Journal (Eugène Delacroix)/7 octobre 1848

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 389-390).

Le lendemain dimanche 7, visité le jardin tout mouillé. Je n’ai pas été trop désappointé. Les arbres ont grandi dans une proportion extraordinaire et donnent à l’aspect quelque chose de plus triste qu’autrefois, mais dans certaines parties un caractère presque sublime. La montagne à gauche vue d’en bas, avant d’arriver aux petites cascades ; les arbres verts entourés de lierre vers le pont. Malheureusement le lierre qui les embrasse et fait un bel effet, les dévore et les fera périr avant peu.

Après déjeuner, visité avec Bornot et Gaultron la chapelle[1]. Le temps est mauvais et nous tient enfermés.

Avant dîner, j’étais souffrant. Je ne suis pas très bien depuis mon arrivée à Rouen. Nous sommes sortis malgré la pluie et avons grimpé la côte d’Angerville… Ces routes sont devenues superbes.

Le lendemain, journée de pluie tellement continue, qu’il ne m’a pas été possible de mettre le pied dehors. Quelques personnes à dîner : le curé, personnage grassouillet, qui sourit à chaque instant avec un petit sifflement entre les dents et qui ne dit mot ; la directrice des postes, personne aimable, et la bonne madame d’Argent. Joué au billard, etc.

  1. Delacroix exécuta à l’abbaye de Valmont des fresques. Elles furent peintes en 1834. À ce propos, il écrivait à Villot : « Le cousin m’a fait préparer un petit morceau de mur avec les couleurs convenables, et j’ai fait en quelques heures un petit sujet dans ce genre assez nouveau pour moi, mais dont je crois que je pourrais tirer parti, si l’occasion s’en présentait… J’avoue que je serai singulièrement ragaillardi par un essai dans ce genre, si je pouvais le faire sérieusement et en grand.» (Voir Correspondance, t. I, p. 203 et 204.)