Journal (Eugène Delacroix)/6 mai 1824

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 108-109).

Jeudi 6 mai. — D’assez bonne heure à l’atelier ; travaillé avec ardeur à la femme du coin, et en général à tout le coin du cheval.

Dufresne vers deux heures, jusqu’à trois heures et demie : il paraît content. J’ai repris après son départ, jusqu’à sept heures et demie.

— Aujourd’hui, le Barbier de Séville à l’Odéon.

Hier mercredi 5 mai. — Travaillé au cheval, depuis neuf heures environ, jusqu’à deux heures. — Chez Champmartin. — Monté sur le cheval de Marochetti. Sauté de l’autre côté : je ne m’en croyais pas capable ; j’ai failli être écrasé par le cheval, parce que je n’ai pas su prendre mon aplomb en retombant. — Retourné par le Luxembourg… Vif sentiment de bien-être et de liberté ![1] Penser toujours que la nature humaine trouve dans toutes les situations de quoi les supporter ou en tirer avantage…, le plus souvent, du moins.

— Dîné à quatre heures et demie. Trouvé Fedel et Comairas à la porte de mon atelier. Achevé la soirée avec eux.

— J’ai vu chez Comairas des Pinelli[2] superbes… Quel effet me feront donc les originaux ? Le Combattimento est fameux.

  1. C’est là, sous les ombrages de ce jardin du Luxembourg où, en 1824, Delacroix éprouvait ces sentiments de bien-être et de liberté, que se dresse aujourd’hui le monument élevé à la mémoire et à la gloire du maître par ses fidèles admirateurs.
  2. Pinelli, célèbre peintre et graveur italien, né à Rome en 1781, mort en 1835. Il gravait surtout à merveille à l’eau-forte, et on a de lui, en ce genre, des œuvres d’une touche pleine de vivacité, de force et d’éclat.