Journal d’un bibliophile/Conclusion

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Imprimerie « La Parole » limitée (p. 139-140).


CONCLUSION


Je ne m’attarderai point à vous entretenir sur le plus ou moins de mérite de nos auteurs : poètes, romanciers ou historiens. Je n’ai point les qualifications voulues pour apprécier équitablement le travail ingrat auquel se sont livrés ces écrivains courageux dont le but principal était de soustraire à l’oubli les hauts faits de notre histoire.

Je n’ai point non plus la prétention d’être le pionnier des collectionneurs, car l’art de collectionner, je crois bien, dut être pratiqué dès l’existence des premiers habitants sur la terre.

Noé, en effet, ne fut-il pas collectionneur pendant les années qu’il consacra à la construction de l’arche et à son peuplement de toutes les espèces d’animaux existantes ? Il dut éprouver des joies indicibles à rassembler ainsi les innombrables spécimens du règne animal. Les plus insatiables collectionneurs de notre temps eussent sans doute trouvé là de quoi se satisfaire.

De tout temps, il y eut des collectionneurs d’oiseaux, de papillons, de timbres, de vieux meubles, de bibelots et de pipes de plâtre… J’en ai connu un qui collectionnait les boutons ! Il est mort célibataire… Il l’avait bien mérité.

Mais qu’importe la manie de celui-ci ou de celui-là ? Ils en éprouvent du contentement, et cela suffit.

Pour moi, — je l’ai dit et je le répète, — à collectionner les œuvres de mes compatriotes, à lire l’histoire de notre pays, de nos paroisses, de nos familles, de nos légendes, je ressentais du bien au cœur, je vivais heureux, tranquille et, encore aujourd’hui, j’en éprouve un bonheur de tous les instants…

Et, comme dernier mot, je dirai : Lisons plus les Groulx, les Chapais, les Lalande, les Roy, les Rivard ; faisons une meilleure part à ceux des nôtres qui consacrent leurs loisirs à nous édifier une littérature nationale, et apprenons un peu à être fiers de nous-mêmes.

F I N