre le clair et lui ; sur cette ombre jaune, revenir avec terre de Cassel et blanc ; achevé de donner la finesse et le nacré.

Excellent reflet pour mettre sur une préparation grise à plat dans l’ombre des natures tendres, comme dans le groupe des trois enfants près de la Minerve : antimoine, cendre d’outremer et un ton rose plus ou moins foncé.

Ajouter du cobalt et vermillon de laque, autre variété très belle et plus foncée, avec du blanc, très beau violet rompu pour demi-teinte de chair.

Les hommes de Daniel[1] : ils étaient préparés très heurtés, l’un d’un ton très sanguin, l’autre plus jaune. Pour les achever, passé sur le premier un ton vert à demi-pâte, sur l’autre un ton gris violet. Le tout est devenu d’un ton louche voilant les clairs et les ombres ; touché par-dessus les chairs analogues et reflété les ombres ; le ton vert et violet donnant une espèce de demi-teinte intermédiaire.

Ombre pour l’or dans le char et en général : terre de Sienne naturelle, laque jaune, le jaune indien y fait également bien.

— Le cheval blanc : peint avec des tons carnés dans les ombres, mais formés plutôt de tons lilas et violâtres {terre de Cassel). Relevé ensuite par le ton de terre d’ombre et blanc, qui a donné le satiné.

Clairs définitifs des nuages portant la Junon, etc. : cadmium, blanc ou jaune de Naples, avec rose ; ils étaient modelés avec terre d’ombre naturelle et blanc et noir de pêche ; les premiers clairs avec momie et blanc.

— L’homme de devant : les clairs pour retouches, blanc, ocre jaune, teinte rose, terre de Cassel et blanc, jaune de zinc le plus citron. Demi-teinte : terre verte brûlée et blanc ; brun de Florence, terre verte ; à peu près de même pour les ombres, avec moins de blanc, c’est-à-dire la terre verte brûlée pure, etc.

— Renvoi pour la Nymphe : Sur la préparation des ombres faites avec un frottis de laque jaune et laque rouge, et surtout dans les parties obscures, revenir avec le ton de laque rouge et vermillon, et le vert qu’il faut mettre sur la palette à côté de ce dernier, terre verte, vert émeraude, blanc.

Sur le frottis pour revenir de laque rouge et laque jaune, rendre d’abord plus vigoureuses les ombres avec ce même frottis. Mettre ensuite à cheval sur le clair et l’ombre un ton gris violet ou gris bleu, soit bleu de Prusse, vermillon, blanc ou noir de pêche et blanc, ou un ton gris plus approprié encore à l’objet.

Dans les clairs, mettre franchement sur le frottis ci-dessus laque jaune et laque rouge, qui doit régner partout, les tons de vermillon et blanc (pour rose) ou cadmium et blanc (jaune orange), ou cobalt, vermillon, blanc (violet).

Dans les ombres, remarqué les bords avec cobalt, vermillon ou terre de Cassel foncée et vermillon, et dans le corps de l’ombre, projeter tons verts crus et violets ou bleus. Ensuite tons de cadmium et blanc et vermillon qui fait le ton orangé de l’ombre, et le vermillon, cobalt, laque rouge et blanc pour le violet rouge. Sur tout cela, dans l’ombre, revenir avec des tons de clair qui ôtent l’ardeur du ton.

Pour repeindre le bras de la Minerve : Sur l’ancien fond couleur de chair, marqué les ombres avec laque et laque jaune très solidement empâté ; peut-être un peu de terre verte dedans. — Teintes de vert et de violet mises crûment çà et là dans le clair sans le mêler, mais suivant la place ; ces teintes d’une valeur assez foncée, pour faire le bord de l’ombre.

Quelques-unes de ces teintes dans l’ombre sur le frottis.

Sur la partie dans le clair, ajouté ensuite tons de chairs clairs blanc et vermillon, ocre de ru et blanc, pour les plaques jaunes qui se trouvent dans la chair. Ton de laque et blanc (lequel suffit si c’est le vert de cobalt d’Édouard) ; si c’est celui qui est plus commun et qui ressemble à de la terre verte, y ajouter du cobalt. Ce ton de vert est très particulier à la chair fine des belles peaux, et prend beaucoup de valeur, mêlé au ton de laque et blanc.

Pour reprendre le ciel jaunâtre derrière le serpent, frottis de cobalt et vermillon. Clairs de laque jaune et le ton mauve de cobalt, vermillon, laque blanc.

  1. Delacroix fait ici allusion au tableau de Daniel dans la fosse aux lions qui est de 1849 et appartient à la galerie Bruyas de Montpellier. Les hommes de Daniel sont les deux personnages dont la tête et le haut du buste se détachent sur l’ouverture de la fosse et qui regardent épouvantés la scène biblique. Dans une variante de ce même sujet, datée de 1853, ils ont été remplacés par un aigle qui plane. Cette année, qui fut celle où il exposa l’Ugolin, il se présentait à l’Institut, qui lui préférait L. Cogniet. (Voir Catalogue Robaut, nos 1066 et 1213.)