Journal (Eugène Delacroix)/9 août 1850

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 24-26).

Malines, vendredi 9 août. — Malines. Couru encore les églises dans la matinée ; la Pêche m’a paru bien plus belle ; le Saint Pierre et le Saint André, qui servent de volets, admirables. Le Tobie, qui est l’envers du volet de saint André, est moins remarquable que l’autre, qui est le poisson trouvé par saint Pierre. … Quelle aisance dans ce saint Pierre debout, drapé dans son manteau ! Qu’il a peu cherché pour cela ! Ces pieds vigoureux, cet arrangement puissant, ce bout de filet qui pend ! Quelle force et quelle facilité[1] !

Charmante Élévation en croix. Bas-relief dans les bas côtés.

Temps charmant. Couru les autres églises avec un plaisir extrême. D’abord Notre-Dame d’Answyck : église moderne et bizarre ; grands bas-reliefs au-dessus des arcades portant le dôme. Portement de croix, etc. Chaire à prêcher : Adam et Ève se cachant après le péché.

Pris les remparts par le temps le plus gai, pour aller à l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, très belle église style Louis XIV, très riche, la plus riche de là.

Enfilades de tableaux représentant des miracles de Jésuites et autres religieux, peu remarquables, mais faisant leur effet, adossés aux murs et dans l’architecture. Peintres occupés à repeindre les piliers. On repeint sans cesse ici.

La place de l’Église a fort bon air.

Revenu à Saint-Rombaud et revu le Van Dyck, qui m’a moins déplu.

Rentré fatigué. J’avais abusé un peu, dans l’intention où j’étais d’aller dessiner. Reposé une heure environ et parti avec Jenny pour l’église Saint-Jean, où j’ai dessiné deux ou trois heures. Acheté des pots d’étain.

Le soir, je suis sorti de nouveau par la porte de ville qui est au bout de notre rue. Le matin, j’avais fait cette connaissance ; le soir, elle était très pittoresque.

Revenu près de l’église de Notre-Dame. Dévotion des femmes devant les stations.

Je me suis enfoncé dans les rues. Côtoyé un grand canal, et enfin, vers neuf heures, je me suis perdu vers la cathédrale, dont j’ai eu de la peine à revenir.

  1. « Ce qu’il y a de vraiment extraordinaire dans ce tableau, grâce aux circonstances qui me permettent de le voir de près et d’en saisir le travail aussi nettement que si Rubens l’exécutait devant moi, c’est qu’il a l’art de livrer tous ses secrets, et qu’en définitive il étonne à peu près autant que s’il n’en livrait aucun. Je vous ai déjà dit cela de Rubens, avant que cette nouvelle preuve me fût donnée. » (Fromentin, Les Maîtres d’autrefois, p. 61.)